vendredi 31 janvier 2020

Les traducteurs de Régis Roinsard


Voici un thriller qui parvient à nous intéresser et à nous bluffer malgré pas mal de défauts qu'une intrigue diabolique ( et un acteur) arrive à partiellement gommer. 
Sans doute passionné des claviers, Régis Roinsard abandonne les machines à écrire de "Populaire" pour les ordinateurs de 9 traducteurs enfermés dans un bunker pour traduire dans le plus grand secret le dernier tome d'un polar au succès mondial. Toujours des tables alignées avec des personnes derrière, mais cette fois-ci, finie la comédie et en route, pour le films à suspens, discret hommage à Agatha Christie voire à Hitchcock. Sur un thème connu ( Qui est le coupable?), le film va constamment jouer avec nous, dévoilant petit à petit ses secrets avec une succession de rebondissements et d'aveux qui vont maintenir la pression jusqu'à la fin. L'intrigue principale, avec ses flash-backs, serait un modèle d'efficacité si elle n'était pas parfois ternie un trop plein de personnages dont le développement, sans doute obligé par une distribution haut de gamme, tourne parfois un peu à vide, voire au cliché ( L'italien est hâbleur, le grec gay, la russe semble sortir d'un James Bond... normal c'est Olga Kurylenko, juste dépoussiérée depuis son passage dans " Quantum of Solace" ). Et puis, il y a ce bunker, dont il faut bien sortir. Ce n'est qu'au prix de quelques petits invraisemblances et d'un montée en perversité du personnage de l'éditeur joué par Lambert Wilson que l'on y arrivera( sans doute le passage le moins réussi du film ). 
Mais malgré tout, "Les traducteurs"  finissent par remplir leur cahier des charges niveau adrénaline. On aura droit à une sorte de course poursuite dans Paris assez originale et une dernière partie où de révélations en machiavélisme, on ne s'ennuie pas une seconde. Mais, en plus de son intrigue, le film fonctionne sacrément bien grâce à la performance d'un acteur dont la présence se déploie petit à petit, pour finir par épater complètement, celle du jeune Alex Lawther, vraiment épatant dans le rôle du jeune traducteur anglais, véritable héros de ce long-métrage français( et ambitieux) qui nous change des comédies franchouillardes ou des drames psychologiques habituels. On notera aussi la présence toujours sympathique de Sara Giraudeau et aussi, un petit coup de griffe au milieu de l'édition, négrier des temps modernes. 

jeudi 30 janvier 2020

Mais où est Kiki ? de Blutch et Robber


C'est dans les vieux pots que l'on fait les bonnes soupes, dicton non cité dans " Mais où est donc Kiki?" qui en contient pourtant beaucoup, signe de son ancrage dans une période passée où l'on utilisait encore ces vieilles formules. En une seule phrase, voilà cette nouveauté BD fossilisée dans un ancien temps que les moins de vingt ans..etc...etc... Faut dire que les héros Tif et Tondu, sont nés en 1938 avec les premiers numéros de Spirou, et bon an, mal an, ont toujours eu droit à des aventures, avec différents auteurs, sans jamais rencontrer un énorme succès. Leur longévité étonne un peu mais c'est peut être grâce au personnage de Choc, ennemi insaisissable ( et repris dans les années 2000 pour continuer en solo, à répandre son esprit du mal) que la série a perduré. En veilleuse depuis plus d'une vingtaine d'années, voici que deux auteurs de talents font reprendre du service reprendre à Tif ( le chauve) et Tondu ( le barbu/chevelu) et les plongent dans une aventure tout public qui reprend les codes policier/fantastique qui font le charme de cet univers. 
Avec un graphisme au trait gras, donnant aux années 80 dans lesquelles se déroule cette aventure un aspect plutôt sale, l'histoire fonce à cent à l'heure. Du rythme, de l'énergie, des rebondissements, quelques facilités scénaristiques, l'ensemble se lit sans déplaisir. Le dépoussiérage est parfait même si l'histoire évite soigneusement de donner un éclairage sur la vie de ces deux célibataires, préférant rester dans un flou artistique quand à leur vie intime. La version XXI ème siècle garde ainsi cet esprit boy-scout, choisissant de leur offrir une relation comme les deux héros de la série "Amicalement vôtre" ( hommage?), mélange d'humour et de réparties aux mots châtiés. Cette nouvelle aventure est vraiment tout public mais de là à ce que Tif et Tondu connaissent soudain un succès qu'ils n'ont jamais eu, pourquoi pas ? Le plaisir que les deux compères ont pris à remettre au goût du jour ces deux héros est palpable. Le dessin de Blutch, nerveux et expressif, correspond parfaitement à cet univers et accompagne parfaitement un scénario rocambolesque à souhait. Alors ? 2020, l'année de la consécration pour Tif et Tondu ? C'est tout le mal qu'on leur souhaite, surtout si cela doit être le début d'une nouvelle série. 




mercredi 29 janvier 2020

Un jour si blanc de Hlynur Pàlmason


Voici deux ans nous avions pu être émoustillé par le premier long-métrage de Hlynur Pàlmason  "Winter Brothers", audacieux mélange de cinéma psychologique et de références à l'art contemporain. Son deuxième qui arrive cette semaine sur les écrans ( après un passage au festival Premiers Plans où son acteur principal, Ingvar Eggert Sigurosson a obtenu un prix d'interprétation mérité), confirme l'appétence du réalisateur pour les récits psychologiques. La partie référence à une certaine production artistique actuelle n'a pas été abandonnée mais s'intègre plus subtilement à la narration ( on y trouvera de fortes références aux écrans de toutes sortes avec une esthétique de vidéos exposées dans des musées mais aussi une tentation de placer souvent la couleur violette ), laissant en première ligne les tourments du héros principal, nombreux, car veuf récent et soupçonnant son épouse de l'avoir trompé. 
Les grands espaces froids et brumeux restent la toile de fond de prédilection du réalisateur. Et c'est donc dans un brouillard certain que nous entrons dans le film, brouillard qui peine à s'effacer tant la mise en place s'avère très lente, On pourrait se perdre, voire s'endormir dans le confort douillet de la salle bien chauffée mais, petit à petit, le film finit par prendre de l'ampleur jusqu'à l'improbable, frisant le gore qui ne restera fort heureusement que dans la tête du personnage principal. 
Moins réussi que " Winter Brothers" mais tout autant psychologique, "Un jour si blanc" finit par attraper l'attention  grâce à une deuxième partie sous haute tension....mais dans le froid, le gris et la brume. 




mardi 28 janvier 2020

Le courage des autres de Hugo Boris


Monter dans le métro parisien ou le RER, c'est plonger au coeur d'un concentré d'une humanité urbaine à l'image de notre société. Des solitudes aux yeux aimantés sur leur smartphone, coupées du monde par quelques écouteurs, d'autres perdues dans la contemplation répétitive de quais carrelés comme des salles de bain peu accueillantes, quelques rares encore plongés dans la lecture d'un objet papier appelé livre ou journal, beaucoup fuyant le regard du voisin, surtout si on le sent en errance,  la peur de déranger ou de déclencher quelque remarque violente.
C'est un peu tout cela mais surtout cette violence qu'Hugo Boris nous décrit dans cette succession de récits qui traduisent magnifiquement un vécu quotidien de titulaire de pass Navigo. Ces moments de violence ou de défaillance contemporaine peuvent sembler flirter avec une banalité que l'on n'a peut être pas envie de retrouver en littérature. C'est sans compter avec le sens d'observateur de l'auteur et son évident talent de conteur qui sait décrire avec finesse toute ses petites lâchetés quotidiennes lorsqu'il se trouve être le témoin d'un de ces événements où la peur, la violence, la bêtise viennent bousculer un voyageur voisin, une vieille dame, un jeune solitaire. Hugo Boris a beau être un homme jeune, dans la force de l'âge, ceinture noire de karaté, il a le ventre qui se noue, la tête qui s'affole, les membres qui se tétanisent lorsque dans les transports urbains il se retrouve confronté à ces incivilités qui gâchent un trajet déjà pas bien agréable. C'est cette lâcheté que nous avons presque tous qu'il nous livre au travers de ces pages remarquablement bien écrites. C'est aussi un auteur qui se déshabille devant nous, pas de façon physique mais plus psychologique, livrant ce que l'on cache par honte et non par pudeur, sans jamais être nombriliste, ni misérabiliste et encore moins larmoyant.
Pas vraiment un roman, ni un recueil de nouvelles, l'ouvrage dresse le portrait d'un homme à la lâcheté ordinaire dont l'admiration du courage des autres lui permet d'écrire des pages d'un fort belle humanité !  

samedi 25 janvier 2020

Premiers Plans 2020 Angers (2ème partie)


Le festival touche à sa fin. Cette plongée dans le jeune cinéma européen fut comme d'habitude l'occasion de prendre la tension de la création actuelle. Première remarque, le monde actuel ne respire pas la joie de vivre et ce que l'on a vu sur l'écran non plus. Pour une cure de joie de vivre , préférez l'Alpes d'Huez et son festival de comédies. Ici, dans les nombreux courts-métrages présentés, on s'intéresse beaucoup aux premières années de la vie ( normal pour des jeunes réalisateurs). On a ainsi vu des ados sur les réseaux sociaux, mais en proie à des délires très consuméristes comme les deux petites écolières tchèques dont le but dans leur petite vie est de gagner des vues ( donc de l'argent) sur You tube ( "Don't be a Pussy" de Jakub Jiràse) ou sujets au mal être suite à un blocage sur Facebook ( "Ikki Illa Ment" de Andrias Hogenni). Ces deux courts très réussis, font figure de rayon de soleil au milieu d'autres nettement, plus dépressifs, voire plus ternes ou en proie à des clichés. Ces gros plans souvent longs, sous éclairés et/ou granuleux ( oui même dans un court !)  sur des visages tristes sensés nous plonger dans le désarroi du personnage ( toujours dans des appartements miteux ou en HLM) finissent par lasser. N'y a-t-il pas d'autres façons de nous montrer cette situation... par un scénario bien écrit par exemple ( c'est là où souvent le bât blesse chez les futurs cinéastes) ? On en finit par arriver à une émotion formatée. Mais parfois, sans un réel scénario, l'émotion peut naître comme dans le contemplatif mais magnifique "Then comes the evening" de la serbe Maja Novakovic ou avec des dispositifs moins classiques...et une personne âgée, on peut faire pleurer toute une salle comme l'a réussi Lou Colpé avec son fascinant "Le temps long" , bout à bout de vidéos amateur (?) de sa grand-mère mais ici , tout est une question de montage...et de sensibilité. Tous ces courts cités figuraient dans la sélection "films d'écoles", autrement plus passionnante que ceux présentés dans la compétition proprement dite.
Du côté des longs-métrages, la semaine s'est terminée mieux qu'elle n'avait commencé. Si l'on oubliera le très laborieux " Mes jours de gloire" de Antoine de Bary, si l'on reste un peu sur notre faim avec le film "Un jour si blanc" de Hlynur Pàlmason ( moins réussi que son précédent "Winter brothers" primé ici il y a deux ans ) et "Giraffe" de Anna Sofie Hartmann, tous deux souffrant d'une mise en place un peu longuette. Nous avons quand même vu deux longs qui, selon toute logique devraient se retrouver au palmarès ( même si le public a été assez remué et peut être donc divisé). Le premier est un...difficile à définir...docu/fiction belge de Alexe Poukine, " Sans frapper" , qui nous a collés sur notre siège avec son histoire d'un viol raconté par plein de personnes différentes, puis qui réagissent avec leur vécu. Chaque spectateur s'est senti violeur, chaque spectatrice s'est sentie violée mais sacrément interrogée sur son ambivalence face à la violence masculine. Une expérience de cinéma vraiment étonnante qui mérite assurément une récompense. Le deuxième, est le premier film français de Filippo Meneghetti "Deux" , au pitch pourtant peu vendeur ( deux dames âgées s'aiment lorsque l'une va avoir un accident cérébral) mais dont le scénario vraiment bien fichu rend le film à la fois drôle, rythmé comme un thriller et complètement émouvant. Que décidera le jury présidée par Juliette Binoche ? Nous verrons bien...
Quoiqu'il en soit, même si l'on s'est parfois pas mal ennuyé face à une sélection un peu en demi-teinte, Premiers Plans reste sans conteste l'un des festivals les plus joyeux, festifs et passionnant du pays. Parce qu'en plus des premiers pas de jeunes cinéastes, c'est aussi l'occasion de redécouvrir une multitude films du patrimoine. Un beau, bon et grand festival donc !

mardi 21 janvier 2020

Premiers Plans Angers 2020

Dans un nouvel écrin, tout neuf, plus vaste,le 32ème festival Premiers Plans d'Angers accueille un public enthousiaste, toujours composé de 2/3 de jeunes et d'1/3 de retraités, confirmant que le gros du public cinéphile se trouve bien dans ces tranches d'âge. Heureusement que le public reste enthousiaste, car pour le moment, on ne peut pas dire que le festival nous ait proposer des oeuvres emballantes.
Si l'on regarde la compétition des longs-métrages, qui fait la part belle aux documentaires ( et parfois un deuxième...), on se dit que les organisateurs ont dû avoir quelques difficultés à trouver des films. Les jeunes cinéastes en compétition s'intéressent au monde qui les entoure mais ont du mal à tenir la longueur ou à porter leur sujet vers le plus grand nombre. Ce fut le cas pour le film espagnol de Belen Funes " La hija de un ladron", qui filme mieux le monde du travail que cet amour impossible entre un père et une fille ou de "Ivana la terrible"  de la Romano-Serbe Ivana Mladinovic, aussi attachante qu'agaçante, se mettant en scène dans une sorte de thérapie familiale qui au final n'intéressera que les protagonistes. Quant au film allemand "Oray", son sujet un peu clivant autour de la vie d'un musulman croyant qui a dit trois fois "talâq" à son épouse ( ce qui signifie qu'il la répudie) , avec une réalisation assez terne, n'a guère passionné. Tous ces films mettent en scène des jeunes d'aujourd'hui. A ce petit jeu, seul le norvégien Martin Lund avec " Psychobitch" arrive à faire un bon cinéma qui attrape les spectateurs ( mais c'est, il est vrai, un deuxième film qui, par ailleurs, a déjà obtenu le prix Artekinofestival il y a peu).
Au milieu de ces fictions nous avons vu trois documentaires "Overseas" de Sung-A Yoon pour la Belgique, nous parlait avec beaucoup de grâce du sort de ces femmes philippines qui s'exilent pour être domestiques dans des pays plus riches. Filmées dans une sorte de centre de formation, elles furent certes touchantes mais pâtissaient peut être d'un montage un peu languissant. Nous avons également découvert "Retiens la nuit" signé de trois réalisateurs, Baptiste Drouillac, Arthur Verret et.. Simon Depardon ( le fils de ...?), doc un peu brouillon sur les messes organisées tous les 9 du mois à l'église de la Madeleine en souvenir de Johnny. De ce galimatias catho/rock seule surnage la figure d'un jeune fan trentenaire particulièrement touchant. Nettement plus réussi, "Des hommes" de Alice Odiot et Jean-Robert Viallet , nous enferment dans la prison des Baumettes et proposent un regard dénué de tout manichéisme, qui donne toutes ses lettres de noblesse au genre. A découvrir en salle mi-février.
Si la sélection des longs peine à convaincre, qu'en est-il de celle des courts ? Pas de chance ! Un peu le même constat, avec , tant en animation qu'en fiction, des films dont l'envie de coller à l'air du temps ne cache certaines maladresses, souvent scénaristiques. Effet Meetoo, effet Uber sont là... C'est bien mais pas convainquant. Pour ma part, je retiendrai les très sensibles  " Un adieu" de Mathilde Profit et " Suc de Sindria" de l'espagnole Irène Moray où histoire, mise en scène et direction d'acteur se révèlent impeccables. Mais il reste encore quelques jours pour de possibles découvertes.
Cette année , il semblerait que les belles découvertes se trouvent dans la nouvelle section Diagonales qui offre des films hors de tout formatage, pas toujours aboutis mais tous intéressants ( nous n'en avons vu que 3 pour l'instant, mais on a hâte de découvrir les suivants) mais aussi dans la catégorie  "films d'école", qui semblent plus libres ou qui osent se coller au cinéma de genre, comme dans les propositions de comédies ( genre ultra difficile s'il en est) du programme de cet après-midi qui ont beaucoup plu au public présent. Nous avons pu en  découvrir une, un peu absurde,  fort réussie, tant par la mise en scène que par la direction d'acteurs, ( "Le cas Perrot" de Rony Tanios) et une autre romantique vraiment bien scénarisée ( " Summer Hit" de Berthold Wahjudi).
Quoiqu'il en soit, le festival d'Angers reste le véritable poul de la jeune création cinématographique européenne, bonne ou moins bonne année, le plaisir de la découverte reste intact grâce à une organisation sans faille et conviviale ! Et il reste quelques jours pour découvrir quelques pépites...



L'homme qui pleure de rire de Frédéric Beigbeder


Le héros du livre se nomme Octave Parango, double littéraire de l'auteur. Il vient d'être viré de France Publique, une radio dont la matinale fait les meilleurs scores d'audience. Il faisait partie de ces humoristes qui posent une respiration à la fin de la tranche d'informations. Dilettante, noctambule, sa dernière prestation, encore sous les effets de quelques substances alcoolisées et chimiques  fut totalement improvisée et provoqua le courroux de sa direction comme de ses collègues animateurs. Et hop, en deux temps trois mouvements, il est éjecté de la maison ronde! Le livre revient sur cet incident et sur la nuit qui l'a précédé. 
Ca démarre plutôt sur les chapeaux de roue, avec une description aux petits oignons du 7/9 de France Publique ( donc France Inter), et ça continue sur une réflexion très pertinente sur la place de l'humour dans cette radio, dans les médias et dans nos sociétés. Frédéric Beigbeder sait se montrer profond et talentueux. Il aligne les belles phrases du genre : "Le sarcasme des humoristes est généralement présenté comme la réponse indispensable à l'arrogance des puissants, mais ne perdons pas de vue qu'il est la vengeance des impuissants. " C'est plaisant, (im)pertinent mais loin d'être l'essentiel du livre qui très vite va se focaliser sur sa personne. Tout devient plus nombriliste, agaçant. Ses errements dans la vie comme dans les bars branchés autour des Champs-Elysées intéresseront les happy few qui l'ont croisé. Entre deux coupes de champagne, une prise de Kétamine ( le truc à la mode pour planer), un mannequin forcément sublime, il résume sa vie professionnelle ainsi : " Après donné aux consommateurs l'envie d'acheter des choses dont ils n'avaient pas besoin, puis fait désirer aux hétéros des femmes qui n'existaient pas ( rédacteur en chef du magazine LUI), je devais à présent provoquer l'hilarité des automobilistes pour leur faire oublier la désintégration du modèle social." Bien sûr, cela reste cynique et sans doute vrai mais pas dans la totalité. On doute fort que ce mondain, fondateur du Caca's Club ( des nantis qui font des conneries dans des soirées chics et organisaient des bals tout aussi branchées au Queen's ou ailleurs), se préoccupe un tant soit peu de notre modèle social. Et c'est dans ces poses vaguement nihilistes, tout à fait narcissiques, que Frédéric Beigbeder entraîne le lecteur pour essayer de l'apitoyer sur son sort. Dire que cela fonctionne serait mentir. On s'en fout ! Surtout qu'il délivre, en plus, des pages d'un machisme totalement daté, qui font que l'on n'est pas étonné de son manque de succès auprès des créatures qu'il convoite. 
Ce n'est pas un homme qui pleure de rire que l'on aurait dû mettre en couverture, mais un qui fait un peu la tête, pour ce livre assez vain sauf dans son premier quart... 


jeudi 16 janvier 2020

Vie de Gérard Fulmard de Jean Echenoz


Editions de Minuit + Jean Echenoz = Pâmoison de la critique, c'est l'équation habituelle à chaque rentrée littéraire. Pour souvenir, en septembre dernier, l'équation était la même, il suffisait de troquer Echenoz pour Toussaint ( et l'an passé par Delabroy-Allard ). L'avantage avec la succession des sorties des nouveaux opus de Toussaint et Echenoz, est la possibilité de recyclage des critiques, très tendance en période de conscience écologique, mais de moins en moins crédibles auprès du lectorat potentiel qui commence à connaître les ficelles. A lire tous ces messieurs dames journalistes culturels, le dernier Echenoz est formidable ( barrer les mentions inutiles ) d'humour, de drôlerie, d'impertinence, quelle invention, quel sens du détail comique, quelle fantaisie, je n'ai rien lu de plus drôle depuis....J.P. Toussaint, ... Bref, l'ancien prix Goncourt a fait gondoler de rire tout ce qui fait l'opinion.
A leur décharge, reconnaissons que le roman comique n'est pas un genre où leurs augustes regards plongent souvent. Comme au cinéma, faire rire semble réservé à quelques lecteurs moyennement cultivés et surtout amoureux de détente facile, donc négligeables ( alors que faire rire est autrement plus complexe que d'émouvoir avec le départ de sa compagne avec l'amant de sa fille cancéreuse).  Mais quand les chiquissimes éditions de Minuit publient un roman un tantinet drôle, la critique s'enthousiasme autant que si elle découvrait un nouveau chapitre perdu de "La recherche du temps perdu". Et soudain leur apparaît cette chose si peu ordinaire : Un roman peut faire rire...
...Ou sourire, ce qui convient mieux à cette " Vie de Gérard Fulmard". A les lire, les écouter, qu'est-ce que c'est drôle cette rue Erlanger, ce Mike Brandt qui tombe juste devant la maman du héros ou ce japonais qui a découpé en morceaux dans la même rue une étudiante après en avoir mangé quelques morceaux. Oui, c'est drolatique, bien amené dans le roman mais ça prend dix lignes à tout casser ! Car le reste de l'histoire de ce pauvre Gérard Fulmard aussi large que haut, ex stewart au chômage qui se reconvertit en détective privé, ne rutile pas tant que ça. Le gros du récit tourne autour d'un emploi de tueur à gage pour un parti politique assez extrême ( droite) mais aux scores électoraux mineurs ( autour de 2 %) mais ne s'extrait jamais réellement du tout venant. Il faut reconnaître à Jean Echenoz une plume alerte, un sens de la dérision évident, une observation du quotidien malicieuse mais son roman, plaisant et facile à lire ne demeurera toutefois pas comme un modèle du genre, juste une petite fantaisie qui fera passer un bon moment. C'est déjà bien mais c'est juste ça.  

mercredi 15 janvier 2020

Aires de Marcus Malte


"Aires" ( d'autoroutes ...pas celles des problèmes de CM2 !) a un petit côté "La vie mode d'emploi"  sauf que Marcus Malte, au lieu de s'intéresser aux habitants d'un immeuble  comme Georges Perec, pointe son regard acéré sur une autre concentration d'humains, celle enfermée dans une boîte métallique sur roues et crachant des particules fines, un week-end d'août. Dans un chassé-croisé ( de vacanciers) sur ces chemins payants à 2 ou 3 voies menant vers la mer ou moins réjouissant, vers un domicile au Nord du pays, le roman va s'embarquer dans quelques uns de ces véhicules auprès de passagers dont nous allons prendre l'histoire en cours, écoutant les conversations lorsqu'ils sont plusieurs, pénétrant dans leurs pensées lorsqu'ils conduisent en solitaire.
Roman choral donc, classique pourrait-on dire, sauf que... nous avons Marcus Malte au volant et ça change tout ! Sur presque 500 pages, nous allons en voir, en lire, de toutes les couleurs, de toutes les formes. Petit conseil de départ ; ne vous laissez pas impressionner par l'ébouriffant prologue qui ouvre le livre, où cette invention d'un vocabulaire post moderne, tout à fait réjouissante pour certains,  peut rebuter un lecteur moins joueur ou curieux.
Pour la suite, il va quand même falloir être joueur, accepter un roman qui va passer du récit de vie au dialogue, de la liste de dépenses au poème, le tout avec une multitude de personnages ( moins que chez Perec) dont on ne voit pas toujours ce qui va  bien pouvoir les réunir. Cependant, aucune inquiétude, l'auteur fait des miracles avec son écriture. Sa mise en place demeure un modèle du genre et d'inspiration. Ses personnages choisis sont tellement forts, puissants, formidablement plantés, que jamais on ne les perd de vue. L'attention qu'il leur porte, les récits qu'il nous en fait nous accroche d'emblée et lui permet de dresser une synthèse de nos vies de français, riches ou pauvres, homme ou femme, jeunes ou vieux avec une telle acuité que tout un chacun peut se reconnaître au fil de cette odyssée. Le verbe est précis et cash, pointant brillamment toutes nos contradictions, nos défaillances,  nos courages comme de nos lâchetés, nos erreurs comme nos horreurs. Ce pourrait être terrible mais ça ne l'est jamais complètement, car l'auteur aime ses personnages et surtout, il parsème son texte d'un humour constant, jouant beaucoup avec les mots, plaçant partout des remarques judicieuses et drôles.
On dit le roman français nombriliste, sans saveur réelle, manquant de souffle ... Mouais, c'est en partie vrai, mais lisez Marcus Malte et vous verrez qu'il existe encore des romanciers inspirés, talentueux, qui ont un regard percutant sur nos sociétés, qui le disent haut et fort et TRES BIEN !

mardi 14 janvier 2020

1917 de Sam Mendes


Il ne vous a pas échappé que les producteurs et distributeurs  de "1917" ont sorti la grosse artillerie pour que vous fonciez en salle admirer l'oeuvre. Si l'on ausculte bien les propos que l'on nous sert, tout tourne autour de la prouesse technique : un seul travelling de deux heures, un décor gigantesque avec une reconstitution des tranchées à faire refaire des cauchemars aux poilus s'ils voyaient le film et des bataillons de figurants aussi bien hommes que rats. 
Si la rutilante reconstitution en impose bel et bien, si l'unique plan impressionne et se fait oublier au fil des péripéties ( en fait des plans de 5 à 8 minutes ont été collés judicieusement les uns aux autres, parfois on s'en aperçoit, parfois pas ), quid de l'histoire, du propos ? 
Simplissime ! Deux soldats doivent porter une lettre avant le lever du soleil à l'état-major allié situé de l'autre côté du front, classique scénario jouant sur l'espace/temps. Reconnaissons à  l'histoire d'alterner finement entre moments de tension extrême ( le danger est partout) et moments plus calmes ou plus psychologiquement dramatiques. Mais là encore, rien de nouveau sous le soleil ( parce que le coup du film en un seul travelling, ça a été fait déjà beaucoup de fois, tout comme les  reconstitutions pharaoniques), le récit s'avère entrer parfaitement dans les cases bien formatées du film d'action avec, comme c'est souvent le cas, une mise en scène à la jeu vidéo ( pour attraper le jeune public? ), la lente arrivée sur un nouveau décor doit nous éblouir mais nous fait instinctivement chercher où peut bien se cacher l'ennemi ( à dégommer). 
Cette production, qui peut épater ( et faire oublier la vacuité d'un scénario lambda) avec une caméra virevoltante et virtuose, formater pour plaire dans le monde entier, n'échappe pas à quelques invraisemblances dont le côté waterproof d'une lettre qui arrive après un long séjour de son porteur dans l'eau, parfaitement sèche et lisible. Et que dire de la présence dans la Marne d'un torrent impétueux et de son inévitable et impressionnante chute d'eau façon Niagara ? Peut être que le public français tiquera devant cette nature soudain devenue bien vallonnée dans un secteur normalement bien plat. 
Sinon, pas d'inquiétude quant à la possibilité de réflexion, elle est ici minimale ( nous ne sommes pas dans " Les sentiers de la gloire" !) et se résume en une phrase : La guerre, c'est pas beau ! ( grâce à un final au milieu des estropiés et des râles des mourants). La simplicité du message ( par ailleurs juste, mais bon...) nous fait donc dire : Tout ça pour ça ?!!!! 




samedi 11 janvier 2020

Thérapie de groupe T1 de Manu Larcenet


La bande dessinée échappait encore un peu à ce qui ankylose le roman français : le récit de soi, son mal être, son méchant papa, son étouffante maman ou son suicide. On a bien quelques récits autobiographiques à caractère introspectif ici ou là ( Guillaume Bouzard, Fabrice Neaud, Lewis Trondheim, ...) mais leur relative rareté ( et leur réussite) n'ont lassé personne. 
Manu Larcenet, auteur célébré et passionnant, nous propose aujourd'hui de mettre en scène, sa dépression doublée d'une crise de créativité. Rude coup pour le lectorat de "Le combat ordinaire " ou "le retour à la terre" ? Plongée dans un récit nombriliste et geignard ? L'avantage avec la bande dessinée, c'est que ses auteurs se prennent un peu moins au sérieux que les écrivains, possèdent un vrai sens de l'humour et le dessin apporte à leurs récits, même les plus noirs ou les plus intimes, un évident pouvoir de séduction et de création. 
Ce premier tome de "Thérapie de groupe" en apporte l'incontestable preuve. En plus de jouer avec son double dessiné ( Jean-Eudes de Gageot-Goujon, un gag en soi), de se moquer de son passé de star du neuvième art, Manu Larcenet, sous le prétexte d'éprouver le syndrome de la case blanche, réussit ce qui apparaît comme son album le plus libre qu'il ait composé, comme si l'abandon du dessin au crayon pour la palette graphique lui avait donné un nouvel élan créatif. La cinquantaine de planches proposées dans un format légèrement plus grand que d'habitude, met en scène le désespoir de l'auteur dans un foisonnement dessiné qui se permet en plus de l'intelligence et de l'humour, de faire une rétrospective de la création dessinée depuis le paléolithique jusqu'à nos jours. On y croisera donc les premiers hommes dessinateurs dans leur grotte, en passant par Dieu qui guide les peintres de la renaissance, mais aussi Nietzche, Paul Cézanne, Naruto ou Snoopy, mis en scène ici de façon franchement comiques. Manu Larcenet est peut être dépressif, mais au moins son Xanax lui permet de se lâcher complètement et donc, encore une fois de nous épater. ( Les planches façon Métal Hurlant des années 70 sont absolument géniales). 
Avec cette "Thérapie de groupe", Manu Larcenet nous offre une autre facette de son talent, ou comment mixer la noirceur de "Blast" et l'humour du "Retour à la terre"  pour une création un peu hors norme mais diablement stimulante. 





vendredi 10 janvier 2020

Les siffleurs de Corneliu Porumboiu


Un polar roumain ( certes coproduit par la France), ça vous dit ? Peut être que le nom de Porumboui vous fait tiquer, le souvenir de quelques longs-métrages précédents aux plans fixes et aux dialogues à faire prendre un dictionnaire philosophique à un auditeur de France Culture  vous ont laissé un souvenir pesant ? Rassurez-vous, le réalisateur change son cinéma et s'essaie dans au film de genre avec pas mal de légèreté. Bon, pas certain que vous suiviez l'intrigue, tarabiscotée à souhait, jouant sur le temps, les lieux et surtout des questionnements sur les personnages jouant un double ou un triple jeu. Peu importe. Il faut se laisser emporter, ne pas chercher à comprendre ( on sait que tout monde veut récupérer le magot, ça suffit) et piocher dans ce que nous offre le metteur en scène dans ce qui ressemble à un pastiche intello du film noir. On appréciera les clins d'oeil à Gilda ( faut dire que l'actrice principale, Catrinel Marlon, a une plastique a faire se damner n'importe quel flic) ou à Hitchcock, la malice de ce langage sifflé, tout comme les scènes dans des décors de cinéma  angoissants. Ce n'est pas totalement passionnant mais ça reste un bon spectacle original pour un spectateur aimant le jeu plus que l'intrigue. 


lundi 6 janvier 2020

Séjour dans les monts Fuchun de Gu Xiaogang


Le séjour en Chine promis par le titre ne ressemble en rien à un de ces voyages organisés par un tour opérator où vous paresserez béats au bord d'un fleuve ou caressés par une brise montagnarde. Loin des clichés touristiques, Gu Xiaogang nous propose plutôt une plongée sociologique au sein d'une famille assez moyenne d'une ville de Chine beaucoup moins emblématique que Pékin : Fuyang. Pendant deux heures trente nous saurons tout des aspirations du chinois moyen, où la jeunesse est tiraillée entre la tradition forcément contraignante ( mariages arrangés, anciens à s'occuper et multiples codes sociaux locaux) et les supposés joies du libéralisme le plus pur qui gagne à grand coup de pelleteuses toutes les sphères de la société. Dans une ville en plein changement, se jetant dans une rénovation ultra rapide, les membres de cette famille ne parleront que d'argent, de dettes, de richesse comme si leur vie n'était qu'un perpétuel relevé de banque. Seuls le fleuve traversant immuablement cette contrée et les monts qui la surplombent, échappent encore à la frénésie ambiante. La vie reste donc âpre sur les rives du cours d'eau, chacun cherchant en tâtonnant une issue à sa vie, les règles du libéralisme n'étant pas des plus simples. 
Le réalisateur, vraiment inspiré, joue magnifiquement bien entre ces deux situations antagonistes, prenant le temps de filmer la nature au fil des saisons, osant des travellings insensés par leur durée ( un poil auteuriste ? ), s'insérant au coeur de cette famille avec intelligence, pudeur mais aussi avec le regard pénétrant d'un entomologiste. C'est du grand cinéma inspiré qui montre que malgré la dictature, on peut produire des oeuvres majeures et singulières. Ces derniers mois, la Chine, prouve qu'en plus d'être un pays puissant économiquement et le devient aussi cinématographiquement, "Séjour dans les monts Fuchun"  en est encore une fois l'illustration éclatante.  


samedi 4 janvier 2020

Elmet de Fiona Mozley


Fiona Mozley a eu la chance de figurer en 2017 sur la dernière liste du Man Booker Prize ( en gros le Goncourt anglais mais doté d'un chèque bien plus important), assurant ainsi à son auteure une extraordinaire visibilité dans les pays anglophones à son premier roman.
Force est de reconnaître qu'après la lecture d'"Elmet" ( nom du village où se déroule le récit) on ne peut qu'être impressionné par le talent romanesque de cette jeune femme .... tellement éloigné de celui de nos primo-romanciers-ères hexagonaux qui, pour la plupart, nous livrent des récits nombrilistes puisés dans leur petite vie.
La couverture cite une phrase du Sunday Times ( rare ce genre d'accroche, souvent posée sur un bandeau mais pas imprimée sur la couverture comme ici) : " Quand Hansel et Gretel rencontrent la mafia". Comme souvent, cela est énormément réducteur et pas vraiment pertinent. Si les deux jeunes héros de ce roman sont bien un garçon et une fille, s'ils habitent pas loin de bois qu'ils connaissent comme le fond de leur poche, même s'ils vivent chichement auprès d'un père, colosse d'une grande douceur,  celui-ci ne les abandonnera pas. Quant à la mafia, chassez de votre esprit les désormais incontournables Corleone, et troquez plutôt l'accent italien et le costume trois-pièces pour des hobereaux anglais en tweed et à la morale totalement acquise à un libéralisme à faire baver de plaisir Margaret Thatcher.
Le roman oscille constamment entre le conte, la chronique politico/sociale ( qui n'est pas sans rappeler Steinbeck) et un charme romanesque évident où la nature reste constamment présente. Cette jeune auteure possède un talent bluffant pour mélanger ces univers et les rendre terriblement vivants. Sans jamais lâcher la trame de son récit qui, engrenage merveilleusement huilé, se clôturera par un final à la Tarantino, elle instille au fil des chapitres autant d'angoisse que notations tendres. Apparaît ainsi, en filigrane, un discours sur le bonheur d'une vie simple en harmonie avec la nature ainsi qu'une analyse tout en finesse sur la violence humaine. Cerise sur le gâteau, l'écriture parvient également à semer constamment le trouble quant au narrateur, Daniel, un garçon donc, mais dont l'impression à la lecture nous le renvoie comme féminin.
On comprend donc qu'ici, nous avons affaire à un roman extrêmement bien construit, bien écrit, avec un vrai univers comme on en rencontre rarement dans nos romans français de salons bourgeois. Fiona Mozley est jeune, incontestablement talentueuse et s'affirme dès cette première livraison comme une auteure à suivre de très très près. "Elmet", de toute évidence, se pose comme l'une des très bonnes surprises de cette rentrée d'hiver 2020.

jeudi 2 janvier 2020

Les filles du docteur March de Greta Gerwig


Greta Gerwig, la nouvelle égérie du cinéma indépendant US frappe là où on ne l'attendait pas, en adaptant le vénérable et larmoyant " Quatre filles du docteur March" . N'est-ce pas cela le sommet de la branchitude, revisiter l'improbable, lui donner un nouveau lustre, voire une nouvelle lecture.
A l'écran, cette nouvelle version apparaît assez respectueuse de l'oeuvre originale, seul un montage sautillant d'une époque à l'autre lui donne un air moderne et intello. Donc, on retrouve les robes à crinoline, la scarlatine ou les bons voisins riches qui admirent tellement l'immense bonté de cette famille de femmes ( pour rappel, le bon docteur March est à la guerre). On sera gré à la réalisatrice de ne pas trop jouer l'apitoiement et les larmes faciles, évitant avec souplesse, grâce à une pratique bienvenue de l'ellipse, les moments à possible production de larmes.
Ce qui semble avoir intéressé la réalisatrice, ce serait plutôt le côté féministe du roman ( très très léger à la relecture) et de s'emparer à fond du personnage de Jo, l'aînée, " garçon manqué" comme on disait à une époque où les questions de genre n'intéressaient pas, pour accentuer un discours qui puisse se raccrocher à notre période Meetoo. Sans occulter les difficultés des relations entre soeurs, le message passe bien grâce à la formidable interprétation de Saoirse Ronan qui, ici, rayonne, explose et prouve encore une fois son immense talent. Mais c'est peut être le seul et réel intérêt que l'on peut trouver à cette énième version du roman de Louisa May Alcott ( sauf si vous aimez les belles robes, la musique envahissante et un poil sirupeuse d'Alexandre Desplat et les distributions éclatantes ...oui il y a Thimotée Chalamet ( pas mal du tout) et Louis Garrel, et Meryl Streep et Emma Watson et...). D'ailleurs, on remarquera que dans les précédentes versions des actrices avaient explosé : Katherine Hepburn ( dans le rôle de Jo) en 1933, Elisabeth Taylor en 1949 ( dans le rôle de Amy). Seules peut être, Winona Ryder, Kirsten Dunst et Claire Danes en 1995 contredisent un peu le caractère amplificateur de carrière des adaptations de ce roman. Il serait injuste que Saoirse Ronan ne bénéficie pas de son interprétation fiévreuse et nuancée, totalement emballante.
Ces " Filles du docteur March"  trouveront sans doute leur public ( une salle pleine hier avec beaucoup de jeunes ... l'effet Watson/Chalamet? ) car la facture est belle, classique et respectueuse. C'est un bon spectacle familial pour commencer l'année.