mardi 28 février 2017

Patients de Grand Corps Malade et Mehdi Idir



Après le livre, voici le film ! Et qui mieux que Grand Corps Malade pour adapter au cinéma son passage dans ce centre de rééducation qui lui a permis, après son terrible accident, d'accéder à la station debout ? En posant sa caméra dans le lieu même où il passa des mois à essayer de se reconstruire, il colle au plus près de la réalité. Mais "Patients", dont le projet est de mettre à l'écran un univers peu représenté, se démarque légèrement du livre. Quittant l'autobiographie, il dresse le portrait d'un jeune homme prénommé Ben, façon de mettre en distance ce récit et de rendre le propos  plus universel. Que l'on se rassure, toute l'humanité du livre se retrouve dans le film. Les portraits des patients qui, comme lui, vont lutter, souffrir, s'enfoncer dans ou contre le handicap vont côtoyer celui des soignants qui les accompagnent au jour le jour. On assiste aux lents progrès de chacun, mais aussi et surtout à cette dure acceptation de la perte de sa mobilité, de son autonomie,  toujours avec cette empathie qui sait si bien mélanger humour et combat. En cela, le film est tout à fait légitime et nécessaire.
Cependant, quand on est slammer comme Grand Corps Malade,  l'écriture d'un livre se rapproche de sa poésie, celle d'un film ( scénario et mise en scène) relève d'un exercice bien différent.
Avec une ouverture assez réussie filmée du point de vue du patient ( même si cela ressemble à pas à Docteur House), le film ensuite s'engage sur une voie classique avec quelques moments façon clips ( un peu énervants et systématiques à la longue) mais parvient à bien poser chaque personnage. Hélas, pour ma part, je n'ai guère été convaincu par les jeunes comédiens qui, s'ils sont parfaits dans la simulation du handicap, peinent par contre à donner du corps à leurs personnages. J'ai eu du mal à être en empathie avec Ben, peu expressif, ni avec son copain Farid, dont l'interprétation tourne trop à une imitation de Jamel Debbouze. La relation amoureuse qu'essaie de lier Ben semble un peu plaquée, n'intéresse visiblement pas les metteurs en scène et du coup ne fonctionne pas du tout.
Malgré ces réserves relevant sans doute d'une cinéphilie trop sèche, "Patients" reste un film nécessaire et généreux, qui malgré quelques maladresses, arrivera sans doute à toucher les spectateurs, ceux qui connaissent ou ont connu l'épreuve du handicap moteur et d'autres sans doute qui ne pourront qu'être émus par cette histoire de renaissance physique faite de souffrance, de solidarité et d'humour.


samedi 25 février 2017

Peggy dans les phares de Marie-Eve Lacasse


Cette évocation biographique plus que roman, à moins que ce roman essaie d'être biographique, jouant sans doute dans la recréation de ce que purent être ces vingt années de liaison, nous parle au final plus de Françoise Sagan que de Peggy Roche.
Ces deux dames, se sont d'abord croisées dans cet espace/temps branché que furent le Paris d'après  "Et dieu créa la femme" et l'inévitable village de St Tropez où les pêcheurs ont dû déguerpir fissa pour laisser la place à une cohorte parisienne aussi délurée que fortunée. Mais au fil du temps, la célébrité hors du commun de l'écrivaine, aussi bien attirée par les hommes que les femmes, et la chiquissime dame de la mode qui prodiguait son bon goût dans les revues féminines à grand tirage, ont fini par se rencontrer pour un parcours aux amours souvent embrumées par la drogue, l'alcool et les jeux de toute nature de l'une et l'amour extrêmement poli et patient de l'autre.
Le livre essaie de nous faire partager un peu de cette vie fantasque. Le problème avec la star de la littérature que fut Sagan, c'est qu'elle occupe toujours l'espace, rayonne de mille feux derrière sa mèche blonde. Même si Peggy Roche l'a relooké ( ses chemisiers imprimés léopard, c'est elle !), a supporté ses addictions diverses, ne l'a jamais laissé tomber, même ruinée, même soupçonnée de tremper dans quelques trafics, elle ne parvient jamais à s'extraire totalement de l'ombre de l'écrivaine. Mari-Eve Lacasse ayant interrogé un maximum de témoins de l'époque, des très proches, essaie de la faire sortir de ce brouillard dans lequel l'histoire l'a laissée et s'est sans doute faufilée dans les interstices que cette histoire lui offrait comme possibilités romanesques. Force est de reconnaître que le montage proposé a de l'allure se jouant des époques pour tenter de cerner au mieux les personnages, imaginant quelques dialogues savoureux entre les deux amantes. Mais encore et toujours, Sagan vampirise le livre. C'est sa voix et son débit rapide et feutré que l'on entend, c'est la vie mouvementée de la romancière que l'on remarque surtout. Bien sûr,  on tourne les pages avec un grand plaisir car l'écriture est vraiment belle. Cependant, Peggy n'arrive toujours pas à se hisser au rang de personnage principal, encore une fois occultée par sa célèbre maîtresse.
"Peggy dans les phares" tente avec talent de remettre un peu de lumière sur cette belle femme  élégante que fut Peggy Roche. Le projet dut être ardu et le coup de projecteur donné, même s'il rend justice à cette sommité de l'élégance, n'arrive pas à l'éclairer pleinement.  Il y a toujours ce petit lutin facétieux qui passe à tout bout de champ dans le halo. Ce n'est pas grand au final car le plaisir de lecture est bien là !

jeudi 23 février 2017

Chez nous de Lucas Belvaux


Donner son avis sur "Chez nous " est un peu plus complexe que pour un film habituel.  Le sujet sensible  ( Une infirmière devient tête de liste d'un parti extrémiste de droite) sortant en plein début d'une campagne présidentielle incertaine, suscite des commentaires variés, parfois haineux et sans doute téléguidés par le parti en ligne de mire du réalisateur ( on les repère nombreux sur le site Allo ciné, la bataille des idées passe aussi par là !).
L'oeuvre est généreuse, salutaire voire courageuse mais, à mes yeux, pas totalement convaincante. La première moitié nous décrit comment, petit à petit, un notable va convaincre une brave infirmière témoin de toute la misère sociale actuelle, que le parti extrême défend de vraies valeurs généreuses. Si le glissement se révèle à l'écran trop facile, le réalisateur est assez habile pour montrer quand même les rouages du lavage de crâne, fait de séduction, de mots bien choisis, de discours flatteurs et aux raccourcis de café de commerce. On pourrait presque nous aussi être convaincus... Dans la deuxième moitié, cette propagande populiste ne sera quasiment pas démontée, le scénario se focalisant sur les racines néo-nazis du parti mêlé avec une histoire d'amour. Bien sûr, il est toujours important de rappeler les racines d'un parti d'extrême droite. Même s'il a troqué la tenue de barbouze pour le blazer bleu-marine bien plus rassurant, le fond reste identique,  toujours fascisant et utilisant la crédulité des braves gens pour assouvir une soif de pouvoir loin d'être généreuse ( si pour le parti !). Et c'est sans doute sur ces propos biaisés, ces raccourcis propres à enflammer ceux qui ont perdu espoir que le scénario manque de force et bute justement à les démonter. En se focalisant sur l'histoire d'amour, le film gagne un peu en romanesque mais s'éloigne du politique. ( et sans spoiler, la dernière scène est juste peu crédible et même inutile).
Cependant, "Chez nous" reste formidablement interprété avec surtout Emilie Dequenne totalement crédible, qui porte le film sur ses solides épaules. J'ai aimé aussi ( quoiqu'en disent pas mal de commentaires sur les sites de cinéma) la représentation  non caricaturale des gens du Nord, juste touchants dans leur quotidien. Alors, bien qu'un peu bancal, avec quelques facilités scénaristiques, le nouveau film de Lucas Belvaux a le mérite de prendre position et rien que pour cela, on peut déjà penser à aller le regarder.


lundi 20 février 2017

Sanglier de Dominique Rameau


Sybille se voir offrir par son patron une semaine dans une fermette isolée du Morvan. Venue de Maison-Lafitte, un car la dépose dans un hameau perdu et inhabité. Dubitative et un peu étonnée de se retrouver dans cet univers qu'elle ne connaît que par la vague vision de documentaires à la télévision, elle va poser sa valise et même plus dans cette  maison sentant le renfermé. Passée une première sensation craintive, le regard de la jeune femme va petit à petit se poser sur ce décor bucolique, commencer à apprécier " le capharnaüm de silence " qui l'enveloppe, libérer un à un tous ses sens. Dans un univers empli de fleurs, d'arbustes, d'arbres près desquels volettent insectes et oiseaux, musardent mulots ou vaches, elle va arpenter ces espaces soudain offerts à sa curiosité, croiser quelques habitants souvent en fin de vie, parfois hors du monde ou naturellement beaux, tenir un cahier de croquis de ses balades campagnardes. Le nez dans les nuages, les pieds dans l'herbe ou la terre, la nature s'offre à elle, belle, simple, vivante. Sybille semble renaître. Sa tête se vide peu à peu des stigmates de la vie moderne, la quiétude de ces lieux la conduisent à une nudité aussi spirituelle que corporelle, son esprit s'ouvre à une sensualité totale, simple, sans préjugés.
Ce premier roman se déguste comme un herbier de mots, une collection d'insectes que l'on aurait conservés sans les épingler. Les phrases se lisent comme si on écoutait un orchestre d'oiseaux de nos campagne, précises et gracieuses comme des centaines de libellules sur le bord d'un ruisseau. Le roman serpente parmi des prés fleuris, se blottit dans des clairières caressées de soleil. Le texte,  mélange de sensations et de joies naturalistes, suit son héroïne dans sa marche vers une sorte de renaissance personnelle. Loin de la ville, elle va s'ouvrir à la sensualité, offrir son corps au soleil ou au léger piquant de la nuit dans un périple nocturne que l'auteur rend à la fois voluptueux et un peu inquiétant. Comme Sybille, en refermant le livre nous quittons le Morvan forts d'une belle expérience.
Pour terminer, trois conseils avant de se plonger dans "Sanglier" :
- La vitesse et les textes survoltés, il faudra oublier.
- La contemplation et simplicité, on saura apprécier.
- Se déshabiller et se laisser aller est fortement conseillé.
PS : J'ai adoré le néologisme " vimalaponser" que Mr Rameau emploie à fort bon escient, car, effectivement, l'héroïne m'a vraiment fait penser à la pétillante et sensuelle actrice Vimala Pons.



dimanche 19 février 2017

Chance de Kem Nunn


Eldon Chance porte-t-il bien son nom ? Pas sûr ! Quand arrive la cinquantaine et que l'on est en instance de divorce, que l'on se retrouve à caser comme un peu un beau mobilier art déco signé dans une petite maison assez minable, la vie peut apparaître amère. Heureusement, il a conservé son boulot de neuropsychiatre attaché à l'évaluation de malades pour différentes administrations américaines. Et, coup de chance, ce métier lui fait rencontrer du monde, notamment la très sensuelle Jaclyn dont il va tomber amoureux. A y regarder de plus près, pas sûr que Jaclyn, hormis sa plastique de rêve, soit un vrai cadeau. Elle souffre quand même d'un petit trouble de la personnalité. Oh, rien de bien méchant, elle se dédouble... un peu comme Docteur Jekyll et Mister Hyde, mais  en version nymphomane. Quand elle devient Jackie ( bien plus sexy), elle se jette avide sur le mâle dont elle devient la prédatrice ( ici donc le brave docteur Chance). Quand elle redevient  Jaclyn,  femme soumise et fragile, elle tente de se guérir de cette maladie.
Pas de quoi en faire un polar me direz-vous ! Non sans doute, sauf si je vous dis que cette créature de rêve est l'épouse d'un policier très très corrompu et très très méchant, qui en plus de tremper dans de louches affaires, aime parfois tabasser sa moitié. Une belle femme battue, cela suffit au brave docteur Chance pour que naisse en lui une incroyable envie de justice et de délivrer sa maîtresse des griffes de cet affreux monstre. Et comment s'y prend-il ? Tout simplement en s'acoquinant avec D, un colosse bricoleur/tueur/organisateur de génie rencontré dans une boutique d'antiquité lors de la vente du mobilier art déco cité plus haut...
Kem Nunn, auteur de quelques polars ayant reçu un excellent accueil au début de ce siècle, a attendu dix ans pour régaler à nouveau ses fans. Alors je ne sais pas ce qu'il s'est passé, s'il a eu beaucoup de boulot à écrire des scénars pour la télé, s'il a divorcé, s'il est tombé amoureux, force est de constater que le récit proposé n'est guère convaincant. La trame, passablement tarabiscotée, aurait pu intéresser si elle ne se perdait pas dans des tonnes de considérations annexes, sensées sans doute approfondir les personnages mais qui, au final, ralentissent considérablement l'action sans jamais la rendre intéressante ou profonde. Quand enfin il se passe quelque chose (  la rencontre de Chance avec le méchant mari, on a les rebondissements que l'on peut) ), ça ne dure que l'espace de deux/trois pages avant de repartir bien vite dans un long tunnel moyennement passionnant. Et quand arrive au bout de trois cents pages un deuxième face à face du bon avec le méchant, climax que l'on pressent sanglant, il y a belle lurette que le lecteur que j'ai été, luttait contre l'ennui et qu'il y est resté.
Alors pas de chance, ni polar hitchcockien vénéneux, ni roman noir palpitant, "Chance", malgré une tentative de psychanalyse autour de la dissimulation et du double jeu, n'arrive jamais à créer un climat propice à une lecture passionnée.


vendredi 17 février 2017

Les deux vies de Baudouin de Fabien Toulmé


Si je vous dis que c'est l'histoire de deux frères dont l'un est cool, séducteur et plein d'entrain tandis que l'autre est coincé, sérieux et mal dans sa peau, je ne vous sens pas plus emballés que ça. Si je rajoute que le juriste à la vie morne va découvrir qu'il a un cancer métastasé, vous fuyez déjà. STOP ! Ceci est juste le point de départ d'un récit tout simplement formidable, qui sur plus de 270 pages prend le temps de s'intéresser à ses personnages et d'accrocher le lecteur. Ici, il n'est pas réellement question de maladie mais de vie. Placé sous une exergue de Confucius qui parle à tout le monde : " On a deux vies, et la deuxième commence quand on se rend compte qu'on en a qu'une. " le récit va nous parler de nous, de notre quotidien trop souvent fait de concessions diverses et de vrais désirs engloutis par trop de matérialisme, de nos peurs de bousculer une routine rassurante. Quand Baudouin apprend sa maladie, il sombre évidemment. Son état de  célibataire, avec juste un gentil minou comme seule présence vivante dans un appartement peut être bien situé mais aux traites qui courent encore pour dix ans, cette petite vie lui apparaissent soudain vraiment dérisoires face à sa mort prochaine. Aidé par Luc, son frère autrement plus débrouillard, il va tout liquider, régler quelques petits comptes personnels et partir avec lui dans une ONG en Afrique. Et là, loin de tous ses repères, et grâce à la présence bienveillante de son aîné, Baudoin va découvrir enfin la liberté de vivre ses envies les plus profondes, loin de regards inquisiteurs. 
Je sais, tout cela peut apparaître très classique, ayant des airs de déjà lu ailleurs mais ce serait ignorer la formidable empathie qui se dégage de ces planches. Avec un dessin aux lignes claires, simple, ultra lisible, Fabien Toulmé cerne ses personnages avec sensibilité, légèreté et parvient sans peine à nous coller à leurs basques. Sans aucun didactisme ni aucun maniérisme et surtout sans aucun temps mort, l'histoire avance rondement, dressant avec finesse les portraits de ces deux frangins si différents. Et la cerise sur le gâteau reste le final de cette histoire dont je ne dirai rien, mais qui en plus de surprendre, émouvra le plus insensible des lecteurs, redonnant l'envie de tout reprendre et de reconsidérer ce récit sacrément bien fichu. 
Il me fallait un coup de coeur BD en ce début d'année 2017,  je l'ai trouvé ! " Les deux vies de Baudouin", excellent roman graphique alliant un scénario astucieux et chaleureux avec un dessin qui passe avec brio de la presque grisaille de nos modernes solitudes citadines aux riches couleurs de l'Afrique, saura parler au cœur de tout un chacun. Stimulant et généreux, c'est l'album qu'il faut lire toute affaire cessante.  















jeudi 16 février 2017

Rock'n Roll de Guillaume Canet


Que c'est long une comédie ratée, surtout quand elle dure plus de deux heures ! Interminable ! Pourtant le sujet pouvait prétendre à être drôle ( voire original) en traitant de la crise d'image d'un comédien à succès quarantenaire. A ce thème là, vient se greffer une soi-disant...mise en abyme... du couple que forme à la ville l'acteur/réalisateur Guillaume Canet avec Marion Cotillard.
A l'écran, rien de fonctionne vraiment. Que le comédien Guillaume Canet ait envie de rajeunir son image, alors que, franchement, il a encore un visage assez juvénile, plus proche de l'adolescent que du quadra vieillissant, pour moi, ça coince. Parfois en tant que spectateur, on peut avaler n'importe quoi si le comédien est bien casté... Sauf qu'ici, je ne suis pas certain que Guillaume Canet soit l'interprète idéal de ce soi-disant lui-même. Il a beau se démener dans tous les sens, très vite, il en devient pathétique, puis navrant puis insignifiant. C'est dommage car parfois, dans quelques scènes, il peut tout de même emporter le morceau. Gilles Lellouche, présent dans le film, aurait sans doute été plus crédible et sans doute plus drôle.
La partie "people", celle montrant la vie du couple de stars traitée par la dérision, concept sous lequel a été survendu le film, passe aussi à côté de la finesse. Entre un Guillaume Canet, faisant les courses après sa journée de tournage et remontant des packs d'eau, retrouvant une Marion Cotillard faisant la popote en jogging devant le rêve de sa vie ( un vague jardin bio dans son salon !) puis partant au lit avec une bouillotte (!?!?) , c'est porter la dérision au niveau d'un comique d'un autre âge, alors que visiblement on lorgnait vers quelque chose de plus moderne, post  "Absolutely Fabulous". Cette parodie trop mignonnette sent le fabriqué, le mercantile à plein nez. Mais ce montage de deux thèmes peu crédibles, aurait peut être pu donner quelque chose de drôle si le scénario n'était pas constitué d'une succession de petites scènes à faire et si surtout on avait donné un vrai rythme à tout cela. Il ne suffit pas de crier, hurler, faire des singeries somme toute très ringardes ( mais qui veut être rock'n roll en 2017 ? ),  faire parler une star oscarisée avec un accent québécois à couper au couteau sous prétexte qu'elle va tourner avec Xavier Dolan, péter au lit, pour réussir une comédie.
Avec une dernière demi-heure franchement pénible et longuette, qui certes essaie de pousser le bouchon dans le plus pur délire mais qui finalement ne fait que s'étirer paresseusement, le film se conclut de la pire des façons. Du coup les quelques indulgences que je pouvais avoir parce que j'avais souri ici ou là, sont réduites à néant. Il ne restera que quelques passages improbables, dignes des pires nanars mais qui pourraient devenir, grâce à leur décalage outrancier, de purs moments de bonheur lorsque l'on fera dans x années une rétrospective Marion Cotillard. Voir l'égérie Dior, chanter en play-back, cheveux blondis, dans le vent, du Céline Dion, restera une vision grotesque presque inoubliable...


mercredi 15 février 2017

Dans la forêt de Gilles Marchand


Beaucoup de promesses dans ce long-métrage. Un sujet angoissant, des enfants, une forêt suédoise bien touffue et bien isolée, des peurs enfantines autour desquelles un scénario va jouer, tout est réuni pour livrer un film intéressant ou tout du moins qui ne nous fera pas regretter de passer deux heures au cinéma. Force m'est de constater que, chez moi, ce cocktail alléchant a moyennement fonctionné.
Le film débute par une retrouvaille agréable : Mireille Perrier et sa voix aux notes graves qui enchante toujours. Elle incarne une psychologue empathique et pose des questions à un enfant qui a un pressentiment : le séjour avec son frère et son père en Suède va mal se passer. Voilà, nous sommes  informés, cet enfant nous met en éveil et lorsqu'il se retrouve dans la Volvo paternelle, on regarde attentivement ce fringant trentenaire. A priori, il a l'air cool, surtout que c'est Jérémie Elkaïm qui l'interprète. Le scénario va bien glisser quelques indices pour nous faire changer un peu d'avis ( des médicaments par kilos dans un tiroir, ...) quand soudain il décide d'emmener ses enfants dans une cabane au fin fond d'une forêt sombre. Normalement l'angoisse devrait commencer à nous gagner. Ils habitent vraiment loin de tout et surtout, surtout, y'a plus de réseau ! Entre deux réhydratations de nourriture lyophilisée et trois coups de torche électrique dans la nuit, le séjour ne se déroule pas trop mal, même si l'aîné des deux garçons ( pas celui qui va voir la psy) commence à flipper sérieusement et se met à douter de ce père, qui, passe plus pour un écolo prônant le retour à la nature que pour un fou dangereux. Pour faire bonne figure et sans doute respecter un cahier des charges indiquant que le film flirte avec le fantastique, un vague soupçon de médiumnité va planer autour du plus jeune, piste qui sera abandonnée un peu plus tard au profit de visions cauchemardesques. Tout cela avance très doucement, sans que l'on sache réellement pourquoi, sans doute parce que la forêt éclabousse sa verdeur  et que le lac voisin renvoie de beaux reflets.
C'est vrai l'image caresse l'œil, les acteurs sont bons ( surtout le jeune Thimothé Vom Dorp), la forêt remplit son rôle, à la fois belle et vaguement inquiétante, mais tout cela ne suffit pas à faire un film attrayant. "Dans la forêt" pâtit d'un scénario hésitant entre angoisse pure, thriller psychanalytique pour finalement sombrer dans une sorte d'irréalité sursignifiante ( voire absconse selon l'état d'ennui du spectateur). La mise en scène, trop lisse et surtout sans rythme amplifie cette sorte d'ennui distingué qui nous happe dès le premier quart d'heure pour ne jamais nous quitter. C'est dommage, pour une fois que le cinéma français empruntait les rives peu fréquentées du thriller tendance psy....



mardi 14 février 2017

Trop de lumière de Marinette Lévy



J'ai eu beau chercher sur le net, je n'ai rien trouvé, mais il serait étonnant que Marinette Lévy soit la soeur, l'épouse, la cousine de Marc. Rien dans le texte sans concession de son premier roman ne peut évoquer l'écrivain guimauve aux phrases sujet/verbe/complément taillées pour plaire au maximum. Dans "Trop de lumière", nous sommes plongés dans la tête de Léo Rivière, chanteuse à succès sur le point d'entamer une méga tournée après la sortie de son énième album. La star, la quarantaine bien entamée, connaît ses premières rides mais surtout une dépression qui va s'incruster au fil des jours. Toutes les aberrations de son métier, fait de concessions et de faux semblants, vont lui sauter au visage et l'amener à s'interroger. Ce sentiment trouble va être exacerbé par la mort tragique et violente de Mathias, ami d'enfance en totale rupture avec le monde qui l'entoure. De son passage dans une émission télé célèbre ( celle avec un animateur obséquieux assis sur un canapé rouge sur lequel se vautre un roquet à son pépère) à ses concerts dans les Zénith de province, tous les passages obligés d'une vedette de la chanson seront passés au crible de l'humeur particulièrement sombre et grinçante de la chanteuse. Cette lucidité lui laissera-t-elle l'envie de continuer à sautiller sur scène tout en susurrant quelques fadaises écrites au kilomètre ?
Il faut le reconnaître, ce premier roman est une prouesse qui a réussi à me faire tourner les pages avec avidité alors que son héroïne est loin d'être attachante, voire, par moment, imbuvable. Mais sans doute, l'envie de lire ce que j'ai envie de lire, à savoir cette description passablement méchante du show bizz, m'a complètement passionné. J'aime que l'on me raconte l'envers d'un décor qui joue beaucoup sur l'artifice, et dont la fabrication et les nombreuses compromissions sont décrites par le menu. La plume de Marinette Lévy court sans faillir, maniant le chaud et le froid avec habileté. De son personnage assez imbuvable, voire odieuse avec Brigitte sa fidèle secrétaire, dame de compagnie, esclave, elle arrive au fil des pages à lui donner un peu d'humanité, sans pour cela nous la rendre vraiment sympathique. C'est sans doute ce qui fait l'intérêt de ce premier roman qui séduit grâce justement à cette intransigeance narrative, jamais dans la réelle séduction ( et donc dans la facilité).
Bien sûr, l'histoire n'est pas exempte de quelques petits clichés romanesques, Léo Rivière étant un peu un archétype. Cependant, cela adoucit cette lecture rugueuse dans un contexte de jeu de massacre et permet une lecture facile, façon tourne-pages.
Malgré son côté mal aimable, ce premier roman séduit au final par une réelle maîtrise narrative, un talent évident pour le portrait de quelques uns de nos contemporains et par ce savant dosage d'humour grinçant et de réalité brute et sans fard. Belle entrée en littérature pour cette scénariste dont je suivrai avec intérêt les prochaines productions.

lundi 13 février 2017

Le concours de Claire Simon


Le concours du titre est celui de l'entrée à la FEMIS, sorte de polytechnique pour les métiers du cinéma. En 2014, plus d'un millier de candidats vont caresser le rêve d'entrer dans cette école prestigieuse de renommée mondiale. Le concours  se déroule en trois parties étalées de février à juin, périodes, qu'hormis les vêtements des jeunes gens ou du jury, rien ne sera baliser dans le film. Qui dit concours dit sélection et aussitôt dans la tête du spectateur lambda apparaît le déroulé classique, façon "Nouvelle star" à la télé, consistant à suivre quelques postulants du moment où ils passent la première fois le grand portail de l'école jusqu'à leur éviction ( et donc leur déception) ou l'apparition de leur nom sur la liste finale. Sauf que nous sommes au cinéma et que Claire Simon est une grande documentariste. Bien sûr elle va s'intéresser à certaines ces jeunes personnes dans les différentes phases de ce concours, mais sans s'attacher à une en particulier,  cherchant surtout à mettre en relief la tache ardue des différents professionnels composant les jurys. La FEMIS n'est pas une école comme les autres. Ce ne sont pas des savoirs qu'elle cherche, sanctionne, mais des personnalités en devenir dont les jurys devront détecter les potentialités, le talent. Alors, entre notations, études de dossiers, mise en situation et finalement un grand oral, ces cinéastes ou techniciens chevronnés vont questionner, s'interroger, débattre, pour choisir les heureux élus. En observant, écoutant avec empathie, assez bienveillants, ils détecter les possibles, choisissent ceux qui seront peut être les incontournables de demain. Bien que pourvus de grilles de sélection fournies par l'école, de conseils prodigués par la direction, la tâche s'avère complexe. Comment arriver à faire ressortir la vraie personnalité à ces jeunes adultes parfois stressés, parfois arrogants, parfois un peu exaltés ? Comment être certain qu'ils s'épanouiront dans l'école, que la voie choisie correspond bien à leurs désirs profonds et aux desiderata de l'école ? Entre remarques perfides sur la diversité souhaitée par tous ces hauts lieux du savoir ( Il nous en faut  15, 7 garçons et 8 filles, dont un black, un beur et aussi un pauvre !) ou petite joute oratoire sur la peur de passer à côté d'un génie lorsqu'un candidat semble malgré tout totalement asocial, nous assistons, passionnés à ces délibérations, quasiment transformés en membre supplémentaire du jury. Je ne vous raconte pas les discussions à la sortie du film ! "Le concours" nous est livré sans commentaires, la cinéaste ayant juste monté son film en plaçant nombre de moments signifiants, kaléidoscope d'éléments bien choisis, rendant parfaitement compte de la grande difficulté qui incombe au jury pour choisir les reçus.
Il  est évident que le film sera vu, revu, disséquer par tous les futurs postulants au fameux concours mais ne donnera sans doute pas les clefs pour la réussite, une personnalité et un désir des métiers du cinéma ne se fabriquant pas dans les livres ou les officines de bachotage. Pour le spectateur banal comme moi, on passe deux heures trop courtes à découvrir les coulisses d'un moment particulier que l'on a tous connus à un moment ou un autre : le passage d'un examen ou d'un concours, le tout filmé avec une grande maîtrise.


samedi 11 février 2017

Rose 1 de Emilie Albert, Denis Lapière et Valérie Vernay



Je l'avoue les histoires ésotériques, un peu fantastiques ont beaucoup de mal à m'intéresser. Trop terre à terre, les fantômes, les esprits, les médiums et autres spirites font fuir mon intérêt. Alors quand j'ai pris cet album et que j'ai découvert que l'héroïne, la Rose du titre, se dédoublait, mes sourcils ont froncé... Incrédule, j'ai toutefois continué ma lecture, emporté par la très mystérieuse ambiance que dégage le dessin délicat de Valérie Vernay...
Rose, tristounette, erre dans une station balnéaire, Biarritz hors saison, si l'on en juge par la fréquentation rare ou presque fantomatique de la cité. Elle vient d'enterrer son père que l'on a retrouvé assassiné sur la plage. L'homme parlait peu et était devenu détective privé après la mort de sa femme. Désireuse de connaître la vérité, Rose va mener l'enquête et faire d'étranges découvertes. Grâce à sa faculté de se dédoubler, elle rencontrera des esprits enfermés dans l'immeuble où travaillait son père...
Polar, fantastique et psychologique, malgré ses éléments à faire fuir les trop concrets comme moi, je l'avoue, "Rose" m'a emporté dans son imaginaire. Le scénario bien fichu, distillant avec maîtrise indices et rebondissements, est accompagné par un dessin aux teintes nostalgiques, élément qui fut déterminant pour moi et qui m'a permis de m'intéresser à cette histoire. Il se dégage de cet album une véritable atmosphère, à la fois mystérieuse et douce. Le singulier pouvoir  de Rose, qui pourrait en faire une super héroïne, est ici traité presque comme un handicap, l'enfonçant encore plus dans la solitude car atteinte par cette différence. Les tristes événements qui surviennent dans sa vie vont l'amener sans doute à affronter et accepter sa particularité, ainsi qu'à mieux comprendre le mystère de sa naissance. Je dis sans doute, car cet album est le premier opus d'une trilogie qui s'annonce vraiment passionnante. En tous les cas ce premier tome pose avec talent les débuts d'une histoire dont on a hâte de connaître la suite.



jeudi 9 février 2017

Toscan ! de Jean-Marc Le Scouarnec


De Daniel Toscan Du Plantier, j'avais l'image d'un homme de pouvoir, hâbleur, grande figure du cinéma français côté coulisse, producteur vaguement mégalo durant ses années Gaumont, amateur de musique classique et aux nombreux mariages comme souvent lorsque l'on est un homme public brassant de l'argent. Curieux du monde du cinéma, c'est avec une certaine curiosité que je me suis plongé dans cette biographie .... que j'ai dévoré.
Mon image n'était pas fausse mais bien incomplète. Daniel Toscan Du Plantier fut bien un beau parleur plein de verve et d'humour, agaçant pour certains, totalement indispensable dans les dîners parisiens pour d'autres tellement il animait avec brio les conversations. Il a bien dilapidé l'argent de la Gaumont en faisant tourner les grands maîtres du cinéma qu'il admirait ( Losey, Comencini, Fellini, ...) et à qui il ne refusait rien, même leurs pires caprices. Il a bien été un grand séducteur, grand amoureux des femmes dont quatre furent épousées. Il a été dans la dernière partie de sa vie le grand promoteur de tout le cinéma français, pouvant défendre en Ouzbékistan le pire nanar hexagonal.
La biographie de Jean-Marc Le Scouarnec nous raconte tout cela par le détail mais dépeint aussi un Toscan plus intime. Du jeune provincial arrivant de Chambéry, un poil arriviste et sachant utiliser au mieux son voisinage assez chic du XVIème arrondissement ainsi que ses camarades fortunés de Sciences Po au producteur au bord de la faillite, épuisé physiquement et se ressourçant vraiment simplement dans un hameau aux confins du Gers, le livre cherche à portraiturer au mieux ce personnage haut en couleurs. Grâce à de nombreux témoignages de ses amis, de ses maîtresses ou femmes, de ses collaborateurs voire de quelques détracteurs, le portrait se complète en relevant les failles et les ombres que toute personne volubile et à l'aspect brillant camoufle forcément. Le regard du biographe n'est jamais celui d'un hagiographe même si l'on perçoit un certain respect pour ce Don Juan d'un autre temps, voire une pointe d'admiration. Les pages se tournent rapidement, le style léger et rapide de l'auteur s'adapte parfaitement à la frénésie du personnage. Et lorsque arrive la dernière partie de sa vie où la mort rôde de façon inquiétante ( assassinat de sa troisième épouse, mort des parents, de son grand ami Maurice Pialat, ...),  j'ai même été pris d'une certaine émotion. Le beau parleur, sûr de son goût et de son intelligence, se fait soudain plus pathétique sous la plume décidément inspiré de l'auteur, et termine sa vie de façon théâtrale au milieu de tout un aréopage de stars. Une mort semblable à une scène finale d'opéra, art qu'il adorait autant que le cinéma.
Bien sûr, je pense que l'on prendra beaucoup plus de plaisir à lire cette biographie, si l'on est fan de cinéma, et si l'on a connu toutes les productions parfois hasardeuses de ce producteur esthète. Cependant, si l'on n'a qu'une connaissance très lacunaire de la personne, si l'on voit juste une crinière blanche, une bouche presque lippue à force de saillies drolatiques et un nœud pap, on trouvera sans nul doute un certain intérêt à découvrir ce parcours étonnant d'un homme qui a marqué de sa flamboyance le cinéma français de la fin du 20 ème siècle.

Merci aux éditions SEGUIER et au site BABELIO pour la lecture de cet ouvrage.

mardi 7 février 2017

Jackie de Pablo Larrain


Et si la morale du film était : Méfiez-vous des cruches en tailleur Chanel ? En se focalisant sur les quelques jours qui ont changé une nouvelle fois la vie de Jacqueline Bouvier, épouse Kennedy , en auscultant de l'intérieur le moment du meurtre de son président de mari à Dallas et les jours qui ont suivi, Pablo Larrain et son scénariste dressent un portrait très contrasté de cette femme.
Film au montage impressionnant, ultra précis et très alambiqué, "Jackie" déverse sur le spectateur une multitude d'informations, parfois infimes ou suggérées, créant tout un faisceau d'éléments qui recoupés, empilés, rendent l'ensemble passionnant, ouvert à beaucoup d'interprétations. De l'épouse zélée, à la diction empruntée et idiote de la femme de président accueillant la télévision pour une visite de la Maison Blanche redécorée par ses soins, à la froide veuve déterminée, luttant mot à mot face à un journaliste de"Life" pour continuer à enrichir le mythe de son mari après des obsèques spectaculaires et obtenues de haute lutte, Jackie Kennedy se révèle une amoureuse déterminée et froidement calculatrice. Alors qu'elle fut trompée par un mari déjà malade et qui n'aura guère eu le temps d'asseoir une réelle image de grand homme politique en un peu plus de deux ans de présidence, l'amour qu'elle lui porte malgré tout la dirigera vers la fabrication d'une image iconique, commencée avec une mise en scène grandiose de ses funérailles ( à l'image de l'autre grand président américain assassiné, Abraham Lincoln). Alors qu'autour d'elle, tout est fait pour la fragiliser : le président suivant prête serment dans l'avion ramenant le cadavre encore tiède, on lui demande de quitter fissa la Maison Blanche, la suivante cherchant déjà les bonnes couleurs des tentures qu'elle remplacera sitôt la précédente dans le taxi l'emmenant loin du lieu de pouvoir, sa réaction sera celle d'une femme prête à utiliser tous les médias pour continuer à faire exister son mari et par effet ricochet elle même (  dans sa tête, ils semblent ne faire qu'un ...l'appelant"Jack!"à tout bout de champ).
Le film se déroule dans une lumière automnale particulièrement triste ( nous sommes en novembre). L'image est, comme d'habitude pour un film à Oscar, grisâtre. Jackie, c'est Nathalie Portman, qui, puisqu'il s'agit d'un rôle à transformation,  brigue à nouveau un prix d'interprétation. Je ne jugerai pas sa prestation, goûtant en général peu le jeu de l'actrice, qui, ici, m'a paru assez artificiel ( bon ok, je juge quand même, je n'ai pas pu m'empêcher!). . Mais la mise en scène virtuose de Pablo Larrain m'a fait oublier ce petit détail et, même si l'ensemble reste un film pas follement grand public, je suis ressorti avec l'impression d'avoir vu quelque chose de nourrissant. Face au fade et mièvre " La la land", y'a pas photo ! reste à savoir si Nathalie Portman sera en Chanel lors de la soirée des Oscars... ( m'étonnerait, c'est une égérie Dior ...)


lundi 6 février 2017

Joie de Clara Magnani


J'aurai aimé pouvoir dire du bien de ce mystérieux premier roman, mais je me suis fort ennuyé en lisant ce qui m'est apparu comme un catalogue de lieux communs dans une banale  histoire d'amour.
Ca démarre mollement avec Elvira, qui vient de perdre son père. En fouillant son bureau de son appartement romain, elle découvre un manuscrit relatant sa liaison avec une femme prénommée Clara. Le choc ! On ne connaît finalement pas très bien ses proches ! Petite futée, Elvira, fouille la boîte mail de son père, retrouve les coordonnées de la mystérieuse maîtresse, la contacte et lui remet le fameux manuscrit.
La suite du roman se divisera en deux parties : le texte écrit par l'homme, Gigi ( oui comme "Gigi L'amoroso" !)  puis la réponse de Clara, au fil des jours, comme un journal d'absence de l'homme qu'elle a tant aimé ( " Nous nous sommes tant aimé" ?).
Que dire ? Gigi, réalisateur intello et sûr de lui, presque la caricature du cinéaste italien imprégné de politique, entretient malgré son âge certain ( presque septuagénaire) son image de séducteur sûr de lui. Dès qu'il voit Clara, journaliste belge, belle quarantenaire, c'est le coup de foudre et n'a de cesse de la glisser dans son lit. Elle résiste. Finalement, ce sont les draps de lin d'un hôtel à Vienne qui enregistreront leur première étreinte amoureuse. Durant quatre années, ils se retrouveront en pointillé  et s'aimeront comme on voudrait tous s'aimer, librement ( et sans contraintes matérielles, pas dans un Formule 1, ni dans un gîte deux épis  !). La partie écrite par l'homme, censée nous montrer sa patience et son amour, m'est apparue comme le portrait assez fat d'un homme vaniteux, renforcé par une accumulation assez encyclopédique de tout ce que l'Italie recèle comme artistes célèbres.
C'est déjà un peu lassé que j'ai abordé la dernière partie, racontée par Clara, endeuillée. Evidemment, la femme se pose plus de questions, psychologise un peu plus. Elle met le doigt sur ce qui apparaît comme pas bien. Oh que c'est vilain l'adultère ! Oui mais, on s'est vraiment aimé ! Oh et cette différence d'âge entre nous, est-ce bien raisonnable ?  Oui, mais on s'aimait et moi, les matures, j'aime ça ! Mais est-ce possible d'aimer plusieurs hommes à la fois ? ( Clara est mariée avec un dénommé Ron, pudique comme un gars du Nord...) Oui, bien sûr, car on peut de la même façon aimer plein d'enfants, se réchauffer sous un même soleil.
Alors, je me suis demandé pourquoi ce roman ? On se fiche ( et l'auteure aussi), alors que ça aurait pu être un joli sujet, de la différence d'âge, de l'adultère et de la polyandrie, cela relevant de l'intime et de la vérité des êtres. Ce qui normalement veut être le descriptif d'une belle  histoire amoureuse, douce, tendre, complice, dans la joie et le bonne humeur, se révèle à la lecture bien pâlichonne. Porté par un style platounet ( sobre diront certains), parsemé de références qui finissent par lasser, le texte ne m'a jamais donné aucune émotion, seulement le léger agacement d'une histoire bourgeoise comme tant d'autres. Et que l'on ne vienne pas me parler d'un regard original sur le couple, le prince charmant, il y a longtemps que l'on sait que tout cela n'est, justement, que roman, fable et autres fadaises, il faudrait une plume bien plus pertinente pour arriver à relever ce thème.
On dit que l'auteure se cache ( elle porte le nom de l'héroïne). On murmure que ce serait un auteur connu ( et donc pas un premier roman). Je pense donc que pour donner un peu de lustre à ce livre, on cultive un certain mystère et on ajoute ainsi une énième référence italienne , façon Eléna Ferrante. Pas sûr que cela apporte grand chose à cette "Joie" bien banale.







samedi 4 février 2017

Moonlight de Barry Jenkins



Précédé d'une réputation de petit film indépendant formidable ( mais produit par Brad Pitt), auréolé du Golden Globe du meilleur film dramatique et pourvu d'un scénario aux apparences gonflées, "Moonlight " joue des coudes pour s'imposer devant des productions plus clinquantes ou joyeuses ( en l'occurrence le mièvre "La la land"  ou "Jackie") . Il faut bien tous les qualificatifs arborés fièrement sur l'affiche pour faire courir le public se poser devant un film se déroulant dans un quartier noir de Miami et suivre l'histoire d'une jeune garçon sensible, vivant seul avec une mère droguée et prostituée mais qui sera  pris en charge par un dealer. Sur cette base pas franchement aimable, on s'attend donc à un film bien plombant et doublé de cette image sombre tirant sur le vert, spécialité des films dramatiques en recherche d'Oscars.
D'entrée, nous sommes accueillis avec une image lumineuse, claire et ensoleillée, magnifiquement cadrée, très léchée. Surpris, je me suis plongé avec  une curiosité accrue dans cette histoire. Le film s'intéresse donc à Chiron, jeune noir fragile, risée de ses camarades de classe car aussi chétif et doux que taiseux. Divisé en trois parties, "Moonlight" va donc s'intéresser à trois moments signifiants de sa vie, un dans l'enfance, un dans l'adolescence et un dernier à l'âge adulte, pièces maîtresses pour nous conter un parcours  sur les difficultés à assumer une certaine différence encore un peu incertaine, puis de la découverte de son homosexualité et enfin de son acceptation. Ce canevas, somme toute assez banal, mais se déroulant en milieu franchement hostile, a sans doute joué dans le déluge de dithyrambes accompagnant sa sortie.
Pour ma part, le film a peiné à me convaincre totalement. Dans la belle imagerie proposée, les personnages évoluent dans un monde assez minimaliste quant à l'environnement, comme si l'on était dans un théâtre tragique jouant surtout sur l'épure. Le Miami des bas-fonds apparaît bien aéré et peu peuplé. Du coup, le dealer de la première partie se prenant d'affection pour ce gosse mal dans sa peau fait figure de ficelle romanesque un peu grosse. Cependant, le jeu tout en finesse des acteurs et la mise en scène très intimiste arrivent finalement à faire accepter le tout. Lorsque se termine la  deuxième partie, plus conventionnelle sur les désarrois de l'adolescence, mais avec une séquence de découverte du sexe entre garçons  tout en délicatesse, mon état de spectateur restait assez épaté par la mise en scène mais pas tout à fait convaincu par le parti-pris un peu conventionnel du scénario. La dernière partie confirma mes doutes quant aux quelques facilités de l'histoire mais m'a quand même scotché par la mise en scène des retrouvailles des deux protagonistes de la deuxième partie, grand moment d'intensité dramatique où les deux comédiens, magistralement dirigés, parviennent à nous faire ressentir mille émotions, même les plus ténues.
"Moonlight", film sans doute militant et courageux, souffre peut être de cette construction en triptyque, aux parties un peu inégales par la faute d'une scénario un peu trop simpliste. Mais, et c'est là que le film puise son intérêt et sa force, la mise en scène absolument magnifique et la sublime direction d'acteurs, arrivent à occulter ces quelques défauts. Au final nous avons un film intéressant,   filmé par un futur grand réalisateur mais pas le chef d'oeuvre incontournable annoncé.


vendredi 3 février 2017

Un collectionneur allemand de Manuel Benguigui



Voici un premier roman qui nous évite premier amour ou récit d'enfance ou portrait de parents abhorrés ou adorés et nous fait rencontrer un sacré misanthrope en la personne de Ludwig.
Ludwig est allemand. Né au début du 20 ème siècle, peu porté sur la fréquentation de ses congénères, il aura la malchance de combattre dans les deux grandes guerres mondiales. Malgré son naturel peu enclin à l'échange convivial, il parviendra toutefois à devenir capitaine et lorsque l'Allemagne nazie envahit la France, l'opportunité d'accéder à sa seule, son unique mais dévorante passion se présentera à lui. Ludwig ne vit que pour l'art mais pas en collectionneur, en admirateur. Certains en musique possèdent une oreille absolue, lui est persuadé de détenir un œil absolu. Son plaisir le plus intime reste la confrontation de son regard et d'un tableau avec lequel il dialogue. De la peinture du 16 ème aux artistes contemporains, la beauté d'une œuvre ne lui échappe pas. C'est dans cette période confuse de l'occupation, dirigeant le service des spoliations des œuvres d'art qu'il assouvira comme il n'a jamais pu le faire auparavant, ce plaisir ineffable de contempler des merveilles. Mais il devra aussi composer avec le genre humain, chamboulé par une époque aussi troublée que troublante, le conduisant jusqu'au bout de lui même.
Ce premier roman d'une grande précision historique a le mérite de nous raconter la vie du marché de l'art durant l'occupation au travers d'un personnage singulier, quasi autiste, mais grand amoureux de la peinture. Remarquablement documenté mais sans jamais appesantir le récit, très pointu picturalement parlant mais sans jouer les gros bras érudits, le tout en distillant inquiétude et curiosité, le roman déroule cette terrible histoire d'un homme pris dans le tourbillon de sa passion alors que le monde autour de lui se déchire.  L'absence de dialogue de ce texte, le porte plus vers le récit littéraire, voire le conte, où derrière la beauté des toiles rencontrées, une  noirceur se dépose petit à petit,  comme  voile gris sur un tableau. Et lorsque le personnage principal rencontre Lucette, femme inespérée et absolue, l'auteur préférera sacrifier cette opportunité de verser dans le romanesque qui pourtant lui tendait les bras, pour ne garder que la ligne directrice du départ et nous réserver un final que l'on n'est pas près d'oublier.
"Un collectionneur allemand", froide mais très intéressante reconstitution d'une époque dangereuse pour l'art pictural, parvient sans peine à capter notre attention où le grand vent de l'histoire côtoie la brise plus subtile de la petite et fait de Ludwig,  ce héros solitaire et pourtant peu charismatique, un personnage que l'on n'est pas près d'oublier. 

jeudi 2 février 2017

Il faut se méfier des hommes nus de Anne Akrich


Sous cette magnifique couverture d'un Marlon Brando bien moins renfrogné que sur la plupart des photos de lui qui me restent en mémoire, se cache un plaisant roman de détente. Et ce n'est pas péjoratif dans ma bouche, il existe différentes sortes de lectures, les plaisirs étant d'intensités variables selon l'humeur, le lieu et le moment.
Je fais tout de suite au sort au titre, sans doute alléchant pour une partie du lectorat mais d'hommes nus dans le livre vous n'en trouverez pas, car ils portent tous au minimum un paréo, puisque l'action se déroule à Tahiti, lieu paradisiaque par excellence dans l'esprit de ceux qui n'y sont jamais allés.
Ancien mannequin et zonant dans le milieu artistique parisien, Cheyenne se voit proposer l'écriture du scénario d'un biopic que les studios hollywoodiens désirent mettre en route. Ses origines polynésiennes ainsi que ce redoutable prénom donné justement en référence à la fille de l'acteur enthousiasment les producteurs.
Et voilà notre héroïne de retour sur ses îles natales après une décennie d'absence. Elle y retrouve toute sa famille et notamment sa sœur jumelle vivant toujours de son image de belle femme. Entre l'écriture chaotique du scénario, les retrouvailles familiales empreintes d'un lourd passé et le début du tournage du film avec une star mondiale dont je tairais le nom, la vie de Cheyenne va ressembler à la tempête tropicale qui s'annonce.
Roman léger, "il faut se méfier des hommes nus" se paye quand même le luxe d'une construction un tout petit plus sophistiquée que généralement dans ce créneau. A l'histoire de Cheyenne, se mélange une petite biographie de Marlon Brando, insufflée par les paysages qu'il a habités quelques années ou qui ont servi de cadre au tournage mythique des "Révoltés du Bounty" en 1962. Anne Akrich en profite pour intégrer habilement quelques pages du scénario en cours d'écriture puis de réécriture, montrant l'élaboration chaotique et totalement édulcorée voulue par les studios américains.
Sinon, l'histoire, après un départ plaisant, dévie assez vite dans un scénario pour téléfilm, les rebondissements s'enchaînant mécaniquement. Certes, l'image de Tahiti est bien recadrée, envoyant valdinguer la plupart des clichés qui y sont attachés et, pour ceux qui désirent un bonus plus psychologique, le thème du mensonge ( cinématographique et familial) serpente entre deux fêtes et trois prises de coke.
Pas déplaisant grâce à une écriture assez finaude et un ton légèrement sarcastique bienvenu, ce deuxième roman de Anne Akrich pourra trouver sa place dans une valise lors d'une semaine de détente. Bien au-dessus de la moyenne d'un genre souvent sans ambition, " Il faut se méfier des hommes nus" fait parfaitement le pont entre Gilles Legardinier et Daniel Pennac.

mercredi 1 février 2017

L'abandon des prétentions de Blandine Rinkel


Derrière ce titre d'essai politique, se cache un premier roman ( mais est-ce vraiment un roman? ) qui, pour moi, fait l'effet d'une bombe. En peignant le portrait de sa mère, Jeannine, 65 ans, prof d'anglais à la retraite et vivant à Rezé (Loire Atlantique), rien d'explosif apparemment. Et pourtant, au fil des pages, naît une écrivaine, une vraie et, j'en prend le pari, une future grande !
Le sujet, labouré mille fois par tant d'autres et avec talent ou pas, n'a rien de bien attrayant au départ. Jeannine est une mère lambda, pas une tyrannique, pas une toxique, pas une foldingue ni une figure maternelle nimbée d'amour pour sa progéniture, ni une pauvre femme humiliée qui souffre en silence. Jeannine ne possède aucun de ces éléments qui donnent un relief touchant à un récit. Elle est, comme beaucoup de mère, attachée à sa fille unique tout autant qu'à sa liberté, prévisible dans ses points de vue, trop parfois, agaçant normalement son entourage de ses histoires trop ressassées et de ses petites habitudes qui peuvent devenir insupportables. C'est sur ce terreau aux apparences bien anodines, que Blandine Rinkel va poser son regard et nous faire rencontrer une femme, qui comme tout humain de par le monde possède une histoire, une vie qui mérite d'être racontée. Oui Jeannine fait ses courses chez Lidl, vit seule dans une grande maison, promène un chihuahua et adore manger des crêpes avec une bolée de cidre, réflexe atavique breton. Derrière cette apparente banalité, se cache aussi une femme libre. De ses courses dans ce hard discount, elle en ramène des biscuits qu'elle partage avec des inconnus rencontrés dans sa petite ville, surtout étrangers et dans le désespoir. Dans sa grande maison, elle a aménagé un petit appartement qu'elle loue sans façon ni bail de vendeur de sommeil, à des marginaux de tout poil. De ses promenades avec son chien, elle rapporte, en plus de quelques désespérés, les histoires qu'elle invente en regardant les gens qu'elle croise, repérant mieux que personne une beauté pas toujours visible par qui a du mal à se soucier de son voisin. De sa gourmandise pour les crêpes, elle en fait un instrument de réconfort pour tous ceux dans le besoin qu'elle accueille simplement dans sa cuisine repeinte en rose lorsqu'elle dû renoncer aux voyages.
La simplicité n'est évidemment qu'apparente. La vie de Jeannine recèle une infinité de petits récits, de petites anecdotes que l'auteure ne manque pas de partager avec son lecteur. Le récit sautille comme cette dame lorsqu'elle court accueillir des marins étrangers au sein d'une association d'aide bénévole.
Seulement, le livre ne se résume pas à une succession de petits faits croquignolets, Blandine Rinkel va bien au-delà. Avec une écriture fine et d'une précision sociologique ( j'ose le mot même si certains peuvent y sentir un peu de lourdeur), avec un recul impressionnant, le portrait devient d'une précision quasi entomologique et l'ont est troublé par l'extrême sensibilité qui se dégage de ce texte.
Eliminant tous les bons et mauvais sentiments faciles que peuvent véhiculer ce genre d'évocation, nous découvrons ému, une femme d'une humanité réelle et une fille, qui en la décrivant sans concession, lui adresse une magnifique ... non pas déclaration d'amour (quoique)... mais l'extrême beauté d'un texte intelligent et tendre qui par son regard précis la porte bien au-delà d'un simple portrait de mère.
"L'abandon des prétentions" devient sous la plume de son auteure, la représentation parfaite d'un membre de cette classe moyenne si difficile à définir, un membre qui " ne pourrait jamais être l'égale de ses modèles" mais qui possède un " penchant pour la liberté qu'offre l'abandon des prétentions." Et en cela, ce premier roman magnifique devient aussi un livre politique.