dimanche 31 mars 2013

Cyclo de Zazie


En bon consommateur, formaté par l'époque, quand je vais sur un site de téléchargement (légal) et que je teste un nouvel album, j'écoute à la suite la dizaine d'extraits  proposés . Si mon oreille accroche, il y a des chances que l'achat impulsif se fasse. Si par malheur, le plaisir d'écoute n'est pas immédiat, je zappe....
Si j'avais laissé faire mon oreille, je n'aurai jamais téléchargé "Cyclo" la nouvelle production de Zazie et j'aurai commis une belle erreur ! Mais, un je ne sais quoi, a fait que mon doigt à cliquer sur achat...
A la première écoute, pour peu que l'on soit distrait, rien de bien emballant....du Zazie profond, puissance 10....  Mais "Cyclo, c'est comme une rencontre amoureuse. D'abord, un détail nous attire un peu... puis on se rapproche doucement, on prend le temps d'écouter, attentivement, et petit à petit on découvre de la profondeur, du sens, nos oreilles sont caressées, séduites, conquises et jamais abandonnées parce que ces onze titres sont tellement travaillés qu'ils ne révèlent pas leurs trésors facilement. En un mot, ils ne couchent pas le premier soir mais se font désirer pour mieux nous ensorceler par la suite.
Les temps sont moroses. Zazie aussi, en bonne observatrice du monde qu'elle a toujours été. La pochette grise, signée Sarah Moon, où elle apparaît plus mûre, plus sérieuse est au diapason de ses compositions. Finis les jeux de mots sautillants et frondeurs, à elle la vraie profondeur de l'expérience. La vieillesse, le temps qui passe, la vitesse, les doutes des humains dépassés par ces temps incertains sont parmi les thèmes qui hantent les textes magnifiquement écrits et interprétés par Zazie qui ose, sans fard, aborder ici le virage de la maturité.  Tout en nous proposant des morceaux plus pêchus, la plupart des chansons sont épurées au possible, pour mieux mettre en évidence sa voix, dans laquelle perce la fragilité du temps qui passe et les incertitudes d'une femme à la recherche de sa vérité.
"Temps plus vieux", "Mademoiselle" ou "Je ne sais pas" entrent parfaitement dans cette catégorie, abandonnant un moment synthés et percus pour un presque piano/voix admirable.
Pour ceux qui aiment la Zazie plus nerveuse, "Tout" est le titre qui mérite d'être mis en avant (plus que "Les contraires" qui semble être le morceau choisi pour attirer le chaland). Très bien écrit, rythmé, profilé pour les radios, ce titre pourrait courir au tube. Son refrain entre dans la tête pour ne plus vous quitter. Ainsi, je me trémousse en chantant :
" Je veux tout et tout de suite,
Pas l'alcool, mais la cuite,
Pas l'amour , le coït..."
Jouissance immédiate et régressive d'un morceau qui balance bien  et dont les paroles invitent quand même à s'interroger sur cette immédiateté qui tue les vrais sentiments.
Voilà, j'ai été diablement séduit par cet album qui se laisse découvrir petit à petit, à contre-courant de toutes ces productions faciles et jetables. Zazie nous offre ce printemps un disque ambitieux et totalement maîtrisé qui saura rester longtemps un compagnon fidèle et discret qui distillera au fil du temps son message d'amour et de sensibilité.


vendredi 29 mars 2013

Les amants passagers de Pedro Almodovar


Les spectateurs en partance pour le nouveau film de Pedro Almodovar devraient y regarder à deux fois. La compagnie Almodovar est un peu vieillissante et n'a pas réviser ses appareils depuis longtemps. Son personnel de bord, composé surtout de stewards efféminés, est plus prompt à sucer les sexes masculins que d'offrir un service de qualité. Spécialisé dans la confection de cocktails à la mescaline, il vous endormira ou vous rendra nymphomane mesdames, hypersexuel messieurs, tout en réservant ce traitement exclusivement à la classe business, la classe éco étant endormie aux somnifères. Ne soyez pas non plus exigeants sur l'attention que porteront vos pilotes sur la qualité du vol, ils sont surtout là pour assouvir leur bisexualité pour l'un ou pour tester la fellation d'un steward pour l'autre. Je ne parlerai pas de la qualité inexistante des plateaux repas ni de l'entretien mécanique de l'appareil qui laisse plutôt à désirer, le train d'atterrissage ne fonctionnant plus. Attention également à votre destination, vous risquez de ne pas arriver à l'endroit prévu.
Non décidément la Cie Almodovar est bien décevante en ce moment, poussive, ennuyeuse, pas drôle pour deux sous, recyclant un humour ringard dialogué  à la louche et n'arrivant ni à choquer et ni à émoustiller quiconque.  On notera toutefois que les actrices sont accortes et pimpantes, mais c'est le seul élément positif de ce film totalement raté. Alors, échangez votre billet et changez de destination, c'est préférable.

vendredi 22 mars 2013

La religieuse de Guillaume Nicloux


- Deux religieuses , s'il vous plaît !
En demandant mes places pour "La religieuse" de Guillaume Nicloux, j'ai eu soudain l'impression de me retrouver dans la pâtisserie de mon enfance, achetant ce gâteau aujourd'hui un peu démodé mais que ma grand-mère appréciait tout particulièrement.
Décalé et suranné est également ce film . C'est quand même étrange que l'on puisse trouver des producteurs pour un film se passant dans un couvent du 18 ème siècle, même inspirée de Diderot, car il faut le dire, l'histoire a bien vieilli et son caractère vaguement sulfureux ne fait plus rougir personne à l'heure des orgies du Vatican.
Suzanne, jeune fille pieuse est enfermée dans un couvent par des parents désargentés, n'aspire qu'à une chose, recouvrer sa liberté. Elle luttera avec toutes les forces de sa jeunesse. Elle croisera des mères supérieures sadiques ou saphiques qui lui prouveront que la religion mêlée à l'enfermement, ne donnent jamais de bons résultats.
Avec une intrigue assez conventionnelle, le film arrive à délivrer un petit message sur les extrémismes religieux et sur l'injustice d'une société anti libertaire, mais ne parvient pas toujours à passionner le spectateur.
Si une précédente version de cette "religieuse" avait subi les foudres de la censure dans les années 60, celle-ci n'est guère sulfureuse tout en étant agréablement filmée. Tout y est propre, les soeurs se déplacent froufroutantes dans leurs impeccables tenues amidonnées et aux coupes impeccables. Elles ont une allure glissante et élégante du plus bel effet. On notera toutefois que la cornette ne sied pas admirablement aux visages de nos comédiennes actuelles. Je ne conseille pas à Louise Bourgoin ou à Isabelle Huppert de prendre le voile, cela met en valeur quelques petits défauts de leurs visages qui, au naturel, font tout leur charme. Seule, la formidable Pauline Etienne est éclatante de beauté sous les oripeaux de l'intégrisme catholique. La jeune comédienne belge est tellement lumineuse et expressive, qu'il serait dommage qu'elle aille s'enfermer dans ces lieux de perdition que sont les couvents. Elle porte totalement le film et est la principale, voire la seule raison, d'aller voir ce film d'un autre temps.


mercredi 20 mars 2013

Vert-de-gris de Philip Kerr


Je ne vais pas y aller par quatre chemins, ce roman a été aussi long à lire qu'un traité sur la culture du rutabaga dans la région de Stuttgart. J'ai passé plus de dix jours à suivre les tribulations de Bernie Gunther, jamais intéressé par ce roman qui possède pourtant toutes les qualités requises pour me passionner. Au delà d'une réalité historique sans doute minutieusement rendue, mêlée à un humour agréable, jamais cette histoire ne m'a embarqué réellement.
Malgré son éditeur (Le masque), ce n'est pas vraiment un polar, presque un roman historique sur les camps russes de la dernière guerre mondiale et la guerre froide, mais aussi un roman d'espionnage. C'est peut être le cocktail de ces trois ingrédients qui m'a dérouté.
Il est vrai que je partais avec un handicap : je n'avais pas lu, honte à moi, les précédents ouvrages de l'auteur, dont la fameuse "Trilogie berlinoise" que par ailleurs j'ai beaucoup offert sur recommandations. Mais c'est avec une réelle envie que je me suis plongé dans ce qui se révélera pour moi une lecture assez peu passionnante.
L'histoire située en 1954, cueille Bernie Gunther à Cuba où il est arrêté en mer par la C I A, puis longuement interrogé sur son passé de policier sous le régime nazi, d'où de nombreux flash-backs sur ses agissements durant la dernière guerre mais aussi sur l'après-guerre. Bernie, comme tout bon héros, sort sain et sauf des pires situations, de divers complots et même des terribles camps russes.
Seulement, ici, au milieu de tous ces nazis belliqueux, je me suis parfois perdu dans toutes ces pérégrinations un peu rébarbatives. J'ai eu souvent l'impression d'assister, surtout dans la première moitié du livre, à un défilé de tous les généraux, colonels et commandants que comptait le troisième Reich,  tellement de noms divers et variés étaient cités. Si les interrogatoires avec les agents de la CIA recèlent quelques parcelles d'humour, j'avoue ne pas avoir vraiment saisi l'intérêt qu'avaient les américains à vouloir faire de Bernie un espion à leur solde. Mais suis-je bon juge car l'espionnage reste un genre qui m'ennuie profondément ?
Ici, en plus d'un personnage principal assez insaisissable, trop peu défini à mon gout, les nombreux retour en arrière dans les lieux sordides de ce terrible conflit, comme de petites nouvelles policières, n'aident en rien une intrigue dont j'ai eu du mal à saisir l'enjeu. En plus, Philip Kerr adopte un point de vue sur le fil du rasoir  qui se résume à : tous pourris ! Les russes sont les pires, les américains victorieux ne sont pas mieux, les français des pleutres et les allemands plutôt des victimes, bernés par un régime fou, massacrés par les troupes communistes et abusés par les amerloques.
Même si nous parcourons les heures sombres de notre histoire récente, "Vert-de-gris" ne m'a laissé que la sensation d'un roman lourdement documenté pour une intrigue tirée par les cheveux. Malgré l'ambiguité et l'humour de son héros, cette évocation lorgnant plus sur le roman d'espionnage que sur le polar, m'a laissé un gout d'ennui assez prononcé....Mais, sur ce coup, je ne suis pas sur d'être le bon lecteur....

vendredi 15 mars 2013

Le décalage de Marc-Antoine Mathieu



Lire un album de Marc-Antoine Mathieu est toujours une expérience inédite. Génial inventeur de concepts nouveaux, il explose depuis quelques années la bande dessinée classique, en explorant des zones inédites. Son précédent album 3" chez Delcourt en 2011, était déjà une prouesse, celui-ci l'est tout autant.
Première chose, le titre "Le décalage" est bien réel. La structure habituelle de l'album est décalée de 9 pages. Ce qui devait être la couverture est placée vers la fin de l'album, l'histoire débute dans cet endroit inhabituel  et donc c'est la page 7 de l'histoire qui se trouve sur ce qui aurait du être la couverture ... Vous suivez ? Premier concept original mais ce n'est pas le seul... Je vous fais grâce de l'absence de texte sur la tranche, des 6 pages déchirées vers la fin du récit et bien sur du code barre situé juste avant la couverture vers la page 40... obligeant l'éditeur à coller un petit sticker sur la quatrième de couverture qui n'en est pas une, puisqu'il s'agit de la page 6 ! Vous êtes perdus ? Ce n'est pas grave car les personnages de l'histoire le sont aussi. Le héros à rater le début de l'histoire à cause de la manipulation hasardeuse d'un lit chez un réparateur... Propulsé dans l'espace/temps, il ne peut donc vivre son aventure, laissant la place aux seconds rôles qui se trouvent perdus dans une décor où il n'y a rien. Ils n'ont pas de dialogue, pas de rebondissement. Ils sont obligés de s'interroger sur le rien qui les entoure et les angoisse. Joyeux mélange de Beckett, de Kafka et de Raymond Devos, l'histoire n'avance pas, rien ne se passe, rien ne retient le lecteur non plus, mais pourtant, il déguste jusqu'à la fin cet OVNI de bande dessinée.
C'est totalement maîtrisé, absolument original, c'est évidemment un album qu'il faut avoir dans sa bédéthèque histoire de se rappeler que dans la bande dessinée, il y a des petits génies qui font preuves d'une créativité infernale. Cependant, cela reste un objet de curiosité pour lequel je ne suis pas sur de me replonger volontiers, sauf si je dois disserter sur le rien...


jeudi 14 mars 2013

Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont


Je l'avoue, j'ai toujours aimé le cinéma de Bruno Dumont, ses acteurs inconnus aux allures improbables, ses longs plans fixes sur la morve qui coule sur un visage frigorifié, ses films un peu radicaux, pas aimables où une violence sous-jacente suinte de tous les plans.
Avec "Camille Claude 1915", Bruno Dumont a changé de fusil d'épaule.Pour une fois, il a confié le premier rôle à une star, Juliette Binoche. Il n'a toutefois pas résisté à l'envie de l'entourer de vrais aliénés aux visages pas faciles qui ne sont pas sans rappeler d'ailleurs quelques unes des sculptures de l'artiste. Et c'est peut être la seule petite réserve que je ferai sur ce film car on a un peu l'impression quelquefois de vivre les aventures de Binoche chez les fous, tellement l'actrice est présente et rayonne de son talent. Mais qu'importe ! Ces trois jours de la vie de Camille Claudel, placée par sa famille dans un asile dans le Sud de la France, sont d'une intensité folle. Elle attend avec impatience la venue de son frère Paul, certaine que quand il la verra si calme, il la fera sortir bien vite de cet endroit sordide. On la sent fragile, très fragile, un peu désaxée mais bien vivante. Elle vit un quotidien sinistre entre les consultations face à un médecin affable mais plus réceptif à l'argent envoyé par la famille qu'à sa détresse  et les nombreuses déambulations au bras de pensionnaires durement atteints par la folie. Débordante d'espoir quant à un retour parmi les siens, Camille Claudel se heurtera à un frère confit de bondieuseries et totalement hermétique à sa détresse, comme surement tout bon chrétien illuminé. Il faut bien le dire, le Paul Claudel présenté dans le film m'a semblé bien plus fou que sa soeur. S'agenouillant au bord des routes pour prier, totalement amoureux de son corps, complètement irradié par un lumière divine, il pourrait échanger la place avec Camille, hélas beaucoup trop dérangeante.
Je ne vous cache pas que ce film n'est pas facile facile... Le réalisateur prend son temps, s'attarde sur les visages, traquant la moindre expression, le tout dans des plans d'une précision et d'un beauté inouïes. Juliette Binoche a déclaré dans la presse qu'elle n'avait jamais été autant nue que dans ce film. C'est vrai, mais plus au figuré qu'au propre. En acceptant de jouer sans aucun maquillage (mais avec une teinte de cheveux parfaite), elle envoie valser toutes ses consoeurs liftées ou exigeantes sur la place de la caméra et prouve, qu'en plus d'être une comédienne admirable, elle reste infiniment belle avec ses rides, ses défauts et sa peau un peu vieillissante. Elle irradie littéralement dans ses habits gris et habite son personnage comme on l'a rarement vu au cinéma. C'est un grand numéro d'artiste, filmé par un esthète.
Film exigeant et austère, sans musique, esthétiquement superbe, il offre à Juliette Binoche un rôle à la mesure de son immense talent mais ne passionnera peut être que quelques spectateurs pour qui le cinéma n'est pas qu'un divertissement mais aussi, parfois, une plongée dans les abîmes de certaines âmes.



samedi 9 mars 2013

20 ans d'écart de David Moreau


Qu'est-ce qui fait qu'une comédie romantique est réussie ou pas ? C'est la question que je me suis posé en sortant de la dernière réussite du genre, "20 ans d'écart", qui,  trois ans après "L'arnacoeur", arrive à réveiller l'enthousiasme des spectateurs aux coeurs tendres.
Je fais d'abord un sort au réalisateur. Pas besoin d'être une grosse pointure reconnue ou un spécialiste du genre, David Moreau avait précédemment co-réalisé deux films d'épouvante et rien ne laissait présager autant d'humour, de charme et de pep's dans sa première réalisation solo.
Pour qu'une comédie fonctionne, il lui faut surtout un bon scénario. Dans "20 ans d'écart", l'idée de départ est bonne et qui plus est, encore peu traitée dans le cinéma français : le phènomème "cougar". Mais, l'idée ne suffit pas à faire un bon film, ça se saurait. Ici, on sent bien que le scénario a été bien travaillé et bien développé. En se focalisant uniquement sur l'histoire d'amour sans y adjoindre, façon remplissage, un quelconque faux suspens ou une action parallèle inepte, le film y gagne en crédibilité. En le situant dans l'univers d'un magazine féminin branché, les scénaristes ont fait merveille. Le thème de la femme mûre séduisant un jeune homme pour garder sa place de rédactrice en chef, est exploré sans complexe, jouant habilement sur les emballements, les hésitations des personnages principaux aux caractères plus nuancés qu'à l'habitude dans ce type de comédies. En contre-point, ils ont créé toute une galerie de personnages secondaires épatants qui apportent un éclairage comique ou même subtilement sociologique à l'histoire. Comme le casting des seconds rôles est particulièrement soigné, le spectateur est à la fête. Charles Berling, en père queutard, amoureux d'une copine de son fils, Camille Japy, en soeur aînée cherchant à fourguer à l'héroïne le moindre célibataire qui passe sont épatants. Mais celle qui m'a emballé, c'est Blanche Gardin qui campe Patrick, une photographe hallucinante de vanité et de méchanceté. En deux ou trois scènes, elle nous offre un des meilleurs moments du film qui, par ailleurs en compte beaucoup.
Avec cette base fignolée, il manque l'ingrédient essentiel : le couple vedette, celui qui va agglomérer les rêves et les émotions du spectateur. Et là, bingo ! Double bingo ! C'est Virginie Efira et Pierre Niney qui ont été choisis et ils sont tout simplement FORMIDABLES !!!
Aussi crédible en rédactrice en chef stricte et coincée qu'en cougar faussement allumeuse, en femme mûre hésitante qu'en amoureuse décomplexée, Virginie Efira est délicieuse, drôle, émouvante bref irrésistible. Face  à elle, Pierre Niney, à mon avis LA star de demain, possède une chose rare : il est un personnage à lui tout seul, un mélange de charme, de tendresse et de comique comme on en rencontre peu au cinéma. Comme c'est en plus un comédien hyper talentueux et généreux, il forme avec Virginie Efira un couple totalement craquant.
Vous l'aurez compris, j'ai pris un énorme plaisir à la projection de "20 ans d'écart". Ce n'est pas le chef d'oeuvre du siècle, mais sûrement la comédie la plus réussie de l'année. Bonne humeur garantie !




vendredi 8 mars 2013

Au bout du conte d'Agnès Jaoui


"Il vécurent heureux et se trompèrent beaucoup". C'est la phrase qui ponctue le nouveau film d'Agnès Jaoui, phrase de conte, remaniée. Elle résume parfaitement les idées que véhicule le film, encore plus si l'on donne plusieurs sens au verbe "se trompèrent"...
Oeuvre chorale, reprenant plus ou moins les personnages des contes traditionnels, on y croise un petit chaperon rouge d'aujourd'hui (Agathe Bonitzer). Elle est fraîche, crédule, fervente croyante en un grand  et unique amour et à la recherche de son prince charmant. Elle le trouvera en la personne d'un compositeur de musique contemporaine (Arthur Dupond), doux et gentil. Mais la réalité est un peu chienne, puisqu'elle croisera un loup prédateur (Benjamin Biolay, absolument formidable). Il lui remettra les idées en place, en la giflant au propre comme au figuré dans une scène presque jouissive pour moi, tellement la jeune fille est agaçante et prétentieuse.
On rencontre aussi une mère aux allures de méchante belle-mère façon Blanche-Neige. Mais les apparences sont trompeuses de nos jours, c'est bien la maman, la chirurgie esthétique faisant des merveilles. Il y a aussi une fée (Agnès Jaoui), mais il ne lui reste que le costume, revêtu lors des répétitions d'un spectacle pour enfants. Elle n'a pas beaucoup de pouvoirs, est un peu perdue, éperdue même. Elle essaie de se débrouiller seule dans une vie bien compliquée entre une fille qui lit la Bible et son désir de pouvoir enfin conduire une voiture toute seule. C'est là qu'elle rencontre un moniteur d'auto-école, ni roi, ni prince, seulement homme bourru, bougon et parfait incroyant . C'est Jean Pierre Bacri, au sommet de sa forme en tant que comédien,  mais surtout rongé dans le film par l'annonce de sa mort prochaine faite 30 ou 40 ans plut tôt par une voyante.
En s'attaquant à toutes les croyances que l'humain rencontre dans son existence, le film nous amène à nous pencher sur tous ces bobards que l'on nous fait gober pour que la vie soit plus simple ou plus belle. Au bout du compte, contes, grand amour ou religion, même combat. Ces croyances sont des béquilles, des fadaises auxquelles il est facile de croire mais que la vie se charge de démolir très vite.
Les personnages d'Agnès Jaoui en sont la parfaite illustration, ils avancent, espèrent, croient, se trompent, chutent et repartent, un peu cabossés, mais un peu plus forts.
Le film est un vrai plaisir de spectateur, bien joué, merveilleusement dialogué. Et si quelquefois, on a un peu l'impression d'une succession de sketches , on peut quand même  regretter qu'en voulant donner un peu d'ampleur ou d'originalité à sa mise en scène, Agnès Jaoui ait alourdi son propos avec toutes ces connotations au monde imaginaire des contes. Cela m'a semblé un peu trop démonstratif... mais c'est peut être un hommage à  "La vie est un roman" d'Alain Resnais auquel le film m'a fait penser parfois.
Quoiqu'il en soit, "Au bout du conte", est un film qu'il faut voir, comédie intelligente et sensible, elle diffuse son charme gentiment corrosif. Sa morale exemplaire est un message d'humanité . Oui, on peut vivre heureux avec son partenaire tout en se trompant (l'erreur est bien humaine) ainsi qu'en allant s'aérer dans d'autres bras, à condition de ne pas s'encombrer de croyances idiotes ou de préceptes sclérosants. Facile à dire... A faire ?



jeudi 7 mars 2013

Dix rêves de pierre de Blandine Le Callet


Quand un éditeur publie un recueil de nouvelles, en bon commerçant, il met en avant, en première position donc, celle qui lui semble la plus réussie, histoire de mieux appâter le chaland ou le critique. 
Avec "Dix rêves de pierre", il n'a pas pu être fait ainsi car, Blandine Le Callet, l'auteur, avait un projet tout autre. Ces dix nouvelles, toutes inspirées d'épitaphes lues lors de promenades dans des cimetières, sont proposées dans un ordre chronologique historique. Nous commençons le livre en 120 de notre ère en Turquie, pour finir en 2013, en France. Toutes nous narreront les derniers instants de leur(s) personnage(s) principal(aux), souvent accompagnés d'un chien. 
Cette logique temporelle n'aide pas vraiment le livre, car, en plus de parler de la mort, il m'a semblé que les nouvelles les plus faibles étaient les premières comme si la lointaine histoire inspirait moins l'auteur. Je me suis  dit qu'il était heureux que Blandine Le Callet n'ait pas été dans la peau de Shéhérazade, elle n'aurait pas tenu mille et une nuits, car c'est vers la fin de l'ouvrage que l'on trouve le meilleur.
Parmi ces dix trépas, ceux que j'ai le plus apprécié (mais est-ce que c'est mot est bien approprié ici?) s'intitulent "Les hortensias", sensible récit de grossesses n'arrivant pas à terme, et "Les petits carnets", portrait d'une vieille bourgeoise aigrie. Beaucoup moins convenues et distillant une petite musique plus grinçante, elles dénotent avec le reste du recueil, joli, avec un style délié mais pas vraiment accrocheur.



mercredi 6 mars 2013

Super nino de Michaël Escoffier et Matthieu Maudet


Ah, le joli imagier que voilà ! Des vêtements que l'on enlève et que l'on donne. On les remet, on les nomme et puis on découvre le corps de l'autre, copain ou copine. Joliment illustré, avec des couleurs vives mais tendres et des parties évidées astucieuses, on feuillette et refeuillette "Super Nino" à l'envi.
Mais, voyons, qui en est l'auteur ? Je ne vois pas...je cherche... ah! sur la tranche...tiens donc ! Michaël Escoffier et Matthieu Maudet, cela ne m'étonne pas ! Je ne sais pas si c'est une vue de l'esprit de ma part, mais ces deux là, même quand ils s'adressent à des tout-petits, ils rajoutent toujours un petit clin d'oeil pour les parents ou les adultes. Ici, j'y vois une petite touche féministe... C'est le petit garçon que l'on déshabille d'abord pour rhabiller la fille ensuite et la transformer en super héroïne. Une façon d'être à contre-courant de la société encore et toujours prompte à vendre la nudité féminine ou à minimiser son rôle.
Une intention due au hasard ? Peut être mais moi ça me plaît de l'y voir !

Un album ludique et féministe donc, édité chez frimousse et vendu 18 euros à partir de ...18 mois.

Album lu dans le cadre du prix Sorcières 2013 organisé par le site de lecture LIBFLY

Autre album des deux auteurs : Bonjour facteur

Boule et Bill d'Alexandre Charlot et Franck Magnier


Il y a un peu plus d'un an dans le bureau de Cécile F, l'agent artistique de Marina Foïs.

MARINA( jetant violemment un mince paquet de feuilles reliées sur le bureau de Cécile F) : Mais qu'est ce que c'est que cette merde que tu m'as donné à lire ! Tu ne crois tout de même pas que je vais jouer une potiche dans ce film de nazes !
CECILE F : Ecoute ma chérie, assieds-toi et écoute moi ... C'est LE film idéal pour toi, le truc populaire qui va te permettre de reconquérir le public familial que tu as un peu perdu de vue ces derniers temps... Si tu veux rester bankable...il va falloir que tu sois plus présente dans le créneau de la comédie...
MARINA : Attends ! Attends ! Bankable! Tu n'as que ce mot là à la bouche ! Mais tu as lu le scénar ?!! Il est nul ! Y'a rien ! Ca ressemble même pas à la BD ! Et puis, t'as vu mon rôle ? La tortue a plus de répliques que moi !
CECILE F : Tu fais comme tu veux ma cocotte, mais Vanessa Paradis est intéressée, son fils adore Boule et Bill...
MARINA : Y'a pas que le sien ! Lazare est tout fou à l'idée que je le fasse...
CECILE F : Tu vois, ton fils a plus de nez que toi, ma jolie. C'est une sacrée opportunité pour te remettre en avant. Bon, c'est vrai, tu n'as pas grand chose à faire dedans mais on peut demander à remanier le scénar pour que tu sois plus présente à l'écran.
MARINA : Parce qu'il est terminé, là le scénario ? Mais ça a la longueur d'un court métrage  et en plus c'est écrit gros !
CECILE F : Ok, j'en parle aux producteurs et je leur dis que tu es d'accord sur le principe ?
MARINA : Attends ! Attends ! j'ai pas dit oui, là ! C'est toujours Leconte le réalisateur ?
CECILE F : Heu...non, il ne peut plus...C'est Alexandre Charlot et Franck Magnier qui ont repris...
MARINA : C'est qui ceux là ?
CECILE F : Mais si, bichette, tu sais bien ils ont réalisé un gros succès avec Catherine Frot...
MARINA (moqueuse) :" Intouchables" , peut être ?
CECILE F : Noooon, pupuce, "Imogène", c'était vachement sympa !
MARINA : Tu te fous de ma gueule ! Je l'ai vu celui là! C'était tellement nul que même le soldeur de DVD n'en a pas voulu !
CECILE F : Ecoute, poussin, tu réfléchis quand même. Franck Dubosc est OK et l'agent de Sophie Marceau a demandé qu'on lui envoie le scénar, elle serait intéressée.... Et puis, sugar, pense à ton image, tu n'as pas fait grand chose de marquant depuis "Polisse", ce serait bien que tu refasses une jolie apparition en couv' des magazines.
MARINA : C'est sûr que je ne vais pas faire la couverture de ELLE avec ce rôle de godiche... Modes et travaux  peut être ou alors Spirou à la limite.... Bon tu as peut être raison, je vais y réfléchir, mais j'attends un scénar plus développé.

Décembre 2012, toujours dans le bureau de Cécile F

CECILE F ( embêtée) : Qu'est-ce que je fais Marina pour le promo de Boule et Bill ? Il faut que je cale les rendez-vous... Canal prop...
MARINA : Stop ! Je te rappelle que j'ai signé pour une promo QUE si je trouvais le film potable. Or, j'ai vu le premier montage... C'est à chier ! Donc,  je ne me ridiculise pas sur les plateaux télé, je ne fais pas des mimines  au cocker chez Chazal ni la super contente d'avoir tourner ce si joli film avec des gens si talentueux chez Arthur !
CECILE F : Attends poulette, ils vont revoir le montage et tu...
MARINA : Mais il pourrait y avoir le meilleur monteur d'Hollywood, il ne pourra rien tirer de ce navet ! Le môme est insignifiant, les gags absents, la musique n'en parlons pas, même mon gamin n'a pas reconnu la BD !
CECILE F : Mais toi, choupette, tu y es très bien ! Et Franck aussi, vous formez un couple très crédible. On pourrait axer la promo dessus...
MARINA : Je t'ai dit non !!!! Ce film sera la honte de ma filmo. Je n'ai qu'une envie, l'oublier !
CECILE F : Bon OK ! ....Et pour la couv de 30 millions d'amis, je leur dis quoi, pupuce ?
MARINA : Qu'ils prennent le chien ! Et puis arrête de m'appeler pupuce ou je ne sais quoi, sinon je te fais bouffer le DVD de "Boule et Bill" et tu comprendras combien c'est indigeste !

PS : Malgré tout, Marina, je vous pardonne et je vous adore !!!











mardi 5 mars 2013

Souvenirs de l'empire de l'atome de Thierry Smolderen et Alexandre Clérisse


Comme pour les histoires d'espionnage, la science-fiction est un genre qui me laisse froid, mon esprit trop carré refusant de se mettre en mode compréhension.
- Mais ce n'est pas de la science-fiction, c'est de l'anticipation ! me dit mon libraire en me fourrant dans les mains cet album qu'il me dit génial et en prenant ma carte bleue.
- Ah bon ? fis-je incrédule, pour moi c'est du pareil au même.
Et, c'est du pareil au même ! Je n'ai pas compris grand chose mais, je vais essayer de résumer ce que j'ai compris sans m'aider du site de l'éditeur.
Il y a Paul, un binoclard coincé qui s'est créé un monde imaginaire intergalactique avec lequel il a fini par communiquer par télépathie. Il parle avec un dénommé Zarth Arn, chef d'une planète lointaine. Ces liaisons intersidérales finissent par intéresser un certain Gibbon Zelbub, un militaire, espion (?), comploteur (?), manipulateur en tout cas, qui, avec un genre d'hypnose, va faire communiquer Paul avec son héros moins imaginaire qu'il n'y parait puisqu'il révélera des secrets militaro/spaciaux.
Dire que l'histoire m'a passionné serait mentir, je n'ai rien compris. Mais une chose est sûre, je garderai cet album précieusement dans ma bibliothèque, tellement il est emballant par ailleurs.
Tout d'abord dans cette histoire tordue, il y a, surtout dans la première partie, un texte magnifiquement écrit, assez littéraire qui force l'attention. Ensuite, j'ai admiré la construction de l'histoire, faite de retours en arrière ou en avant, gigognes...un retour pouvant en amener un autre qui lui même en amènera un nouveau. Bon d'accord, pour la compréhension ça n'aide pas forcément mais, mais j'ai aimé cette volonté de complexification de l'histoire à outrance, admirant au passage le talent du scénariste pour arriver à retomber sur ses pieds. Vous allez penser que je suis maso. Peut être.... J'aime qu'on me résiste...mais surtout sentir qu'il y a un vrai univers personnel même si je n'y adhère pas. Ici, c'est le cas et c'est prouvé par la beauté de l'illustration qui, pour le coup, est sidérante. Un vrai plaisir pour les yeux à chaque page! Ce dessin à la façon des années 50/60, est un véritable hommage moderne à un moment de notre histoire où l'on croyait que le progrès et la science fournirait du bonheur à toute l'humanité. C'est magnifiquement coloré, c'est bourré de clins d'oeil aux artistes, aux designers, aux créateurs de l'époque, c'est graphiquement une pure merveille !
Et rien que pour cela, je conseille vivement la lecture de cet album qui, même si l'histoire vous laisse froid, vous pourrez le reprendre et le feuilleter comme on feuillette un beau livre, pour le plaisir des yeux, comme une oeuvre d'art.





lundi 4 mars 2013

Rouge ardent d'Axelle Red


J'avais bien vu le mois dernier qu'Axelle Red avait sorti un nouvel album. Mais en tant que fan de la première heure j'avais depuis été fort déçu par ses dernières productions, mélange branché (trop pour moi sans doute) de funky, de soul mâtiné de disco et de je ne sais quoi... jamais médiocres mais trop pointues pour moi. Bref, un peu comme un vieux couple, le charme n'opérait plus, le silence s'était invité entre nous. La magie des premiers instants, celle des balades envoutantes de ses deux premiers albums, avait cédé la place à un ennui distingué pour finir par une séparation que je pensais sans retour.
Et puis hier, en zonant sur un site de téléchargement légal, à la recherche d'une nouveauté à me mettre sur les oreilles, j'ai aperçu Axelle, aguicheuse en poupée Barbie rousse, mais j'ai passé mon chemin, bien décidé à ne pas remettre le couvert. Et puis, comme je suis un gars un peu facile, j'ai répondu à son léger clin d'oeil et l'écoute des petits extraits proposés ont eu l'effet d'un vent léger d'été sur des braises encore un peu incandescentes, la flamme s'est ranimée et j'ai craqué ! J'ai téléchargé et depuis, c'est le bonheur ! La passion est de nouveau là, encore plus forte qu'avant et ça fait un bien fou ! J'ai retrouvé l'Axelle que j'aimais tant, celle des ballades léchées aux mélodies troublantes,  des arrangements gracieux accompagnant cette voix si sensuelle parce qu'un peu enfantine.
Mais si "Rouge ardent" signe le grand retour de la chanteuse, c'est que, pour la première fois, il n'y a, pour moi, aucun titre à jeter, pas un morceau hommage à quelque chanteur génial américain, pas une chanson rythmée fabriquée avec des musicos un peu trop branchés. Non, Axelle s'est concentrée sur ce qu'elle sait faire de mieux et peut être aussi sur ce qu'une grande partie de son public aime : la chanson douce, calme, aux orchestrations délicates mettant en avant ce phrasé si particulier et ces décrochements, ces cris entre souffle et souffrance. Même si les paroles ne sont pas renversantes, je m'en fous, elles me parlent fortement. J'ai retrouvé Axelle, vibrante, musicienne inspirée, généreuse comme elle ne l'a jamais été, câlinant son public avec talent. Et même quand sa soif de morceaux rythmés se fait sentir, elle fait appel à Stéphan Eicher et à Miossec pour nous offrir une superbe chanson aux accents rock : "De mieux en mieux".
Alors maintenant que j'ai renoué avec ma chanteuse belge préférée, il faut bien le dire, le printemps qui arrive s'annonce plus beau. "La maison désertée", un des titres phare de l'album avec "Rouge ardent" et "Quelque part ailleurs", s'est de nouveau remplie. Axelle, son piano, sa musique, illuminent de nouveau l'espace et croyez- moi ces dix morceaux d'orfèvre sont de pures merveilles. C'est l'Axelle Red de l'époque d'"A tâtons" en mille fois mieux !


Voici le clip de "Rouge ardent" qui, hélas, ne met pas, à mon avis, cette belle chanson en valeur. Mais, fermez les yeux et écoutez...


dimanche 3 mars 2013

Mammouth d'Antonio Pennacchi



"Ah, enfin un livre qui va de me sortir de ces milieux universitaires suffisants ou du monde des bobos qui accaparent 80 % de la production romanesque actuelle ! me suis-je dit en ouvrant "Mammouth" d'Antonio Pennacchi. Enfin un roman sur le monde ouvrier, écrit par un ouvrier !"
Un très bel avant propos nous raconte à la fois le périple de l'auteur qui, après une maîtrise de lettres, est devenu "l'écrivain-ouvrier" le plus connu d'Italie, ainsi que l'histoire de ce livre qui a été refusé par toutes les maisons d'édition durant huit ans.
"Les salauds ! pensai-je en moi-même, ils ne publient que leurs copains nantis et bien introduits !  Ils pensent sûrement qu'une plongée dans un monde qu'ils ignorent n'intéressera personne dans la bourgeoisie lectrice, seule clientèle estimable." C'est avec envie que je me suis plongé dans ce récit de lutte ouvrière dans une usine de câblage et du choix quasi cornélien que Benassa, son virulent délégué syndical, aura à faire.
...Et j'ai déchanté et compris pourquoi tant de refus. A aucun moment je n'ai été happé par cette histoire. L'écriture est plate, brouillonne et guère portée vers le partage. Si vous n'êtes pas italien et si vous n'avez pas travaillé chez SUPERCAVI, l'usine en question, vous aurez du mal à vous sentir concerné. Mal fichu, désordonné, j'ai lu, mais sans aucun plaisir. Bien sûr il y a ici et là quelques anecdotes croustillantes mais j'ai eu beaucoup de mal à me passionner pour ces personnages brossés à l'emporte-pièce. Benassa, l'ouvrier qui sert de fil conducteur à ce récit, syndicaliste acharné au bout du rouleau, se révèle assez terne et peu empathique. Et si dans la deuxième partie du livre, j'ai eu un petit sursaut d'intérêt au moment des propositions alléchantes qui lui sont faites par une direction prête à tout pour s'en débarrasser, cela n'a pas suffi pour gagner mon adhésion. L'auteur n'arrive jamais à faire partager sa passion, sa hargne ou ses aspirations sauf quand il parle de son outil de travail, une grosse machine à fabriquer du câble, mais là, c'est moi qui n'accroche pas à cette évocation mécanique des plus soporifiques pour un intello comme moi.
Je suis désolé de le dire, mais dans "Mammouth", je n'ai vraiment apprécié que l'avant-propos, c'est à dire huit pages ! C'est peu !

samedi 2 mars 2013

La disparition du monde réel de Marc Molk


" A l'entrée du mas, le souvenir de votre soeur, enfant, dans un champ de tulipes mauves, chapeau de paille sur la tête, occupe les derniers mètres de votre ascension. Vous étiez des enfants gras, en polyester, heureux."
Ce court extrait de "La disparition du monde réel", le deuxième roman de Marc Molk, donne une bonne idée du contenu de l'ouvrage, transcription talentueuse et imagée d'un été où tout va se briser.
La première phrase, très picturale, est celle d'un artiste spécialisé dans la couleur des choses mais aussi des sentiments. C'est en peintre pointilliste qu'il nous fait pénétrer dans ce mas au bord de la Méditerranée. Par touches successives, il va observer des amis réunis là comme chaque été depuis une bonne dizaine d'années. Chacun des petits chapitres est comme une petite nouvelle, qui ajoutés les uns aux autres, finissent par représenter le tableau sans fard d'un groupe de bobos dont la belle apparence cache des doutes, des mensonges , des petits secrets, des non-dits. Au fil des pages, les couleurs solaires qui définissent le fond, s'assombrissent à mesure que le peintre affine les personnages au premier plan. Derrière la nonchalance de ce séjour estival, la peinture se craquelle déjà avant le coup de pinceau final.
Mais le peintre est aussi un sacré styliste qui croque ses contemporains avec tendresse certes, mais sans aucune indulgence, pourfendant les travers de notre époque. Son oeil aiguisé est à l'image de la deuxième phrase de l'extrait cité plus haut : " Vous étiez des enfants gras, en polyester, heureux." , un habile mélange de franc parler, de tendresse et de fashion. Qui en 2013 oserait encore avouer qu'il était un enfant gros ? A l'heure où les pédiatres font la chasse aux kilos dès le deuxième mois, déclarer avoir été un gamin gros ET heureux, est une faute de goût, une vérité qui fait presque aussi mal qu'un crime ou qu'un inceste. Et le mot "polyester", qui évoque pour moi ces sous-pulls moulants orange ou rouges que l'on portait dans les années 70/80, n'est-il pas le signe que notre auteur n'est pas du tout insensible à la mode ? D'ailleurs, le premier paragraphe du roman ne nous décrit-il pas le narrateur en polo R... L.... ? (Je ne cite pas la marque, ils n'ont pas voulu sponsoriser mon billet...)
Ce mélange savoureux des genres court tout au long des pages pour notre plus grand plaisir.  Le roman est bien construit et surtout remarquablement écrit. J'en veux pour preuve cette longue scène de sexe, nichée au coeur du livre, loin des clichés érotiques éculés, compositions risibles de seins ronds refaits, de dentelle de Calais et de pâmoisons irréelles qui fleurissent dans la littérature actuelle. Ici, pas de chichis. La réalité prend le pas sur le fantasme, le déshabillage est loin du strip langoureux, les pensées de l'amant sont plus pratiques que sensuelles, le pénétration inévitablement et désagréablement caoutchouteuse. C'est précis, drôle, trivial et fort réussi, un quasi morceau d'anthologie ! Et ce n'est pas le seul ! Dans un genre plus profond, les deux lettres d'un amoureux éconduit sont des moments de grande émotion.
Toutefois l'auteur a tendance à céder au name-dropping et je n'ai pas la certitude que cette débauche de noms de plasticiens, d'artistes, de cinéastes, tous de vrais pointures, cache la moindre critique, même si, personnellement, j'ai souri perfidement en m'apercevant que des quarantenaires nantis ne parlaient jamais pour ne rien dire quand ils s'attablaient autour d'un verre, le soir, en été, et pouvaient entre autre, entre deux cacahuètes, évoquer Thom Mayne et sa beauté du désordre ( pour les ignares, il s'agit d'un architecte ...) comme si leur vie en dépendait. Bien sûr, c'est totalement raccord avec la psychologie des personnages mais un tout petit peu prétentieux à la longue.
Mais ne boudons pas notre plaisir, "La disparition du monde réel"est une friandise acidulée qui m'a procuré un vrai plaisir de lecture. L'auteur, comme un entomologiste des âmes, observe ses contemporains avec talent et causticité, tout en dressant, en creux, le portrait d'une société vacillante, au bord d'un gouffre dont elle a du mal à cerner les contours. Un joli livre narquois sur le désarroi d'un monde qui court à la faillite.

Ce livre sera en librairie le 7 mars prochain...