jeudi 28 février 2013

Möbius d'Eric Rochant


Eric Rochant aime vraisemblablement les films d'espionnage, moi pas. Par contre, j'aime bien Cécile de France et Jean Dujardin. Et malgré une critique indulgente mais laissant sous entendre qu'on pouvait ne rien comprendre à l'intrigue du film, je m'en suis allé au cinéma, prêt à tout. Verdict ? Mitigé....donc, je développe un peu.
Cécile (Alice dans le film) est une trader et pas n'importe laquelle puisqu'on lui doit la chute de Lehman Brothers, excusez du peu. Persona non grata de toute l'Amérique du Nord, elle bosse maintenant à Monaco, multipliant les combines troubles et maniant des millions de dollars au profit de ....là j'ai déjà décroché....mais on s'en fout, elle est tellement belle et crédible à l'écran que l'enrichissement de quelques nantis passe au second plan. Elle bosse et elle aime son papa qui habite aux States. Cécile est approchée par Emilie Dequenne (Sandra dans le film), se disant agent dans une brigade financière mais en fait du FSB (KGB aurait été plus parlant pour moi), avec la mine sombre de la fille qui redoute le goulag  ( je sais ça n'existe plus paraît-il...). Bref, elle fait de son mieux pour convaincre Cécile d'approcher et de donner des renseignements sur un oligarche russe nommé Rostovsky. Cécile, bonne fille, accepte parce qu'Emilie lui promet qu'elle pourra retourner aux Etats-Unis vivre auprès de son papa. Mais le succès de cette approche par la tristouille Emilie est en fait due au coaching intense de son chef, Jean Dujardin (alias Grégory, mais aussi Moïse un peu plus tard). Ah! Jean....barbe de trois jours, costume hyper classieux coupé par Armani (?) et surtout mâchoire serrée et sourire en deuil, il fait tout ce qu'il faut pour nous ne pensions pas qu'il est de nouveau OSS 117. Je vous rassure tout de suite, on n'y pense pas une seconde, enfin si, mais ce n'est pas du à Jean mais plutôt au scénario qui commence à devenir plus compliqué. Jean va devoir suivre de loin Cécile mais Jean et Cécile sont suivis par des lourdauds amis de Jean qui vont s'apercevoir que le méchant russe fait suivre Cécile par un dénommé Khorsov qui lui même.... Là, je ne suivais plus rien, perdu dans les méandres d'un scénario un peu compliqué pour ma petite tête. Heureusement qu'au milieu de ces filatures emberlificotées, il y a Jean et Cécile qui vont se rencontrer et s'aimer, passionnément ! Nettement moins compliquée à suivre l'histoire d'amour !  Jean, pourtant excellent espion, déroge totalement à la déontologie du métier à la russe (parce que chez James Bond....) en couchant dès le premier soir avec Cécile. Et là, bingo, ils sont sexuellement hyper-compatibles ! Cécile prend un pied dingue...et nous offre des orgasmes étranges entre le halètement de la méthode de l'accouchement sans douleur et les soupirs chics d'une bourgeoise qui se retient parce Jules-Antoine et Marie-Sixtine dorment dans la pièce d'à côté. Ils sont tellement faits l'un pour l'autre que même habillée, dès que Cécile se colle sur Jean, elle a un orgasme.... C'est beau l'amour... Ils s'aiment mais cela leur est interdit pour cause de surveillance extrême et doivent faire des pieds et des mains pour pouvoir se rencontrer loin des micros et des nombreux 4x4 noirs lancés à leur suite. Quelques péripéties obscures ou amoureuses plus loin, la mission semble accomplie des deux côtés. La CIA apparaît me semble-t-il dans un déjeuner où Cécile va comprendre ce que je n'ai pas vraiment compris, à savoir que Jean ne lui avait pas dit qu'il était un espion et d'autres trucs plus financiers ou relevant de l'intox... A ce stade je m'en fous un peu, je n'ai d'yeux que pour Cécile, magnifiquement belle et qui en plus pleure. Jean, sûrement magnifiquement beau lui aussi mais ce n'est pas mon genre d'homme, comprend qu'il va devoir renoncer à sa passion. Ils se quittent et foncent acheter des anti-dépresseurs pour essayer d'oublier (non, ce n'est pas vrai, coupé au montage). Je ne raconte pas la fin, oui parce que ce n'est pas fini. Il semblerait que les producteurs aient exigé un happy end... et c'est peut être une bonne idée pour le spectateur qui sortira de la salle, heureux car au moins les cinq dernières minutes sont hilarantes :  un pastiche érotico/médical de la belle au bois dormant que certains mauvais esprits ont trouvé débile...
Vous allez me dire qu'il faut donc éviter de perdre son temps et son argent en allant visionner "Möbius". Je n'en suis pas si sûr. Car même si le scénario est fort peu crédible, il reste une réalisation impeccable et un duo d'acteurs magnifiques car magnifiés par une caméra experte. Cécile de France est fascinante de justesse (et peut être un soupçon lucide de la stupidité de certaines scènes ) et vole la vedette me semble-t-il à un Jean Dujardin au jeu tout intérieur et un peu en retrait. Il y a aussi de très jolies scènes (les orgasmes) et parfois du suspens (ah! la scène qui nous montre l'intérêt d'avoir un téléphone tactile). On ne comprend pas grand chose à cette histoire d'espionnage mais ce n'est pas grave, l'important ici c'est l'histoire d'amour et quand elle est incarnée par deux de nos méga-stars du moment, ça vaut vraiment le coup d'oeil.


mardi 26 février 2013

King's game de Nobuaki Kanazawa et Hitori Renda


Suis-je vraiment à un âge où l'on peut apprécier un manga qui déchaîne les passions chez les adolescents ? Je ne le pense pas mais ne reculant pas devant le ridicule, je me suis plongé dans le premier tome de "King's game", petite série dans laquelle l'éditeur Ki-oon croit énormément.
Je fais tout de suite un sort au dessin très ...manga justement. Ici pas trop d'yeux démesurés (heureusement, j'aurai pas pu !), seulement des bouches grandes ouvertes dès qu'il y a colère et émotion, c'est à dire à toutes les pages. Ce qui m'a agacé encore plus, c'est que le dessinateur y ajoute chaque fois des traits genre fanons de baleine, ce qui donne un air assez étrange à ses personnages. Et comme la rayure doit être son style, il en rajoute un peu partout en arrière plan dès que l'action s'intensifie, donc toutes les trois cases. Fatigant pour l'oeil et énervant pour quelqu'un comme moi qui apprécie la ligne claire....
Nonobstant ce graphisme très nippon, reste quand même l'histoire... simple et originale comme souvent dans ce type de BD.
Toute une classe de lycéens reçoit un SMS signé "le roi", invitant deux d'entre eux à s'embrasser. Le message précise que l'on doit absolument obéir aux ordres du roi sous peine de sanction. Les lycéens, joueurs, titillés dans leur sexualité qui ne demande qu'à s'exprimer et croyant à une plaisanterie, s'exécutent sous le regard intéressé et hilare de leurs camarades. Mais les SMS continuent à arriver, avec des ordres de plus en plus pervers. Quand deux d'entre eux refusent d'obéir aux ordres du roi, un message les prévient qu'ils mourront pendus...ce qui se produira, médusant la classe et faisant naître un climat plus inquiétant. Les ordres vont continuer à arriver, les morts aussi... L'angoisse règne chez les survivants...
Ca démarre sur les chapeaux de roue, agrippant le lecteur fermement pour essayer de ne plus le lâcher. Mais quand on arrive au coeur de l'action, au moment où l'on dénombre quelques victimes, l'histoire ralentit un peu, sombrant dans le psychologique. Du coup j'ai été moins accroché, les interrogations juvéniles et criardes de ces jeunes maintenant au bord de la crise nerf, m'ont fait sourire. Je sais, je ne devrai pas, ce qui leur arrive est très triste et je suis supposé montrer un peu plus d'humanité ! Mais, mauvais esprit, j'ai surtout pensé que les auteurs avaient du signer une histoire en cinq tomes et que, déjà arrivés à la fin du premier, ils commençaient à rallonger la sauce. Mauvais présage pour la suite même si le succès au Japon est indéniable, des millions d'exemplaires ont été vendus et notamment 30 millions en numérique paraît-il (cette déferlante du livre numérique est-elle à nos portes ?).
Je ne sais pas si je lirai la suite de "King's game", fait plus pour remuer les esprits adolescents que la vieille carne que je suis devenu. Par contre, il est sûr que j'achèterai le tome suivant pour ma fille qui a trouvé ça "trop bien"et surtout "bien glauque", le deuxième avis expliquant surement le premier.

dimanche 24 février 2013

Syngué sabour, pierre de patience d'Atiq Rahimi


Adapter au cinéma le Goncourt 2008 était une gageure. Pas tout à fait cinématographique, le monologue de cette femme au chevet de son mari dans le coma qui passe son temps à lui éponger le front ou lui glisser un tuyau d'eau sucrée dans la bouche! L'adaptation faite par l'auteur et  Jean Claude Carrière a permis d'aérer l'action avec flash-backs sur le passé de la jeune femme ou en la baladant dans un Kaboul en ruine.
Cependant, je n'ai pas été totalement convaincu par cette mise en images. L'histoire est toujours aussi forte mais peut être un peu conventionnelle. Le sort des femmes musulmanes est très souvent abordé en ce moment au cinéma et le film en pâtit un peu. Mais ici, il manque un vrai regard de cinéaste pour sublimer le propos. Aérer le film est un bon moyen de nous faire ressentir la vie oppressante de cette femme, considérée juste comme un bout de viande. Mais cela n'apporte guère plus au film. Ce sont les moment de face à face avec le mari que l'on attend. Et même si l'on en terrain trop connu, et même si la fin est banalement romanesque (mais pourquoi dans les histoires de femmes musulmanes, les maris sont si souvent stériles, une épidémie ?), j'ai aimé ces moments calmes et forts, très esthétiquement filmés. Ils sont incarnés par une sublime comédienne Golshifteh Farahani qui illumine l'écran par sa beauté, son talent, sa grâce. Vibrante d'émotion, de haine, de dévouement, d'hésitations, elle porte le film sur ses épaules et arrive à faire passer une vraie émotion ( sauf peut être dans la scène ratée où l'héroïne ne retrouve plus son Coran).
Pour elle et bien sûr pour le propos profondément humaniste, il faut voir "Synghé sabour, pierre de patience". Ce n'est pas un grand film mais la jolie et utile illustration d'un roman à succès, qui, hélas ne
devrait s'adresser qu'à un public déjà convaincu par l'absolue iniquité du sort des femmes musulmanes.


samedi 23 février 2013

Les saisons de l'envol de Manjushree Thapa


Je dois le reconnaître, lire un roman népalais ne m'arrive pas tous les jours et c'est la tête pleine de clichés d'occidental besogneux que je me suis plongé dans "Les saisons de l'envol" de Manjushree Thapa. Et c'est au bout de quelques pages que tous ces clichés de froidure himalayenne, de tiers-monde misérable et de vie austère et frugale, ont volé en éclat et que je me suis laissé emporter par le destin de Prema, jeune népalaise diplômée d'écologie forestière, qui, au hasard d'une loterie, gagne une green card pour les USA. Désireuse de profiter de cette opportunité, elle abandonne son pays qui entre dans la guerre civile, laisse sa famille dans un village perdu et s'envole pour Los Angeles dans l'espoir de prendre un nouveau départ.
Déracinée, forte d'une vie intérieure intense, Prema va essayer de donner un sens à sa vie dans un pays dans lequel elle n'avait, fort heureusement, jamais projeté le moindre rêve idéaliste. La réalité américaine, d'une rudesse autre qu'au Népal, ne la satisfait pas vraiment. Par atavisme sans doute, elle mènera d'abord une vie d'immigrée solitaire et travailleuse, ne connaissant de sa ville d'adoption que son lieu de travail dans un quartier minable et son lit. Petit à petit, elle va s'ouvrir doucement au monde qui l'entoure, se bousculer un peu, rencontrer des gens, entamer une vie amoureuse qui va lui révéler les plaisirs du corps et abandonner petit  à petit son identité népalaise pour s'américaniser. Mais le doute va l'étreindre. Est-ce vraiment la vie qu'elle désire au fond d'elle ? Toute cette vie consumériste a-t-elle vraiment un sens ?
Récit du déracinement autant que d'apprentissage, "Les saisons de l'envol" est un formidable roman, simple, tendre et même finement transgressif. En racontant magnifiquement et élégamment cette histoire sans rebondissements intempestifs, sans pathos parce que sans drame véritable, Manjushree Thapa a en plus le talent de nous faire aimer une vraie héroïne loin des normes traditionnelles du roman bourgeois actuel et lénifiant (cf "Le roman du mariage" de Jeffrey Eugenides, ultra conservatrice évocation d'une jeunesse dorée américaine). Prema, en refusant tous les codes éculés d'une vie occidentale sous perfusion, devient sous la plume talentueuse de cette auteure, une grande héroïne féministe. En écartant la religion toujours au service des mâles ou de piqués étatsuniens à la recherche d'un ésotérisme de pacotille, en assumant fermement son refus de la conjugalité et de la maternité et en désirant donner à sa vie une direction plus humaine et plus écologique, Manjushree Thapa nous offre un roman très moderne et hautement symbolique.
Avec son écriture à la portée de tous, ce roman est une petite merveille à découvrir sans hésiter. Il est la preuve qu'en littérature, il est essentiel de lire ces écrivains lointains qui ont une sensibilité autre et qui ont infiniment plus de choses à nous dire sur le monde que tous ces romanciers de salon ou d'université qui ronronnent sottement en se caressant leur nombril.
Pour moi, une véritable découverte et un gros coup de coeur.

jeudi 21 février 2013

Un homme d'Albin de la Simone


C'est le premier album d'Albin de la Simone que j'achète  et que j'écoute intégralement. Je le connaissais uniquement pour avoir dans mon ipod quelques duos (avec Vincent Delerm, Jeanne Cherhal ou Vanessa Paradis). Partant avec un a priori favorable, j'ai donc écouté et réécouté "Un homme" son dernier album studio.
La première chose qui surprend, c'est la voix, fragile, bien timbrée mais sans effet, douce, une voix particulière qu'il m'a fallu apprivoiser pour pouvoir passer outre. Albin de la Simone le dit lui même dans une interview dans 20 minutes : " L'enjeu est dans ma voix, ça me traumatise. J'adore chanter mais  j'ai une voix difficile à assumer." Et c'est vrai que  ce timbre particulier m'a un peu freiné pour entrer dans son univers parce qu'il y a un univers bien marqué. Intitulé pas du tout innocemment "Un homme", Albin de la Simone nous parle pas mal de masculinité, pas triomphante ou alors de façon ironique comme dans mon "Un homme", interrogative comme dans "Mes épaules" ou blessée et perdue  dans "Ici hier". Les textes, bien écrits sont assez elliptiques, et donnent une image de nouveau mâle au chanteur, un peu comme les nouveaux hommes des années 70 étaient symbolisés par Souchon ou Woody Allen. Je ne suis pas bien sûr qu'Albin de la Simone puisse devenir le chef de file d'un nouveau courant que j'intitulerai masculin-pastel, parce qu'il est peu probable que ce disque, magnifiquement orchestré et arrangé, parvienne à séduire le grand public.
Tout en finesse, cet album plaira à tous ceux et celles qui aiment les chanteurs qui susurrent à leur oreille de jolies paroles. La délicatesse de cette production la rend fragile voire un peu trop discrète dans un environnement où l'on aime jouer les gros bras. C'est pour cela qu'il faut aller faire un tour du côté de chez Albin de la Simone, musicien talentueux mais chanteur un peu fragile. Même les mots comme "te faire foutre" sont dans sa bouche ni grossiers, ni lourds, simplement, les mots d'un poète gracieux dont on guettera le passage sur scène, façon piano voix, meilleure façon intimiste de déguster ses morceaux.



mercredi 20 février 2013

Les malheurs de Sophie de Mathieu Sapin d'après le comtesse de Ségur


Les  oeuvres de la comtesse de Ségur, lues dans ma jeunesse, ne m'ont laissé que le souvenir d'une lecture facile parce que dénuées de descriptions et dont les pages se tournaient plus rapidement que d'autres romans, grâce à cette narration en forme de saynètes dialoguées.
Si " Les malheurs de Sophie" restent un peu plus présents dans ma mémoire, c'est peut être parce que cette fillette inventive, férue de bêtises, était le parfait contraste des autres héros ou héroïnes proposés à l'époque par une littérature jeunesse confite de bienséance mièvre et définitivement moraliste.
Cette adaptation en bande dessinée par un auteur actuel talentueux reste fidèle à l'original, arrivant à faire passer sans encombre les dialogues empesés et terriblement adultes de ces enfants de quatre ou six ans. Les bêtises s'enchaînent toujours à un rythme d'enfer et sans jamais ennuyer le lecteur d'aujourd'hui, magie de la bande dessinée qui, en une case résume une page d'explications et de dialogues du livre. Le dessin de Mathieu Sapin, délicat mais empreint d'enfance et d'espièglerie, colle vraiment avec cette ambiance tout en lui apportant l'exacte touche de modernité. Et même si les facteurs livrent en Kangoo et que les euros remplissent les tirelires alors que le reste est tout à fait raccord avec l'époque de la comtesse, l'ambiance surannée est quand même là.
Si l'on est enfant (à partir de six ans), on pourra découvrir cet univers et engranger dans sa mémoire ce classique daté, de façon agréable et rapide.
Si l'on est adulte, on pourra s'interroger, à la lumière de la psychanalyse (ou des articles psycho de Marie-Claire), sur le pourquoi du comment de ces bêtises. Cris silencieux d'une enfant qui voudrait être aimée par sa mère ? Bien que donnant une éducation assez moderne pour l'époque, n'est-elle pas un peu aigrie par l'absence d'un mari très occupé par son travail ? N'ayant pas trouvé un amant ou un maîtresse pour faire exulter sa jeune chair confinée dans ses robes aussi grise que son quotidien de régente de domaine, Mme de Réan subit-elle les frustrations d'un mariage arrangé ? Je m'égare, car rien de cela ne transparaît vraiment dans l'oeuvre.
Beaucoup plus modernes que la version originale, bien plus drôles m'a-t-il semblé, ces "Malheurs de Sophie" ont un charme fou, le charme de certaines madeleines qui, bien que confectionnées avec des ingrédients d'aujourd'hui, ont tout de même le goût d'autrefois. 

lundi 18 février 2013

Une fille, qui danse de Julian Barnes




Le Man Booker Prize est un prix littéraire anglais qui, contrairement à son homologue français le Goncourt, s'est rarement trompé pour décerner son prix. Ainsi en 2011, nous avons couronné un premier roman indigeste alors que nos voisins grands bretons ont accordé leurs faveurs à "The sense of an ending" de Julian Barnes , qui paraît aujourd'hui en France sous le titre "Une fille, qui danse", et qui est un roman vraiment emballant d'un auteur au sommet de son art.
A priori, si je vous raconte l'intrigue, vous aurez l'impression de vous retrouver dans un de ces romans au charme suranné dont les britanniques ont le secret, souvent écrits par des femmes (Anita Brookner, Barbara Pym, ...), mettant en scène des soixantenaires poussiéreux et ennuyeux, menant une vie sans charme et sans éclat.
Tony, le héros et narrateur de ce roman, est divorcé. Vivant seul, menant une existence tranquille et organisée, il verra sa quiétude bousculée par l'arrivée d'une lettre de notaire. La mère de sa première petite amie lui lègue une petite somme d'argent mais surtout le journal intime d'un de ses amis suicidé à 22 ans. Ce legs mystérieux va amener Tony à questionner le passé et revoir sérieusement l'histoire de sa vie, façonnée par une mémoire trop gentiment sélective.
Construit comme un polar ( pas noir, mais à l'anglaise évidemment), Julian Barnes attrape le lecteur par la main pour ne plus le lâcher. En grand romancier, il déroule son histoire, doucement et surement, nous conduisant de petits rebondissements en petites révélations vers un dénouement bouleversant lorsque la vérité finira par éclater. Nous entrons dans l'intimité de Tony qui se révélera moins attendu que prévu et surtout le vecteur d'une réflexion passionnante et stimulante sur la mémoire, la fabrication de l'Histoire (même sans h majuscule). Erudit mais avec humour, philosophe mais sans jargon, psychologue mais avec finesse, ce roman m'a enchanté avec ses notations parfois perfides, souvent tendres sur la vie simple d'un sexagénaire. Et comme la mélancolie de cette sonate d'automne affleure tout le long des pages, le lecteur est touché car Tony, c'est un peu nous. Nous qui arrangeons nos souvenirs pour cacher les remords, les regrets, nous qui oublions quelques moments peu glorieux mais prêts à resurgir à la moindre sollicitation, nous qui espérons toujours secrètement que le cours des choses puisse s'inverser, comme ce mascaret que le héros et ses amis ont observé une nuit à l'âge de tous les possibles.
"Une fille, qui danse" allie avec un talent inouï profonde réflexion et intensité romanesque. Formidable !

jeudi 14 février 2013

Le roman du mariage de Jeffrey Eugenides


S'il y a un roman étranger qu'il faut avoir lu, à en croire la critique, c'est celui là ! Une unanimité semble se faire autour du troisième roman de Jeffrey Eugenides après "Virgin suicide" et "Middlesex". Obéissant mais surtout curieux , j'ai lu les presque 600 pages de "Le roman du mariage" et il est certain que pour moi, l'emballement attendu n'a pas eu lieu.
Regardez tout d'abord la couverture franchement ratée de l'ouvrage. Si l'on décrypte les pictogrammes représentés autour du titre, on voit une dame qui aime monsieur qui lui aime un monsieur qui aime la dame. Déjà, on se dit que la trame du livre risque d'être plus proche du débat actuel autour du mariage gay, que le mariage traditionnel risque d'être sévèrement écorné au fil de pages.
Hé bien pas du tout ! Il y a tromperie sur la marchandise, nous sommes dans la plus pure tradition du roman classique. Madeleine, l'héroïne, jeune étudiante issue d'une famille fortunée aime Léonard, d'extraction beaucoup moins bourgeoise et maniaco-dépressif. Mitchell, lui aussi né avec une cuillère d'argent dans la bouche, aime Madeleine en silence et se réfugie dans la religion. Nous sommes dans les années 80, aux USA, et les trois héros entrent dans l'âge adulte. Ils vont comme leurs aînés se brûler les ailes, perdre quelques illusions, et plonger tête la première dans le même conformisme que leurs parents alors qu'ils ont tous les possibles qui s'offrent à eux.
Entendons-nous bien, ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de relation homosexuelle entre les héros mâles que j'émets quelques réserves sur ce roman. Non. Ce qui me dérange un peu c'est le côté banal de tout ça er surtout de délivrer un message ultra traditionnel du genre : jeune fille riche, ne vous mariez pas avec n'importe qui, réfléchissez, soyez raisonnable, ne vous laissez pas emballer par votre sensualité, choisissez quelqu'un de sûr, de riche comme vous pour faire croître le patrimoine, qui pourra gagner de l'argent, mais surtout mariez-vous et restez avec votre mari (sauf s'il est malade, maniaco dépressif comme ici, c'est mauvais pour la reproduction). On retrouve comme dans beaucoup de soi-disant grands romans US, cet univers clos que sont les universités, comme si en dehors de ces établissements d'élite, il n'y avait pas d'autres lieux possibles pour un grand roman (Il faut ajouter maintenant l'univers des banques et de la finance, très tendance aussi ).
Je pinaille un peu c'est vrai, mais cette banalité a gâché tout le reste, car le reste est de la belle ouvrage.
Formellement ce livre est très réussi. La narration éclatée, faisant fi de la chronologie mais sans jamais perdre son lecteur, est un modèle de construction. L'humour, très présent, s'attaque aussi bien aux cours abscons de sémiologie qu'aux problèmes d'allaitement. L'auteur a réussi à caser dans son histoire un exposé sur les levures, un autre sur le roman victorien, un troisième sur le lithium sans tout à fait casser le rythme de son récit, assez lent car, comme tout bon auteur américain qui se respecte ( en France ), il aime les détails et les petites anecdotes qui donnent à l'ensemble de la profondeur.
Seulement, aussi brillante que soit la démonstration, elle est un somme toute assez peu originale et développe surtout un propos très moralisateur caché derrière des personnages finalement pas vraiment attachants.

mercredi 13 février 2013

Hitchcock de Sacha Gervasi


Non "Hitchcock" n'est pas un de ces inutiles biopics, surjoués, surproduits que les studios américains fabriquent dorénavant à la chaîne. En adaptant un ouvrage paru en 1990 et retraçant le tournage du célèbre "Psychose", le film évite la biographie compassée pour se consacrer à la création de ce sommet du cinéma tout en mettant en lumière l'importance d'Alma Reville la femme du maître du suspens.
Jouant habilement sur plusieurs tableaux, le film se regarde sans ennui aucun, s'adressant autant aux cinéphiles qu'aux non connaisseurs. Nous entrons de plein pied dans les affres de la création de ce cher Alfred, partagé entre son amour platonique pour des blondes réfrigérantes, son obsession pour le tueur dont il adapte les crimes, ses démêlés avec la censure et les désirs d'émancipation de son épouse qui le rendent fou de jalousie. On ne s'ennuie pas une seconde car le film est porté par une distribution classieuse. On oublie bien vite le peu de ressemblance d'Anthony Hopkins avec Hitchcock pour se laisser emporter par l'interprétation finalement assez sobre de l'acteur. Helen Mirren, en épouse frustrée mais battante, est parfaite, Scarlett Johansson est absolument délicieuse comme toujours et Toni Collette totalement années cinquantes en secrétaire/script-girl.

Un bon film qui se laisse regarder avec plaisir et qui ne nous fait jamais regretter l'achat d'un ticket de plus en plus onéreux... Et puis la fameuse scène de la douche avec la très désirable Scarlett....ça ne se loupe pas !

mardi 12 février 2013

Black city parade d'Indochine



J'ai vécu une expérience originale aujourd'hui. J'ai téléchargé (légalement) l'ALBUM du jour (de l'année pour certains) à savoir " Black city parade" le nouvel album d'Indochine.
Sitôt dans mon ipod, casque sur les oreilles. en quelques minutes j'avais de nouveau dix-sept ans, j'étais redevenu adolescent, je me trémoussais comme un malade, emporté par le flot des guitares électriques, des envolées pops des synthés et m'identifiant évidemment aux paroles toujours aussi allusives de Nicola Sirkis.
Cette douzième livraison est-elle vraiment aussi formidable qu'on le dit ?
Pour ceux qui aiment Indochine, il est évident que ce CD est un sommet dans leur discographie, la quintessence de leur trente années de tubes. Nous sommes en terrain connu. Indochine fait de l'Indochine mais le fait ici comme jamais. La production est belle, soignée, euphorisante (malgré des thèmes pas trop rigolos comme la difficulté de s'intégrer quand on est un ado homo, les combats contre les inégalités, ...). L'écoute du disque donne une envie irrésistible de foncer acheter son billet pour leur futur concert, moment où l'on partagera au milieu d'une foule endiablée toute cette énergie communicative.
Ce qui est bluffant tout de même, c'est qu'après trente ans de carrière, le groupe (certes recomposé) arrive encore à surprendre et à innover (un peu). Ainsi chacun des morceaux débute par une intro surprenante et qui accroche l'oreille, souvent en total décalage avec la suite (certains diront que ce sont des loops de Garage band, mais ce sont des mauvaises langues). Et puis il y a, pour moi, LE morceau phare de cet album, "Wuppertal" (ville natale de Pina Bausch), morceau le moins "Indochine" du CD qui surprend par la tonalité un moment gravissime de la voix du chanteur mise judicieusement en avant, mais aussi par le son et les arrangements assez inhabituels.
Le reste est comme d'habitude, mais ici totalement abouti. Je mentionnerai quelques titres un peu plus accrocheurs (mais ils le sont tous) comme "Black city parade", "Kill Nico"et surtout "Nous demain" morceau endiablé et fédérateur qui devrait soulever les foules en concert.
Je n'en dis pas plus...parce que voyez-vous, je suis devenu addict à ce retour dans l'adolescence et je repars me mettre un petit coup d'Indochine dans les tympans...une cure de jouvence que nous offre Nicola Sirkis (53 ans, si, si, ...toujours ado apparemment...). Alors, si vous voulez prendre un coup de jeune, vous savez ce qu'il vous reste à faire !


lundi 11 février 2013

Ce n'est pas mon chapeau de Jon Klassen


Je vous avais déjà dit tout le bien que je pensais du précédent album de Jon Klassen"Je veux mon chapeau" et voici maintenant, non pas une suite, mais une nouvelle version tout aussi réussie que la précédente.
Finis l'ours et les animaux de la forêt, plongeons dans un étang où un tout petit poisson est super fier d'avoir voler le chapeau à un très gros poisson pendant qu'il dormait. C'est le petit poisson qui parle et qui essaie de se persuader que son acte passera inaperçu...tout en filant se camoufler dans des hautes herbes touffues.  Mais c'est le gros poisson que l'on voit à l'image, énorme, ne bougeant quasiment pas mais à l'oeil ô combien expressif !!!
Avec ses airs simplistes, cet album est en fait assez compliqué à aborder par des enfants habitués aux textes redondants. Ici, l'illustration est en parfaite contradiction avec les pensées du petit poisson, créant ainsi un suspens bourré de clins d'oeil et obligeant le jeune lecteur à une attention redoublée. On sera enthousiasmé par la précision du trait de Jon Klassen qui avec trois fois rien fait dire beaucoup de choses à ses personnages. On notera également l'emploi d'une palette de couleurs rarement utilisées en jeunesse, des tons...heu ...que je qualifierai de ...taupe (vous savez ces couleurs indéterminées qui oscillent entre le gris pigeon, le mauve foncé, le bordeaux pâle ou le marron verdâtre, ces coloris indéfinissables qui sont maintenant systématiquement casés sous cette appellation). Je ne dirai rien de la fin, qui est de la même veine que dans l'album précédent, avec peut être une interprétation moins noire...
Cet album est un régal d'humour et surtout totalement réussi. Un album comme je les aime, qui ne prend pas les enfants pour des idiots et qui parie sur leur intelligence. Cependant, il sera pleinement apprécié à partir de 4/5 ans et plus.



vendredi 8 février 2013

Eugène de Quentin Vijoux



J'ai acheté cet album par hasard, sans l'avoir feuilleté (il était sous blister), sans les recommandations de mon libraire favori (qui ne l'avait pas encore lu), uniquement attiré par la couverture. L'auteur m'était inconnu (évidemment c'est son premier album) et même l'éditeur ne me disait rien (Michel Lagarde). 
Une fois déballé, j'ai tout d'abord apprécié la qualité de l'édition, il est toujours plaisant d'avoir un bel objet-livre en mains. Et une fois terminé, j'avoue que je ne regrette ni ma lecture ni mon achat. J'ai l'impression très forte d'avoir découvert un jeune auteur à l'univers singulier et original qu'il va falloir suivre avec attention.
L'histoire débute par la rencontre d'Eugène, le héros, qui se fait lire les lignes de la main par un monsieur un peu débonnaire et qui lui remet sa carte en lui proposant du travail. Ca tombe bien, Eugène  est sans emploi et va donc quitter sa petite maison dans laquelle il vit avec sa fiancée, pour aller travailler à la ville, pour le compte du docteur Trousseau, l'homme rencontré un peu plus tôt. Il devra livrer de mystérieux colis dans des endroits assez étranges...
Il est très difficile de raconter la suite de cette histoire car elle vire très vite dans le fantastique. Quentin Vijoux nous entraîne dans un monde délirant, croisement angoissant de l'univers de Kafka avec celui du cinéaste japonais Miyazaki. Avec un dessin épuré, simple, gracieux et infiniment poétique, sans le cloisonnement des cases, il m'a accroché dès les premières pages sans jamais me lâcher (alors que d'habitude, le fantastique me tombe des mains). Cette histoire qui joue aussi avec les contes traditionnels, est également l'occasion pour l'auteur d'aborder en filigrane, sans lourdeur aucune,  pas mal de thèmes sociétaux comme l'incommunicabilité entre les êtres, les dérives de la science ou la dureté du monde du travail. Un très joli travail de mise en page doublé d'un scénario vraiment original font que  pour moi ce coup d'essai est un coup de maître. Cet album, finalement en tous points réussi, est ma première découverte 2013 et  je le recommande chaudement. 

Eugène de Quentin Vijoux est édité chez Michel Lagarde 16 euros.








jeudi 7 février 2013

L'ogresse poilue de Fabienne Morel, Debora Di Gilio et Nathalie Choux



Le petit chaperon rouge est vraiment en France LE conte phare. Tous les ans sortent de nouvelles versions revisitées ou directement inspirées du conte de Perrault.
Les éditions Syros nous proposent cet hiver "L'ogresse poilue", un album accompagné d'un CD (pas terrible) où sont gravées les voix des auteures. On retrouve la trame bien connue d'une petite fille habillée de rouge se rendant chez sa grand-mère, mais celle-ci est inspirée d'un conte italien des Abruzzes intitulé "La fausse grand-mère". Les contes n'ayant pas vraiment de frontières, si l'on compare cette dernière parution avec notre chaperon national, on retrouvera pas mal d'éléments du conte. Si du loup on ne garde que la queue, le corps étant celui d'une ogresse moche mais fashion, la petite fille reste la même sauf qu'elle est porteuse d'un panier de beignets. Ici, le chemin pour aller chez la grand-mère est plus périlleux puisqu'il lui faut traverser un fleuve impétueux mais facile à corrompre surtout lorsqu'on est porteuse de pâtisseries bien grasses.
Joliment illustré par Nathalie Choux, j'avoue cependant ne pas avoir été emballé par cet album. Tout d'abord le texte est la transcription de la version contée. Il souffre un peu, à la lecture, d'un manque d'écriture et les comptines, chantées dans la version orale, alourdissent pas mal le texte. A cela se rajoute quelques effets comiques un peu lourds et faciles, qui plaisent vraisemblablement aux enfants mais qui manquent sérieusement de finesse.
"L'ogresse poilue" me donne l'impression d'être une adaptation du petit chaperon rouge par les frères Farelly, vous savez, ces réalisateurs américains à l'humour qui tache (Mary à tout prix, Bon à tirer, L'amour extra large), rigolo mais pas très fin. Ca peut plaire...


mercredi 6 février 2013

Tu honoreras ta mère et ta mère de Brigitte Rouan


A l'heure où l'on parle beaucoup de l'argent au cinéma, Brigitte Rouan est sacrément fortiche. Avec ses deux scénaristes, elle a réussi à vendre à des producteurs un film assez improbable, sur l'amour débordant d'une mère pour ses quatre fils. En situant son histoire sur une île grecque, à la belle saison, on a l'impression qu'elle s'est offert, ainsi qu'à toute une pléiade d'acteurs, de jolies vacances, un peu laborieuses (comme le film) mais ensoleillées. Parce que, franchement, je n'aurai pas miser un sou dans cette production qui fleure l'improvisation et le remplissage. Le scénario, qui ne brille pas par son originalité, tient en quatre lignes : Jo, helleniste à la retraite, organise tous les ans un festival de théâtre en Grèce, histoire surtout de réunir auprès d'elle ses quatre fils. A cause du FMI, le maire de l'île annule les festivités. Ne reculant pas devant l'adversité, Jo squatte une magnifique villa avec vue sur mer, réunit tous les siens de sa mère à tous ses petits enfants et organise son festival, sorte de pièce aussi ridicule qu'un spectacle de fin d'année de l'école Ste Thèrèse.
C'est sans grand intérêt mais pas totalement antipathique. D'abord, il y a la Grèce, son soleil permanent et ses paysages idylliques, même si cela ne fait pas un film, en plein mois de février, j'ai aimé. Ensuite, Agnès Godard à la photo fait des prouesses, multipliant les plans plus beaux les uns que les autres, jouant avec l'architecture épurée de la villa et magnifiant cette brochette de comédiens en roue libre. Et puis, il y a dans ce film des scènes qui pourraient faire partie de ces moments inénarrables qui jalonnent l'histoire de cinéma. Ainsi, voir Emmanuelle Riva (oui, la peut être future césarisée et/ou oscarisée ) peindre en rose bonbon des phallus tout en jouant la pythie est assez savoureux. La même, juchée sur un char, au milieu de sexes géants et multicolores, la tête ceinte d'une couronne de fruits est réjouissante. Voir le grand retour de Demis Roussos (!) à l'écran en pope est rigolo mais, et là c'est pour les fans, admirer Gaspard Ulliel, musculature ad hoc, sortant de l'eau dans un plan qui rappelle furieusement Ursula Andress dans Docteur No est vraiment à ne pas rater. A part ça, pas grand chose à signaler. On sent que Brigitte Rouan doit avoir du mal avec la coupure du cordon ombilical mais je ne suis pas sûr qu'elle ait trouvé la bonne idée pour nous en faire part. Selon votre humeur, soit vous sortirez avant la fin, saoulé par autant de vacuité soit vous resterez jusqu'au bout histoire de profiter vous aussi d'un moment de farniente en Grèce.


lundi 4 février 2013

Indigo de Catherine Cusset


De Catherine Cusset j'avais déjà lu "La haine de la famille" ainsi que "Un brillant avenir" qui m'avait laissé des souvenirs de lectures vraiment agréables. C'est donc avec confiance que je me suis plongé dans son dernier ouvrage "Indigo".  Nous y rencontrons trois français écrivains ou metteur en scène, invités par l'Alliance Française de Trivandrum en Inde à un de ces multiples festivals culturels qui rendent la vie de ces intellectuels un peu plus belle. Cornaqués par Géraldine, jeune française un peu stressée de devoir organiser cet événement avec peu de moyens, ils vont passer une semaine qui va transformer leur vie à tous. Charlotte, quarantenaire plan plan, va profiter de son séjour pour aller sur les traces d'une amie indienne disparue. Roland vieux séducteur de 64 ans, goujat et vaniteux, retrouvera un ancien grand amour tout en essayant de mater la rébellion de sa nouvelle jeune conquête amenée dans ses bagages. Raphaël, romancier peu productif et renfermé, sera la cible de la jeune Géraldine qui retrouvera l'homme qu'elle a secrètement espionné et aimé lors de son adolescence bretonne. Nous suivons leurs pérégrinations indiennes, mélange de scènes grinçantes sur le quotidien d'intellos à qui tout est dû et d'un retour fulgurant du passé qui va transformer leur présent.
Je vais être franc, tout ceci ne m'a guère semblé original. Bien écrit, agréable à lire, je suis tout de même  resté sur ma faim. Je n'ai pas vu l'intérêt de cette histoire. Ce thème d'intellectuels se retrouvant face à eux même à l'étranger a déjà été lu et relu ailleurs (David Lodge, Allison Lurie, ...). Tous ces retours vers le passé m'ont paru ici un peu téléphonés, les quelques péripéties, surtout vers la fin, un peu lourdingues. Je me suis même pris à penser que la maison Gallimard avait formaté ce livre pour satisfaire la cliente désormais vieillissante des lecteurs français. Une recette pour les ménagères (les ménagers ?) de plus de quarante ans.  Un style impeccable (on est chez Gallimard quand même !), un peu d'exotisme pour faire rêver ( l'Inde), des personnes masculins ou mystérieux ou ignobles (pour la touche féministe car ne l'oublions pas, le lectorat français du roman est essentiellement féminin), des héroïnes dépassées et énervées (empruntées à la chick-lit), mais aussi à l'horloge biologique au bord de la date de péremption ( les bébés ça fait craquer !) et pour pimenter (un tout petit peu) du sexe (si possible vaguement interdit, c'est mieux pour le frisson).
Alors, je pense que je ne suis pas la cible idéale. Malgré un évident savoir-faire, je n'ai pas été charmé, juste vaguement intéressé, assez pour le terminer mais trop peu pour avoir envie de le recommander vraiment. 

dimanche 3 février 2013

Happiness therapy de David O. Russell


Certains me disent que je vais au cinéma ne voir que des films "art et essai", intellos et pas du tout grand public... Peut être, mais au fond de moi se cache un grand amateur de comédies (américaines et même françaises !) et cette semaine, appâté par une critique plutôt enthousiaste, j'ai snobé le film à Oscars de Spielberg (Lincoln) ou le long métrage prise de tête français avec Jean Pierre Darroussin ( Rendez-vous à Kiruna) pour "Happiness therapy", la comédie branchée du moment.
Nous sommes à Philadelphie. Pat, sort d'un hôpital psychiatrique dans lequel il a passé huit mois à soigner son agressivité, suite à l'agression qu'a subi l'amant de sa femme qu'il a surpris sous la douche avec elle. Pat est bipolaire, donc sujet à des crises de violence intempestive qu'il essaie de soigner sans médicament. De retour chez ses parents, américains moyens, il n'a qu'une idée en tête : reconquérir Nikki sa femme auprès de laquelle il a obligation de rester à distance. Lors d'un dîner chez son meilleur ami, il rencontre une jeune veuve, Tiffany, dépressive et nymphomane mais en traitement elle aussi. Si le coup de foudre ne semble pas immédiat, une certaine attirance va avoir lieu et tous les deux vont combattre leur maladie respective avec une thérapie : préparer ensemble un concours de danse.
Je n'en raconte pas plus ce serait bête de vous gâcher le plaisir de la découverte de la suite de ce subtil scénario...
Personnellement, l'ennui m'est tombé dessus dès les premières minutes. Scènes filmées de façon hystérique (pour mieux se calquer au héros sans doute), répétitives, dialoguées comme une sitcom de troisième zone et avec une image façon cinéma indépendant, c'est à dire tirant sur le sale et le vert-de-gris. Tous les ingrédients du film vaguement intello sont là, sauf les idées. Pourtant le film draine pas mal de de thèmes ( les relations père/fils, frère/frère, la middle class américaine, ...) mais sans jamais les approfondir et surtout en les noyant dans des rebondissements cousus de gros, très gros fils blancs.
Le spectateur, s'ennuie ferme durant deux heures (!) et a le temps de voir tous les défauts de cette comédie romantique sans saveur. Film totalement puritain et bien pensant, formaté pour ne déranger personne, "Happiness thérapy" est ce que les USA font de pire en la matière. Mal fichu, mal filmé, pas dialogué mais, heureusement, d'une moralité imparable : la femme aimée mais adultère est forcément punie, les parents finalement aimants sont récompensés (mais pas le spectateur qui a droit à une scène ridicule où de Niro pleurniche de ne pas avoir assez aimé son fils), la nymphomane qui résiste à ses pulsions est, elle, récompensée comme le héros qui, bien que bipolaire et impulsif, sait résister à la tentation en restant fidèle...
La seule chose à sauver est peut être l'interprétation de Jennifer Lawrence et de Bradley Cooper qui semblent crédibles à l'écran. Je dis peut être car j'ai vu le film en version française avec un doublage assez mauvais, mais on peut dire qu'ils ont au moins une certaine photogénie.





vendredi 1 février 2013

150 pulsations de Laurent Boyet

Après mon heureuse expérience avec "Le chant des grimaces" de Yann Frat, j'ai décidé de fouiner un peu dans les rayons de plus en plus copieux des éditeurs numériques. Aidé de Tweeter qui m'a un peu tapé sur l'épaule il faut bien l'avouer, mon intérêt s'est porté sur un polar intitulé "150 pulsations" d'un certain Laurent Boyet. Polar est un bien grand mot, car après lecture, je dirai plutôt qu'il s'agit d'un suspens tragique.
Watson Epps est un homme noir qui, après dix-huit ans d'incarcération, est conduit dans la chambre d'exécution d'Huntsville  pour y recevoir l'injection qui lui sera fatale. Il a été condamné à mort  après avoir abattu le shérif d'une obscure localité du Texas. Pendant que nous vivons les dernières minutes de vie de cet instituteur, nous suivons en parallèle les discussions que tiennent Eileen, la veuve du shérif et son fils Justin, enfermés dans un pick-up et traversant les USA depuis Chicago pour assister à l'exécution.
Sujet lourd, bien noir mais au final, est-ce une bonne pioche ? Une lecture à recommander ? Je vais être honnête, si l'on fait le rapport qualité/prix, je dirai oui ! Cette nouveauté, téléchargée au prix de 5,99 euros (quasi moins chère que n'importe quel livre de poche) m'a finalement fait passer un moment pas si désagréable que ça.
Si l'on considère uniquement la qualité du texte, je mettrai quelques bémols. Avec une écriture simple (je n'ai pas dit simpliste !), le lecteur est bien accroché. La description des derniers instants du héros est prenante et suffocante. Je serai plus circonspect sur le reste de l'intrigue qui souffre de quelques défauts et notamment les dialogues entre la veuve et son fils, cousus de gros fils blancs. On a du mal à croire qu'il ait fallu dix-huit ans pour que cette explication familiale ait lieu. L'histoire notamment de l'amnésie est dure à avaler. Mais malgré tout, comme David Boyet semble vouloir tirer son récit vers une allégorie tragique, on passe finalement outre et on se laisse emporter par cette histoire mêlant des thèmes aussi forts que la peine de mort, la ségrégation, la violence conjugale mais aussi une jolie histoire d'amour.
Même si quelquefois le récit est un peu lourdement didactique lorsqu'il évoque certains faits divers (au demeurant bien choisis), même si le texte n'évite pas quelques redites, ralentissant inutilement l'action, j'ai été sensible à ce plaidoyer sincère et touchant.
Si l'on veut faire un petit tour aux States, plonger dans une Amérique décrite sans fard et lire un roman avec un peu de suspens, il vaut mieux télécharger le livre de Laurent Boyet plutôt que de dépenser plus de 20 euros avec le navrant "Harry Quebert". Si aucun des deux n'est l'écrivain de l'année, l'auteur de"150 pulsations" à au moins le mérite de la sincérité et, de nos jours où l'on de plus en plus de mal à faire le tri entre écrivain et coup d'éditeur, être sincère est une valeur hautement estimable.
Si vous êtes curieux de ce livre, voici le site de l'auteur où vous trouverez tous les endroits où vous pourrez le télécharger. http://www.laurentboyet.fr/