lundi 30 juin 2014

On a failli être amies d'Anne le Ny


Marithé (Karin Viard) est une employée modèle d'une agence de formation professionnelle. Son savoir faire en matière de réinsertion frôle la perfection. Persuasive, opiniâtre, elle arrive à fourguer des ouvrières vieillissantes licenciées d'une usine de  jouets à un restaurateur branché en guise de serveuses hors pair. Quand le hasard de son métier et de son quotidien bien terne de femme divorcée de quarante ans va lui faire croiser la femme d'un restaurateur étoilé un peu déboussolée ( Emmanuelle Devos) et cherchant visiblement un autre chemin que celui de la bourgeoise poings et pieds liés à un mari, sa vie va prendre une drôle de tournure. En plus de pénétrer dans un monde auquel elle n'a jamais eu accès, elle va redécouvrir le plaisir de séduire (le restaurateur) et d'utiliser ses compétences pour se débarrasser de l'épouse en lui trouvant dare-dare une nouvelle orientation professionnelle. D'employée modèle et de femme larguée, elle va passer au statut peu enviable de salope patentée.
Sur le thème de l'amitié féminine, Anne le Ny, explore pour une fois une facette moins cliché qu'à l'habitude. On est assez loin de ces amitiés qui peuvent vaincre n'importe quelle adversité, où les héroïnes avancent main dans la main dans la tempête, généralement générée par un mari odieux, un amant volage ou un affreux tueur. Ici, la perfidie, l'égoïsme, sont une des composantes de cette relation. En allant dans cette direction, le film détonne un peu de l'ordinaire. Magnifiquement interprété, joliment dialogué aussi, " On a failli être amies" ménage aussi bien de purs moments de comédie que des plages d'émotion. Cependant, et malgré un arrière fond social pas trop mal vu, le film n'atteint cependant pas le statut de très bon film. Peut être pas encore assez mordant pour le hisser au niveau des sommets, peut être aussi un peu trop formaté pour un futur passage télé, on sort de la projection plutôt content d'avoir passé un bon moment mais persuadé également que l'on oubliera assez vite ce film.
Pour le jeu impeccable des deux actrices, on peut sans problème aller voir "On a failli être amies", même si le film a failli être excellent.



jeudi 26 juin 2014

Under the skin de Jonathan Glazer


J'avoue que j'ai été étonné des critiques élogieuses obtenues par ce film sorti de nulle part. Généralement juin est souvent partagé entre deux genres de sorties: celles de films présentés à Cannes dans une section parallèle et ayant obtenu un bon succès critique ( Xénia, le procès de Viviane Amsalem, ...) et des daubes diverses et peu variées (souvent des comédies espérant faire un max d'entrées lors de la fête du cinéma).
Mais, donc là, au milieu de tout un tas d'oeuvrettes prédigérées, si l'on en croit Télérama et les autres, une pépite essentielle est projetée cette semaine sur les écrans. Un thriller de science-fiction sacrément original et intelligent, une oeuvre qui risque de faire figure de film culte.
Heureusement que le résumé succinct affiché sur les programmes nous précisait qu'il s'agissait de l'histoire d'une extra-terrestre, parce qu'à l'écran, le petit point blanc qui grossit sur un musique atonale pendant deux minutes, aurait pu passer pour bien autre chose. J'étais donc averti et Scarlett Johansson est donc un alien qui conduit une camionnette. Les 2/3 du film sont consacrés au maniement du volant de l'engin par la star pulpeuse, affublée d'une perruque brune et qui observe, l'oeil froid, les passants solitaires, surtout des mâles. Elle va en séduire quelques uns, les faire monter dans son véhicule, les appâter en se déshabillant et les noyer dans une sorte d'encre à effet miroir. Plus tard on saura que leur peau sera utilisée pour recouvrir d'autres aliens. L'histoire avance doucement, Scarlett de l'espace, après avoir été imperméable à toute émotion, semble gagnée par quelques troubles qui la troublent.... Une sorte d'éléphant man sera le déclencheur de ce changement psychologique....
J'avoue que le film est original, porteur de quelques plans de toute beauté ( les scènes de meurtre),  de scènes fortes ( le bébé sur la plage, celles de la fin). Je reconnais que la mise en scène est créative soignée, inspirée, avec des tas de degrés de lecture ( regard sur notre ultra moderne solitude, jeu avec la puissance érotique de Scarlett Johansson), mais alors que d'ennui au final. C'est long, très long, très lent, un brin répétitif même si les points de vue dans la camionnette sont différents et léchés. On a du mal à voir où tout cela nous mène... et on baille de manière élégante  mais surtout discrète, il ne s'agit pas de paraître perdu ou ennuyé alors que les Inrocks ont crié au génie !
Je sais bien que certaines images resteront longtemps dans la tête et que ce long métrage a toute les conditions pour devenir culte, mais je doute tout de même que beaucoup de monde (à part les cinéphiles 5 étoiles) y trouve réellement son compte. Saisir le neuvième degré au milieu d'un océan d'ennui n'est pas chose aisée. Ce film est à réserver aux fans de Mlle Johansson qui dévoile  encore une fois entièrement sa plastique  et à quelques mordus qui se délectent des films rares dans leur écriture et leur projet. "Under the skin" est également conseillé aux fétichistes des camionnettes ... perversion rare qui ne devrait amener guère de public devant les écrans.


mardi 24 juin 2014

Trois groupes français actuels

En lisant la presse et en recherche de ce qui pourrait être mon album de l'été (celui qui tournera en boucle dans la voiture sur la route des vacances), trois groupes musicaux français ont attiré mon attention : Christine and the queens dont la sortie de leur CD a suscité une déferlante d'articles dithyrambiques, les consacrant déjà comme quasiment incontournables, Archimède, dont une critique plutôt élogieuse dans Télérama a suscité mon intérêt et Charivari, groupe local de copains sarthois qui avec un deuxième album essaie de percer un peu plus sur la scène française.
Ces trois groupes ont donc une notoriété différente, du branché du moment aux encore inconnus qui cherchent à élargir la masse de leurs fidèles trop localisés dans leur région.
Cependant, pour un acheteur lambda comme moi et un auditeur parfaitement subjectif, pas vraiment spécialisé, cette pseudo hiérarchie médiatique est-elle vraiment palpable ? Christine ans the queens, qualifié découverte de cet avant été tiendra-t-il plus la route que l'insupportable Fauve dont on nous avait vanté les mérites en début d'année? Archimède est-il vraiment le groupe français au son pop british dont on se délectera sans fin ? Charivari, produit très local, doit-il rougir de honte par rapport à ses confrères bénéficiant d'un meilleur label ?
J'ai téléchargé (légalement) ou acheté les trois albums en question et j'ai écouté, longuement, attentivement.  Mon avis arrive, sans fioriture et sans connaissance particulière, que celle  de mon oreille toute personnelle.







Cet été là de Jillian et Mariko Tamaki


"Cet été là" est la chronique intimiste de deux jeunes adolescentes en vacances avec leurs parents. Rose et Windy se retrouvent depuis plusieurs étés à Awago Beach, une petite station balnéaire paumée au bord d'un lac. A part la plage, peu d'attractions pour distraire la jeunesse. Le seul lieu digne d'intérêt pour les deux filles est le drugstore minable où l'on achète quelques bombeks ou loue des DVD. Tenu par un jeune homme tout à fait banal, ce jeune mâle va tout de même attiser leur curiosité et éveiller un petit peu les sens de Rose.A force de l'espionner, les deux ados vont avoir l'impression de se trouver au coeur d'un drame amoureux, mêlant l'attrait d'une sexualité qui ne demande qu'à s'éveiller et ses conséquences parfois dramatiques.
Ce gros roman graphique de 319 pages accroche son lecteur avec peu de choses. Rien de vraiment extraordinaire ne se passe, l'action est ténue. Mais les deux auteures ont une grande virtuosité pour explorer avec délicatesse et précision ce moment si particulier où l'enfance nous quitte et le monde des adultes nous fait des clins d'oeil sans encore avoir le culot ou l'envie d'y répondre. Très joliment porté par un dessin clair et tendre, "Cet été là" promène sa petite intrigue sur le fil fragile d'un récit aux détails aux apparences anodines. On y trouve les élans, les doutes, les envies, les malheurs quotidiens, les envies d'affranchissement de deux futures femmes recherchant plus ou moins inconsciemment un premier frisson. Expérimentant les films d'horreur, essayant de mettre du romanesque dans la langueur d'un interminable été, observant autour d'elles des adultes qui se déchirent, les deux héroïnes parviennent à nous émouvoir en nous faisant retrouver ce sentiment fugace où le monde commence peu à peu à déchirer le monde merveilleux de l'enfance.
Ce roman graphique a l'ambition de jouer sur la sensibilité du lecteur en le faisant pénétrer doucement dans l'intimité de deux adolescentes en construction. Pour moi, c'est réussi mais cette chronique peut paraître à certains un peu trop plate. A réserver, je pense, à ceux qui se passionnent pour une lente description d'un été qui n'en finit pas plutôt qu'aux amateurs d'action.




jeudi 19 juin 2014

Adieu au langage de Jean Luc Godard

"Quel film ! Quelle magnifique leçon de cinéma !" Adieu au langage" est vraiment une réinvention du cinéma, un nouveau mode d'écriture, la porte ouverte vers une nouvelle dimension artistique . On en prend plein les yeux, les oreilles, le cerveau. On en sort avec l'impression d'avoir découvert un nouvel art narratif. !"
Ca c'est ce que les ultimes fans ou ceux qui pensent encore que Jean Luc Godard est LE génie du cinéma qui répandent ce genre de commentaires (en langage plus soutenu et alambiqué bien sur !) lors des dîners en ville. Le spectateur lambda que je suis est nettement plus sceptique quant à l'intérêt de l'oeuvre. Disons que ce monument d'ennui n'a pas réussi à me toucher. Tout y est volontairement moche (à part quelques plans fugaces) et raté. L'image est soit sale, ou laide ou sursaturée de couleurs ou polrisée ou pixelisée. Les scénes peuvent s'arrêter net au milieu d'une action ( mais y en a-t-il vraiment ? ) ou d'un phrase sentencieuse. Les sons peuvent se chevaucher, grésiller, faire mal aux oreilles voire être inaudibles. Vous me direz que l'on dit adieu au langage et que c'est normal ! Il y a quelques acteurs qui jouent mal. La fille est souvent nue , l'homme pète sur ses toilettes, défèque bruyamment en lisant à haute voix de la philosophie. Il y a des mafieux en Mercédes qui sont sensés nous foutre la trouille et Roxy Miéville, un chien (celui de sa compagne) qui court dans la nature. C'est pédant, prétentieux et se veut épate bourgeois. On sent bien que Maître Godard essaye de prouver qu'il a quelque chose de créatif et d'original à dire malgré son grand âge. Personnellement, j'ai eu l'impression que ce collage d'images et de sons ressemblait plus aux derniers soubresauts d'un cinéaste jadis précurseur qu'à une réelle envie de dire quelque chose. Etre percutant et pertinent doit-il passer obligatoirement par un procédé hermétique et rasoir ? Pour réserver cela à une soi-disant élite intellectuelle ? Ce procédé qui nie en fait toute possibilité d'être entendu par le plus grand monde, sombre dans un néant sidérant et sidéral. Et malgré tout le respect que l'on peut avoir pour lui et son passé de cinéaste reconnu, l'impression de propos tenus par un vieil aigri prévaut.
Alors on s'ennuie ferme, on ricane en entendant des phrases lancées de façon pontifiante par une voix d'outre tombe du genre : " Il n'y a pas de nudité dans la nature parce que l'animal est nu même s'il n'est pas nu" ( approximativement car sitôt dite, on enchaîne avec un plan penché et tremblotant d'un chien courant dans les bois alors qu'une autre voix professe une phrase toute aussi compliquée mêlée à du Sibélius à fond les manettes). Digérer ce que l'on entend devient vite impossible et soit on prend l'option de sortir (ce qu'ont fait mes trois malheureux compagnons qui avaient tenté l'aventure godardienne plutôt que de regarder le foot à la télé) soit on reste, hésitant entre le fou rire et le sommeil. Je suis resté, je n'ai pas beaucoup ri quand même, mais je sais que j'ai lutté contre l'endormissement.
Certains me diront que tout l'intérêt du film vient de la 3D. Comme ma salle en région ne l'a projeté qu'en 2D, je peux supposer que je n'ai visualisé qu'une oeuvre amputée.... D'autres, qui ont eu la chance de chausser sur leur nez ces magnifiques lunettes qui servent généralement aux projections des Disney et autres Spiderman, m'ont confirmé que la 3D version Godard ne fait qu'exploser la rétine ! Alors, je remercie mon cinéma de m'avoir épargné, en plus, un rendez-vous ophtalmo...Le cinéma est parfois loin d'être un plaisir...



lundi 16 juin 2014

Citrus, le mook des éditions de l'Agrume


Pour coller à l'actualité, le blogueur que je suis ne recule devant rien pour appâter le chaland. Profitant de cet engouement pour le Mundial, lui qui a horreur du foot et qui ne fait pas la différence entre le gardien de but et l'arbitre, il vient de lire en entier, le premier numéro d'un nouveau mook des jeunes éditions de l'Agrume "Citrus" (sous titrée "revue illustrée" ) entièrement consacré au foot ! 
Si on regarde un tout petit peu attentivement l'illustration de la couverture, on sent bien que le ton de la revue ne sera pas celui du commentaire d'après match, ni de l'ambiance Kronenbourg/chips/pizza. Décalage, intelligence, profondeur, voilà le programme annoncé. 
"Citrus" se compose de texte de fonds et de bandes dessinées diverses et variées, mêlant, sociologie, histoire, politique et football. C'est bien écrit, souvent pertinent et intéressant. Je n'irai pas jusqu'à dire passionnant parce que le sujet ne m'intéresse pas du tout, mais cette mise en avant de quelques histoires emblématiques de ce sport donnent tout de même à l'ensemble une cohérence et un attrait inespéré. Je serai  un rien plus critique sur certaines bandes dessinées fleurant un peu l'amateurisme, avec un graphisme proche de l'essai primal du pré-adolescent tâtant de la BD. Cela reste bien sûr subjectif.... et pas grave du tout, il faut bien débuter à un moment... 
Il y a deux choses qui font que "Citrus" m'est apparu vraiment sympathique. A défaut d'y trouver de la sueur et de la testostérone (quoique ?!), c'est, tout d'abord, la jeunesse de l'équipe qui émerge surtout avec toute sa candeur mais principalement avec un regard  assez unique sur ce sport de masse. C'est aussi, autour d'un sport macho au possible, l'occasion qui est donnée à de nombreuses femmes de se pencher sur ce sujet et de s'exprimer comme bon lui semble. Cela donne toute son originalité à ce projet qu'il faut encourager, car on aimera pouvoir lire ce qui composera les prochaines parutions avec des thèmes vraiment très alléchants : les faits divers (à l'automne) et le sexe (au printemps prochain). 
Alors, si autour de vous, les mordus du ballon rond sont légion, plutôt que d'offrir "Onze" (ça existe encore ?  Je n'en sais rien....) ou So foot, préférez cette revue autrement plus branchée et culturelle. En plus de faire une bonne action en aidant un jeune éditeur qui mouille son maillot, vous arriverez peut être à faire germer dans l'esprit de tous ces footeux, que leur sport favori développe d'autres enjeux bien plus importants ou inquiétants que les simples pronostics ou les envies de victoire de leur équipe nationale . 








vendredi 13 juin 2014

La ritournelle de Marc Fitoussi



Le cinéma, parfois, aime nous présenter de grands acteurs populaires dans un contre emploi étonnant. J'ai souvenir, il y a quelques décennies, d'être resté sceptique devant la composition improbable de Catherine Deneuve en éleveuse de dindons ( "Le choc" de Robin Davis en 1982). J'ai retrouvé la même impression cette semaine dans "La ritournelle ", car Marc Fitoussi nous recycle Isabelle Huppert en éleveuse de bovins. Le résultat n'est guère plus convaincant mais de courte durée. Un brossage de taureau et un vêlage placés en début de film,et hop,  Mlle Huppert se retrouve bien vite dans un bel hôtel parisien qui lui sied quand même mieux. 
Il faut dire que Brigitte ( Huppert donc) est une sorte d'Emma Bovary vieillissante. La paille et le purin ce n'est pas trop son truc. Elle rêve de conversations plus raffinées que celles tenues par quelques éleveurs sur la puissance d'un jarret ou d'un nouveau concept de stabulation. Plutôt portée sur des horizons plus subtils, elle se prend à rêver d'une escapade à Paris après s'être faite courtisée par un jeune à l'apparence désirable et fleurant bon l'aventure. Prétextant un rendez-vous chez un dermatologue pour soigner une horrible plaque de boutons purulents, Brigitte s'apercevra que le jeune et sémillant dragueur est finalement bien décevant mais croisera dans son périple un dentiste danois assez émoustillé...
Cette comédie romantique, assez classieuse de part sa distribution haut de gamme ( Huppert, Darroussin, Demoustier, Marmaï, ...), pas mal écrite non plus, ne tient pas tout à fait en haleine le spectateur. Le rythme de sénateur adopté, est vraisemblablement destiné à ne pas effaroucher les lecteurs de Notre Temps, cible semble-t-il privilégiée de cette bluette. Nous sommes dans les rails bien huilés d'une histoire mignonnette, évitant toutefois avec habileté certains clichés mais ne bousculant les codes du genre qu'à la marge. On suit sans grande passion le récit, au bord de l'ennui, malgré une très jolie photo d'Agnès Godard, quelques répliques pertinentes et des comédiens qui font leur job. 
"La ritournelle" est à l'image de son titre : un film vieillot, parfaitement illustré par la cape écossaise et la toque en fourrure portés par Mlle Huppert (mais avec des Louboutin aux pieds, on ne lésine pas quand on est agricultrice et que l'on monte à la capitale !). De bonne facture, gentiment romantique pour faire rêver les coeurs vieillissants et hésitants aux petits plaisirs de l'adultère pour réveiller un couple usé, il reste cependant irrémédiablement plan plan et conventionnel. A voir un soir sur M6, en sirotant une tasse de verveine et le son de sa télé un peu plus haut qu'à l'habitude pour masquer les ronronnements de son chat blotti sur ses genoux. 

mardi 10 juin 2014

Des canards trop bizarres de Cécil Castellucci et Sarah Varon




Je n'ai pas été très sensible aux précédentes publications de BD pour la jeunesse des éditions Rue de Sèvres ( Mon père ce héron de JulZita, fille de l'espace ou les épouvantables Tchouks ), mais avec celui-ci, j'avoue que je serai nettement plus clément car d'une autre trempe tout de même. 
"Des canards trop bizarres" est certes une BD pour enfants mais lorgnant plus vers le roman graphique pour les 5/8 ans. Je sais, la nuance est infime, mais ici, le format et la longueur de l'histoire (104 pages tout de même !) font que c'est vers ce genre que je classerai ce livre. 
Gwendoline est une jolie petite cane, un peu excentrique comme une vieille fille anglaise, mais très sympathique. Elégante avec son joli petit sac à main, elle habite une petite maison près d'un étang où elle peut nager avec une tasse de tisane d'églantier sur la tête (pour garder une position idéale). Elle adore la sauce de mangue, faire du vélo et surtout le calme de sa petite vie bien pépère (heu mémère !). Mais voilà qu'un jour,vient s'installer dans la maison voisine  un drôle d'escogriffe, vraiment étrange. Elvis est un peu artiste, couvert de plumes bizarres et a un langage pas toujours facile à comprendre. Gwendoline va faire d'énormes efforts pour être aimable avec ce drôle de voisin pour finalement décider que ce canard n'est vraiment pas fait pour être son ami. Et pourtant, une passion commune pour l'astronomie va redistribuer les cartes de l'amitié ....
L'histoire est classique. Comme chez Harlequin, ils se rencontrent, se détestent, pour mieux s'aimer ensuite sauf qu'ici c'est surtout le dessin qui prime et que l'illustratrice est très douée pour donner plein de relief et de drôlerie à ce récit, aidée par un scénario qui lui aussi fourmille d'annotations cocasses et hilarantes. Abordant sans détour le thème de l'amitié et de la différence, cet album se révèle joliment bourré de bons sentiments, mais sans lourdeur, car c'est l'humour et la tendresse qui l'emportent. 
Cette fois-ci, la pioche est bonne pour les éditions Rue de Sèvres, ces "canards trop bizarres " sont aussi délicieux qu'une tasse de tisane d'églantier (dont une customisation maison nous est offerte en fin d'album) et tout aussi goûteux que de la sauce de mangue. Alors, avis aux petits gourmands, le plaisir est au fil des pages.




lundi 9 juin 2014

A la grâce des hommes d'Hannah Kent


Les presses de le cité, dans ma petite tête, éditent des ouvrages bien ficelés, faciles à lire, pour un lectorat féminin aimant la lecture mais surtout la détente. C'est donc avec un léger à priori que je me suis plongé dans "A la grâce des hommes", le premier roman d'une prof d'écriture australienne, Hannah Kent, même  s'il a bénéficié d'une bonne exposition publicitaire dans les pages littéraires de certains magazines féminins. (l'éditeur semble penser que ce roman a du potentiel). 
L'histoire se déroule en Islande dans la première moitié du 19 ème siècle. Agnès, fille de ferme condamnée à mort pour le meurtre de deux hommes, est transférée dans une famille de fermiers qui n'avait rien demandé de tel. Accueillie plus que fraîchement, elle va travailler dur jusqu'à l'annonce de son exécution. Un jeune révérend est nommé pour l'accompagner jusqu'à son trépas, avec pour mission de préparer la prisonnière à sa rencontre avec le Seigneur. Dans le climat islandais plus que rude, dans des conditions de vie spartiates, au milieu de la neige, des poux et de la promiscuité des badstofas (pièce de réception locale mais aussi chambre à coucher commune ), Agnès va peu à peu raconter sa vie. Son auditoire va lentement, mais sûrement, revoir son jugement sur cette femme et se trouver confronter à un dilemne : coupable ou pas ? 
L'intrigue est classique, menée avec maîtrise. L'auteure prend le temps de bien camper ses personnages. Même s'ils ne sont pas exempts des habituels clichés du genre (la condamnée belle et rebelle, le révérend jeune et tendre, la patronne rude mais pas sans coeur), les pages se tournent allègrement car il règne dans ce roman un atmosphère particulière, étouffante, bien rendue. La tension de cette mort annoncée s'ajoute au climat rigoureux et à l'insularité prégnante du pays. On y trouve aussi une description sociologique de cette population islandaise de l'époque, repliée sur elle même, confite en bondieuseries, pétrie de croyances diverses et prompte à avaler le premier ragot venu. Les différents personnages, face à Agnès et sa mort prochaine, vont être ébranlés dans leurs certitudes. La justice des hommes en prend un coup et la divine aussi. 
Peut être pas un plaidoyer contre la peine de mort, ni un brûlot contre l'obscurantisme religieux, " A la grâce des hommes" est un roman finement mené, mélange de romanesque et d'histoire. Ecrit de manière basique mais avec efficacité et sensibilité, le livre est plaisant, parfait pour une lecture sans prise de tête. Kate Mosse (l'auteure de polar, pas le mannequin vieillissant) a adoré semble-t-il... Pourquoi pas vous ? 


Merci à Babelio et aux éditions des Presses de la cité  de m'avoir permis de découvrir ce livre.
 Roman  lu dans le cadre de "Masse critique " du site Babelio.

jeudi 5 juin 2014

Bird people de Pascale Ferran


Ce soir, j'ai envie de tout laisser tomber . Qu'est-ce que je fous devant mon écran à vouloir donner mon avis sur ce film ? Ne pouvais-je pas tout simplement en discuter avec la petite dizaine de personnes qui était dans la salle avec moi, qui a quitté le cinéma silencieusement, sans un regard pour personne, regagnant son univers intime pour, peut être aller lire mon billet ou celui d'un(e) autre sur un site internet ? Ai-je vraiment besoin de cet écran lumineux et froid pour prouver que j'existe ? Vous allez dire que je fais mon Garry et vous aurez raison.
Vous ne connaissez pas Garry ? C'est un des deux personnages principaux du nouveau film de Pascale Ferran. C'est un cadre très supérieur, overbooké, toujours entre deux avions et négociant des affaires en millions de dollars. Un matin, après une nuit d'angoisse dans une chambre d'hôtel de Roissy, il décide de tout plaquer. Exit boulot, femme et enfants. Il décroche. Ras le bol de ce libéralisme aliénant. Marre de n'être qu'un soldat d'une guerre qui ne dit pas son nom. Il s'offre une autre vie sans pour autant laisser de côté cette technologie devenue indispensable au genre humain. Il continue de communiquer par sms, mail et rompt avec son épouse dans une hallucinante scène de rupture via Skype. Toujours branché mais défait des liens de la productivité, il s'offre un nouveau chemin.
Garry, c'est un peu nous, tout comme l'autre personnage du film, Audrey, étudiante travaillant comme femme de chambre dans ce même hôtel international. Silencieuse et efficace, elle pénètre dans ces bulles d'intimité éphémère que sont les chambres de cet établissement. Son côté romanesque et rêveur lui fait imaginer des vies à la simple vue d'un billet d'avion ou d'un propos glissé dans un smartphone par une cliente errant dans un couloir. Besoin de rêve pour une jeune fille à la solitude latente et percevant toute la précarité d'un monde à la dérive. Elle aussi connaîtra l'euphorie de la liberté grâce à une originalité scénaristique dont je tairais la teneur.
"Bird people " est un film d'une profonde originalité car c'est un film LIBRE . Pascale Ferran, grâce à un scénario impeccable et surtout à un regard de grande cinéaste, nous offre une leçon de liberté. Liberté de traiter son sujet sans aucun cliché, aucune convention, utilisant le romanesque comme le fantastique, la philosophie comme la sociologie, nous collant Mathieu Amalric narrateur le temps d'une scène, s'attardant sur des personnages secondaires comme sur d'infimes détails pour mieux revenir ensuite sur ses héros, s'offrant des trucages numériques dans un film résolument art et essai. C'est plein comme un oeuf, cela nourrit le spectateur et bien qu'il se passe pas grand chose, on ne s'ennuie jamais. Le film nous parle, nous donne à réfléchir, réagir, s'interroger. C'est peut être cette puissance narrative qui fait que le spectateur sort de la salle si silencieux... le film résonne fortement en lui.
Vous connaissez beaucoup de film qui vous font ressentir physiquement, par deux fois, le vent frais du soir lorsque l'héroïne décide de se promener sur la terrasse de l'hôtel ? C'est ce genre de sensation (et beaucoup d'autres) que Pascale Ferran nous fait éprouver pendant les 2h08 que dure la projection. A mille lieues d'un cinéma commercial formaté, "Bird people" est vraisemblablement le film français le plus intéressant que l'on ait pu voir depuis au moins six mois. Contemporain, original, politique et romanesque, c'est sans tarder qu'il faut découvrir ce vol cinématographique vers les contrées du grand cinéma d'auteur !



mercredi 4 juin 2014

Une place au soleil de Jean Leroy et Sylvain Diez


La plage,  c'est bien quand on est tranquille. Le problème, quand il fait beau, c'est que tout le monde a envie de s'allonger sur le sable au bord de l'eau. Et quand il y a foule, pas facile de se reposer. La petite souris sur sa petite serviette en fait l'amère expérience. Quand ce n'est pas l'hippopotame qui lui fait de l'ombre, c'est le crocodile qui ronfle ou les enfants de l'éléphant qui jouent aux raquettes ! Comme la petite souris est une râleuse, l'atmosphère sur la plage vire à l'orage et elle se retrouvera isolée à cause de sa mauvaise humeur.
Très joli album pour les petits râleurs qui leur montre que la mauvaise humeur isole et que si l'on cherche bien au fond de soi-même, montrer sa face agréable est vraiment plus gratifiant.
Jolie morale donc, mais accompagnée d'illustrations qui nous en mettent plein la vue dans un mode un tantinet minimaliste . Les couleurs chaudes répondent à tout un jeu sur les rayures des serviettes de plage ou de certains pelages des animaux. Certains cadrages serrés amènent un petit suspens ou jeu de découverte pour identifier l'animal qui trouble la sieste de la petite souris. Quant à la deuxième partie de l'histoire, plus sereine, qui apporte une petite dose de morale pas du tout appuyée.  Elle est toutefois court-circuitée par un clin d'oeil final qui montre bien que quand on a un peu mauvais caractère, on ne s'en défait pas facilement...
Cet album sait très bien s'adresser aux enfants de 3/4 ans qui s'y retrouvent  énormément (même s'ils n'arrivent pas toujours à l'expliciter). L'univers graphique contemporain et réussi en fait, en plus, un régal pour les yeux. A mettre sans nul doute dans la valise de votre bout de chou cet été !






lundi 2 juin 2014

Literary Life de Posy Simmonds


Six ans sans un nouvel album de Posy Simmonds ! Ce fut long pour moi qui avait littéralement adoré "Gemma Bovery" et "Tamara Drewe", ces deux chefs-d'oeuvre qui ont permis à pas de mal de mes amis, qui se sont vus dans l'obligation de se plonger dans ces désormais classiques,  de comprendre que la BD ou le roman graphique avait un intérêt certain.
Je me suis donc jeté sur "Literary Life", que j'ai acheté le jour de sa sortie mais que j'ai laissé traîner chez moi, hésitant à le découvrir, préférant retarder encore un peu le délicieux moment que je ne manquerai pas de passer. Des jours durant, j'ai admiré la couverture qui évoque pour moi un éden de lecteur : Une plage, l'été, tout le monde en train de lire du magazine au roman. Moi qui aime le soleil, la mer et les livres, j'ai attendu une belle journée pour me mettre au diapason de l'illustration et découvrir l'album.
Cette fois-ci il ne s'agit plus de l'adaptation de grands classiques de la littérature mais de chroniques parues dans le supplément littéraire du Guardian, quotidien britannique tendance travailliste. Comme le titre l'indique, Posy Simmonds parle du milieu littéraire. Le sujet n'est pas vraiment grand public, un soupçon spécialisé même, mais quand on passe sont temps à fouiner dans les librairies, les salons du livre, que l'on est un lecteur compulsif, c'est un monde que l'on connaît un petit peu. C'est avec un réel plaisir que l'on découvre, l'envers du décor, la face cachée et pas trop jolie de ce petit microcosme. Généralement sur une planche d'une page, mais parfois plus ou avec un seul grand dessin, se succèdent devant nous, écrivains égocentriques à succès, libraires sur le déclin, petits romanciers à tirages ridicules, vieilles gloires déchues, auteurs pour la jeunesse, écrivains signant dans une foire, tous croqués avec ironie mais avec amour. Posy Simmonds a un oeil acéré qui ne rate aucun de leurs travers, de leur mesquinerie, de leurs jalousies. Ce qui est formidable chez elle, c'est l'invention permanente pour varier l'approche de ses portraits. Du jeu des erreurs, en passant par le quizz  ou les pastiches de romans célèbres, tout est bon pour nous surprendre et nous amuser. Elle créé également des personnages récurrents absolument hilarants comme le docteur Derek et son infirmière Tozer, médecin spécialisé dans les maux des écrivains liés aux manuscrits ou l'agent spécial Rick Raker qui détruit les réputations des stars du livre. Elle s'en donne à coeur joie, dégommant ici une idée reçue, griffant par là une posture trop ridicule, mais toujours avec élégance et bienveillance, car elle l'aime ce milieu littéraire !
Le dessin, simple, clair, typiquement anglo saxon, mais reconnaissable entre mille (sauf pour le docteur Derek aux allures de BD américaine ) est une petite merveille de fausse douceur. Sous son aspect simple et propret, il cache des trésors de perfidie et joue souvent le décalage avec un texte joliment traduit.
Album vraiment réussi, sûrement réservé aux amateurs des livres dans le plus grand sens du terme, "Literary Life" les passionnera. Les autres y trouveront un portrait gentiment ironique sur un milieu dont l'importance est inversement proportionnelle au prestige qu'il dégage.




dimanche 1 juin 2014

Bouche d'ombre de Maud Begon et Carole Martinez



Je l'avoue, j'ai acheté cette BD sur le seul nom de Carole Martinez. L'excellente auteure du " Domaine des murmures " devenant scénariste pour un triptyque en bande dessinée, je ne voulais pas louper ça !
L'éditeur, fine mouche, avait apposé un beau bandeau rouge sur la couverture comme chez Gallimard. Le chaland que je suis a bien sûr était appâté et a acquis la chose sans barguigner.
Ca débute au Moyen-Age avec deux bâtardes sauvées par des moines. Puis cela continue avec un groupe de lycéens parisiens qui ont envie de tester le spiritisme. La séance fonctionne au-delà de leurs espérances, puisqu'ils entrent en contact avec la mère défunte de leur amie Haïtienne. La suite virera au noir sans pour autant savoir ce que l'épisode moyenâgeux venait faire au début...
Dire que j'ai été emballé par le récit serait mentir. L'intrigue est finalement simple, pas franchement palpitante et un peu cousue de gros fils blancs. La toile de fond, avec le groupe d'adolescents ne brille pas par son originalité ....il est difficile de se démarquer tant le sujet est, et a été déjà beaucoup exploité.
Ce n'est pas désagréable à lire, mais cela n'a absolument pas la densité des précédentes oeuvres romanesques de Carole Martinez. Mais peut être que le récit prendra toute son ampleur avec l'apport des deux autres tomes annoncés car "Bouche d'ombre" est un triptyque. Pour le moment, ce premier volume n'est pas à proprement parler convaincant. Seules les illustrations de Maud Begon, par leur finesse et leur trait assez singulier, arrivent à donner à ce récit une atmosphère particulière entre mystère et noirceur.
Pour le lecteur que je suis, j'attendrai sans nul doute le prochain roman de Mme Martinez malgré cette incursion, au demeurant sympathique, dans l'univers de la bande dessinée, plutôt que la suite de cette histoire...