samedi 28 février 2015

Hungry hearts de Saverio Costanzo


Une femme, Mina, et un homme, Jude, se retrouvent enfermés dans les toilettes d'un restaurant chinois, puis vivent ensemble, puis font un enfant. La grossesse est compliquée et Mina accouche sous césarienne d'un bébé légèrement prématuré. Petit à petit, peut être suite au traumatisme de cet accouchement trop médicalisé, elle enfermera son couple autour de ce bébé auquel elle prodiguera des soins, se fiant uniquement à son instinct qui est est obsédé par des contaminations venues de l'extérieur. Le bébé, à force de sirop étranges et d'une nourriture végétalienne ne se développera pas normalement.
Développé sans aucune théorie psychologisante, "Hungry hearts" avance doucement par petites touches, laissant le spectateur trier les quelques détails qui lui sont suggérés, le récit progressant sans vraiment surprendre. Toutefois, les deux acteurs sont très convaincants. Alba Rohrwacher, nouvelle égérie du cinéma d'auteur italien, a l'allure tourmentée impeccable et Adam Driver, au physique particulier, est parfait dans le rôle du mari partagé entre amour et suspicion.
Mais voilà, que dire de plus ? Ce film avance sûrement vers un dénouement plus ou moins attendu, c'est selon son degré de clairvoyance. J'ai suivi cela sans être totalement passionné. Il faut dire que par moment le film hésite entre plusieurs directions ; le film psy , puis le film mystérieux (on pourrait penser à "Rosemary baby " pour l'ambiance et le côté doux et éthéré de l'héroïne), pour revenir au psychologique. La réalisation semble se concentrer énormément sur des plans rapprochés, en contre plongée, mettant en valeur (?) l'appendice nasal des acteurs. Parfois, comme dans cette scène au milieu du film, elle joue aussi avec l'image en lui donnant une impression bizarre de rendu de miroir déformant. Il doit y avoir une explication narrative, un signifiant que je n'ai pas eu envie de chercher, ces plans étant plaqués pour moi sans grande utilité pour l'histoire.
Je suis ressorti un peu dubitatif.  Pas un grand film c'est certain mais une certaine originalité dans le traitement de cette histoire particulière qui n'arrive cependant pas à être totalement électrisante, juste mettant parfois le spectateur un peu mal à l'aise. Je me suis demandé si ce n'était pas une petite attaque contre les adeptes de pratiques médicales alternatives ou d'ordre hygiénistes. J'ai songé aussi à une jolie démonstration autour de l'instinct maternel (ici de protection maternelle), montrant que ce n'est qu'une vaste fumisterie. Mais, j'avoue, que tel que le film est fait, il est difficile d'y trouver un thème évident. C'est sûrement à nous, spectateurs, d'aller y puiser des éléments de réflexion. Cependant le côté un peu contemplatif de l'ensemble, un peu lisses ou détachées des scènes, m'a empêché peut être de ressentir aussi fortement le propos.
Mais si vous êtes passionnés par les problème de maternité, d'élevage d'enfants, de vie de couple, je pense que vous pourrez y trouver votre compte, la solidité de l'interprétation y sera pour beaucoup.


vendredi 27 février 2015

Attention ! fais marcher ton imagination de Nicola O'Byrne


Le titre de cet album édité par le Père Castor chez Flammarion, laisse supposer un livre lourdement pédagogique comme il en sort des masses à destination de parents avides de réussites transversales pour leurs délicieux bambins. On aura tort de dédaigner ce petit bijou, aussi drôle à raconter qu'à feuilleter.
Un joli petit lapin s'ennuie mortellement lorsque survient un loup se disant bibliothécaire et lui proposant d'inventer une histoire. Le petit lapin est méfiant (on le serait à moins) devant ces grands yeux, ces grandes oreilles et cette grande bouche qui, bien que lui promettant de belles lectures, ne disent rien qui vaille au petit animal, se remémorant soudain une histoire bien connue.
Mais le désir d'inventer un conte avec le loup est le plus fort et les voilà partis en voyage dans l'imaginaire. Certes le loup téléguide sérieusement l'histoire. Le petit lapin, de plus en plus roublard, semble accepter le jeu.... semble seulement car....
Non, pas question de dévoiler la suite ! Cet album est un régal à lire avec la petite voix inquiète puis faussement crédule du lapin et la grosse voix gourmande du loup qui s'amuse éhontement de l'innocence du mangeur de carottes. Seulement ici, en plus des nombreux rappels d'une histoire très connue faisant de nombreux clins d'oeil aux jeunes lecteurs qui ont grand plaisir à saisir le double sens de cette histoire, l'imagination fait rage et va faire s'envoler cet album dans ses sphères délicieuses. Accompagné par des illustrations énergiques mais aux douces couleurs pastels, le charme de cette histoire est total et infiniment réussi !
Et si vous tentez l'aventure, à coup sûr vous vous procurerez le précédent titre de cet auteur "Attention! Ouvrir doucement", tout aussi créatif mais un peu plus complexe dans sa narration me semble-t-il.  Ces ouvrages d'un auteur anglais dont il sera intéressant de suivre les prochaines parutions sont idéaux pour les amateurs d'histoires farfelues à partir de 4 ans !




jeudi 26 février 2015

Birdman d'Alejandro Gonzalez Inarritu



"Birdman" est sans doute le produit le plus en phase avec son époque. Tout est dans la vitrine ultra clinquante, relustrée par quelques oscars, mais n'est au final qu'un pudding gonflant et indigeste sans aucune saveur réelle et surtout sans l'ombre d'un propos intéressant qui puisse titiller les esprits. Pour reprendre une vieille publicité pour un soda américain lancé dans les années 70 : ça ressemble à un film d'auteur,, c'est doré comme un chef d'oeuvre ....mais ce n'est pas un chef d'oeuvre ...très loin de là !
Je commencerai par faire un sort au soi-disant formidable (faux) plan unique du film : c'est à peine si on le remarque. Cette performance totalement tape à l'oeil n'apporte, hélas, rien au film sinon une aura inutile de grand technicien. La caméra virevolte tellement de partout et dans tous les sens qu'il est quand même difficile d'apercevoir ce (faux) plan séquence de 2h !
Je continuerai par bâiller devant le scénario du film, totalement banal. Franchement les affres d'un comédien dont la gloire passée le poursuit sans cesse et qui joue une sorte de va-tout avec un retour sur scène dans une pièce soi-disant sérieuse, a comme un air de déjà vu non ? Ok, ici, il a incarné un super héros, le birdman du titre, ça change la donne, c'est certain. Mais comme le senor Inarritu, surement pour faire moderne, mais aussi pour donner un semblant de mystère et d'onirisme, lui a adjoint quelques pouvoir surnaturels (il fait exploser des ampoules, déplace des objets jusqu'à se débarrasser d'un partenaire qu'il juge nul), le pensum sur les déboires de la vie d'artiste tournent plutôt au blockbuster hystérique.
J'ajouterai que Michaël Keaton, qui évidemment mouille sa chemise dans un rôle à cent lieues de ses films habituels, n'a pas de chance. Il est entouré de personnages dont les stéréotypes laissent pantois : le partenaire impuissant et cabot, la femme quarantenaire hystérique, la méchante critique vraisemblablement frigide, la fille qu'il faut sortir de la drogue, ... Tout ce joli monde a en plus hérité de répliques plus vides les unes que les autres, parfois d'une affligeante banalité, souvent surlignant grossièrement des sentiments de pacotille.
On pourrait sombrer dans un ennui total si le cinéaste ne secouait pas constamment nos yeux avec des mouvements de caméra survoltés, empêchant le spectateur de sombrer dans un sommeil salvateur. Pas certain que cela suffise, il a en plus fait concocter une bande son avec des solos de batterie qui vous vrillent les tympans à chaque fois que Keaton emprunte un couloir. Et comme le pauvre héros passe son temps à déambuler, j'ai vu plus d'un sonotone se mettre en position off dans la salle.
Vraiment, j'ai passé un sale moment avec Birdman, où le ridicule se roule avec la platitude, où l'esbroufe fait figure de style, où les clichés s'enchaînent sans fin, où les acteurs cabotinent éhontément. Je sauverai juste Emma Stone, qui malgré un rôle ingrat, arrive à prouver qu'elle est vraiment une comédienne tout terrain,qui parvient à être crédible et sensible même dans les pires navets. Il n'y a juste qu'une interrogation qui m'a hanté durant toute la projection : mais est-ce possible que cette jeune femme ait des yeux aussi grands, comme une héroïne de manga ? Réalité ou trucage numérique pour une finalité qui m'échappe ?
Quoiqu'il en soit, malgré ses nombreux oscars, "Birdman" reste un film au propos totalement creux enveloppé dans un imagerie énervée et énervante, une sorte de blockbuster aux apparences art et essai mais qui n'est au final que le délire inepte d'un réalisateur pas encore sorti de son adolescence.




mercredi 25 février 2015

Le chevalier noir d'Antonin Louchard



A l'heure, où la morale va faire un grand retour dans les écoles,il n'est pas tout à fait sûr que "Le chevalier noir" se retrouve dans une de ses listes éditées par le ministère de l'Education Nationale. Je suis même certain qu'il en sera honni, les cheveux de nos futurs chevaliers de la bien pensance se seront dressés sur leur têtes de technocrates pour qui le monde de l'enfance est un agglomérat abstrait fait pour ingurgiter sans moufter les derniers courants pédagogiques.
C'est certain Antonin Louchard nous propose une fable piquante, loin d'un univers où tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Le chevalier noir. bien que ce soit un lapin blanc, avec son armure inoxydable et son regard belliqueux, n'inspire guère confiance. Le voilà parti combattre les infidèles. ( C'est bizarre ce terme prend une saveur un peu étrange de nos jours). En chemin , il ne fait qu'à être énervé par des enquiquineurs qui le gênent dans sa chevauchée punitive. Des canards sauvages en migration ? Qu'importe, il les abat sans pitié avec son arc ! Des brigands ? Ils sont impitoyablement massacrés avec sa grande épée ! Ne parlons pas de ces ridicules moustiques et encore moins des infidèles dans leur château , ils seront détruits séance tenante !
Il va m'être difficile de continuer car je ne peux divulguer la chute de ce sanglant mais très malicieux album pour enfants. Je dirai, pour rassurer les lecteurs qui penseraient que je tourne au dangereux blogueur, que ce récit est un formidable hommage à l'imaginaire enfantin et à l'indéniable envie qu'ont les enfants d'inventer des histoires violentes et horribles pour leur plus grand plaisir.
Avec un sens inné du dialogue et une maîtrise de la chute impeccable, Antonin Louchard ne renie en rien son  côté acide et malicieux. En allant à contre courant d'un mouvement naissant, visant à faire entrer nos chérubins dans un moule moralisateur, encore plus bêtifiant et gnangnan, il prouve qu'avec humour,on peut à la fois respecter les enfants et leur imaginaire, souvent induit par leur entourage, tout en les faisant réfléchir sur cette violence qui existe en eux. Pour moi c'est un petit coup de coeur que l'on peut lire dès 4 ans, avec toutefois, comme l'annonce le titre  une possibilité d'être énervé par autant de liberté... Perso, j'y aurai ajouté une page bien rouge sang, bien sanguinolente, mais je pense que je suis un peu trop provoc sur le coup... Restons donc encore émerveillé par le monde si frais et si tendre de l'enfance....

vendredi 20 février 2015

Au dos de nos images II (2005-2014) de Luc Dardenne



C'est à un voyage extraordinaire au pays de la création que nous invite Luc Dardenne avec la parution de son journal des années 2005 à 2014. 
En tant que spectateur lambda, des films des frères belges comme de tout un tas d'autres longs métrages de toutes sortes, on imagine bien sûr la somme de travail, d'énergie que nécessite un film, un documentaire. On est déjà bercé en tant que lecteur de la presse spécialisée par les questionnements, les finalités des projets de toute une kyrielle de cinéastes plus ou moins communiquants ou inspirés, jonglant avec plus ou moins d'habiletés avec des idées ou des concepts crédibles, prétentieux ou incarnés, c'est au choix. Mais, je l'avoue, j'ai été happé par le journal de Luc Dardenne, qui nous fait pénétrer au coeur de leur création et seulement de leur création. Ici aucune anecdote sur les acteurs, sur le festival de Cannes, sur les tournages, tout est centré sur le processus d'élaboration du scénario, des hésitations, des renoncements, des interrogations sur le comportement des personnages... Bref, une plongée au coeur d'un artisanat où le maître mot reste "attraper le spectateur", ne jamais le perdre, le faire réagir, réfléchir, vivre une autre vie que la sienne..
L'atelier que nous donne à voir Luc Dardenne, sous forme de journal, est celui d'un artisan qui pense, qui doute. Les idées sont là, puisées au hasard de rencontres ou de faits divers. Elles l'habitent durant des années, faisant parfois l'objet d'un canevas pour un futur scénario. Elles seront développées, malaxées, interrogées inlassablement. Les personnages principaux prendront corps, vivront en lui, auront des destins variées au fil des mois. Certaines pistes seront abandonnées, reprises plus tard sous une autre forme, re abandonnées. Toujours elles seront nourries de textes de philosophes ( Lévinas, Deleuze, ...), de pièces de théâtre, de films, de textes divers (souvent Proust), une idée apportant son lot de souvenirs, de lectures... Mais le but de tout cela c'est de construire un scénario qui se tienne bien sûr mais qui surtout devra permettre au spectateur d'être à l"écoute, s'interroger, se passionner. Vient se greffer aussi durant cette élaboration pointue, l'angoisse de surtout ne pas se répéter, de ne pas entrer dans un système. 
Parfois on a l'impression que Luc Dardenne est souvent seul devant toutes ces interrogations. On se demande quelle est la part de création du frère Pierre dans l'oeuvre. Il donne des avis, travaille l'image, la mise en scène, mais le scénario semble être l'apanage de Luc. Le processus de création qui nous est donné à voir est absolument passionnant. On suit ces annotations avec gourmandise. Je suis resté admiratif devant l'intelligence et la probité de cet homme face à son travail et à ses devoirs de cinéaste. On comprend mieux pourquoi ses films nous touchent autant, nous remuent aussi intensément, nous interrogent avec tant de pertinence. Et quand dans la deuxième partie du livre, on lit les scénaris du "Gamin au vélo" et de "Deux jours, une nuit", on est de nouveau dans le film et on admire l'extrême qualité des dialogues écrits. Les mots sont justes, forts. Et même si je ne vois pas bien la mise en scène ni comment ils voient bouger leurs personnages dans un espace minutieusement choisi, on se rend compte que même si le scénario est absolument parfait, il y a, en plus, deux paires d'yeux, deux grandes sensibilités qui sont unies pour produire un film d'une qualité inouïe. 
Le plaisir de connaître la cuisine interne d'un grand cinéaste est en plus doublée par un vrai plaisir de lecture. Luc Dardenne a une très belle écriture et il ne se prive pas pour parler en creux, de notre époque, de la vie , de la parentalité, de la femme, de la vie, de la mort, de l'enfance... 
On trouve dans ce livre des phrases que l'on prend plaisir à relire, à noter : " La morale c'est de l'amour quand le malheur est arrivé, quand le mal a été commis, quand on ne s'aime plus.", phrase écrite en 2007 et qui résonne étrangement aujourd'hui. 
Et celle-ci pour conclure qui donne une idée de l'ampleur de la tâche de ces deux hommes, honneur d'une industrie pas toujours dans la création : "Notre caméra ne cesse d'écrire mais cette écriture ne vise qu'une chose : perdre le spectateur, retrouver la pellicule ultrasensible de son enfance. Si le spectateur est tenu à distance par notre écriture, nous avons échoué."
On n'est jamais tenu à distance dans les films des frères Dardenne. Reste maintenant à convaincre le grand public de voir leurs films... Je suis optimiste, ça viendra !


jeudi 19 février 2015

Tu nous emmènes de Yuichi Kasano


Quand on a un papa as de la bricole, cela peut s'avérer formidable à condition qu'il ne passe pas son temps à poser du carrelage ou transformer les combles en salle de jeux. Celui du petit garçon de "Tu nous emmènes?" a bricolé un avion ! Génial, on va pouvoir voler ! Ah non voilà que le chien veut qu'on l'emmène... Qu'à cela ne tienne, quelques planches, trois coups de marteau, et voilà un habitacle supplémentaire ! En route vers les nuages  ! Ah ? la famille cochon veut venir aussi ? Pas de souci, un vieux meuble et quelques coups de scie plus tard et nous voilà prêts à décoller.... Mais que fait la vache sur le chemin ? Elle veut un baptême de l'air ?
Vous aurez compris,  cet avion va se transformer petit à petit en ferme volante. L'album est d'une simplicité ...enfantine et d'une redoutable efficacité. Ici pas de jeux de mots tirés par les cheveux, pas une chute rigolote, juste la formidable épure délicate et délicieuse d'un auteur toujours au plus près de l'enfance. Mêlant le concret d'une ferme, la tendre complicité d'un père et son fils et une poésie douce et tranquille, cet album est une pure merveille. Le dessin d'une clarté merveilleuse, jouant avec des coloris francs, est quelque part un discret hommage au réalisateur Hayao Miyazaki, lui aussi grand amateur d'avions mais aussi de campagne et de nature. Mais ce que l'on retiendra surtout c'est cette prouesse de rendre une situation si simple aussi merveilleuse. Je défie quiconque de ne pas avoir un regard émerveillé sur la dernière illustration, chef d'oeuvre de simplicité et pur symbole de l'imaginaire enfantin qui sommeille en chacun de nous.
Cet album est une vraie réussite pour enchanter les enfants de 2 à 4 ans !


mercredi 18 février 2015

Réalité de Quentin Dupieux



Ce fut une surprise. C'est sans grande envie que je suis allé découvrir "Réalité" de Quentin Dupieux, "Wrong"un précédent long métrage m'ayant laissé de marbre. Et c'est emballé que je suis ressorti. Dès la première image j'étais dans le film. Un plan avec une lumière beige, couleur qui ne quittera pas l'écran et qui adoucit de manière imperceptible les situations mais qui ensoleille aussi les décors, un plan dans la nature, où un homme abat un sanglier, l'emporte chez lui et le dépèce sous l'oeil attentif de sa petite fille, Réalité. C'est grâce à son talent d'observatrice qu'elle apercevra au milieu des viscères de la bête une cassette VHS bleue qu'elle n'aura cesse de récupérer pour la visionner. Puis nous retrouvons dans une salle de projection, Bob Marshall, un producteur,visionnant les rushes d'un film tourné par une sorte de maître du cinéma du réel. Sur l'écran apparaissent les images de la scène du sanglier....mais il sera dérangé par Jason, une vague connaissance, qui souhaite réaliser un film autour d'une histoire improbable de téléviseurs ayant colonisés les cerveaux des humains jusqu'à les faire exploser ! Marshall accepte de produire le film si les gémissements entendus lors de la mort des humains sont dignes d'être oscarisés....
Raconté comme cela, on est bien chez Dupieux, son absurdité assumée, sa violence gore toujours au bout de la caméra. Si je rajoute un présentateur télé, portant un costume de rongeur, victime d'un eczéma imaginaire et  un directeur d'école qui circule en jeep habillé en femme, vous aurez un tableau complet des personnages mais par contre aucune idée de la façon totalement inventive dont le réalisateur va mixer tout cela pour rendre son film assez surréaliste. Parce que tout cela va s'imbriquer jusqu'à l'absurde, une joyeuse mise en abîme de plus en plus folle emporte le film dans des contrées dans lesquelles le cinéma s'aventure peu. On laisse tomber toute logique et l'on s'embringue dans un monde parallèle et irréel. Si ça fonctionne si bien, c'est que Quentin Dupieux pense à créer des personnage savoureux, décalés, hyperactifs ou joyeusement décalés. L'humour est toujours présent comme un clin d'oeil complice. Sans jamais nous lasser, il joue avec la réalité des lieux, des choses, des personnages, explosant la logique jusqu'au délire.
En faisant de son acteur principal Alain Chabat, lunaire et sympathique en diable, un véritable héros positif et fédérateur, il emporte plus facilement le spectateur dans ce jeu fascinant. Cela parfois rappelle un Lynch ou le Bunuel des années 70, mais avec la drôlerie en prime par rapport au premier et la vigueur d'une jeunesse qui ose tout qui était un peu absente dans les derniers films du maître espagnol.
Bien sûr, je ne suis pas certain que tout le monde adhère au film. Il faut en accepter l'aspect ludique, oublier toute rationalité et se laisser porter par ce souffle ô combien maîtrisé d'un cinéma qui nous demande de lâcher prise. Mais comme ici, les images sont belles, la mise en scène soignée et le propos aussi simple que brillant et interrogateur, "Réalité" est assurément le meilleur film jusqu'à présent de Quentin Dupieux. Même tourné aux Etats Unis, il est une pierre supplémentaire à un cinéma français qui semble de plus en plus original et créatif au fil des mois. Pourvu que ça dure !
 Et ne vous fiez pas trop à la bande annonce, elle  n'est qu'une pâle représentation de la réalité de ce film.


mardi 17 février 2015

Vincent n'a pas d'écailles de Thomas Salvador



Voir un premier film c'est toujours sympathique, voire émouvant car porteur d'avenir. On est à la merci de découvrir un univers, une vision personnelle ou tout bonnement un réalisateur dont on espère qu'il pourra continuer. On va peut être plus indulgent car souvent le projet a été long à monter (8 ans pour celui-ci), le budget évidemment limité et les premières fois ce n'est que rarement fabuleux.
"Vincent n'a pas d'écailles " est un premier film paradoxal et intriguant. L'accroche par le distributeur le vendant comme une comédie avec "le premier super héros français" ne lui rend pas service car ce n'est ni vraiment une comédie et encore moins un film d'aventures genre Batman ou Spiderman,  Benoît Brisefer à la limite. Mais l'autre slogan, censé être humoristique,  " Garanti 100% sans effets numériques" laisser augurer le pire : le film français bien pauvret qui décevra les quelques spectateurs venus pour un frisson à la Hollywood, alors que nous sommes dans un univers à priori plus auteuriste.
"Vincent n'a pas d'écailles " est un premier film fragile. Certains me diront que j'emploie un mot totalement stéréotypé par la critique mais, vraiment, dans ce cas ci, particulièrement adapté. Le héros est un taciturne, un vrai taiseux. Il a le pouvoir de devenir très fort dès que son corps est mouillé. Cela pourrait être fort utile dans la vie mais Vincent le considère plus comme un handicap. Du coup, il le cache et vit en marge de la société, vivant de petits boulots dans des endroits à proximité de lieux de baignade. Composé de multiples scènes montrant Vincent se baigner, nager, se tremper, s'humidifier, re nager, re se baigner, le film n'avance guère, installant un climat silencieux, où la nature est très présente, mais qui se révèle un poil ennuyeux. Et comme il est peu bavard et ne rencontre que des taiseux qui sourient (les filles) ou qui n'ont pas grande conversation (les garçons), nous sommes pas loin du film minimaliste. Hommage au cinéma muet (Keaton ou Chaplin  ou à l'univers de Tati ) ou éloge de la lenteur dans un cinéma trop souvent névrotique ? Peut être, mais pas certain. Ces scènes un poil trop longues ou par trop répétitives font plus penser à un moyen métrage rallongé pour avoir le statut de long. Cependant, dans la deuxième partie, le clin d'oeil assez futé et parfaitement réussi  aux scènes de poursuite des films de superhéros, bricolées avec les moyens du bord, rend soudain le projet plus sympathique et du coup plus intéressant.
Thomas Salvador, réalisateur et acteur principal de son film, nous fait-il la proposition d'un héros gentiment décalé comme l'ont fait d'illustres prédécesseurs,Tati, Etaix, voire Pierre Richard ? On pourrait le penser, vu le côté itinérant du personnage au pouvoir assez singulier. et qui pourrait très bien être le personnage récurrent de suites éventuelles. Mais y-a-t-il la place et un public  pour un superhéros réservé vivant des aventures un peu léthargiques avec pour toile de fond une France se marginalisant peu à peu ? Le concept est très (trop?) cinéma d'auteur.
Ce premier film, pas tout à fait convaincant, peut être par trop de retenue, a toutefois le mérite de l'originalité et est donc une curiosité à découvrir.



lundi 16 février 2015

Un hiver à Paris de Jean-Philippe Blondel


Le narrateur, Victor (Jean-Philippe ? ) reçoit une lettre qui va  faire remonter tout un pan de son passé : son  année en classe de khâgne dans un lycée parisien huppé voici 30 ans. La lettre a été écrite par Patrick Lestaing, le père d'un des condisciples de l'auteur qui s'est suicidé en se jetant dans le vide à la suite d'une remarque venimeuse d'un de ces profs qui croient que tout leur est permis, surtout l'humiliation. Le suicide marquera pour Victor le début d'une nouvelle vie. De l'adolescent transparent, pauvre et provincial au milieu de fils et de filles bien nés, cette année de khâgne, à cause de cet horrible accident,  permettra à Victor de construire les bases de sa vie future. Cette lettre est l'occasion pour l'auteur de revenir sur cette année charnière qui l'a façonné plus qu'il ne le pensait.
"Un hiver à Paris"  est un livre simple, classique. En se penchant sur les années de formation de ce Victor, il ne fait pas preuve d'originalité. Le sujet est bateau, même si ici il est relevé par une description de la  rudesse de l'enseignement que l'on dispense à ceux qui se pensent, s'espèrent les futures élites de la nation, Mais, Jean-Philippe Blondel est un talentueux écrivain. De cet événement tragique, de cet adolescent mal dans sa peau, ne trouvant pas sa place dans un monde dont le milieu de naissance n'a pas su lui donner les codes, il en fait une sorte de héros empathique dans un roman d'une élégante tenue. Il arrive à rendre son personnage principal de plus en plus attachant. On le voit grandir au fil des pages, se confronter à la vie. On découvre comment avec une personnalité lucide, honnête il va trouver les leviers pour amorcer avec pertinence sa vie d'adulte. Et si cela fonctionne si bien c'est grâce à une écriture toute en douceur et en finesse. Jean-Philippe Blondel écrit simple. Là où d'autres font de lourds effets de plume, rajoutent des péripéties, placent du vocabulaire, enluminent les phrases avec des tournures bien senties, lui, il va droit au but, doucement, pudiquement, mais au plus près de la vie. Il n'y a rien de plus difficile que la simplicité en littérature. Dans "Un hiver à Paris", on ne sent pas l'écriture, elle est simplement là, coulant de source, entraînant le lecteur au plus près de l'action. Jamais on ne sent l'effort, la fabrication, la suffisance. On tourne les pages emportés, séduits, heureux de nous laisser compter une histoire simple, humaine, pudique.  On est Victor, on est étudiant, on est jeune, on a 19 ans le temps  d'un roman et toute la vie devant nous. C'est une sensation très agréable, rarement ressentie en littérature. C'est vraiment de la belle ouvrage et l'on dit : Merci monsieur Blondel ! 

dimanche 15 février 2015

La résurrection de Luther Grove de Barry Gornell



Ils sont aussi riches qu'attrayants physiquement. Ils débarquent de leur rutilant 4x4 accompagnés d'une adorable blondinette de deux ans et investissent une grande et belle maison contemporaine que d'énormes travaux ont rendu la plus imposante du coin. Nous sommes dans un coin calme et reculé d'Ecosse. La vue sur les sombres forêts giboyeuses et le loch avoisinant est de celle à ravir même les esprits les plus blasés. Un bel endroit pour poursuivre une belle vie. Mais, on devine très vite que Laura, la jeune femme, fuit un épisode passé un peu traumatique et que derrière les apparences, la réalité est un soupçon moins glamour. Et puis, ils vont se trouver confronter à un voisinage qu'ils n'attendaient pas car ce qu'ils pensaient être une cabane de berger, est en fait l'habitation d'un homme seul et taciturne, Luther. Il ne faudra que quelques heures, et un passage en conquérant sur un chemin privé pour que les rapports s'enveniment avec John, le mari. Puis l'arrivée impromptue du frère de John viendra exacerber les tensions, chacun des personnages se trouvant entraîné dans une course sans fin vers une vérité où se mélangeront amour, passé, haine et violence, cocktail plus qu'explosif pour un final proche de l'apocalypse.
"Résurrection" dans le titre, "apocalypse" que je viens d'employer, "enfer" mot qui revient souvent dans la bouche d'un des personnages qui se trouve confronté à des flammes vers la fin, autant de termes qui pourraient renvoyer le livre à quelque récit prenant appui sur des thèmes chrétiens. C'est peut être le cas, mais j'avoue ne pas avoir le temps d'y réfléchir, tellement la lecture de ce polar a été rapide. Oui, c'est monté comme un sacré tourne-pages qui va crescendo, ne laissant aucune respiration au lecteur qui est pris dans un maillage de faits, quelquefois un peu gros ou techniques, mais efficacement amenés. Barry Gornell n'y va pas de main morte, osant beaucoup d'ingrédients improbables, des scènes avec un squelette par exemple ou une héroïne sympathique mais un poil ambiguë avec cette constante d'attirer les agressions sexuelles. Et pourtant ça fonctionne bien même si personnellement les quelques explications géologico/physiques au moment de la partie dans la grotte m'ont un peu laissé de marbre. On est emporté, sidéré même par la maîtrise de l'intrigue, par un style très incarné, sachant donner de la chair aux êtres et aux éléments naturels qui entourent les personnages. Et même si les quelques dernières pages, une fois la tension retombée, semblent un peu trop explicatives et sans énorme intérêt dramatique, elles permettent de clore ce premier polar de façon plus reposante, plus romanesque, laissant toutefois l'agréable impression d'avoir lu quelque chose de consistant.
Un bon polar psychologique qui peut paraître faire un peu dans la surenchère mais qui se lit d'une seule traite. C'est le but de tout bon polar, non ?


Album lu dans le cadre de "Masse critique " du site Babelio.


jeudi 12 février 2015

Les merveilles d'Alice Rohrwacher


Une ferme délabrée, plantée dans un décor sinistre de Toscane (oui ça existe !) abrite tout une famille d'apiculteurs. Le père utopiste et donc un peu tyrannique, gère vaille que vaille l'exploitation en compagnie de sa femme, de ses quatre filles et de Coco, ouvrière accrochée à eux parce que surement sans autre possibilité de survie. Nous sommes vraisemblablement dans les années 90 si l'on en croit les quelques objets du décor, le tube qui passe à la radio ou le grain de l'image loin du clinquant du numérique actuel. C'est l'époque où les normes européennes draconiennes, empreintes de libéralisme, commencent à rendre la vie difficile aux petits exploitants. C'est aussi le déferlement des émissions de télé-réalité que déverse à jet continu une télévision de plus en plus bêtifiante. Gelsomina, la fille aînée, jeune adolescente prenant la place d'un garçon qui n'a jamais vu le jour, commence à s'ouvrir au monde et se met en tête, au travers de la venue d'une émission minable de télévision que le vie peut être meilleure que la galère quotidienne qu'elle connaît...
"Les merveilles" est un film sincère, brut de décoffrage, humaniste. On ne peut le lui enlever. On est charmé par ce joyeux mélange de naturalisme, de sensualité, de poésie,  de militantisme aussi. Filmé comme une nouvelle cuvée d'un néoréalisme désormais patrimonial, le film n'est pas, à mon avis, tout à fait à la hauteur du prix qu'il a reçu à Cannes (d'autres non récompensés, le méritaient bien plus). Il pêche parfois par une mise en scène un peu foutraque voire totalement à côté de la plaque. Ainsi, un des scènes clés du film, le face à face entre Gelsomina et la sculpturale présentatrice sensée montrer le retour à la réalité de la jeune fille, perd tout son sens, peut être à cause de Monica Bellucci qui l'interprète. Quand elle est à l'antenne, Monica ressemble  à une sorte de déesse improbable un mix entre Cléopâtre et une sirène de mauvais goût. Elle affublée d'une perruque de tresses blanches qui fait penser à un poulpe défraîchi. L'émission terminée, alors que toute l"équipe est sur le bateau du retour, la présentatrice, en civil mais ayant gardé son calamar sur le crâne (!),  retrouve Gelsomina, fascinée par cette apparition, un rêve pour une jeune fille élevée loin de tout. Ce qui est sensé représenter le dur retour à la réalité, montrer que la présentatrice n'est en fait qu'une femme quelconque, se révèle ratée à l'écran, car, la perruque ôtée,  apparaît, non pas une ménagère de 50 ans lambda, mais Monica Bellucci  toujours aussi belle ! Certes je n'ai pas les yeux fascinés d'une adolescente de 14 ans, mais tout de même...
"Les merveilles", même si imparfait, reste un film chaleureux et agréable. Il prouve que le cinéma italien vit, survit encore et ça c'est une bonne nouvelle. Le festival de Cannes a sûrement voulu donner un coup de projecteur à une cinématographie bouffée par un génocide culturel, ce que le film montre avec finesse. 
Et comme j'adore les tubesitaliens, je ne résiste pas à vous mettre le titre du générique de fin (mais qu'on entend aussi à un moment donné dans le film) : T'appartengo par Ambra Angiolini.






mardi 10 février 2015

It follows de David Robert Mitchell


Voici donc un chef d'oeuvre, enfin disons, la petite merveille de la semaine. L'affiche ne rechigne pas à afficher des superlatifs qui peuvent donner envie. La presse a emboîté le pas en soulignant que dans le film d'horreur, il y aurait un avant et un après "It follows".
Pas particulièrement fana de ce genre de films, j'ai succombé aux sirènes de la promotion. Le film démarre pas mal avec une scène qui laisse présager que l'on va jouer sur nos nerfs. Une jeune fille en nuisette, au petit matin, sort d'une maison en courant, affolée par on ne sait quoi, trouve refuge sur une plage. Le plan suivant on découvre son corps démantibulé. Nous arriverons à comprendre par la suite qu'elle a été victime d'une maladie sexuellement transmissible qui lui permet de voir son assassin qui marche normalement vers elle sans que personne d'autre ne le voit. Cet assassin, mi zombie mi figure parentale, est différent d'une victime à l'autre. Cela peut être une maman incontinente aux tendances lesbiennes, un père à poil, un grand dadais décharné, ... La bande d'adolescents que nous suivons sera la proie de cette maladie qu'ils vont essayer de refiler même si s'en débarrasser ne fonctionne pas à tous les coups....
Comme l'an dernier avec "Under the skin", j'ai du passer à côté du chef d'oeuvre. C'est un film interminable qui essaie de faire le malin en jouant tout à la fois sur les clichés et les codes du film de genre mais en prenant une position très arty. Des travellings forcément signifiants; des plans tellement bien composés que l'on entend presque le réalisateur dire : "Regardez comme il est beau !", une grande lenteur dans l'action pour faire profond. Ce n'est jamais angoissant, jamais flippant, parce que l'on s'en fout !
Comme dans tout bon film d'horreur on retrouve de jolies héroïnes qui, lorsqu'elles ont peur ou sont poursuivies, n'ont pas d'autres idées que de se réfugier dans des endroits isolés ou glauques. Du coup une musique grinçante envahit l'écran, souvent pour rien, car il ne leur arrive rien. On comprend très vite que nous ne serons pas dans la surenchère grandguignolesque mais dans un truc chichiteux où la symbolique lourdingue va l'emporter.  Et quelle symbolique !!!! Le sexe c'est mal puisqu'il transmet des maladies. Les parents sont des porcs qui ont amené le pays dans cette décrépitude illustrée ici par des plans de maisons abandonnées dans un Détroit qui finit par devenir un cliché. Passer à l'âge adulte ce n'est pas facile. Rien de nouveau donc sous le soleil du teen movie ou du film d'horreur. Certes  filmer cela avec lenteur et en privilégiant les cadrages un peu tarabiscotés peut donner l'impression d'un cinéma d'auteur. C'est peut être vrai car on trouve sur la fin quelques scènes assez réussies (comme celle de la piscine), mais dans l'état, je n'ai assisté qu'à une ébauche gonflante et prétentieuse pas bien originale. Et surtout, je n'ai jamais eu peur, ni frémit... juste de l'ennui...



lundi 9 février 2015

La fille sans nom d'Angelika Klussendorf


Au coeur d'un appartement que l'on imagine plus que modeste, une enfant jamais nommée navigue entre une mère paumée, alcoolo, bipolaire comme on dirait maintenant et un petit frère que l'on pressent fragile. Toujours sur le qui vive, sa vie est rythmée par les raclées mémorables que lui inflige sa mère et les bêtises de plus en plus nombreuses qu'elle commet, peut être pour crier au monde qu'elle existe. De crise en crise, la police finira par la placer dans un internat pour filles perdues sans pour autant canaliser la révolte qui est en elle.
Le sujet est fort indéniablement et pourtant le roman n'arrive jamais à nous happer, à nous intéresser réellement à cette jeune fille. La description de ses nombreux malheurs s'enchaîne sans relâche mais de façon tellement factuelle qu'à la fin, cela finit par devenir banal, voire un soupçon barbant. Elle vole, elle tourmente son petit frère, elle fugue, elle résiste mais jamais je n'ai ressenti la moindre empathie, seulement une pointe de pitié pour elle. La faute sans doute à une écriture terne, sans aucun relief et aussi à une construction assez peu romanesque, comme si on avait affaire à un documentaire sur la vie d'une jeunesse perdue en RDA, plus proche d'une suite de faits façon constat policier. Mais, de la façon dont sont présentés les événements, cela aurait pu tout aussi bien ce passer dans un autre pays, même occidental. On pourra donc mettre au crédit de l'auteure, l'universalité de son histoire. Cependant, ce portrait, aussi tragique qu'il soit, pâtit de  la banalité d'un style d'une grande platitude comme si l'auteur avait peur de mouiller sa chemise. En restant finalement à la surface des choses, on obtient un roman sans beaucoup de grâce, une sorte de patchwork des vicissitudes d'une jeunesse sacrifiée ( il ne manque que la drogue ). Ca se lit certes très facilement, mais ça ne marque pas.


Album lu dans le cadre de "Masse critique " du site Babelio.

jeudi 5 février 2015

Papa ou maman de Martin Bourboulon


Les distributeurs ont trouvé un nouveau truc pour que les gens se ruent dans les salles : faire jouer du porte-voix aux médias en leur faisant annoncer que c'est un carton assuré ! Ce "label" ne s'est appliqué jusqu'à présent qu'à des comédies. A Noêl, les "Bélier" ont eu l'honneur de cette promotion. Cela leur a plutôt bien réussi  et c'est donc la même méthode qui est employée pour "Papa ou maman", Il n'y a pas eu un journaliste télé ou radio, recevant une des stars du film qui n'a pas prononcé la phrase magique... Gageons qu'au moins  en première semaine cela devrait fonctionner malgré un film au final beaucoup moins familial et plus féroce que celui sur la  famille sourde pourvue d'un rossignol sardounesque, et pour moi, beaucoup plus réussi.
Le pitch est ultra connu maintenant : on divorce mais on ne veut surtout pas avoir la garde des enfants qui vont nous pourrir notre nouvelle vie. Loin des clichés habituels du genre "Mon fils, ma bataille", le parti-pris est un brin décalé et l'unique ressort du film. Et ça fait du bien de voir que oui, on peut être parents et de gros égoïstes. Dans le film, les enfants ont été élevés à la libérale, c'est à dire, ils ont tout eu : papa et maman ensemble, cédant à tous leurs désirs de gros consommateurs sans rien demander. Une vie faite de jeux vidéo, de coca et de fric facile. Seulement quand le divorce pointe son nez, les parents en proie à des désirs d"émancipation découvrent les monstres qu'ils ont généré et on peut comprendre qu'ils hésitent à s'enchaîner encore à eux. Autant que ce soit l'autre qui s'en occupe, lui doit bien avoir encore un peu d'instinct d'élevage....
Ca c'est ce que l'on peut se dire en voyant le trio de gamins ingrats et tête à claques du film. Seulement, "Papa ou maman" n'est pas tout à fait sur cette longueur d'onde (ouf ! la morale est sauve). Les enfants ne sont en fait que la patate chaude que se renvoie les époux en proie à une guerre épique pour pouvoir partir à l'étranger. Ils les aiment un peu ces enfants, ce sont les leur , mais pas au point de sacrifier leurs ambitions. Ils vont, à l'écran, rivaliser d'ingéniosité pour qu'ils ne s'accrochent pas à eux et décident surtout d'aller vivre chez l'autre !
Et ils vont en baver ces sales  mômes qui jusqu'à présent vivaient le cul sur le canapé en train d'envoyer des sms ! Et, c'est bien le premier plaisir du film. Voir des ados en prendre plein la tronche est réjouissant ! Je suis persuadé que cela va défouler un nombre considérable de parents abusés, tyrannisés même par une progéniture ingrate et dédaigneuse ! Mais ce n'est pas le seul bonheur, loin de là. Car la réussite presque complète du film vient aussi d'un scénario qui ne lâche jamais prise, resserré au maximum sur son sujet, exploitant jusqu'au bout cette délicieuse idée. Le plaisir vient aussi d'une mise en scène essentiellement basée sur le rythme, trépidante, qui ne laisse aucun moment de répit. Les situations, même improbables, s'enchaînent à une vitesse vertigineuse, les rires fusent face à des gags bombardés avec une régularité de mitraillette et à des répliques qui font mouche. Et il n'y aurait pas une aussi bonne comédie s'il n'y avait pas un excellentissime duo d'acteurs. Marina Foïs et Laurent Lafitte sont absolument parfaits. Tour à tour drôles, romantiques, sexy, burlesques ils supportent sans pâlir la comparaison des meilleurs couples hollywoodiens des screwball comedy de la grande époque. Quel abattage, quelle facilité, quel talent !!!
Plus haut j'ai écrit "réussite presque complète" ...Oui, il y a un bémol : la fin. Je ne raconterai rien bien sûr, mais, hélas, malgré le ton résolument féroce de l'ensemble, cela, évidemment débouche sur une fin beaucoup plus convenue, cinéma commercial oblige. Quitte à être politiquement incorrect, j'aurai aimé que le film aille jusqu'au bout de son raisonnement. Il y aurait gagné en polémique, en débat aussi, et mais peut être pas en spectateurs, tant la société est tatillonne en ce moment sur certains sujets, notamment la famille, et n'ose pas regarder certaines réalités en face...
Malgré tout, "Papa ou maman" est une très agréable surprise dans l'univers très planplan des comédies françaises et je souscris tout à fait au slogan "Ca va cartonner", surtout s'il permet aux spectateurs de s'y ruer en masse .
PS : je fais un sort à l'adage souvent pertinent et confirmé : il y a tout dans la bande annonce et les meilleurs gags ...Ici, ce n'est pas vrai, il y a bien plus et bien plus drôle dans le film. Là aussi, la bande annonce est intelligemment faite, présentant bien le sujet mais taisant tout de même beaucoup de choses.


dimanche 1 février 2015

"Tu seras un raté mon fils" de Frédéric Ferney


A l'heure du cinquantenaire de la mort de ce redoutable homme politique qui a marqué le siècle précédent, le livre de Frédéric Ferney est assez singulier. Malgré un titre qui laisse présager une évocation du leader conservateur sous le prisme de sa relation avec son père, "Tu seras un raté mon fils" n'est pas un essai sur les ressorts intimes de cet ogre de la vie politique anglaise. Si le poids du père a eu de l'importance pour Churchill dans sa façon de s'approprier son destin, c'est bien parce que l'auteur nous le serine de chapitre en chapitre sans pour autant y approfondir spécialement cette assertion. Cet ouvrage n'est pas non plus une biographie, de nombreuses années sont laissées dans l'ombre, parfois sur un bon quart de siècle. Frédéric Ferney s'est juste attaché à quelques moments fondateurs qui l'ont inspiré parce qu'allant vaguement dans le thème de son propos. Historiquement on n'apprend pas grand chose, et aucune mise en perspective de ses agissements violents, de ses coups tordus n'est faite. 

Mais alors d'où vient le plaisir que j'ai éprouvé à la lecture de ce livre ? Tout simplement à l'écriture ! On sent l'auteur très enthousiaste face à cet homme fantasque. Churchill, sous la plume de Ferney, devient presque lyrique, personnage hors du commun qui ne se déplaçait pas sans son tub, sa bouilloire géante et surtout du champagne par malles entières, même dans les tranchées en 1916.  Les mots accompagnent avec brio  son amour des batailles autant politiques que guerrières. Ca file à cent à l'heure, virevolte, tourbillonne comme dut l'être cet homme aux mille idées, prêt à tous les défis. Oui, l'écriture est exaltée, comme pour mieux nous faire pénétrer dans le cerveau de ce redoutable tacticien. Ca se lit comme un roman et ce n'est que dans un dernier chapitre que personnellement j'ai trouvé formidablement bien écrit, que le style se calme petit à petit pour accompagner Winston jusqu'à la mort. Et je ne résiste à l'envie de reproduire cette phrase : " Ce qui est odieux quand on vieillit, c'est qu'on reste jeune !". 
Je n'attendais rien de ce livre, ni éléments biographiques pointus, ni même à être passionné et finalement j'ai été emporté par la faconde de l'auteur. Pas sûr que "Tu seras un raté mon fils" plaise aux historiens, aux assoiffés de connaissances, mais qu'il est agréable de lire écrit avec un plaisir évident et qui réussit à nous faire partager la formidable énergie d'un homme qui a laissé une empreinte ineffaçable dans le XXe siècle.