mardi 30 avril 2013

Le trou d'Oyvind Torseter


"Le trou" comme son nom l'indique est un album avec un trou, un vrai. On pourrait dire qu'en littérature jeunesse, le livre à trou(s) est un genre à lui tout seul. Cette parution à "La joie de lire" arrivera à faire son trou dans les librairies car, à défaut d'être vraiment original, il a la particularité de susciter le débat. 
Proposez cet album à plusieurs personnes et hop, votre soirée va démarrer du bon pied, pas de trou dans la discussion car chacun aura son interprétation. Le cartésien pinaillera sur le peu de logique de certains passages, car un trou ne peut être enfermé dans un carton comme le fait le héros. L'amateur d'absurde sera aux anges, se délectant notamment du laboratoire de troutroulogie dans lequel semble finir le facétieux trou. L'intello, lui, trouvera tout un tas de significations sous-jacentes, ce trou pouvant avoir des allures tout à fait philosophiques. 
Mais, me direz-vous, cet  album s'adresse-t-il à des enfants ? Bien sûr que oui ! A partir de 7 ans ils pourront apprécier pleinement cet humour si particulier et l'inventivité de cet auteur suédois. Mais vous l'aurez compris, comme finalement beaucoup d'albums jeunesse, il plaira aussi à un public adulte qui aime encore retrouver de temps en temps un peu de son insouciance enfantine. N'est-ce pas le lot des albums réussis de plaire à un public de 7 à 77 ans ? 
 Livre lu dans le cadre de masse critique du site BABELIO

lundi 29 avril 2013

La première chose qu'on regarde de Grégoire Delacourt


ENTREE LIVRE, le meilleur site du site pour avoir des idées de lecture a inclus " "La première chose qu'on regarde" de Grégoire Delacourt dans sa sélection de livres d'avril. Est-ce vraiment un bon choix ?
Comment enchaîner après un énorme succès ? Cela a du être le problème de Grégoire Delacourt et de son éditeur. Pour le romancier, continuer dans cette veine populaire, sensible,  pas mièvre mais sans se renier et montrer que l'on avance sans se répéter. Pour l'éditeur, surfer sur le succès, en publiant très vite un nouvel opus, à l'instar des auteurs stars de l'édition comme Musso et Lévy. Je ne connais pas les coulisses de la fabrication de ce roman, mais ils n'ont pas su trouver la bonne équation.
"La liste de mes envies", l'an dernier m'avait touché par sa description sensible d'une femme ordinaire. On retrouve dans "La première chose qu'on regarde" ce monde ouvrier souvent délaissé par les romanciers, ces personnes humbles et simples dont les sentiments sont tout aussi touchants que ceux d'une bourge du 8ème arrondissement (sinon plus). Arthur Dreyfuss est un jeune garagiste ressemblant à Ryan Gosling en mieux, l'héroïne, Jeanine est un clone de Scarlett Johansson sans le compte en banque. (Je ne suis pas sûr que les plastiques aguichantes des acteurs susnommés soient bien connues de tous les lecteurs populaires visés.)  Héros déclassés et dévalorisés par une société fascinée par le clinquant, les deux jeunes gens vont vivre une vraie histoire d'amour où les apparences tiennent une place prépondérante.
Je ne dévoilerai pas plus l'intrigue, pour ne pas enlever l'effet de surprise que, peut être le lecteur pourra avoir s'il se décide de se plonger dans ce roman. Je me bornerai à ne donner que des impressions.
Je me suis jeté sur le nouveau Delacourt avec l'espoir de retrouver ce petit moment délicat et délicieux éprouvé l'an passé. Ma déception est à l'image de mon attente : grande.
J'ai bien senti que l'auteur avait voulu se démarquer un petit peu de son roman précédent tout en conservant cette veine populaire. On retrouve cette empathie pour les gens simples, ce désir de les considérer comme de vrais héros romanesques mais cette historiette, peut être une nouvelle redimensionnée, ne tient pas vraiment la route. Il a  voulu y insérer de la dureté (férocité dit la quatrième de couverture , pensant cela plus vendeur), comme si les quelques critiques sur une prétendue mièvrerie de "La liste..." l'avaient atteint. En adoptant un style un peu sec, avec des phrases courtes sans chaleur, Grégoire Delacourt se coupe de  la poésie qui faisait le sel de son précédent livre, rendant le récit sans saveur véritable.
Mais le gros reproche que je ferai à ce roman, est l'avalanche de citations, de références, populaires pour certaines ( Céline Dion, Piaf, C. Jérôme, ...) ou beaucoup moins ( Arthur Dreyfus, le vrai, Woody Allen, le baron perché, ...) qui alourdissent considérablement le texte, rendant la narration cahotique et isolant les héros de notre connivence. On suit cahin-caha leur histoire sans jamais être emportés, écrasés par cette volonté de donner de la profondeur et de la rugosité à une histoire qui n'en demandait pas tant.
Grégoire Delacourt est un auteur très sympathique, prévenant lors de ses séances de dédicaces. Peut être en a-t-il trop fait ? Peut être devrait-il s'enfermer loin de ce monde commercial et médiatique, se reconcentrer sur ce qu'il a fait si bien sur ses deux premiers romans et nous écrire une de ces friandises artisanales si délectable et qui nous emporte le coeur, plutôt que ces 260 pages guère convaincantes.
Grégoire, je ne vous en veux pas car je serai tout de même au rendez-vous pour votre prochain livre, mais de grâce, retrouvez votre âme d'homme bon et lucide que vous avez si bien su utiliser dans le passé...
Vous pouvez vous faire votre avis en plongeant dans l'oeuvre en question (version papier ou numérique) ici : Librairie Decitre

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dimanche 28 avril 2013

L'écriture du monde de François Taillandier


Il arrive quelquefois de finir un livre sur les genoux, avec dans la tête l'envie de vite en ouvrir un nouveau.... C'est ce qui vient de m'arriver pour ce roman d'un auteur dont je n'avais pour le moment jamais parcouru l'oeuvre romanesque pourtant fort prisée par la critique.

Indéniablement François Taillandier connaît le VIème siècle comme le fond de sa poche. rien ne lui échappe, pas un seul général goth, wisigoth ou ostrogoth, ni le moindre écrit un tant soit peu intelligent, ni bien sûr le plus petit fait de guerre pourtant nombreux dans cette époque belliqueuse. Seulement, le pauvre lecteur que je suis, en découvrant cette érudition partagée sans grâce, est noyé dans ce qui finalement devient, au fil des pages, un long pensum historique. Même si le projet de nous prouver que notre civilisation judéo-chrétienne doit beaucoup à quelques hommes de cette lointaine époque est louable, ce roman (?) ressemble plus à un récit historique ampoulé qu'au tableau romanesque passionnant annoncé en quatrième de couverture. Ecrasé par l'évocation de noms et de faits inconnus, je me suis dit que son pari de vulgarisation était perdu par trop d'érudition et par des personnages aux caractères trop peu définis pour permettre la moindre empathie. 
Il doit y avoir des amateurs, moi, je n'en fais pas partie. 

samedi 27 avril 2013

La soeur de l'ombre de Patricia Mac Donald


Sortant de la lecture d'un roman qui m'a assommé (et pas chroniqué ici car je ne parle que des livres que j'ai entièrement lu ), je me suis plongé dans le dix-septième polar de Patricia Mac Donald "La soeur de l'ombre". Malgré une bibliographie bien fournie, je n'avais encore jamais ouvert un de ses ouvrages. Se plonger dans l'oeuvre de cette auteure américaine, c'est comme se caler une après-midi grise devant une série télé de la même nationalité. C'est simple, pas prise de tête, pas surprenant pour deux sous, mais on lit sans s'arrêter, on tourne les pages jusqu'à la fin sans déplaisir. Ici, pas de serial-killer gore, pas de sadisme, nous sommes en compagnie d'un polar que je qualifierai de gentiment classique.
Nous avons une héroïne, Alex, jeune, célibataire et bien sûr jolie qui retourne vivre dans la maison de ses parents décédés dans un accident de la route. Elle rencontrera un séduisant voisin, lequel ne sera pas  non plus indifférent à ses charmes. Ca, c'est pour la partie sentimentale du livre, son côté romance, sûrement pour plaire à un lectorat féminin (un peu vieillissant ? ), mais loin des "Cinquante nuances de gris" (et c'est tant mieux). Ce n'est pas bien grave car cela ne prend que quelques paragraphes parmi plus de 330.
L'intrigue est plus ardue heureusement, même si un peu téléphonée. Notre jeune et belle Alex se découvre une soeur cachée que sa mère, alors adolescente, avait abandonné à la naissance. Coup de théâtre pour l'héroïne, elle passe de fille unique à soeur cadette. Mais manque de pot, celle-ci purge une peine de prison pour le meurtre de sa demi-soeur que ses parents adoptifs avaient réussi à avoir naturellement. Jolie et pure certes la belle Alex, mais également fine mouche, car elle flaire que cette affaire est un peu louche et ne va cesser de chercher à innocenter cette parente tombée du ciel.
Mêlant, enquête, country music, avec un soupçon de gay attitude, le roman nous accroche tout de suite. Si l'intrigue n'est pas à tomber par terre, Patricia Mac Donald mène bien son histoire, ménageant un rebondissement à chaque fin de chapitre, obligeant le lecteur à poursuivre même si quelquefois, le ficelle est un peu grosse. Comme nous sommes dans un divertissement léger, on passe l'éponge et l'on arrive très vite à la fin de ce polar sans même s'en apercevoir. C'est ce que j'appelle avoir du métier.
Moment de détente vite oublié, "La soeur de l'ombre" permet de passer agréablement le temps, surtout si l'on est coincé dans un long trajet en train ou en avion ou dans une location d'été un jour de pluie. 

mercredi 24 avril 2013

On/off d'Ollivier Pourriol


A en croire le rumeur qui court autour du témoignage d'Ollivier Pourriol sur son passage à Canal Plus, "On/off" pourrait passer pour le règlement de compte d'un ancien chroniqueur du "Grand journal", l'émission phare de la chaîne. Rancoeurs, révélations, scoops peoples, un peu de voyeurisme sur cette émission culte, voilà exactement les ingrédients que l'on ne trouvera pas dans ce livre...ou pas tout à fait. 
Ollivier Pouyrriol, romancier, philosophe, bardé de diplômes, est arrivé un peu par hasard dans ce talk-show, suite à, un passage remarqué lors de la promo d'un de ces précédents bouquins. Recruté comme caution intellectuelle voire littéraire de ce programme très formaté, il passera une saison presqu'en enfer, à essayer de caser ses chroniques littéraires au milieu du verbiage promotionnel. Trop naïf, pas assez caméléon, insuffisamment pugnace, il ne trouvera jamais sa place dans ce milieu de requins. 
Composé uniquement de dialogues avec les producteurs de l'émission, les rédacteurs en chef, les animateurs ou ses amis, "On/off" est une comédie noire et amère sur le vide télévisuel. Car plus qu'un livre de révélations ( on n'apprend pas grand chose en fait), c'est plutôt le portrait d'un Candide à la télévision ainsi qu'une analyse sur le pouvoir lénifiant du petit écran, pouvoir aux mains de personnes déconnectées de la réalité, naviguant au gré des sondages d'opinion et des attachés de presse, des taux d'audience et de l'idée que le téléspectateur doit être nourri comme un poulet de batterie bas de gamme. 
"On ne veut pas de l'intelligence, on veut les signes de l'intelligence" dit cyniquement l'auteur. C'est exactement ce que fait l'émission à l'aura surdimensionné qui ne propose, malgré une vitrine portée sur l'actualité chaude, qu'un semblant de pertinence, plus prompte à servir la soupe qu'à réellement éclairer le téléspectateur. 
Tout cela n'est pas vraiment d'une originalité folle, on le sait tous, mais qui ne s'est pas laissé porter par ce programme, pour qui,  un peu intéresser beaucoup de monde est préférable à intéresser peu de monde ? Qu'est allé faire Ollivier Pourriol dans cette galère ? Avait-il la vanité d'insuffler un peu de culture, d'intelligence et de poésie dans un monde qui n'en a cure ? Attiré un peu par les lumières de la pseudo célébrité, retenu par un salaire démentiel, il naviguera dans la chaîne à péage sans jamais trouvé les bons vents porteurs. Son livre raconte ces interrogations, gentiment, simplement. On y rencontre de la poésie et des citations de Deleuze. C'est très facile à lire, pas impertinent pour deux sous. Ce sera vite oublié même si on passe un agréable moment, un peu comme quand on regarde "Le grand journal", émission qui finalement est arrivée à déteindre jusque dans ce livre. Trop fort !




mardi 23 avril 2013

Hollywood Babylone de Kenneth Anger


Cette plongée dans l'Hollywood depuis 1915 jusqu'aux années 60 est une vraie descente aux enfers. Raconter ce rêve américain qu'est l'industrie du cinéma aux States en ne parlant que des scandales, donne une vision, certes un peu réductrice mais totalement accrocheuse. Entre chroniques de journaux peoples et enquête, "Hollywood Babylone" joue avec les instincts curieux ou voyeurs du lecteur tout en levant un coin du voile sur les réalités de cette usine à rêves que furent les studios hollywoodiens. De l'âge d'or où les acteurs deviennent de véritables nababs, en passant par la grande dépression de 1929 qui eut le malheur de coïncider avec l'arrivée du parlant, jetant au suicide ou à la rue moultes stars aux voix trop peu charmeuses, Kenneth Anger, ne nous épargne aucune des grandes affaires qui ont secoué ce milieu durant cinquante ans. Morts violentes inexpliquées, meurtres maquillés, déguisés par les studios tout-puissants, orgies tournant mal, starlettes défoncées abrégeant leur vie, stars hypersexuelles, cocaïnées et alcoolisées dont la carrière est stoppée pour satisfaire les ligues de vertu, mafieux et autres escrocs attirées par le fric qui coule à flot, forment un ensemble bien peu ragoûtant.
Evidemment l'usine à rêves hollywoodienne, on le savait, est celle de tous les débordements, de toutes les excentricités. Rien ne sera épargné au lecteur qui à l'impression parfois de lire un de ces tabloïds à scandale qui tirèrent, à la belle époque, jusqu'à quatre millions d'exemplaires. Pas forcément exhaustives, ces chroniques, assez savoureuses, entre humour et dérision parfois, sont le fruit d'un long travail de recherches.
J'ai cependant senti un certain parti-pris de l'auteur, évitant de trop égratigner certaines stars  ou bien passant trop rapidement sur certaines ( l'affaire Frances Farmer notamment ). Normal, Kenneth Anger est lui aussi issu de ce milieu. Il en connaît visiblement tous les recoins, tous les secrets et l'on sent qu'il ne révèle pas tout.
Edité dans une collection très agréable à lire grâce à sa souplesse, abondamment illustré, "Hollywood Babylone" est un voyage dans un pays loin d'être merveilleux. Lorsqu'on le referme, on se demande si c'est toujours comme ça...toujours aussi orgiaque, cocaïné, gangrené par la mafia. Comme les chiens ne font pas des chats, on attend donc le chroniqueur des années 2000 qui compilera ou révélera le monde d'Hollywood d'aujourd'hui, côté poubelle.

dimanche 21 avril 2013

Mon ami Dahmer de Derf Backderf



Derf Backderf est un auteur de bande dessinée américain qui a la singularité d'avoir été, adolescent, le condisciple d'un sérial killer condamné à 957 ans de prison ! Cette rencontre et le destin hors norme de ce monstre qui, après avoir assassiné dix-sept inconnus pour se masturber sur leurs morceaux éparpillés après équarrissage et qui fut assassiné en prison, a longtemps hanté l'auteur. Plusieurs années durant, il a cumulé les histoires courtes, les formats divers, pour finalement se concentrer à l'écriture du roman graphique que publient aujourd'hui les éditions çà et là.
"Mon ami Dahmer" est consacré uniquement aux années collèges/lycées de celui qui deviendra plus tard, dans une presse déchaînée "le cannibale du Milwaukee". C'est une très fine observation de l'adolescence et de celle de ce futur assassin, au plus près des souvenirs, sans acrimonie, juste quelques interrogations bien légitimes. En ne rapportant que des faits exacts, vérifiés, recoupés, le témoignage acquiert une force inattendue, mélange de pitié et d'inéluctable. Aucune compassion là-dedans, juste le récit objectif de la trajectoire hors norme d'un jeune homme pourtant déjà décalé mais  dont l'entourage familial ou sociétal n'a rien vu ou voulu voir.
On peut être surpris par le dessin un peu cartoonesque de l'auteur, surtout dans le cadre d'une aussi sordide histoire. Mais le montage serré, aux cadrages très cinématographiques et la puissance narrative de ce récit font vite oublier cette impression.
"Mon ami Dahmer" est un roman graphique dont la fine description de l'univers adolescent américain (pas sans rappeler "Elephant" de Gus Van Sant) doublé d'une plongée fascinante dans le cerveau d'un être en proie aux pulsions les plus singulières.
Un témoignage graphique original et vraiment réussi.




samedi 20 avril 2013

Le tamanoir hanté d'Alice de Poncheville



Il y a bientôt dix ans que je ne me suis pas plongé dans un roman pour jeunes lecteurs (en fait depuis que mes filles ont passé ce créneau). Après avoir refermé "Le tamanoir hanté", je me suis dit que j'avais du perdre mon âme d'enfant ou bien que je n'avais plus les idées claires pour les romans publiés pour cette tranche d'âge. Je suis allé sur le net voir ce qui se disait et je me suis aperçu, que de nombreux blogueuses et blogueurs avaient, comme moi, reçu en avant première ce livre. L'école des loisirs a bien fait son travail auprès de ceux qui semblent compter dans le lancement d'un livre. La blogosphère a fort bien réagi à ce généreux envoi,  tout le monde a trouvé cela drôle et hyper inattendu et vachement bien....
Désolé, pour l'éditeur et l'auteur, mais moi, je ne pourrai jamais conseiller un tel roman à un enfant.
J'ai vraiment eu l'impression de me retrouver à lire le scénario ficelé à la va comme je te pousse, d'un vulgaire dessin animé bas de gamme.
 Dans une forêt, les animaux ne peuvent pas dormir car, sitôt la nuit tombée,  un bruit épouvantable leur fait bigrement peur. Ils décident de capturer le coupable afin de retrouver leur douce quiétude. Au même moment, ils sont la proie de fourmis rouges qui leur cause d'horribles démangeaisons....
Le point de départ n'est pas déshonorant, mais c'est le développement et la fin totalement improbable et aux idées mystiques un peu rances et surtout malvenues pour de jeunes enfants qui me font réagir ainsi. Vous connaissez l'horrible série d'Antoon Krings (Léon le bourdon, Mireille l'abeille, aux jolies images mais aux textes indigestes )? Il s'agit de la gamme au-dessus mais dans un tout en un. Comme les enfants sont plus grands et censés avoir un humour très fin, les animaux s'appellent ici, Sourigolote, Chat-touilleur ou Renarnaque et c'est le seul ressort comique de toute la première partie du roman ( Bon, après, ça veut être drôle, mais perso, je n'ai même pas esquissé un demi sourire tellement c'est convenu). Comme la forêt est très peuplée, on a droit à un véritable et très long défilé de noms vraiment rigolos. Ce qui au début peut sembler épatant, devient vite à la longue lassant et je ne suis pas sûr que le jeune lecteur prise de cet humour vieillot digne de l'almanach Vermot junior.
Je ne dirai rien de la fin, aussi fine que le caractère des personnages ( Hérissongeur rêve et devinez ce qu'est Furetourdi ? .... ) et un peu trop peuplée d'esprits à mon goût.
Ce roman, écrit comme un scénario de série télévisée ne m'a pas du tout convaincu. Du coup, je l'ai fait lire à ma plus jeune fille (15ans), plus proche du public concerné. Et même verdict : "C'est naze !" Mais une ado arrachée à "Bel ami" peut-elle avoir bon goût ? J'en doute un peu.  Et un homme dans la cinquantaine comme moi,  peut-il priser ce monde niaiseux d'une forêt peuplée d'animaux aussi peu intéressants ?  Alors, peut être que des enfants auxquels il est destiné vont s'y jeter dessus et le relire 1000 fois pour le plaisir ? Si j'avais un enfant qui faisait ça, je me poserai des questions....

jeudi 18 avril 2013

Après moi le déluge d'Alex Beaupain





C'est indéniable, l'excellent quatrième album d'Alex Beaupain signe son entrée dans la cour des grands si l'on en croit l'empressement médiatique de ces derniers jours. Couverture de Télérama plus quatre croches de note, journée spéciale sur France Inter, critiques à genou. C'est sûr, les trompettes de la renommée retentissent aux oreilles du chanteur. Ca renouvelle un peu le paysage de la chanson française de jeter ainsi en pâture au grand public, ce talentueux auteur/compositeur et ce n'est pas moi qui oserait dire le contraire. Cependant, en tant que fan de la première heure, je mettrai un très léger bémol à ce concert de louanges.
Oui, je l'avoue, j'attendais avec impatience ce nouvel opus et, comme souvent quand on attend beaucoup... Attention, déception toute relative, car un disque d'Alex Beaupain, c'est la certitude de textes modernes et finement écrits. Et ici, dans "Après moi le déluge", l'écriture est parfaite pour décrire le vie amoureuse contemporaine et ses aléas. Seulement, je n'ai pas éprouvé cette fois-ci cette évidente originalité des débuts. En allégeant ses chansons des thèmes récurrents qui jusqu'ici inspiraient ses textes, à savoir, la mort de l'être aimé et cette errance sexuelle qui a suivi, Alex Beaupain a surement plus de chance d'agrandir son public, mais il enlève cette singularité qui le faisait sortir du lot. 
Certains titres, même formidablement bien écrits, n'évitent pas le déjà fait ou le déjà entendu. Pour qui découvre le chanteur, ce n'est pas bien grave, mais le fan reste un peu sur sa faim. N'en déplaise à Télérama, "Je suis un souvenir " ne me semble pas être LA grande chanson annoncée pas plus que "Je peux aimer pour deux" ou "Pacotille". ( Mais peut être que l'écoute répétée de cet album feront émerger  ces titres pour le moment moins originaux)
Cependant, ce nouvel album recèle des pépites, enrichies de sonorités très fin des années 60 et d'une trompette omniprésente, qui vont enchanter le mois qui viennent : "Grands soirs", déjà sur les ondes depuis deux mois, mais aussi "Quarantaine", belle analyse du temps qui passe et de la vieillesse qui pointe, "Après moi le déluge" pour son côté pop song à l'anglaise. Mais les chansons les plus accrocheuses sont nées de la collaboration d'Alex Beaupain avec d'autres artistes :  Julien Clerc, retrouvant son inspiration des années 70,  offre avec "Coule" un titre reconnaissable entre mille mais rudement réussi, La Grande Sophie attrape l'oreille avec la mélodie implacable de "Contre le vent", et quant à l'alliance avec Christophe Honoré, elle donne le morceau le plus abouti et le plus fort de l'album "Baiser tout le temps". 
Vous l'aurez compris, même si je fais la fine bouche sur deux misérables titres, "Après moi le déluge" est bien l'album le plus évident d'Alex Beaupain, celui qui, je l'espère, le portera au Panthéon de la chanson française, ce Panthéon qui regroupe ces artistes qui savent si bien en quelques mots simples, décrire profondément nos vies, nos pensées et nos tourments. C'est du grand art et il est temps de reconnaître à Alex Beaupain le titre de chanteur français de ce début de siècle. 





mercredi 17 avril 2013

L'envers d'une vie de Caroline Pascal


Si l'on regarde passer dans une rue de Versailles, Paul-Armand, le héros de ce roman, on voit un homme sûr de son statut, à la mine pas vraiment attirante, avec à son bras une dame bien mise, portant vraisemblablement tous les codes vestimentaires de cette bourgeoisie locale suffisante. Leur fille, après des études dans une bonne institution privée, vient de donner naissance à un héritier mâle, permettant ainsi de sauver leur patrimoine des griffes de l'état. Fréquentant l'église de leur quartier huppé, on les imagine bien manifestant contre le mariage gay, et totalement investis dans les fêtes de charité que les gens nantis organisent pour s'assurer, à défaut d'une vraie empathie pour la pauvreté pas vraiment ambiante, un place au paradis.
Tout l'art du roman de Caroline Pascal est de démonter, de gratter, d'enlever le vernis de cette belle image. Car si Paul-Armand est bien cet homme au port guindé et coincé, à la suffisance indéniable, le chemin a été long pour y arriver. Le parcours on ne peut plus cahotique de cet homme, est raconté à rebours, d'aujourd'hui jusqu'à sa naissance . Car Paul-Armand s'est créé un personnage. Il a du batailler ferme entre sa laideur de naissance, assez repoussante, ses deux mariages, l'emprise de la boisson, son manque de père, la mort subite de sa mère et sa bâtardise.
On pourra trouver ce procédé narratif inutile, voire difficilement accrocheur au début, mais très vite, il apparaît comme évident. En remontant le fil du temps, on enlève ainsi toutes les couches successives qui ont permis à cet homme de se construire, découvrant ainsi, petit à petit, une vérité enfouie au plus profond de lui.
Portrait assez cinglant de cette bourgeoisie versaillaise, sûre d'elle et cynique, camouflant de moches secrets derrière les lambris dorés des beaux appartements, "L'envers d'une vie" est également une fresque historique sur une génération d'après guerre, ébranlée et bouleversée par des changements qu'elle refuse de voir comme inéluctables.
Porté par une très belle écriture au classicisme parfaitement adapté au milieu décrit, j'ai été sensible à ce portrait d'homme qui avait tout pour m'apparaître détestable mais qui, au fil des pages, arrive à devenir attachant. Ballotté par l'Histoire, blessé par la vie, mis à l'écart pour sa laideur, le chemin de Paul-Armand laisse entrevoir que sous les costumes bien coupés et les lodens, et malgré la sauvegarde des apparences, se camoufle quelquefois des destins insolites et moins compassés qu'il n'y paraît. 

dimanche 14 avril 2013

Le temps de l'aventure de Jérôme Bonnell


Sur le papier, en lisant le scénario, on ne pariait pas trois cacahuètes sur cette improbable brève rencontre. Alix, comédienne de seconde zone, quitte Calais, où elle joue un petit rôle dans une pièce d'Ibsen, pour se rendre à un casting à Paris. Dans le train, elle croise plusieurs fois le regard triste d'un homme chic, un peu âgé. Au moment de descendre du train, l'inconnu lui demande le meilleur chemin pour se rendre à l'église sainte Clotilde... Après son casting, la jeune comédienne, sur un coup de tête, décide d'aller retrouver l'homme dans cette église où se déroule un enterrement...
Avec un canevas aussi léger, on pouvait s'attendre à un de ces films sensibles, assez rasoir, qui enchante les critiques mais ennuie les spectateurs. Au bout du compte, il faut bien le dire c'est vraiment bien réussi. Je vais toutefois régler son sort à  Gabriel Byrne (l'inconnu).  Un peu coincé et à la sensualité d'une boîte de petit pois, il n'est pas tout à fait crédible. Même si son air inexpressif peut passer pour du chagrin, on a du mal à croire à sa passion dévorante. Il a l'allure d'un versaillais allant à la manif anti mariage gay,  il n'enlève jamais sa chemise quand il fait l'amour,  même après une étreinte brûlante quand il se vautre dans un lit dévasté. Enfin, non, Gabriel Byrne ne se vautre pas, il est sagement allongé, en chemise donc, les couvertures jusque sous les bras, distillant quelques mots tendres avec retenue. Heureusement que la mise en scène, très inspirée de Jérôme Bonnell, nous fait vite oublier ce qui me paraît une erreur de casting (magie des coproductions sans doute). S'appuyant sur un scénario millimétré, où rien n'est laissé au hasard pour rendre crédible cette incartade amoureuse, sa caméra se fait tour à tour gracieuse, caressante, inventive au gré de l'action. Mais la pièce maîtresse du film, pour qui a été écrite cette histoire, c'est Emmanuelle Devos. Elle absolument parfaite de bout en bout. Ce film est un hymne à son talent qui explose ici sans équivoque. Tendre, perdue, hésitante, drôle, burlesque même (dans la scène du poteau), mais aussi énervée, méchante, amoureuse, Jérôme Bonnell nous montre ici l'éventail infini des possibilités de jeu de la comédienne, le tout sans lourdeur et avec une grâce inouïe. Elle irradie ce film de son talent et l'amène dans des sphères inespérées.
"Le temps de l'aventure" est un très joli film romantique, sur une passion aussi fulgurante qu'éphémère, qui accroche le spectateur par une mise en scène pertinente et une comédienne de plus en plus formidable. En ces temps de disette pré-cannoise, voici un film auprès duquel il fera bon s'aventurer.



mercredi 10 avril 2013

Sombre dimanche d'Alice Zeniter


"Sombre dimanche" est indéniablement un joli roman. On y trouve tous les ingrédients qu'un lecteur à envie de trouver :  Un peu d'exotisme, même si la Hongrie des années 70/80 n'est pas une destination de rêve, elle sert de toile de fond historique à une évocation en filigrane de son histoire et notamment l'avant/après du régime communiste. On y découvre aussi un décor symbolique et marquant comme cette maison qui abrite les héros du récit, perdue au milieu des voies ferrées de la gare principale de Budapest. Et puis, éléments essentiels , on fait connaissance avec des personnages ébréchés, un peu décalés, brisés par la vie, qui tentent de se faire une place dans un monde qui ne veut pas vraiment d'eux.
On suit donc la trajectoire de Imre, jeune hongrois partagé entre le devoir familial et le désir de rompre cette malédiction qui voue sa famille à un funeste destin. Coincé dans une Hongrie rêvant à l'Occident, Imre ne se sentira pas mieux dans celle plongeant par la suite dans le libéralisme. Entre une sexualité à épanouir et l'étau d'une famille sclérosante, il essaiera de s'inventer une vie meilleure.
Ca se lit d'une traite, avec plaisir, d'autant plus que cela démarre avec de nombreuses évocations poétiques ou réalistes qui donnent un charme fou à cette histoire. Nous sommes embarqués au coeur de la vie de ces hongrois, à la vie simple mais émaillée de souvenirs souvent mauvais et d'espoirs. Cependant, Alice Zeniter ne m'a pas semblé tenir la distance. La deuxième partie déroule plus rapidement toute une série d'événements, sans trop s'attarder. Le temps file beaucoup plus vite, le charme de la première partie se perd peu à peu au profit d'une succession de rebondissements sans chaleur. L'intérêt ne faiblit pas, mais l'emballement de départ se délite pour, une fois le livre refermé, se transformer en un avis un peu mitigé : agréable mais sans le petit plus qui fait que l'on aura envie d'offrir encore et encore ce livre.

Voici la version hongroise de la chanson évoquée dans le livre d'Alice Zeniter, laquelle donne également le titre de son roman.


samedi 6 avril 2013

La maison de la radio de Nicolas Philibert


"Elle est là, immobile, elle raisonne,
Sa présence me rassure et me plaît
Quand j'entends défiler les personnes,
Des mots, des airs, des histoires,
A la radio. "
On aurait pu entendre cette chanson de la Grande Sophie au générique de ce documentaire de Nicolas Philibert.   Trop facile bien sûr, mais tellement vraie.
En plantant sa caméra dans la vénérable maison ronde de l'avenue du Président Kennedy, le réalisateur avoue n'avoir eu aucune idée de ce que serait son film au final. Et nous assistons à une ronde de séquences d'un matin banal au matin banal suivant, sans souci de chronologie événementielle. Cela donne une mise en images des voix, des sons, sans que cela ressemble à une compilation d'animateurs ou de genre musicaux. Nous entrons ainsi de plain-pied dans cette institution, sans guide, au gré du bon plaisir d'une caméra qui sait bien saisir les visages et le voix. On y croise des personnages que l'on prend plaisir à retrouver tout le long de la projection, la sensible réalisatrice de pièces radiophoniques, Marguerite Gâteau ou la pétulante ordonnatrice d'infos, Marie-Claude Pincon-Rabot. Mais, sauf, si l'on est un auditeur assidu des programmes de Radio-France, on risque de se sentir perdu dans cet assemblage un peu hétéroclite de séquences. Toutefois, certaines scènes attirent notre attention, notamment celle de cette émission littéraire pointue, où une écrivaine, un peu perdue, fait face à un animateur compassionnel et dont l'échange de regards en dit long sur le monde qui les sépare ou celle où le journaliste Hervé Pochon dialogue avec un chasseur d'orages.
Et puis, c'est la grande qualité de ce documentaire, il souligne l'extraordinaire foisonnement de cette maison, la passion de son personnel pour les voix, pour donner aux sons, quels qu'ils soient, leurs lettres de noblesse. Apparaît alors l'énorme chance d'avoir en France une telle maison, qui permet à des créateurs venus de tous les horizons, de faire entendre leur voix parfois vraiment singulière.
Nicolas Philibert rend un bel hommage à cette richesse sonore, cette qualité d'écoute, cette proximité qu'est la Maison de la Radio. observateur unique d'un artisanat radiophonique, il offre ici un bel hommage à un trésor national. Qu'il en soit remercié !


ABC bestiaire de Janik Coat

Encore un abécédaire pour les petits ! Genre à part entière en littérature jeunesse, les parutions se multiplient pour le meilleur comme pour le pire. Avec "ABC bestiaire" nous sommes assurément du bon côté.
Des lettres, des animaux, des prénoms et de magnifiques illustrations, et hop le tour est joué ! Classique  ? Pas du tout ! Les illustrations de Janik Coat, faites d'aplats de couleurs, m'évoquant certaines illustrations dans les années soixante-dix, sont tout simplement magnifiques de simplicité et de charme. Les enfants, ainsi que leurs parents, joueront dans un univers très coloré, avec des animaux aux drôles de prénoms rigolos. Les pages devenant de plus en plus foisonnantes au fur et à mesure que les animaux apparaissent, le jeune lecteur jouera à retrouver  Héliope le hibou ou Quincy le quetzal, qui malicieux, se seront déplacés dans ce paisible décor. Les parents, apprendront surement des choses car l'auteur a glissé dans ce bestiaire des animaux qui m'étaient inconnus. Ayant pourtant collectionné avec ferveur durant les années soixante-dix les photos d'animaux offertes par le magazine Télé 7 jours, je ne connaissais pas l'existence du jabiru (prénommé Jocaste ici) ni de l'unau... Comme quoi, même un album pour petits est source de connaissance ou de vocabulaire, même pour les plus grands.
Totalement séduit par cet album aussi ludique que gracieux, je ne peux qu'en recommander le feuilletage et je suis certain que très vite vous devrez en racheter un deuxième au bout de quelque temps, tellement les petits mains avides et joueuses de vos enfants l'auront visité.
Album lu dans le cadre du prix Sorcières 2013 organisé par le site de lecture LIBFLY.

jeudi 4 avril 2013

Perfect mothers d'Anne Fontaine





Deux grandes amies très proches depuis l'enfance, la quarantaine belle, ont chacune un fils de vingt ans. Elles s'ennuient un peu, finissent par accepter les sollicitations du fils de l'autre et couchent avec. Elles savent bien que cela ne durera pas, une jeunesse plus fraîche mais pas forcément plus ardente, leur enlèvera leur fringant étalon. Sous le soleil australien, la passion de ces cougars dérangeantes ira jusqu'au bout de sa logique impitoyable : l'amour, la passion, plus forts que les bonnes moeurs.
Anne Fontaine aime de temps en temps dans son cinéma, déranger le spectateur. "Nettoyage à sec" voyait l'irruption de la bisexualité dans la vie d'un propriétaire de pressing. "Nathalie" jouait sur le fantasme du ménage à trois. Dans "Perfect mothers", on navigue entre inceste, lesbianisme et passions interdites. Ces thèmes d'ailleurs ont été jugés totalement dérangeants par certaines ligues de vertus américaines qui ont manifesté leur mécontentement lors du festival de Sundance où le film était présenté.
Vu d'Europe, cette hystérie laisse sceptique. Le film élude élégamment certains de ces aspects, comme l'homosexualité latente des héroïnes, en une courte scène pas réellement convaincante. Mais surtout, le propos est énormément adouci par une esthétique de papier glacé particulièrement présente ici.
Je ne vais pas reprocher à la belle Naomi Watts et à la magnifique Robin Wright d'être totalement éclatantes à l'écran, divinement habillées et furieusement séduisantes. Mais cette image somptueuse, ces plages paradisiaques, ces intérieurs somptueux filmés comme pour figurer au concours du plus beau fond d'écran, atténuent sensiblement le propos dérangeant du film. On suit sans réticence ces passions peu ordinaires, mais avec cette distance qu'impose un univers trop clinquant et trop chic. Tout est beau, parfaitement manucuré mais il n'y a plus d'aspérités. Ce qui aurait pu s'avérer dérangeant n'est plus que joliment transgressif. Ces beaux corps ardents qui par moment se frôlent, s'encastrent, s'en trouvent déshumanisés et ne feront guère frétiller de désir le moindre poisson tropical.
Si feuilleter "Madame Figaro" chez votre coiffeur est pour vous un plaisir, si la consultation de brochures de voyages vous comble d'aise (et si, comme moi, la vue de Robin Wright vous ravit), "Perfect mothers" est fait pour vous, avec juste  une touche de poivre pour relever le tout. Cependant, même si le voyage est agréable pour les yeux, le dernier film d'Anne Fontaine ne laissera que le souvenir diffus d'un film qui aurait pu être un rien plus poil à gratter.


lundi 1 avril 2013

Ladivine de Marie Ndiaye


Décidément, l'univers de Marie Ndiaye n'est pas pour moi. Avec "Ladivine", j'ai retrouvé le même ennui qui m'avait englué lors de la lecture de "Rosie Carpe".  Toujours des portraits de femmes, enfermées dans une solitude poisseuse et qui traversent le monde, invisibles et inaccessibles, déroulant une vie monotone, sans relief apparent.
Dans "Ladivine", elle sont trois, trois générations de femmes au destin sans joie et dépressif. Elles auront toutes les trois une vie morne, empreinte d'une simplicité qui confine à la léthargie. des drames viendront s'immiscer pourtant, les affectant, les questionnant, les bouleversant en faisant voler en éclats leurs maigres certitudes.
Prendre des femmes simples pour héroïnes, les rendre pensantes et complexes, décrypter leurs pensées, fouiller au plus profond d'elles pour leur donner chair et accessoirement interroger le thème de la filiation et de la transmission est indubitablement une démarche littéraire intéressante.  Seulement Marie Ndiaye complique les choses à l'envi. Elle aime glisser dans son récit des éléments vaguement fantastiques pour les abandonner très vite (les vêtements volés, ...). Elle use aussi d'une symbolique pas toujours accessible. ( Ce, ces chiens que croise Ladivine, qui sont-ils réellement ? ) D'autres fois, elle introduit des éléments totalement illogiques qui ont perturbé le lecteur rationnel que je suis (le double prénom et la mère morte ne tiennent pas la route une fois l'héroïne passée devant le maire). Mais comme cela ne suffit pas, quand les personnages sont dans l'action, ils vont constamment errer par la pensée dans leur passé, le fouiller au plus profond, le ressasser inlassablement, ralentissant la narration et n'évitant pas toujours la redite. La lecture se fait alors pénible, voire irritante car, malgré tout, il y a une très belle écriture qui n'a pas son pareil pour évoquer les sentiments les plus subtils. Et c'est ainsi qu'apparaissent au détour d'une page, des fulgurances totalement marquantes. Malgré l'ennui éprouvé, je suis sûr qu'il me restera dans la tête, et pour longtemps, des images, des sensations, des lieux, ... C'est assez singulier mais c'était déjà le cas avec "Rosie carpe" dont certaines scènes sont encore bien présentes dans mon esprit, douze ans après sa lecture. Talent de l'écrivain évidemment mais sensation étrange d'incompréhension et, pour moi, sentiment de gaspillage au profit d'un hermétisme qui confine à la pose.
La presse a tressé des dithyrambes pour ce livre, parlant d'oeuvre labyrinthique qui se méritait. Quand les critiques emploient ces mots, il est certain que l'on a affaire à quelque chose de fort ennuyeux, voire plus.  Pour ma part, et cela se vérifie ici, l'univers romanesque de Marie Ndiaye et son écriture pourtant impeccable, ne me parlent que trop peu. Ce ne sont pas les quelques paragraphes étincelants débusqués ici ou là qui me feront conseiller ce "Ladivine" aux étranges méandres psychanalitiques.