mercredi 25 mai 2022

Festival de Cannes 2022, vu par un spectateur lambda

 


La fête du cinéma ( en version grande famille du cinéma sauf les exploitants, les spectateurs et quelques soutiers du métier) bat son plein avec son tapis rouge sur lequel se pavanent acteurs mais aussi influenceur(se)s de toutes sortes, politiques et autres invités des nombreux sponsors de la manifestation. Cannes, selon la presse, permet de se réunir pour réfléchir à l'avenir d'un art (?), d'un marché qui se voit tailler de sérieuses croupières par les plateformes de streaming. Donc on peut penser, qu'entre deux coupes de champagne la profession s'inquiète vaguement. On peut en douter quand on lit ici que les banques qui fournissent le nerf de la guerre à cet art coûteux sont très confiantes dans l'avenir et là que partout dans le monde ( ou presque) un nombre toujours plus important de productions vont essayer de se frayer une place sur les écrans ( lesquels?). Et l'on en doute encore plus, quand, simple spectateur, un peu cinéphile, on continue à aller découvrir en salle les nombreuses nouveautés qui se succèdent à grande vitesse, que l'on voit bien que les salles ne sont guère remplies et qu'après quelques mois de découvertes assez enthousiasmantes , nous sommes revenus à regarder des oeuvres dont on se demande si elles n'ont pas été produites histoire afin de blanchir quelque fortunes ou truster quelques subventions. 
Heureusement, Cannes arrive enfin avec son lot de films tous plus emballants les uns que les autres qui hélas, ne seront visibles qu'en automne/hiver prochain. Heureusement, quelques uns tentent la sortie en simultanée profitant ainsi du mégaphone offert par le festival, croisant les doigts pour que les spectateurs se ruent dans les salles ( et chantant pour faire pleuvoir et espérant que Roland-Garros ne fasse pas trop concurrence). Cette année, avec ces premiers arrivages cannois, il est quasi certain que ce n'est pas grâce à eux que le fréquentation va exploser ( Mais il y a Tom Cruise aussi...)
Tout en restant loin des sunlights, on peut donc se faire son petit festival à soi. On a donc commencé par aller découvrir le film d'ouverture, qui, on le sentait bien, avait, comme d'habitude besoin du tremplin du festival pour attirer quelques curieux. Cette fois-ci, ce n'était pas un long-métrage coûteux et un peu raté, mais un film un peu clivant, pas gagnant/gagnant, le "Coupez" de Serge Hazanavicius. 

Pour nous vendre le film ( nous faire décoller de notre canapé et de Netflix), on a employé la grosse artillerie, rappelant ce bon vieux OSS 117  à la rescousse ( pas celui de Bedos, mais les 2 bons), la promesse que ça ne faisait pas peur ( le gore n'est pas la tasse de thé de tout le monde) et que l'on allait vraiment beaucoup beaucoup rire ( ce qui ne se refuse pas dans cette époque assez sombre). Les acteurs ont trusté toutes les émissions du PAF ( trop peut être), la presse a bien embrayé en publiant de jolies critiques ( il faut redonner du punch aux entrées!). Las, le public a quand même boudé la chose .... se rappelant peut être avoir souvent été échaudé avec d'autres films d'ouverture ( souvent choses coûteuses et clinquantes ne valant pas tripette). Il faut dire quand même que c'est loin d'être le meilleur film du réalisateur. L'entreprise de faire le remake d'un film japonais à base  de tournage de film et de morts vivants, sur le papier, était casse-gueule. Et si à l'écran, on voit bien que le réalisateur prend plaisir à relever le défi du film dans le film, hommage au travail de groupe qu'est le cinéma, force est de constater que tout cela traîne pas mal en longueur, que l'on rit peu et que, malgré, une certaine finesse dans la mise en scène, on sent un petit côté laborieux qui nuit au rythme de l'ensemble. 



Le film suivant offert à notre curiosité est celui de ce que la critique considère comme un maître du cinéma français actuel : Arnaud Desplechin. Présenté en compétition, lui aussi essaie de truster le public avec une sortie immédiate. Marion Cotillard, la star du film a beaucoup donné dans la promo, la critique, comme d'habitude, est au garde à vous ( c'est qu'il est génialissime notre Arnaud). Petit handicap toutefois pour le film .... les précédentes oeuvres du réalisateur, souvent sorties dans la foulée de Cannes, n'ont pas fait exploser le box office ( et pour cause, les spectateurs étant sortis de salle, parfois avant la fin, mais souvent déconfits). Reconnaissons à Arnaud Desplechin d'avoir une oeuvre joliment mise en scène, de creuser souvent une thématique familiale fiévreuse et de faire deviner une grande intelligence dans son cinéma... sans pour autant toujours convaincre. Le spectateur des films de Desplechin sont souvent pris en porte-à-faux et " Frère et soeur" n'échappe pas à la règle. Très vite, une fois passées les scènes d'introduction, on se heurte à des dialogues sonnant faux ou hors sol, le scénario part dans des directions étranges, pas logiques, pas crédibles, les personnages réagissent bizarrement. C'est peut être son style, il faut peut être se laisser aller à cette narration divagante... Mais cette accumulation, du moins pour moi, a plutôt un effet ( selon l'humeur du jour) à m'agacer, me mettre en colère voire à trouver cela comique par tant de situations ridicules. C'est peut être l'effet escompté... dans ce cas là, je serai donc un aficionado du maître,  contrairement aux quelques spectateurs sortis avant la fin qui n'ont donc pas pu constater que même la bande son se mettait au diapason du récit, avec cette séquence d'enterrement où les pétales de rose lancées sur un cercueil faisaient "ploc, ploc, ploc " en tombant. Le résultat pour "Frère et soeur" est que l'on se fiche très vite de leurs petits problèmes familiaux dont on a du mal à percevoir d'où ils proviennent réellement et dont la résolution laisse pantois, entre fin mièvre de roman enfantin ou foutage de gueule d'un scénario mal fichu. 


Dans la foulée, est sorti "Don Juan" nouvelle oeuvre d'un cinéaste incompris du grand public : Serge Bozon. Pour rappel, ces deux dernières productions, choses assez bancales lorgnant vers la production un peu fauchée ( mais avec un vernis prétentieux) avaient quand même l'originalité de nous offrir les plus mauvaises prestations d'Isabelle Huppert ( jouant vraiment mal ) ( "Tip Top" et "Madame Hyde") ou rendant Sandrine Kiberlain inexistante ( le même "Madame Hyde" ). Cette fois-ci, la seule curiosité qui pouvait nous pousser à aller découvrir ce film, était de savoir s'il allait réussir à rendre Virginie Efira nulle  ( curiosité étrange, je vous le concède), qui, je spoile, a heureusement réussi à passer au travers de ce piège  et reste parfaite ( avec Alain Chamfort). Pour ceux qui aiment un cinéma où les acteurs donnent le plus mauvais d'eux-même, rappelons que l'on trouve au générique Tahir Rahim, qui, comme d'hab, avec sa seule expression, fournit ici une prestation admirablement mauvaise. Nous sommes donc bien dans un film de Serge Bozon, qui, avec un scénario pas vraiment inspiré, essaie de revisiter le mythe de Don Juan en convoquant Molière, Mozart ( c'est plus chic) et en déconstruisant vaguement le processus .... Honnêtement, on s'en contrefout ( surtout avec Tahar Rahim en Don Juan) car à l'écran on ne ressent qu'un vide certain avec quelques ficelles négligemment tendues pour que les critiques puissent produire quelques phrases creuses mais à l'allure intelligente, pas forcément dans la dithyrambe, juste ce qu'il faut pour essayer de faire croire que le film est un peu intéressant.  Si vous avez vu ( et pas aimé) les précédents longs-métrages du réalisateur, restez chez vous, rien de nouveau sous le soleil.