Eldon Chance porte-t-il bien son nom ? Pas sûr ! Quand arrive la cinquantaine et que l'on est en instance de divorce, que l'on se retrouve à caser comme un peu un beau mobilier art déco signé dans une petite maison assez minable, la vie peut apparaître amère. Heureusement, il a conservé son boulot de neuropsychiatre attaché à l'évaluation de malades pour différentes administrations américaines. Et, coup de chance, ce métier lui fait rencontrer du monde, notamment la très sensuelle Jaclyn dont il va tomber amoureux. A y regarder de plus près, pas sûr que Jaclyn, hormis sa plastique de rêve, soit un vrai cadeau. Elle souffre quand même d'un petit trouble de la personnalité. Oh, rien de bien méchant, elle se dédouble... un peu comme Docteur Jekyll et Mister Hyde, mais en version nymphomane. Quand elle devient Jackie ( bien plus sexy), elle se jette avide sur le mâle dont elle devient la prédatrice ( ici donc le brave docteur Chance). Quand elle redevient Jaclyn, femme soumise et fragile, elle tente de se guérir de cette maladie.
Pas de quoi en faire un polar me direz-vous ! Non sans doute, sauf si je vous dis que cette créature de rêve est l'épouse d'un policier très très corrompu et très très méchant, qui en plus de tremper dans de louches affaires, aime parfois tabasser sa moitié. Une belle femme battue, cela suffit au brave docteur Chance pour que naisse en lui une incroyable envie de justice et de délivrer sa maîtresse des griffes de cet affreux monstre. Et comment s'y prend-il ? Tout simplement en s'acoquinant avec D, un colosse bricoleur/tueur/organisateur de génie rencontré dans une boutique d'antiquité lors de la vente du mobilier art déco cité plus haut...
Kem Nunn, auteur de quelques polars ayant reçu un excellent accueil au début de ce siècle, a attendu dix ans pour régaler à nouveau ses fans. Alors je ne sais pas ce qu'il s'est passé, s'il a eu beaucoup de boulot à écrire des scénars pour la télé, s'il a divorcé, s'il est tombé amoureux, force est de constater que le récit proposé n'est guère convaincant. La trame, passablement tarabiscotée, aurait pu intéresser si elle ne se perdait pas dans des tonnes de considérations annexes, sensées sans doute approfondir les personnages mais qui, au final, ralentissent considérablement l'action sans jamais la rendre intéressante ou profonde. Quand enfin il se passe quelque chose ( la rencontre de Chance avec le méchant mari, on a les rebondissements que l'on peut) ), ça ne dure que l'espace de deux/trois pages avant de repartir bien vite dans un long tunnel moyennement passionnant. Et quand arrive au bout de trois cents pages un deuxième face à face du bon avec le méchant, climax que l'on pressent sanglant, il y a belle lurette que le lecteur que j'ai été, luttait contre l'ennui et qu'il y est resté.
Alors pas de chance, ni polar hitchcockien vénéneux, ni roman noir palpitant, "Chance", malgré une tentative de psychanalyse autour de la dissimulation et du double jeu, n'arrive jamais à créer un climat propice à une lecture passionnée.
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