jeudi 31 janvier 2013

Artistes de nature en ville de Marc Pouyet


J'ai eu un coup de coeur cette semaine non pas pour un roman mais pour un livre d'art, de land art très exactement, paru aux éditions Plume de carotte : " artistes de nature en ville , pratiquer le land art urbain".
Marc Pouyet ( non pas Nils Udo ! ) est un illustrateur mais surtout un artiste plasticien français dont le travail consiste à rechercher des éléments naturels et de les mettre en scène comme ici, en milieu urbain.


J'ai été touché par la poésie que dégage ce livre fait essentiellement de photos toutes plus créatives les unes que les autres. Divisé en quatre parties, en fait les quatre saisons, Marc Pouyet nous propose et nous invite à regarder la ville autrement et surtout à la rendre plus sensible et plus proche. Quelques feuilles vertes ou d'automne, un peu de mousse, quelques brins d'herbe, une brindille et hop, notre quotidien urbain gris prend une autre dimension et devient plus convivial.

Je me suis pris à rêver que tout le monde, en attendant un bus, en flânant le long des rues, l'oeil aux aguets, se prenait au jeu du land art et pour le plaisir des autres (et de soi aussi) posait un bout de poésie sur un trottoir, une bouche d'égout, un mur gris. Du street art naturel en somme. Un peu éphémère certes mais tellement doux dans notre monde brutal. Je suis sûr que les crottes de chiens, joliment décorées de feuilles ou de pétales de fleurs,  auraient un air plus sympathique en plus d'être bien signalées au passant distrait...
Ce magnifique livre est un plaisir pour les yeux. Le feuilleter est un moment de douceur et de poésie mais aussi un véritable incitateur à une guérilla urbaine. On a envie de sortir dans la rue et de s'adonner à cet art fugace mais jouissif, un art naturel et à la portée de tous, un art pour embellir le quotidien, nos vies tristouilles et notre environnement bétonné. Un livre qui fait vibrer et donne envie de créer... à ne pas rater donc...
Artistes de la nature en ville de Marc Pouyet édité chez Plume de carotte  (220 pages en couleur) et vendu pour la modique somme de 29,50 euros.
Le site de l'auteur est magnifique aussi : http://www.marc-pouyet.net

mercredi 30 janvier 2013

Park avenue de Cristina Alger


Si vous ne connaissez pas New-York, Park Avenue est une rue où sont nichées toutes les grandes fortunes de la côte Ouest, planquées dans de luxueux appartements ou maisons balisés à même le trottoir par deux buis en pot méticuleusement taillés. Les rejetons de ces familles, qui ont tous fait leurs études à Harvard ou Princetown, jouissent de jobs grassement payés dans des cabinets d'avocats ou des banques d'investissement. Tout leur sourit. Dotés de physiques agréables et sportifs, ils brassent les dollars par millions et les cocktails par obligation.
Nous découvrons la très huppée famille Darling, la veille du congé de Thanksgiving. Ils sont embêtés les Darling, le financier et bien sûr ami Morty vient de se donner la mort. C'est un peu gênant tout de même car il met ainsi à jour une vaste escroquerie portant sur quelques milliards de dollars. En gros, les financiers de l'entreprise de gestion de fonds des Darling plaçaient l'argent de leurs richissimes clients sur du vent. Panique totale sur Park Avenue, la presse et la justice vont s'en mêler et réclamer des têtes. Oui, mais lesquelles ? Profitant de ce congé providentiel de thanksgiving, c'est autour de leur dinde moelleuse et cuisinée à merveille par une batterie de domestiques, que les Darling vont préparer leur contre-attaque. Les rats, avant de quitter le navire, se resserrent, s'agitent, se mordillent le museau, cherchant quel membre ils vont pouvoir sacrifier afin que les chefs de la tribu traversent la tempête sans trop de dégats.
Cristina Alger, dont c'est le premier roman, connaît bien le monde qu'elle décrit. Surfant sur le thème de la crise financière (qui risque de devenir en librairie un genre à lui tout seul), elle nous raconte ce long week-end où chacun prépare sa riposte ou espère tirer les marrons du feu, faisant voler en éclat la façade si glamour de la famille unie.
Cela aurait pu être mordant, incisif, si Cristina Alger n'avait pas suivi les cours d'un de ces innombrables conseillers en écriture qui ont la fâcheuse tendance de tout édulcorer. L'idée de raconter cette crise de l'intérieur, en auscultant l'émoi de ces puissants, est une bonne idée. Elle permet d'éviter de raser le lecteur avec des détails économiques obscurs. Mais ici, le récit, centré sur une fausse guerre des Atrides au pays des WASP, au style finalement très plat, n'est guère convaincant. Le vitriol, même le poivre sont restés dans les cuisines du sous-sol. L'intrigue se dilue avec pas mal de retours en arrière vaguement  psychologisants qui n'émeuvent guère. Et comme, en plus apparaît une multitude de personnages secondaires, au caractère trop peu fouillé pour être intéressants, j'ai eu un peu de mal à trouver cela passionnant.
Je sais, je suis ignoble, je n'éprouve aucune compassion pour tous ces gens aux chemises sur mesure et brodées à leurs initiales. Et ce n'est pas la prose gentillette et appliquée de Cristina Alger qui va me faire  entrer en empathie. Je n'ai à aucun moment senti un regard pertinent de l'auteur sur ce monde, juste une description sans affect, même pas glaciale, comme si mettre à mal l'économie d'un pays était un nouveau passe-temps vachement rigolo à condition de ne pas se faire prendre.
Quand la presse d'outre Atlantique signale que ce roman est à mi-chemin entre "Le diable s'habille en Prada" et "Le bucher des vanités", elle dit vrai....à mi-chemin seulement sans la construction énergique et drôle du premier et sans la férocité et la force de Tom Wolf. Reste donc un roman lambda, pas déshonorant mais assez quelconque.

Merci à ENTREE LIVRE de m'avoir permis de lire ce livre en avant première.

dimanche 27 janvier 2013

Blanca nieves de Pablo Berger


Voici un film propre à réconcilier tous les publics, le grand, amateur de films plutôt légers et l'intello, aimant l'originalité et les références. (C'était déjà le cas il y a deux semaines avec le "Django unchained de Quentin Tarantino"). C'est du cinéma, du vrai, mais dans un genre auberge espagnole ( je sais, c'est facile), chacun pouvant grappiller ce que bon lui semble.
"Blanca nieves" est l'adaptation du conte des frères Grimm "Blanche-Neige", façon originale et à la vraie sauce hispanique. C'est un film muet, en noir et blanc mais pas un pastiche des films des années 20 comme  "The artist" l'an dernier. Sur le canevas du conte bien connu, le scénario brode une histoire aux accents espagnols certains, avec corridas, flamenco mais aussi, et c'est là où il se démarque de la pâle copie du cinéma des années 20, avec des thématiques et des clins d'oeil totalement contemporains.
Blanche-Neige est ici la fille d'un grand toréador paralysé dont la deuxième épouse règne en marâtre sur un domaine perdu. Bien sûr, elle sera la cible meurtrière de sa belle-mère et sera recueillie par des six nains (oui 6 !) toréadors. Si l'on retrouve tous les éléments essentiels du conte, des nains à la pomme empoisonnée, l'ensemble est d'une toute autre portée que les versions récentes venant d'Hollywood. 
Y'a pas à dire, j'ai beau ne pas être un aficionado de la corrida, qu'est ce que c'est cinématographique quand même ! Surtout dans ce film-ci, où toute sa gestuelle, sa dramaturgie, est magnifiée par une image somptueuse au service d'une histoire mélodramatique à souhait mais totalement prenante. En plus d'un très ludique jeu de piste autour des contes célèbres (Cendrillon, la belle au bois dormant, Alice au pays des merveilles, ...), Pablo Berger décape un peu le machisme ambiant à l'univers tauromachique en faisant de son héroïne, un toréador. Et si l'on ajoute toute une multitude de détails empruntés à la culture queer (le nain travesti, la dame qui embrasse Blanca Nieves dans l'espoir de la réveiller, le côté garçon de l'héroïne, ...), nous sommes malgré le muet, les cartons explicatifs, vraiment dans une oeuvre d'aujourd'hui. 
Ce film a visiblement enthousiasmé le public espagnol. Espérons qu'il en sera de même en France, car c'est une vraie réussite aussi bien dans la mise en scène que dans la force d'un scénario qui, bien qu'énormément mélodramatique, arrive à éviter la surenchère lourdingue et amène les spectateurs dans une vraie émotion. 



samedi 26 janvier 2013

Virus tropical de Powerpaola


Il est toujours intéressant de découvrir des bandes dessinées venues d'horizons lointains, prouvant que le neuvième art n'est pas cantonné à quelques contrées. "Virus tropical" de Powerpaola nous vient de Colombie. Son auteur se décrit comme spontanée et avec un style personnel attachant une grande importance à l'authenticité de la narration, ce qui doit être le cas ici puisqu'elle nous conte son enfance et son adolescence.
Divisé en petits chapitres, ce roman graphique au dessin assez naïf, se déroule d'abord en Equateur puis en Colombie. L'héroïne nous parle d'elle, depuis sa conception jusqu'au moment où, après avoir perdu sa virginité, elle entre dans la vie adulte. Autobiographie donc, mais d'une enfance pas vraiment originale. Même  si son père est prêtre, même si elle part en Colombie dans une ville aux mains des cartels de la drogue, ce n'est jamais bien passionnant. A part un premier chapitre assez rigolo (qui donne le titre de cet album), décrivant la grossesse de sa mère qui n'est pour les médecins que la conséquence d'un virus tropical, le reste se lit avec un ennui distingué. Rien n'est original, ni les péripéties  ni le regard que porte l'auteur sur son vécu. On ne ressent pas grand chose à l'évocation des problèmes de couple de ses parents, son refus de la religion ne nous semble guère palpitant et ses émois d'adolescentes sont décrits sans saveur particulière. 
Grosse déception pour moi qui avait adoré la première publication de ce jeune éditeur (Dora de Minaverry) et dont la deuxième (Choisis quelque chose mais dépêche-toi) avait obtenu  l'an dernier,le prix sorcière BD, que ce "Virus tropical" . On notera tout de même l'édition très soignée de cet album (beau papier très agréable) mais ce n'est hélas pas suffisant pour que je puisse vous conseiller l'achat de cette BD d'origine sud-américaine (sauf si vous êtes passionnés par la région).




vendredi 25 janvier 2013

Dali à Beaubourg, mode d'emploi





Si par hasard vous avez envie de vous rendre à la rétrospective Dali à Beaubourg, il va vous falloir faire preuve de patience (même avec un billet coupe-file), jouer du coude et bien ouvrir les yeux si vous ne voulez pas rater l'essentiel.
Première chose indispensable, avant de vous jeter dans la cohue des amateurs du divin et génial artiste, documentez-vous, lisez un des nombreux hors-séries que les magazines ont publié ces derniers temps, vous en aurez besoin pour apprécier les nombreuses toiles, sculptures, photographies, voire films qui jalonnent cette exposition. L'oeuvre est foisonnante, polymorphe, il faut prévoir au moins deux heures si vous voulez vraiment en avoir une vision globale.
Une fois que vous avez atteint le dernier étage de Beaubourg, vous aurez envie de vous jeter dans la cohue des visiteurs et vous négligerez peut être de vous arrêter dans l'oeuf qui sert d'entrée à l'exposition. Sur  cette coquille toute blanche est projetée une photographie de son assistant Philippe Halsman qui représente le maître, nu, replié en foetus, bien au chaud, rappelant que Dali gardait en mémoire de nombreux souvenirs de sa vie intra-utérine...
L'exposition débute vraiment avec, bien sûr quelques oeuvres de jeunesse et notamment des portraits assez classiques représentant son père et sa soeur au physique pas évident. Vous pourrez les admirer aisément, la foule passant devant en les ignorant royalement, cherchant déjà d'un regard avide les tableaux les plus célèbres.
Il y a de fortes chances si vous déambulez au pas de course ou au milieu de la bousculade, que vous loupiez l'un des clous de l'expo, à savoir " Les montres molles" , gracieusement prêté par le MOMA de New York.
Personnellement, j'imaginais que ce chef d'oeuvre était un grand tableau. Hé bien pas du tout, c'est un tout petit format  ( 24 X 33 cm) et comme il est accroché dans une sorte de kiosque au milieu de petits dessins, au moment où je suis allé l'admirer, il n'y avait personne devant alors que la moindre grande toile était quasi inaccessible.
Je ne vais pas égrener chacun des tableaux exposés, mais "Le grand masturbateur" est inévitable par sa force  évocatrice et la concentration des thèmes récurrent chez l'artiste : présence d'oeuf, d'insectes suite au souvenir traumatisant de la découverte par Dali d'un hérisson mort, en état de décomposition et couvert d'insectes nécrophages, mais aussi du paysage de falaises de Cadaquès, Comme cette toile correspond au moment de  sa rencontre avec sa muse Gala, le narcisse, fleur la représentant, ne fera son apparition que plus tard dans sa peinture.
Ceci dit, si vous traînez vos enfants à cette expo, il pourra être intéressant de leur faire chercher tous les tableaux où l'on voit  des fourmis (la paix pendant 20 minutes). Si cela ne suffit pas, faites leur rechercher ceux avec des oeufs, puis des narcisses et si au bout de tout ça vous les sentez près de commettre un acte proche du surréalisme, comme montrer ses fesses à la dame pincée en bleu marine avec serre-tête ou se rouler par terre en criant des horreurs, une seule solution : sortez !
On peut passer des heures à ausculter chaque peinture tellement elles sont foisonnantes... mais au bout d'un moment vous ferez peut être la queue au milieu de jeunes japonaises hilares pour vous prendre en photo dans la reconstitution de "Mae West". Assis sur un canapé en forme de bouche pulpeuse, l'ex star du cinéma des années 30 semblera ne faire qu'une bouchée de votre personne et atterrira inévitablement sur votre page Facebook, prouvant ainsi votre présence dans ce qui est, cet hiver avec Hopper, le lieu où il fallait être allé.
Sans être vraiment" fou du chocolat Lanvin" (oui, oui, la pub est projetée !) vous passerez un moment très divertissant tellement l'oeuvre de Dali est unique, multiforme et totalement surréaliste. Il y a du monde certes, mais cela vaut vraiment le déplacement, vous en prendrez plein les yeux!


mardi 22 janvier 2013

Le chant des grimaces de Yann Frat


Quand on est blogueur et que l'on parle de livres comme moi, on nous contacte régulièrement pour que l'on s'intéresse à un roman, souvent publié à compte d'auteur ou/et en numérique. Certains nous envoient directement la version numérisée, d'autres nous demandent si ça nous intéresse de nous plonger dans ce qui est l'oeuvre la plus injustement méprisée du moment. Comme ça n'arrive pas tous les jours (mais quand même deux ou trois fois par mois), je réponds souvent par la positive, promettant d'y jeter un coup d'oeil mais sans m'engager à quelconque chronique, vous me connaissez...sans connivence... Jusqu'à présent tout ce que j'ai parcouru m'est tombé des mains ou de ma tablette, ancrant définitivement mon idée que ce qu'apporte l'édition numérique d'aujourd'hui  à la littérature est du même niveau que ce que proposaient  les éditions de la Pensée Universelle autrefois.
Sauf que je vais devoir revoir un peu mon jugement, car au milieu de récits du niveau d'un collégien du privé ou des autobiographies de célibataires anorexiques lectrices de Marc Lévy ou d'Anna Gavalda, je suis tombé sur un roman comme l'édition normale n'en fait pas paraître souvent, un livre ambitieux en terme de projet et de narration, et que je n'ai réussi à lâcher qu'une fois la dernière page lue ! "Le chant des grimaces" de Yann Frat mérite vraiment le détour.
Faire un résumé de ce livre m'est difficile. Si je prends l'intrigue réelle, je dirai que nous suivons Ludovic de Saint Ange (je vous l'accorde, il a un nom digne d'Harlequin, mais c'est vraiment sans importance), Ludo donc est médecin généraliste dans une petite ville du Sud-Ouest et éprouve soudainement des douleurs violentes au niveau de l'entrejambe. Inquiétude, traitements divers puis consultation avec un spécialiste ami, il finira par se faire opérer d'un kyste bénin à la prostate. Fin de l'histoire. C'est tout ? C'est ça le chef d'oeuvre ? !! Oui pour l'intrigue principale, nous ne sommes pas ici chez Joël Dicker, avec des péripéties ineptes toutes les trois pages (Harry Québert, vous savez...). Non, car tout ceci est le prétexte à une description au scalpel de cette petite bourgeoisie de province, fière de ses origines et de son rang, survolant dédaigneusement le commun des mortels, sûre de son bon goût et de sa morale dont le seul but est d'amplifier et promouvoir sa richesse ancestrale. Mais comme l'auteur a beaucoup de choses à dire (c'est un premier roman je crois ), il intègre d'autres portraits comme ceux des patients du médecin, gens simples, malmenés par la vie, mais aussi une réflexion sur le corps, triomphant ou vieillissant, puissant ou asservi, refait ou laissé à l'abandon. Et comme nous sommes dans un roman ambitieux, en filigrane, court toute une analyse sur l'élevage des mâles dans un grand Sud-Ouest machiste.
Tout ça me direz-vous, ce n'est pas un peu copieux ? Pas du tout, surtout que bien d'autres sujets sont également abordés, c'est simplement mené avec brio et surtout  avec un point de vue comme on en trouve peu dans les romans d'aujourd'hui. Le personnage principal n'est pas vraiment sympathique et porte sur ce qui l'entoure un regard peu amène mais souvent juste. On est à l'opposé du docteur Sachs de Martin Winckler auquel le début fait penser. Mais là où ce dernier n'était que sirop et bons sentiments, de Saint Ange est ambigu, impitoyable parfois, trop objectif. Il navigue dans un milieu médical, décrit ici comme une machine à faire du fric, avec un cynisme total et finalement assez déstabilisant pour le lecteur. Il pense tout haut ce que certains n'aiment pas songer même tout bas, tellement l'époque essaie d'affadir la pensée pour mieux endormir les foules. Cela nous donne des passages d'une grande vérité, à l'écriture saignante et précise. Voila  un roman comme je les aime : pas aimable pour deux sous mais totalement stimulant pour le lecteur. Plusieurs fois, j'ai obligé mon entourage à écouter la lecture de certains passages, tellement le ressenti était fort, interrogatif (mais il va où là ?) ou tout simplement magnifique de lucidité.
Lucide comme l'était le Breat Easton Ellis d"'American psycho" auquel l'auteur fait beaucoup référence, intégrant même Patrick Bateman, le héros de ce portrait des dérives de la société libérale, dans quelques courtes scènes du roman. Dans les nombreuses références et clins d'oeil qui apparaissent au fil des pages, je garderai celle à Céline (celui du "Voyage au bout de la nuit") auquel l'ampleur de ce livre fait parfois penser même s'il recèle ici ou là, quelques maladresses ou flirte quelquefois tout près du cliché.
A cent coudées au-dessus de bien de romans publiés en ce moment et malgré une édition uniquement numérique, nos grands éditeurs feraient bien d'aller faire un tour du côté de chezYann Frat. Bien cornaqué (parce que oui, il y a surement un petit toilettage à faire dans le manuscrit), ils pourraient en faire leur nouveau Houellebecq ( on  pense aussi parfois à lui ) ou un nouveau Mauriac sans la culpabilité judéo-chrétienne. Vous trouvez que j'en fais trop ? Allez voir de vous même et vous me direz...

Si vous voulez acheter ce  livre qui vous bouscule un peu, n'hésitez pas, c'est ICI !!!

Petit précision : je ne connais pas du tout ce monsieur Yann Frat. Je suis un lecteur occasionnel de son blog que vous trouverez dans ma liste de blogs préférés. J'ai eu envie de lire son livre car j'apprécie l'écriture corrosive de ses billets et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il a réussi le passage du petit texte court au vrai roman.

samedi 19 janvier 2013

Les riches heures de Claire Gallen


Une fois n'est pas coutume, je vais commencer par résumer un peu la trame de ce livre , car j'avoue être en panne d'inspiration pour en parler (surement le froid actuel qui ralentit un cerveau déjà bien lent....).
Nous sommes dans un petit appartement qui n'a pas connu depuis des années des travaux de rafraîchissement. Il est habité par un couple de trentenaires, Anna et Gaëtan. Ils sont sur le point de partir en vacances au Lavandou pour trois semaines, dans une location tout aussi minable que leur logis de Cergy.
Ils chargent leurs affaires dans une vieille Opel Astra à bout de souffle et en route vers la grande bleue. Ce couple aux apparences très moyennes a connu des jours meilleurs, le bel appartement design dans un quartier chic parisien, l'Audi haut de gamme, le fric facile. Gaëtan vendait des appartements permettant de grosses réductions d'impôts à des notables soucieux de leurs intérêts. Hélas, la vente de studios sur plans, situés dans des zones plus proches du no man's land que du quartier résidentiel, a fait long feu. L'appât du gain l'a amené à l'arnaque puis à la faillite et peut être aux soucis judiciaires. Ces vacances dans cet appartement ridicule est vraiment leur dernier moment de soleil avant le retour à une sombre réalité. Ce qui devait être trois semaines de détente estivale va finalement se transformer en descente aux enfers...
Ce roman est un portrait sans fard de notre époque faite de vanité, de clinquant et de vitrine. Ces deux là s'y sont brûlés les ailes comme beaucoup et ont du mal à revenir à une réalité d'autant plus dure qu'elle les dégoûte. 
Sujet intéressant donc, mais avis en demi-teinte tout de même. Cela se lit facilement. L'histoire est brossée de façon clinique sans aucun jugement. L'écriture épouse ce point de vue avec une banalité stylistique, vraisemblablement voulue, mais qui m'a un peu laissé sur ma faim. Les situations décrites avec fidélité et objectivité sont confondantes de réalisme mais manquent de chair. 
Mais, pour moi, le point noir de cette intrigue est cette adolescente accidentée qui englue toute la dernière partie du livre dans une psychologie de bazar. Là, je n'y ai pas cru une seconde, trop lourdingue et improbable.
Roman sur le délitement d'un couple qui sombre en même temps que sa classe sociale, cette classes moyenne dont les riches heures sont comptées. Ce n'est pas convaincant jusqu'au bout mais cela reste le portrait lucide d'une société en perte de repères. 

David, les femmes et la mort de Judith Vanistendael


Cela doit être le mois du deuil ou de la mort, puisque c'est le troisième ouvrage traitant de la fin de vie ou du décès d'un père que je lis. Ne croyez pas que je sois un passionné du sujet, c'est plutôt un effet du hasard.
Après "Tout s'est bien passé" d'Emmanuèle Bernheim et "Le beau voyage" de Zidrou et Benoit Springer, voici maintenant un roman graphique qui, contrairement aux deux précédents qui abordaient ce sujet via une espèce de suspense pour le premier et une recherche d'un élément du passé pour le second, prend l'approche de la mort à bras le corps mais ici sous le côté purement émotionnel.
David apprend qu'il a un cancer du larynx. A l'annonce de la nouvelle, il défaille, songe à sa fille de neuf ans, à sa femme et à sa fille aînée qui est sur le point d'accoucher. Nous allons suivre son lent cheminement vers la mort, ses angoisses, celles de son entourage déjà en phase de deuil...
Pas gai du tout donc, mais qu'est-ce que c'est bien fichu. Les émotions passent par une mise en page et un dessin à l'aquarelle particulièrement sensible. Ici, c'est le dessin qui parle, qui chamboule le lecteur et le font tourner les pages avec inquiétude mais sérénité. C'est très réussi. De là à dire que c'est un chef d'oeuvre comme le souligne le bandeau apposé en couverture (et signé de l'Express) peut être pas. C'est fort bien fait, très psychologisant, très fort (notamment sur le dilemne du médecin autour de l'euthanasie) mais pas vraiment grand public quand même... Disons que si un sujet autour de la mort ne vous rebute pas et que vous aimez que l'on parle à votre coeur et à votre cerveau de manière subtile (très loin de docteur House donc...), c'est pour vous...et vous ne le regretterez pas !





mercredi 16 janvier 2013

Django unchained de Quentin Tarantino

Dans le cadre de la semaine nationale "Quentin Tarantino", j'ai été dirigé vers l'une des nombreuses salles qui diffusent son dernier chef-d'oeuvre : "Django unchained" (le premier "d" est muet). Pas vraiment consentant, car pas forcément fana de son cinéma, j'ai voulu me rendre compte si toute cette déferlante médiatique était simplement un coup marketing bien orchestré ou vraiment la féroce envie des critiques de faire découvrir un vrai grand film. Avec tous ces dossiers divers et variés servis par nos médias ( Tarantino et la violence, Quentin maître du cinéma mondial, Tarantino/ Tchekhov même combat, Quentin pour la sauvegarde de la boucherie, ...), la barre était placée très haute et la déception pouvait être grande si le produit proposé était frelaté. Il n'en fut rien ! Ce fut un vrai bonheur de cinéma, les 2h45 ont passé à la vitesse de l'éclair.
En revisitant à la fois le western et une page sombre de l'histoire des Etats-Unis, l'esclavage, Quentin Tarantino fait preuve à la fois de maîtrise de son cinéma mais aussi de profondeur.
Avec un scénario ébouriffant, aux multiples rebondissements et des dialogues bourrés d'humour et de clins d'oeil, on ne s'ennuie pas une seule seconde à suivre le parcours de Django, jeune noir rendu  à la liberté par le chasseur de primes roublard, Doc Shultz. Cherchant à libérer sa femme, esclave chez un abominable jeune blanc nommé Candie, Django va plonger au coeur d'une Amérique esclavagiste, sûre de son bon droit et totalement terrifiante.
Le plaisir est total ! Quentin Tarantino est un grand gamin talentueux. Son terrain de jeu est le cinéma dans lequel il s'amuse avec ferveur, candeur et virtuosité. Il invente des histoires abracadabrantes dans lesquelles on rentre pourtant, il utilise et détourne les codes du western avec intelligence et humour mais surtout il sait partager son jouet avec les spectateurs. On rit, on sursaute, on frémit, on est ébloui et à la fin on applaudit (comme dans la salle où j'ai vu le film). Tout dans "Django unchained" est brillant : les acteurs sont dans leur genre impressionnants,  de drôlerie pour Christoph Waltz, de folie pour Léonardo Di Caprio, de fourberie pour Samuel L. Jackson, la bande son va faire le bonheur de millions d'ipods et la mise en scène est tonitruante, bluffante. Même la violence, pourtant très présente, n'est pas du tout insupportable car elle est juste un peu trop grand guignolesque pour être crédible, légèrement teintée d'humour et d'une touche arty. Et quand, elle est bien réelle, notamment quand il s'agit de dénoncer les atrocités de l'esclavage, elle est soit hors champ soit montrée avec des plans rapides et difficilement lisibles, comme si le réalisateur, un court instant, disait pouce et stoppait net le jeu.
Pour moi, c'est LE film qu'il faut voir en ce moment. Ne vous laissez pas effrayer par la longueur, bien au contraire, 2h45 de plaisir, c'est rare, il faut en profiter !





lundi 14 janvier 2013

Le beau voyage de Zidrou et Benoit Springer


Je l'avoue, je ne connaissais pas l'autre facette du talent de Mr Zidrou, celle plus sérieuse et plus profonde du scénariste de l'élève Ducobu, celle qui s'adresse surtout aux adultes. C'est chose faite après la lecture de cet excellent album...
Léa, jeune fille branchée, animatrice d'une sorte de hit-parade techno sur une chaîne de télévision pour jeunes, apprend la mort de son père alors qu'elle est en plein rapport sexuel. Elle se rend dans la maison familiale où l'attend sa tante qui gère le quotidien du lieu depuis le départ de sa mère avec un vendeur d'aspirateur. Son téléphone portable lui ayant été volé, Léa se trouve privée du dernier message que son père lui avait envoyé juste avant son décès. Son travail de deuil va lui permettre de se replonger dans son histoire familiale et de découvrir que sa personnalité résulte d'un horrible secret qui a pesé sur toute son éducation.
A partir de ce sujet pesant et pas terriblement hilarant, Zidrou déploie une histoire complexe et passionnante, faite de révélations et de détails apparemment anodins sur la vie de son héroïne, donnant à cet album une profondeur et une émotion inattendues. Le lecteur est tenu en haleine jusqu'au bout, découvrant petit à petit le noeud tragique de cette famille et le final, émouvant au possible, m'a vraiment bouleversé. Car en plus d'une histoire vraiment bien développée, j'ai admiré son traitement moderne tant sur le fond que sur la forme. Léa est une héroïne d'aujourd'hui, au caractère bien trempé, aux amours multiples et décomplexés. Grâce à elle, on nous parle avec finesse, mais sans faux semblant, de masturbation, de dépression, de bisexualité, d'avortement, d'éducation, de mort, de suicide, bref de la vie, tout cela dans une mise en image particulièrement pertinente.
Les cadrages accompagnent parfaitement les émotions de la jeune Léa. Le dessin semi réaliste est totalement adapté au propos. Pour moi, c'est mon premier coup de coeur BD de l'année 2013. "Le  beau voyage" doit son titre à une chanson de Bobby Lapointe qui apporte tout au long de cette histoire un peu de légèreté tout en surlignant  la grande sensibilité de cet album formidablement réussi. 

dimanche 13 janvier 2013

Notre mariage de Christophe Mouton


L'an dernier, Christophe Mouton m'avait épaté avec son premier roman "Un garçon sans séduction". Bourré d'humour, original dans sa forme, cela avait été un de mes coups de coeur du printemps même s'il traitait d'un sujet archi rabattu : le mec largué par sa nana.
Autant vous dire que je me suis précipité sur la nouvelle parution de ce jeune auteur, avec la curiosité supplémentaire de savoir s'il allait brillamment passer le cap si difficile du deuxième roman. J'ai été surpris par la maigreur du volume, 116 pages avec de grandes marges... plus près de la nouvelle que du roman... Ensuite, le thème, pas vraiment original encore une fois, flirtant sur le mal être du mâle moderne qui ne sait pas vraiment ce qu'il veut.
Le narrateur se rend au mariage de son ex copine avec qui il a passé plusieurs années entre amour et séparations. Mais là, c'est bon, elle en a trouvé un autre ...pour la vie. Il rumine, il ressasse, il regrette de l'avoir quittée, il est presque en colère, rongé de jalousie et d'amertume. Durant ce week-end de fête, il s'interrogera sur le pourquoi de cet échec et sur la direction à donner à sa vie s'il veut ne pas rester seul. Parce que c'est le drame du jeune homme moderne, rester seul il ne le veut pas et comme pour vivre à deux, il faut faire des concessions... les décisions sont difficiles à prendre.
Présenté comme un monologue intérieur, "Notre mariage" est la version sombre du "garçon sans séduction", les atermoiements d'un homme qui a du mal à quitter l'adolescence, qui ne veut pas s'engager ni perdre sa bande d'amis, continuer à s'éclater sur ses jeux vidéos et surtout ne pas avoir d'enfant.
Donc rien de bien nouveau dans le propos, ni dans la forme, reste seulement une écriture agréable avec sa pointe de dérision. C'est joliment fait mais j'attendais mieux et j'ai même pensé que son format court était largement suffisant. Un peu plus long et on fermait le livre avec une furieuse envie de donner un bon coup de pied aux fesses à cet adulescent pour le faire grandir un peu...
Un peu déçu donc mais quand même partant pour un troisième roman... moins égocentré, ce serait pas mal... 

samedi 12 janvier 2013

Le mariage vraiment pour tous de Sophia Aram





Ce blog étant consacré aux livres, aux films et aux chansons, je ne résiste pas au plaisir et à la joie de mettre sur ce blog, ce joli clip de Sophia Aram, notre humoriste number one....

vendredi 11 janvier 2013

Comment trouver l'amour à cinquante ans quand on est parisienne (et autres questions capitales) de Pascal Morin

Tout d'abord ne vous fiez pas au titre qui rappelle étrangement un article de magazine féminin et laisse supposer une histoire pétrie d'humour un peu ironique et de bons sentiments, nous en sommes assez loin. Bizarrement il m'a fait un peu penser au dernier livre de Yasmina Reza, pas par le style mais par les personnages qui se croisent sans vraiment se connaître tout à fait et surtout parce qu'encore une fois, ils sont très seuls. La grande différence avec "Heureux, les heureux" est que  Pascal Morin les prend tous à une moment où leur vie va prendre une nouvelle direction, donnant à son roman un côté bien plus optimiste.
Le personnage central de cette histoire est bien une dame de cinquante ans, prof divorcée, bon chic bon genre et assez coincée qui va, de fil en aiguille, tomber amoureuse d'un sénégalais. Autour d'elle gravitent une lycéenne orpheline en rupture scolaire, un plombier noir, un costumier gay, une psychanalyste juive. Tout ce petit monde, le temps du récit va être amené à se questionner sur la direction à donner à une vie faite pour la plupart de certitudes ou de faux semblants.Cela permet à l'auteur d'aborder tout un tas de sujets de société allant de l'école, au racisme en passant par la religion ou la crise de la quarantaine, le corps vitrine.
Bien écrit avec des personnages bien campés, "Comment trouver l'amour à cinquante ans..." est agréable à lire, plus qu'un article de Marie-France mais peut être moins que le Reza. Si la première partie est bien enlevée, surtout centrée sur Catherine Tournant (Tournant ? pour évoquer "La ronde" de Schnitzler ?) la prof de français en proie aux tourments de l'amour multiracial, la seconde partie est moins convaincante de part la volonté de l'auteur à vouloir à tout prix que tous ses personnages se réunissent. Cela donne des situations un peu téléphonées et certaines ficelles narratives apparaissent un peu trop.
Cependant, on pourra aller faire un tour dans le livre de Pascal Morin car il parle très intelligemment de notre époque et donne une photographie très précise d'hommes et de femmes d'aujourd'hui en proie à une recherche de vérité dans un monde qui n'aime que le clinquant de la pseudo richesse au détriment d'une vraie richesse intérieure.
PS : Je vois dans la biographie de l'auteur qu'il est, entre autre, professeur de cinéma... Alors comment se fait-il qu'il ait laissé passer cette erreur d'attribuer le film "Tatie Danielle" à Cédric Klapisch au lieu d'Etienne Chatilliez ? (page 176)

jeudi 10 janvier 2013

The master de Paul Thomas Anderson


Voilà un film qui enchante la critique après avoir enchanté moultes festivals. Les adjectifs synonymes de chef d'oeuvre fusent de partout, on parle d'oscar pour Joaquin Phoenix pour sa composition, bref, c'est LE long métrage à voir cette semaine... ou pas car, il manque un mot à la description : rasoir ! Oui, je me suis vraiment rasé à cette projection même si tout n'est pas à jeter, loin de là.
Pourtant les vingt premières minutes sont de celles qui vous font dresser sur votre fauteuil, l'oeil et l'esprit aux aguets tellement la virtuosité de Paul Thomas Anderson est flagrante lors des scènes d'exposition du film. Image, cadrages et plans de toute beauté, bande son formidable, Joaquin Phoenix intense et propos sur cette Amérique d'après guerre totalement pertinent. Mais dès que le film aborde ce qui semble être le sujet principal, même si l'image et la mise en scène restent admirables, l'ennui gagne très vite le spectateur.
Si j'ai bien suivi cette intrigue, Paul Thomas Anderson semble vouloir, à partir de la rencontre d'un ex soldat fêlé, alcoolique et obsédé sexuel avec le gourou d'une secte naissante (La scientologie ?), nous brosser le portrait des Etats-unis coincés entre croyances et dollar, sexe et bien-pensance et quitte à donner un poids psychologique supplémentaire, il s'attaque aussi aux rapports de maître à disciple. Pour ces derniers, rien de nouveau, une dose d'ambiguité et beaucoup de verbiages font l'affaire, l'éclairage n'ayant rien d'original et étant même un tantinet banal. Plus gênante est l'image de la secte qui, bien que l'on sente qu'elle regroupe tout un tas de tarés, est traitée ici avec beaucoup d'indulgence, ne parlant quasiment jamais de son côté mercantile par exemple ou donnant au maître une image de gros bonhomme finalement assez sympathique.
Tout ceci, cependant n'est rien par rapport à l'ennui abyssal qui s'est emparé de moi bien avant la moitié du film. Le scénario peine à progresser et ce n'est qu'une longue succession de scènes de questionnements sur le passé, de voyages spirituels dans le temps, bref tout l'arsenal habituel de lavage de cerveau utilisé par toute bonne secte qui se respecte (heu non, aucun respect de ma part...). C'est lourdement métaphorique, très répétitif et malgré la mise en scène virtuose, il m'a fallu lutter pour ne pas m'endormir.
Pour finir, je vais me faire des ennemis. Joaquin Phoenix a beau avoir un regard de braise, promis à plein d'autres récompenses en plus de celle récoltée à Venise, il est un peu too-much quand même. Claudiquant, bossu, border line, il en fait des tonnes en soldat traumatisé par les combats. C'est le genre de performance outrancière qui plaît tant aux votants des oscars car doublée d'une transformation physique.
Pour résumer, "The master"  joliment filmé et mis en scène, est un régal pour les yeux mais le scénario un peu hiératique et n'osant pas appeler un chat, un chat, enfonce ce projet dans un ennui distingué voire mortel.



lundi 7 janvier 2013

Paradis : amour d'Ulrich Seidl



Ne vous fiez pas au titre ! Rien de paradisiaque ni de sentimental dans ce film autrichien, seulement une histoire réaliste sur les rapports Nord/Sud.  Je dis souvent que je n'aime pas les films aimables, là, j'ai été servi ! "Paradis: amour" est du cinéma qui ne cherche pas à faire plaisir mais à décrire la réalité sans édulcorer ni enjoliver.
Dès la première scène, nous sommes fixés. Nous assistons au ballet bruyant et criard d'auto-tamponneuses conduites par des ados débiles profonds, surveillé d'un oeil fatigué par Thérésa leur éducatrice quarantenaire.
Elle est fatiguée cette femme mais heureuse car ce sont les vacances pour elle qui s'annoncent. Elle va laisser en Autriche sa fille, adolescente très ingrate, de l'espèce des ruminantes aux écouteurs greffés aux oreilles et dont le vocabulaire est une variante bougonne du borborygme , pour passer, seule, quelques jours au Kenya.
Le club de vacances où elle va séjourner n'a rien de particulier : accueil folklorique sans chaleur, construction  faussement authentique et plage privée interdite aux autochtones. Entre plage et mer, une barrière séparera les touristes des locaux qui attendent, les mains remplies de colifichets, que les vacanciers veuillent bien franchir cette frontière pour aller faire trempette. Mais ici, le commerce local ne fournit pas que de la bijouterie fantaisie, il propose aussi et surtout du plaisir.
Thérésa, chaperonnée par quelques habituées du lieu, va , elle aussi, succomber aux charmes des peaux noires et au bagout de jeunes africains prêts à tout pour attirer dans leur lit ces femmes mures et à leurs yeux riches. 
Thérésa est une femme normale, potelée, ne répondant pas aux canons de la beauté que les occidentaux matraquent insidieusement sur les écrans et les magazines. Quand un beau et jeune noir lui renvoie d'elle une image désirable, elle se laisse faire, plongeant la tête la première dans cette occasion un peu inattendue. Mais très vite son statut de femme blanche forcément riche va brouiller cette romance, les demandes d'argent vont arriver.
Filmé à la manière d'un reportage, Ulrich Seidl, le réalisateur, certes en empathie avec ses personnages principaux, ne nous épargnent aucune séance de tripotage, de tentative d'amour charnel, aucun commentaire aux relents racistes ni aucune aération du récit non plus. Durant deux heures, le film enfonce le clou sur ce néo-colonialisme touristique. Il y a du rêve de part et d'autre mais aucune rencontre réelle n'est possible, chaque chose a un prix et il faut payer.
Le spectateur est mal à l'aise, renvoyé à ses propres doutes. Le point culminant de ce film est la très (trop ?) longue scène d'anniversaire de Thérésa. Ses nouvelles amies lui offrent pour la soirée un jeune homme noir, mal à l'aise. Le cadeau prend vite l'allure d'un jeu totalement dégradant où la gagnante sera celle qui arrivera la première à faire bander le cadeau. Et chacune va essayer tout à tour de faire dresser ce sexe qui n'en a guère envie malgré les caresses, les bisous ou les masturbations mammaires. Le malaise est général dans la salle, les spectateurs se trémoussent sur leurs sièges devant ces images évidemment racistes et glauques mais qui sont également une allégorie de nos relations avec l'Afrique. Elles présentent aussi une scène assez inédite d'homme objet, soumis aux désirs avinés de femmes vulgaires. Vous me direz que cela participe à un certain rééquilibrage , car d'habitude c'est le lot des femmes ce genre de scènes. Mais ici, ce n'est pas Brad Pitt ou Georges Clooney qui se tortillent à poil dans une sordide chambre d'hôtel mais un pauvre noir au regard triste, livré à des humains aux repères dévoyés. Ma vision masculine fausse peut être la perception de cette scène, mais le regard apeuré du jeune kenyan en dit long sur son humiliation et son oppression.
"Paradis : amour" est un film difficile à aimer à cause de sa radicalité, excluant toute tentative de romanesque. Mais son propos est celui d'un essai sociologique qui nous montre le monde tel qu'il est, sans jugement moral, avec sa laideur qui déborde de partout mais aussi avec des êtres qui font ce qu'ils peuvent pour y échapper.




dimanche 6 janvier 2013

Heureux les heureux de Yasmina Reza


Il ne vous a pas échappé qu'une des stars de cette rentrée littéraire de janvier est Yasmina Reza. Les premiers articles élogieux fleurissent dans la presse qui pense et lit bien (avec l'aide des attachés de presse des éditeurs), avec en tête de pont la une du "Monde " de vendredi et deux pages à l'intérieur.
Fine plume du théâtre, c'est certain qu'elle a le ticket auprès des journalistes. Mais "Heureux les heureux" son nouveau roman, est-il vraiment le chef d'oeuvre annoncé ? Est-il comme le dit "Le monde" le rire de la rentrée ? Son plus beau texte ? (Là, on ne s'engage pas trop. La formule est forte mais à quel niveau sont ses livres précédents ? )
Je ne vais pas tergiverser longtemps : j'ai pris beaucoup de plaisir à lire ce roman, mais de là à ce qu'il soit inoubliable, il y a un pas que je ne franchirai pas.
Il est indéniable que Yasmina Reza a une jolie plume, qu'elle sait manier le verbe, les mots avec dextérité, qu'elle excelle dans l'observation du quotidien. Elle n'a pas son pareil pour ausculter ces petits moments de tous les jours, en faire surgir toutes les sous-couches, les non-dits. Que ce soit une après-midi  de courses dans un hyper-marché, les conversations dans une salle d'attente pour une radiothérapie, un tournoi de bridge ou la descente dans la folie d'un ado qui se prend pour Céline Dion, tout lui est bon pour disséquer ses personnages, leurs travers, leurs angoisses, leur humanité mais surtout mettre en évidence leur extrême solitude.
Ce qui jaillit de ce roman, c'est l'Homme, en plein XXIème siècle, même pourvu de smartphones, même et surtout en famille, même avec des amants, des maîtresses, est inexorablement seul, face à une vie finalement pas si belle et mesquine, qu'il devra supporter jusqu'à la mort. Ce n'est pas bien gai, malgré la pointe d'humour permanente qui se faufile dans ces petits sketches. 
Je parle de sketches, j'aurai pu dire nouvelles aussi, car ce livre met en scène une bonne dizaine de personnages, qui ne sont reliés entre eux que par des liens infimes. Chacun parle à tour de rôle, parfois deux fois, et raconte un événement particulier où d'autres protagonistes peuvent s'y trouver ou pas. D'où une grande multiplicité de lieux, de micro-événements mais aussi de personnages, éclairés différemment, révélant quelquefois des facettes divergentes. C'est un jeu littéraire plaisant et bien maîtrisé mais dont le procédé l'emporte un peu trop sur le fond. Oui, il y a beaucoup de subtilités dans la pertinence de ce regard. Oui, Yasmina Reza a une imagination débordante pour rendre passionnante chaque situation des plus banales aux plus originales. Mais une fois le livre refermé, la question arrive vite : Que va-t-il rester de tout ça ? Cette grande technicité n'est finalement qu'au service d'une  histoire aux personnages trop nombreux, sans une âme assez forte pour s'imprimer durablement dans l'esprit du lecteur. 
J'ai l'air de faire la fine bouche, de chercher à bouder mon plaisir, mais je ne voudrai pas faire croire que ce bon roman est un chef d'oeuvre. C'est un joli texte, bien ciselé, dans lequel le plaisir de lecture est évident mais auquel il manque ce petit quelque chose qui fait la différence, peut être un trop plein de virtuosité trop apparent. Cependant, sans conteste, ce roman est à lire ne serait-ce que pour se rendre compte de la vitalité des romanciers français actuels.

vendredi 4 janvier 2013

Tout s'est bien passé d'Emmanuèle Bernheim




J'ai terminé la lecture du nouveau livre d'Emmanuèle Bernheim le visage ravagé de larmes. Je n'avais pas autant pleuré en lisant depuis des années. Vous me direz que l'histoire d'un père gravement malade demandant à ses filles d'abréger au plus vite ses jours ne peut qu'amener ce déferlement d'émotions. Hé bien, pas du tout car la prouesse de ce livre est justement de n'avoir pas été écrit pour être un tire-larmes putassier, mais le récit haletant de cette course vers la mort.
Construit avec des phrases courtes, précises, nettes, sans fioritures, le livre ne raconte que des faits, des éléments du décors, des détails insignifiants mais qui se sont gravés dans la mémoire de la narratrice. Ses sentiments aussi, sont  posés là, sur les pages,  avec la simplicité des gens pudiques. Jamais Emmanuèle Bernheim n'est prise en faute de surenchère émotionnelle. Tout est brut, sec, dense.
Après une introduction haletante où, la narratrice apprenant l'accident cardio-vasculaire de son père, se rend à l'hôpital, dans un état quasi second, j'avoue avoir un peu douté pour la suite. Je ne retrouvais pas la rigueur, voire l'âpreté de "Cran d'arrêt" ou de "Vendredi soir", ses précédents romans parus voila maintenant plus de 10 ans. Mais très vite, la demande de mourir dignement du père est posée. La narratrice est embringuée dans une histoire qui la dépasse un peu. Les questions, les hésitations, la morale mais aussi la recherche de partenaires pour cette euthanasie ainsi que cette étrange relation père/fille, tout est scrupuleusement décrit, noté jusqu'au final, au suspens fortement émotionnel dont je ne dirai rien, mais qui est ici un grand moment de lecture, de par le maëlstrom de sentiments contradictoires qu'il développe dans la tête du lecteur.
La force de ce livre est évidemment cette écriture aux apparences simples et descriptives. Mais comment fait l'auteur pour que, soudain, sans crier gare, une phrase banale, un mot commun, nous fassent picoter les yeux ? Pourquoi dans le récit d'un détail de la vie quotidienne, la gorge se noue et l'émotion nous envahit-elle ? C'est du grand art. L'exacte distance qu'il fallait pour raconter cette histoire et le subtil dosage d'éléments du passé, font que chacun pose sur ces lignes son vécu, ses craintes, ses espoirs, ses sentiments. L'émotion naît, ne nous quitte plus jusqu'à la fin. Ce n'est pas éprouvant c'est juste magnifique de pouvoir se laisser aller à sa propre émotion avec les mots et l'histoire d'une autre, sans jamais avoir le sentiment d'être manipulé.
Sur ce sujet finalement très actuel, la fin de vie, Emmanuèle Bernheim réussit parfaitement là où le cinéma s'était cassé les dents ( Amour de Michaël Haneke ), et même si le film de Stéphane Brizé, "Quelques heures de printemps", sur une thématique très proche mais traitant surtout de l'incommunicabilité, avait lui une grande tenue, " Tout s'est bien passé" affronte le sujet sans, mine de rien,  jamais occulter aucun point de vue que ce soit médical, judiciaire ou moral. Et quand, en plus,  l'émotion est là, je peux dire que cette année 2013 commence rudement bien avec un excellent livre qui devrait continuer à faire son chemin dans ma tête pour longtemps.

jeudi 3 janvier 2013

Le guide du mauvais père de Guy Delisle


Rebondir après "Les chroniques de Jérusalem" ne doit pas être facile pour Guy Delisle. La barre avait été placée tellement haute avec cet album, que forcément le lecteur est en attente d'une nouvelle oeuvre aussi aboutie.
Disons-le tout de suite, ce "Guide du mauvais père" est un petit divertissement pour nous faire patienter avant une nouvelle oeuvre plus ambitieuse (même si le chiffre "1" apparaît sous le titre laissant augurer d'autres tomes). Publiée dans la collection "Shampooing" de chez Delcourt, dans un format et une esthétique manga, on retrouve toutefois la patte de l'auteur ainsi que son sens de l'observation, tournés cette fois-ci vers l'élevage des enfants.
S'il est maintenant admis que les hommes se sont enfin investis dans l'éducation de leur progéniture, empiétant désormais sur un terrain où, jusqu'à peu, les femmes étaient cantonnées, il est certain que ceux-ci ne sont pas encore tout à fait au top des performances. Si l'on se réfère au papa de cet album, vraisemblablement très proche de l'auteur, il ignore qu'il existe des ouvrages consacrés à la psychologie de l'enfant, n'hésitant pas à raconter à sa fille de 3 ans un horrible fait divers juste avant de s'endormir ou l'abandonnant tremblante à la piscine pour aller boire un pot plutôt que l'encourager à vaincre sa phobie du milieu aquatique. Conservant son égoïsme légendaire, le père de famille peut ainsi vaquer en milieu hostile, tout en répondant évasivement, souvent à côté de la plaque, aux incessantes questions de ses enfants qui devront se contenter de réponses vaseuses ou troublantes. Le traumatisme n'est jamais bien loin quand le père est obligé de gérer un problème de passage de petite souris ou de lapin de Pâques.
Toute la finesse de l'observation de Guy Delisle est présente ici. Il n'a pas son pareil pour mettre le doigt sur les problèmes du mâle face à sa paternité avec un humour léger, objectif mais bienveillant. J'ai trouvé par ailleurs, son dessin joliment mis en valeur dans ce format pourtant petit, minimaliste mais très expressif et assez savoureux.
Pas un grand album, "Le guide du mauvais père" est plutôt une friandise un peu acidulée que l'on dégustera calmement une fois les enfants couchés, pour s'assurer dans ce miroir pas du tout déformant que la paternité a encore quelques progrès à faire.




mardi 1 janvier 2013

Que garder de 2012 ?

Je souhaite une excellente année 2013 à tous les lecteurs de ce blog, réguliers ou de passage, qu'elle soit faite de plein de rencontres, d'échanges, d'émotions partagées, de films, de livres (bons ou mauvais) , de toutes ces choses qui donnent du sel à un quotidien que nous espérerons moins morose.

Et pour commencer cette nouvelle année, j'ai choisi de regarder en arrière en me demandant ce que je garderai de 2012 comme films, livres et BD. Qu'est-ce qui a fait battre mon coeur, qui m'a passionné ? Quelles sont les oeuvres que j'aurai envie de conserver sur mes rayonnages ?  Je suis bien conscient que je n'ai pas pu tout lire ou voir, qu'il y a évidemment de nombreuses et d'énormes pépites qui me sont passées à côté, que cette sélection est ultra subjective... mais c'est bon quelquefois de faire le tri. 
Voici donc les 3 films, les 3 livres , les 3 BD et les 3 disques qui ont compté pour moi en 2012.
Si vous lisez ce billet, vous pouvez faire comme moi et laisser en commentaire VOTRE sélection. Ce serait sympathique et surtout permettre de confronter nos gouts et,  j'en suis sur, permettre des découvertes.

         FILMS

En reprenant tous les films vus en 2012, j'ai l'impression de n'avoir pas vu grand chose d'emballant. Peut être ai-je mal sélectionné mes sorties... Mais cette année cinématographique est peut être à l'image de la sélection du plus grand festival du monde, j'ai nommé Cannes, plutôt en demi-teinte.

Voici les trois films qui resteront pour moi de très bons moments de cinéma et qui seront forcément achetés en DVD.




C'est un film qui me reste bizarrement en mémoire, alors que les précédentes oeuvres du réalisateur m'avaient passablement ennuyées. Ici, humour décalé, beauté plastique, originalité, font que ce film fut pour moi une énorme surprise.



Pas un film parfait, mais la confirmation que Xavier Dolan est un jeune cinéaste surdoué. Il a réussi à rendre cette histoire de transexualité passionnante, romanesque et formellement inventive (trop quelquefois...mais qu'importe). Quel souffle !



Un documentaire absolument essentiel à l'heure du grand débat autour du mariage gay mais pas que..
Un formidable hymne à la vie, à l'amour, au combat pour des idées justes dont on ressort gonflé à bloc que l'on soit gay, hétéro ou autre. Un condensé d'émotion et d'intelligence.

LIVRES

Pour les livres, le choix a été plus dur, la production romanesque m'ayant fourni beaucoup de très bons moments de lecture. 


Un vrai coup de coeur pour celui-ci. Découvert dans le cadre du prix Orange du livre, dans lequel j'étais juré, ce roman allie virtuosité stylistique, intrigue passionnante et regard acéré sur notre monde.
Arthur Dreyfus est jeune et l'on devra compter sur lui à l'avenir, j'en prends le pari.




Parce que c'est un livre très drôle. Parce que les très bons livres drôles sont rares. Parce qu'un livre drôle a le droit d'être mis en avant. Parce que J M erre est lui aussi un très bon écrivain dans un registre boudé des critiques.



Le contraire du précédent. Un livre dont on ne ressort pas indemne. Un roman qui va jusqu'au bout de la plus terrible des violences. Un voyage difficile mais marquant dans un ouvrage original dans sa forme et qui ne peut laisser indifférent. 

Je cite quand même quelques livres qui ont été de vrais bonheurs de lecture : 
L'assassin à la pomme verte de Christophe Carlier
La maternité de Mathieu Simonet
Le sermon de la chute de Rome de Jérôme Ferrari
Ils désertent de Thierry Beinstingel
Une semaine de vacances de Christine Angot
La liste de mes envies de Grégoire Delacour


                                     BD
J'ai découvert beaucoup de bonnes choses et ici aussi le choix a été difficile. Ma sélection, je m'en aperçois, est loin d'être drôle, comme quoi, la bande dessinée est bien devenue un élément culturel incontournable.




477 pages essentielles sur notre planète. Tout y est décrit et pensé avec la rigueur d'un scientifique et le talent d'un vrai créateur. Indispensable !




Comment à partir d'un fait divers, créer une oeuvre d'une grande sensibilité et d'une beauté formelle admirable.



Le couple, l'amour, la solitude, la mort, le monde qui va mal, tout un condensé de notre époque dans 6 petites histoires, ciselées par un orfèvre de la BD.

DISQUE

Pour cette sélection, c'est uniquement 3 disques que j'écoute toujours beaucoup. Je ne suis guère spécialiste. Mes coups de coeur ne sont que le reflet d'un amateur pas vraiment éclairé mais sincère.





Ce disque possède les trois chansons que j'ai le plus écoutées cette année : Ecris-moi, Suzanne et Bow-window. 



Un grand retour du chanteur bernois, plus en emprise sur le monde et toujours aussi plein de punch... 


The origin of love de Mika

De celui-ci, je n'en ai pas parlé dans le blog, mais il m'accompagne depuis deux mois. Le rythme, la voix haut perchée, l'énergie qui se dégagent de cet album me mettent de bonne humeur . Je n'en demande pas plus en ce moment.... (je devrai ?)