mercredi 31 octobre 2018

Bohemian Rhapsodie de Bryan Singer


Pas de chance pour le cinéma, le biopic sur  Freddy Mercury cumule beaucoup de défauts et offre au final un film banal et quasi hagiographique.
Rassurons les futurs spectateurs, aucune idée scénaristique un tant soit peu originale ne vient perturber la narration. Vous mangerez tranquillou peinard vos pop-corn, rien ne viendra complexifier un récit totalement linéaire. On attrape Freddy jeune adulte déterminé à percer dans la musique et on le quittera à l'issue du concert pour Live Aid à Wembley ( seul moment où l'acteur principal est crédible). Pas de flash-back, pas d'enfance dans un milieu pakistanais, pas de fin de vie terrassé par le SIDA. On se laisse porter par les ( bouts) de tubes qui s'alignent les uns après les autres. Bien que Freddy ait été un homo très actif, porté sur la came, le scénario lorgne surtout à rééditer un succès populaire à la Mamma Mia et édulcore pour être le plus populaire possible. Donc, sa sexualité sera évoquée en filigrane, mais à l'écran, Freddy ne baise pas, ne sniffe pas, ne partouze pas, ne détruit aucune chambre d'hôtel. Il aime la musique et chanter, et basta ! Pour meubler, nous avons droit à une improbable et sirupeuse romance avec son amie de toujours Mary Austin, qui, vraiment cruche, alors que le film nous présente Eddy comme une grande folle, croit en son hétérosexualité. On écarquille les yeux devant des scènes sensément romantiques et dialoguées comme un mauvais soap brésilien qui provoquent, au mieux l'apitoiement devant une telle niaiserie au pire, le fou rire. Car, il faut le dire, l'acteur incarnant Freddy, Rami Malek, qui déjà ne dégage aucunement son charisme animal, se voit en plus  affublé d'une ahurissante prothèse dentaire qui lui vole la vedette. On ne voit qu'elle, on ne regarde qu'elle ! Elle aura l'Oscar la prothèse ! Et on l'entend aussi...ou plutôt dans la VO, on perçoit la langue qui bute sur elle ( à croire que ce pauvre Rami Malek a été obligé de la porter pour le doublage). Certes le chanteur avait les dents en avant mais pas au point d'avoir l'air niaiseux. Grâce à cet élément, on en arrive presque à oublier les indigences d'un scénario paresseux qui ne cherche qu'à gommer les aspérités de son héros de chanteur et ne garde que ce que l'on voudrait que nous retenions : c'était un grand chanteur, doublé d'un musicien de génie qui créait des tubes comme moi je fais réchauffer une pizza au four, point à ligne. Un peu plus on nous proposait de signer pour sa béatification.
Si l'on est un passionné des prothèses proéminentes, si l'on recherche des scènes cultes idiotes pour se marrer entre amis, si l'on a envie d'écouter des extraits de chansons de Queen ( autant réécouter sa discographie), on pourra aller voir "Bohemian Rhapsodie" , cinéma plan plan et même cucul la praline. Le biopic de Freddy Mercury reste à faire.


lundi 29 octobre 2018

Fracking de François Roux


Oh ! Une originalité ! Un romancier français qui laisse tomber son bel appartement parisien et son intérieur scandinave, oublie les amours adultères entre Dinard et le 2 ème arrondissement et se dirige vers l'Amérique, celle des états unis autour d'un président encore noir, mais plus pour longtemps. Basta la rue Montorgueil et vive le Dakota ! On gagne au change. Au diable les jolis commerces bien de chez nous, vive les grands espaces !
François Roux pour son quatrième roman ne lésine pas sur les images classiques made in US. Tout y est ou presque : les pick-ups, les armes à portée de main, Dieu dans tous les discours, la vie façon "fureur de vivre", la country, Walmart, ... Mais pour faire plus actuel, il y rajoute, les dernières élections présidentielles qui verront un sale type blond pointer son nez,  le pétrole de schiste sensé donner une vraie autonomie énergétique au pays ( et aussi rapporter beaucoup d'argent à pas mal de sociétés et quelques salariés). Voilà pour la toile de fond devant laquelle deux familles vont vivre mais aussi se fissurer, à l'image des sous-sols poreux que des explosions successives rendent certes source de profit mais sans que vienne la question des conséquences. D'un côté nous suivrons Joe et sa femme Sandy au cerveau déjà un peu fêlé mais qui ont su profiter de cette nouvelle manne pétrolière pour s'enrichir et de l'autre Karen, agricultrice luttant contre une précarité rampante et sa fille Lisa, étudiante en écologie. A l'image d'un pays en train de se fracturer lors d'élections, d'un sous-sol tout aussi fracassé par la course au profit et d'êtres que la pollution autant de leur environnement que des têtes mène au bord de la rupture, le roman déploie une belle énergie.
Même s'il utilise tous les codes du grand roman américain, "Fracking" sait rester simple mais efficace, pour une lecture facile mêlant habilement romance et problèmes sociétaux. On sent la chaleur des étés torrides comme le grand froid de l'hiver. On compatit aux malheurs des uns, aux interrogations des autres et surtout il pose une intrigue menée vigoureusement  montrant que le combat écologique est loin d'être en phase avec l'économie, autant celle des groupes industriels que celle des êtres.  

jeudi 25 octobre 2018

Cold War de Pawel Pawlikowski


Pawel Pawlikowski a tourné un joli film. Noir et blanc classieux en format carré, images belles et léchées forment l'écrin parfait pour la belle histoire d'amour qu'il nous propose.
Rien de réellement original en apparence sauf que l'ensemble dégage une aura de film d'auteur, en grande partie due à sa sélection à Cannes et à l'obtention du prix de la mise en scène et par sa venue de Pologne. ( l'exotisme supposé étant à nuancer car ce long-métrage est coproduit surtout par la France et la Grande-Bretagne).
Bien sûr, une histoire d'amour se déroulant au temps de la guerre froide et chevauchant les époques ça pose son réalisateur. "Cold War" échappe à la lourdeur inhérente à ce genre de projet. En choisissant une narration linéaire de la vie de ses deux personnages sous la forme de pastilles évoquant les moments passionnés de leur histoire au détriment des ressorts les ayant provoqué, le film gagne en légèreté ( le spectateur habitué aux ellipses temporelles comble aisément les trous). Dans un maelström de musiques et de chansons variées, allant du folklore polonais jusqu'au rock'n roll,  soulignant souvent la situation des deux amants, nous sommes en empathie totale avec le couple,  magnifiquement caressé par une caméra qui traque le beau plan, la douce lumière qui mettra en valeur les corps, les visages mais également le moindre frémissement.
C'est beau, joliment fabriqué et pensé, agréable à regarder, émouvant et finalement court ( 1h27). Joanna Kulig, l'actrice principale ( à noter une jolie apparition de Jeanne Balibar) chante bien, danse bien, joue bien. Sa beauté crève l'écran. C'est la révélation du film et l'autre atout majeur pour prendre illico son billet.
On sort ravi d'avoir passé un beau moment mais avec la légère sensation que tout cela est peut être un poil trop joli pour toucher profondément... même si ici le caractère ultra photographié de l'ensemble s'avère bien plus pertinent que sur son précèdent film ( "Ida" et ses cornettes si jolies...).


mardi 23 octobre 2018

Le grand bain de Gilles Lellouche


Ces beaux mâles ( ?!) que vous apercevez sur l'affiche du film représentent l'espoir de notre cinéma national. Les professionnels ont décrété que le nouveau film de Gilles Lellouche, production française au casting rutilant,  possédait tous les attributs pouvant drainer un public nombreux dans les salles cet automne. Presse, télé, radio, tout le monde se pâme, essayant de susciter l'envie de faire illico son sac de piscine et de  foncer dans ce "grand bain", feel good movie où règne l'humour, l'empathie et la bienveillance autour de loosers qui vont relever tous les défis. J'ai donc moi aussi enfiler un slip de bain ( le même que ceux des acteurs sauf que le mien est vert) et suis allé tâter l'eau de ce grand bain. J'ai plongé et l'eau est bonne certes, mais ...comme dans toute piscine qui se respecte, sans plus. On y croise du beau monde, des stars aux corps exposés sans façon et qui n'ont rien à envier à ceux de baigneurs plus lambdas, qui s'invectivent avec talent et forment un groupe de ratés dont le destin sportif fera vibrer tous ceux qui aiment les premiers de cordée. Cette eau chlorée verra éclore de vrais winners, des bons français qui se remuent, traversent le bassin au lieu de rester assis à barboter les pieds dans l'eau et vont tout faire pour aller chercher une très improbable victoire. " Le grand bain" célèbre cette France qui doit se bouger le cul pour sortir du trou comme nous y incite la République en Nage.
Sauf que, même si l'on crawle plaisamment, nous ne sommes quand même que dans une piscine qui ressemble à beaucoup d'autres, notamment à ce complexe aquatique anglais qui a beaucoup rapporté, le " Full Monty". ( Je rassure les âmes sensibles, aucun acteur ne retire son slip de bain ! ). C'est charmant, toujours entre mecs ( les actrices évidemment jouent les utilités), mais cette resucée souffre d'un gros défaut : Le bassin est vraiment trop long ! Quelle idée de vouloir qu'il fasse 206 m(n) ! Habitué au bassin de 25, voire de 50 m, on s'essouffle, on lambine un peu en route, on perd de sa concentration et ce ne sont pas les quelques invectives drôles que se lancent de-ci de-là les baigneurs célèbres qui nous remettent vraiment dans la course. Alors, on s'arrête, on fait la planche, on regarde nager les autres, on se laisse porter par un courant gentillet mais pas énormément inspiré.
Inutile d'apporter des brassards pour plonger dans ce grand bain, ce n'est pas bien profond. Clinquant de l'extérieur, l'intérieur résonne comme toute piscine et l'eau n'y est ni meilleure, ni plus tentante.  Mais, en cette saison, une séance à la piscine peut être un plaisir simple...



lundi 22 octobre 2018

Le discours de Fabrice Caro


Salle des fêtes de Sablé sur Sarthe, lors du salon" Hé lisez donc !". Mr Eudes Dubreuil des Glantier, président de l'association du même nom : 

Chers amis, chers lecteurs, merci d'être venus si nombreux pour rencontrer et donc fêter la parution du second roman de Mr Fabrice Caro, que je salue avec révérence. Je ne peux que me féliciter qu'une oeuvre littéraire de presque 200 pages, sans aucune promotion dans la presse, ( le Fig Mag n'en a pas encore parlé !) attire une telle foule. Je constate donc qu'après toutes vos BD  ... si caustiques... vos fans sont prêts à faire des folies pour vous approcher et retrouver votre univers cinglant et/ou absurde qui fait votre succès.
Votre nouveau roman, me dit-on, inaugure une nouvelle collection de la vénérable maison Gallimard, gage de bon goût et donc synonyme de qualité...
Permettez-moi de remercier l'auteur d'avoir répondu présent à notre invitation ( Coup d'oeil vers Fabrice Caro, coincé derrière trois piles impressionnantes de son ouvrage, stylo en main, prêt pour son marathon de dédicaces), alors qu'il se remet à peine du départ de sa compagne Sonia, partie pour un gratteur de guitare au regard empli de souffrances intérieures et de romantisme... ( Fabrice Caro glisse un mot à l'oreille de l'orateur)... 
Oh pardon, c'est le sujet de votre roman ?! ... heu... oui... bien sûr Fabrice... mais vous arrivez bien d'un éprouvant dîner familial avec parents, soeur et futur beau-frère ? ... Non plus ?!...  C'est aussi l'autre thème de votre livre ? ... Oui, bien sûr... L'émotion de vous voir si près, me fait perdre la tête...
Bref, je ne dévoilerai rien de l'intrigue de ce dernier ouvrage, laissant les futurs lecteurs la découvrir. La rumeur, enfin mon fils Jean-Rodolphe ( dit JR), me dit que vous nous offrez un cocktail différent de vos oeuvres précédentes, préférant l'introspection comique empreinte d'un certain vague à l'âme. Cependant, vous continuez, semble-t-il, à labourer avec ironie le champ de la vie de couple.... rassurez-moi...homme/femme ? ... ( signe affirmatif de l'auteur) ... Bien ... tout en y rajoutant une touche acidulée et pleine de trouvailles réjouissantes autour de la glu qui imprègne les rapports familiaux... ( ici, un court silence, un petit tic nerveux de la main semble agiter le président, cette dernière phrase ouvrant soudain des perspectives embarrassantes). 
Je ne ferai pas barrière plus longtemps à vos admirateurs, vous laissant tout à eux. Je vous souhaite donc un vrai succès de librairie pour ce nouvel opus cette fois littéraire, que votre formidable et drôlatique inventivité soit encore une fois récompensée par de gros tirages ( et ainsi parvenir aux pages livres de mon journal préféré). Alors je vous laisse à vos lecteurs, votre "Discours" étant bien plus brillant que le mien !

vendredi 19 octobre 2018

The house that Jack Built de Lars von Trier

"The house that Jack Built"  ... qu'en dire ? Qu'en penser ? Est-ce un film gore ? Oui, si l'on en juge par les nombreux plans violents, non, car beaucoup trop parsemé de pastilles artys appelant à la rescousse, entre autres, Dante ou William Blake et donnant à l'ensemble un caractère puzzle démoniaque réfléchi. Est-ce donc un film intello? Oui car Lars von Trier continue de jouer avec ses spectateurs, avec les critiques, en les malmenant, en leur agitant sa cape de cinéaste joueur brodée de multiples pistes parfois déroutantes. En 2h30 de meurtres en gros plans, d'égorgements, de seins tranchés mais aussi de citations, de clins d'oeil, d'humour, de jeu distancié ou pas, le film de Lars von Trier ne laisse pas indifférent, mais plonge dans l'énigmatique à force de références à l'histoire, aux grandes figures littéraires et cinématographiques mais aussi à lui même. En s'y émergeant, on peut y lire beaucoup de choses si l'on connaît son cinéma, sa vie, sa personnalité. Le personnage de Jack Built n'est-il pas un auto portrait du réalisateur avec son envie de faire de ses crimes ( films?) de l'art, mais aussi avec ses TOC ( Lars en est paraît-il bourré) et son toujours présent désir de faire exploser le cinéma classique ? Et nous spectateurs, forcément voyeurs, ne sommes-nous pas représentés par Uma Thurman, incitatrice à passer à la violence ( et très référencée dans l'univers du film violent suite à ses participations chez Tarantino) ? Matt Dillon ( impressionnant) est-il un double du réalisateur à la folie argumentée et réfléchie ou la part cachée de notre inhumanité ?
Foutraque, bancal, dérangeant, magnifique parfois ( la dernière partie), cynique, impressionnant, chiant, horrifique, et donc, questionnant ( pour un public pour qui réfléchir est aussi un divertissement) , "The house that Jack Built" défie le spectateur ( comme toujours chez le réalisateur danois), flatte peut être sa part voyeuse et sadique ( comme souvent) et le laisse au bout de 2h30 épuisé et perplexe, ne sachant que penser de ce portrait halluciné d'un tueur en série. Un film complexe, aux pistes multiples, pour public averti et/ou furieusement intello.


jeudi 18 octobre 2018

Chien-Loup de Serge Joncour



A la suite de bourgeois parisiens décidant de passer leur mois d'août dans une maison ultra isolée du Lot ( isolée, en 2018 c'est sans wifi et sans réseau pour les portables), le lecteur plonge avec délice dans le onzième roman de Serge Joncour. Sans un style remarquable mais avec l'efficacité d'un très faiseur, on sent tout de même que l'on tient là un bon roman grand public, bien troussé, surtout qu'à l'intrigue contemporaine, vient s'intercaler une deuxième se déroulant en 1914 au moment de la déclaration de la Grande Guerre. On sent tout de suite que ces deux histoires vont classiquement résonner l'une avec l'autre. Tandis que tous les hommes sont envoyés au front, l'arrivée dans ce hameau perdu d'un dompteur allemand fuyant les combats et désirant se mettre à l'abri pour sauver ses lions et ses tigres qu'il installe dans une ferme reculée, va créer l'événement. Alors que le couple bourgeois découvre sa location, effrayant l'homme qui s'inquiète vraiment d'être coupé du monde puisque son portable ne capte rien mais ravissant sa compagne éprise de sérénité et de silence, la première partie s'achève, l'histoire joliment posée.
Et puis, patatras, tout s'écroule ! Serge Joncour ne sait plus quoi faire de ses personnages. En 2017, les parisiens errent dans la nature en compagnie d'un chien-loup qui s'accroche à leurs basques. Cette partie pourrait se résumer par cet aphorisme ayant déjà beaucoup servi : " L'homme est un loup pour l'homme.", ici traité sans panache, en multipliant les clichés et des symboliques qui pourraient faire leur effet, si elles n'étaient pas inlassablement répétées jusqu'à en devenir lourdaudes ( à croire que  pour Serge Joncour, le lecteur a déjà le cerveau ramolli par l'usage immodéré de son smartphone). Et ce n'est pas la partie 1914/1915 qui ravive l'ensemble, pouvant se résumer par : " La femme est l'avenir de l'homme". Le travail effectué par les femmes, leur courage, leur abnégation alors que leurs hommes ou fils servent de chair à canon, hommage sincère et  juste, nous est hélas aussi ressassé jusqu'à plus soif et accompagné par les mêmes clichés pesant des tonnes ( les rugissements des fauves du dompteur symbolisant le désir sexuel grondant dans le ventre  de ces femmes esseulées entre autres). Le roman patine donc autour de ces deux pôles qu'accompagnent aussi deux héroïnes totalement tendances puisque végétarienne pour l'une, voguant vers le végan pour l'autre. Une troisième partie, trop rapidement troussée et prévisible clôture cette histoire poussive.
Nous laisserons donc nos bourgeois tout heureux d'avoir retrouvé le bonheur dans les prés et, une fois le livre refermé, la possibilité, pour nous lecteurs, de nous diriger vers une littérature plus inspirée et plus consistante.

dimanche 14 octobre 2018

La vraie vie de Adeline Dieudonné


Que serait la littérature contemporaine sans la famille, celle composée d'un papa et d'une maman et du produit de leurs coïts non protégés? Pas grand chose à en croire la déferlante continuelle de romans s'ingéniant à décrire les horreurs de cet attelage voulu par nos sociétés. Beaucoup de rejetons nous content leurs déboires face à une mère ( au choix ou tous à la fois) foldingue, tyrannique, violeuse ( heu... nettement moins dans ce thème là, encore tabou) ou un père violent, alcoolo, violeur. A eux seuls ces récits accumulés nous apparaissent comme un plaidoyer pour chercher un autre modèle d'élevage des enfants. Ce sujet donc inépuisable, pourrait finir par être lassant mais, grâce au talent de certain(e)s auteur(e)s, parvient à nous procurer encore quelques plaisirs de lecture. Ce premier roman d'Adeline Dieudonné, auxquels les critiques ne tarissent pas d'éloges, déjà couronné de quelques prix, caracolant en tête des meilleures ventes, pourrait être suspect de certains maux bien courants dans notre civilisation marchande : copinage, excellent travail d'attaché(e)s de presse, écriture fabriquée pour plaire, ...
Force est de reconnaître que non. Dès les premières pages, le lecteur plonge dans une enfance vécue dans une zone pavillonnaire banale, voire sinistre, avec une jeune narratrice de 10 ans, aussi pétillante que lucide quant à sa situation, le tout emballé avec une écriture fluide qui sait aussi bien mener une intrigue à son terme que se jouer des pièges d'une narration enfantine moultes fois utilisée pour son côté frais et innocent. Dès le premier chapitre, le charme opère car , et c'est le plus de ce roman, Adeline Dieudonné a su créer un véritable univers, un magnifique et goûteux cocktail où se mélangent parfaitement enfance, animaux empaillés, éveil à la sexualité, crème chantilly fatale ( oui, vous lisez bien...fatale !), père monstrueux, mère amibe, et résilience. Durant cinq grandes vacances scolaires de tous les dangers ( mais aussi de toutes les découvertes), la jeune narratrice vivra dans la peur mais aussi dans l'absolue volonté de transformer le monde, le tout baigné par la lumière de l'été qui rend les corps libres et l'humeur quand même plus joyeuse.
" La vraie vie"  se lit d'une traite, avec un bonheur parfait,  tant l'écriture et le texte s'avèrent maîtrisés. Le mélange entre humour et violence se marie merveilleusement bien, faisant de ce premier roman une pépite accessible à tous ( avec, peut être quelques scènes ou idées dérangeantes, mais c'est parfois ce sel là, bien utilisé, qui fait les bons romans).

samedi 13 octobre 2018

Le chemisier de Bastien Vivès


Une jeune femme, Séverine,  après un baby-sitting où rôde la gastro entérite, se retrouve devoir enfiler un chemisier en soie de marque. Très vite, elle se rendra compte qu'elle se sent plus forte et plus belle quand elle le porte et que le regard des autres sur sa personne s'en trouve transformé aussi, suscitant un désir érotique certain...
Très vite, on pense au "Déclic"  de Manara, mais très vite aussi on s'apercevra que le but de Bastien Vivès est ailleurs ( même si l'érotisme pur et dur le titille sacré depuis quelques albums). Où ? C'est plus difficile à cerner. Séverine est étudiante et vit avec Arnaud. Le jeune couple apparaît très contemporain. La passion charnelle ( si elle a existé) semble déjà appartenir au passé, remplacée par les jeux vidéos, les plaisirs de l'informatique et les séries sur Netflix. Dans cet ennui, le chemisier en soie procure comme un déclic dans la tête de Séverine. Il la révèle, la rend plus forte, désirante et désirable. L'album la suit dans cette plongée dans un monde soudain plus sensuel. Sans multiplier les aventures de son héroïne ( ce qu'aurait fait un Manara), Bastien Vivès laisse planer une vraie sensualité dans son récit, rendue encore plus présente par un dessin toujours aussi expressif dans un certain minimalisme et  qui joue avec finesse de toutes les nuances de gris. L'atmosphère ainsi créée enveloppe bien le lecteur qui dévore l'album.
Mais d'où vient ce très léger sentiment de déception par rapport à l'habitude ? Sans doute, en comparaison de ses précédents romans graphiques, à l'apparente légèreté de l'histoire, avec moins de ressorts fortement psychologiques comme dans "Polina"  et " Une soeur"  mais surtout par la rapidité de la lecture de ces plus de 200 pages qui passent finalement trop vite. Oui, on en aurait voulu plus ! ( quel affreux consommateur insatiable ce lecteur !).
Loin du mauvais esprit de croire que cette BD a été commandée par l'industrie textile haut de gamme ( avec un vêtement de grande marque, bien coupé vous serez plus belle et plus  attirante), " Le chemisier" reste quand même de la belle ouvrage qui sait exciter la lecture et ...le lecteur.
PS 1 : Oui, plus il avance en âge, plus Bastien Vivès aime dessiner des gros seins... et des gros sexes.
PS 2 : Total soutien à l'auteur quant à ses démêlés avec une frange soit disant bien pensante de nos concitoyens voulant censurer une autre de ses productions ( "Petit Paul" ), ignorant que l'humour outrancier a bien le droit d'être pornographique. Par expérience, ce sont aussi ceux qui crient au loup qui possèdent des arrières-cuisines bien moins ragoutantes que celles des auteurs de cette littérature.


vendredi 12 octobre 2018

Girl de Lukas Dhont


Lara, quinze ans, intègre une grande école de danse belge. Malheureusement pour elle, jamais elle n'a appris la technique des pointes. Elle devra redoubler d'efforts dans une discipline déjà très dure pour parvenir à rester au niveau et surtout pouvoir passer la période de huit semaines d'essai. Parallèlement à ce travail harassant, elle a débuté un processus pour changer de sexe pour que le garçon qu'elle est, devienne une vraie fille.
Le véritable grand sujet de ce premier film n'est pas le dur apprentissage de la danse classique à un haut niveau, mais bien le changement de sexe. Pour mieux se concentrer sur le portrait psychologique de cette jeune fille pour qui les modifications corporelles inévitables qu'apporte l'adolescence prennent ici une ampleur toute autre, le film, sans omettre les difficultés rencontrées par Lara, a la bonne idée de nous éviter les problèmes familiaux que l'on peut rencontrer dans ce genre de parcours. Lara, vit avec son père et son petit frère ( exit la mère... partie ? décédée ? on ne saura pas) et tout se passe avec intelligence, écoute et douceur. Le père est un formidable accompagnateur, attentif,  présent et vraiment en accord avec la décision de sa fille. Bien sûr, rien n'est facile, rien ne le sera. La caméra de Lukas Dhont, toujours à la bonne place, sans jamais aucun voyeurisme, ausculte au plus profond cette psyché en perpétuel mouvement. Le réalisateur nous donne à ressentir autant la détermination, l'impatience de Lara à devenir une femme que les douleurs, les gènes, les hontes qu'elle endure face à une société pas encore bienveillante. Sans jamais surligner, dans une palette de couleurs franches, le film passionne et émeut. Si on peut juste reprocher au film  quelques trop nombreuses scènes de danse ( ok , on a compris que Lara bosse comme une dingue), peut être pour justifier la présence au générique du grand chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui ( même si les pirouettes, pas de bourrée et autres entrechats ne sont pas réellement filmés puisque la caméra reste principalement sur le visage de l'acteur), on ne pourra pas rester de marbre devant l'interprétation exceptionnelle du jeune Victor Polster qui joue la jeune fille. A 15 ans, c'est un virtuose du jeu ( et de la danse, même sur des pointes) et son prix d'interprétation à "Un certain regard " à Cannes est amplement mérité. Et puis on ne peut que louer l'intelligence de " Girl", au scénario parfaitement maîtrisé qui emplit le film de multiples pistes psychologiques pertinentes et passionnantes et lui donne un petit côté chef d'oeuvre.
" Girl", par son absolue finesse, par son regard sans faille, par sa réalisation loin de toute caricature, par son formidable casting et  par sa Caméra d'or incontestable ( Lukas Dhont devient d'ors et déjà un réalisateur à suivre de très près) est un film qu'il faut découvrir absolument.


jeudi 11 octobre 2018

Cooper, un guerrier à Hollywood de Florent Silloray


Cooper/Hollywood, d'emblée on pense que cet album sera un biopic de Gary ( Cooper)... Mais diable que vient faire King Kong sur la couverture ? Evidemment, il s'agit d'un autre Cooper, Merian C. pour être précis, moins connu à priori sauf qu'il est le réalisateur du célébrissime film ( le premier ) mettant en scène ce gorille géant avec son complice Ernest B. Shoedsack. Le récit dessiné qu'en fait Florent Silloray nous apprendra que la création de King Kong n'est qu'une goutte d'eau dans ce que fut sa vie, un mélange d'aventures, de génie de la finance et de l'invention, mené sans crainte, sans honte et très froidement...
Première surprise à la lecture de cette biographie, son caractère ultra-classique surprend. Après quelques très belles planches d'une jeune journaliste se rendant à Coronado Island en Californie à la rencontre de Cooper, suit le récit de sa vie, conté par lui-même, que l'auteur illustre dans des tons gris sur fond sépia. Cette narration sera parfois interrompue par quelques cases revenant sur la journaliste posant juste une ou deux questions, ou faisant une petite remarque ou sur le réalisateur. Tout nous est donc proposé selon le point de vue de Cooper. Ce classicisme, qu'au départ on pense bien facile et peu créatif, se révèle au fur et à mesure tout à fait adapté à ce récit d'une vie absolument fascinante. Cooper a été ce que l'on peut appeler un vrai aventurier. Après une carrière militaire dans l'aviation et des combats lors de la première guerre mondiale, il visitera le monde, ira à la rencontre de tribus inconnues et en tirera, d'abord des documentaires puis des fictions dont les indigènes filmés se souviendront longtemps des sévices qu'ils subissent pour la prétendue bonne cause de l'art cinématographique. Le personnage apparaît donc sous un jour plus que contrasté, surtout qu'après King Kong et d'autres exploits en avion durant la deuxième guerre mondiale, il continuera sa route en chef d'entreprise impitoyable en étant l'un des créateurs de la compagnie aérienne Panam mais aussi l'un des acteurs ultra influent du maccarthysme. Peu de remords ou de regrets chez cet homme qui se cache derrière cette formule : " C'était une autre époque...".
En alignant simplement les grandes lignes de cette vie hors norme, en posant juste des illustrations toutes empreintes d'un regard cinématographique qui fait mouche, mais sans jamais surligner ou laisser apparaître un point de vue, Florent Silloray place le lecteur face à cet homme et jugera donc ce personnage selon sa propre subjectivité, sans doute entre étonnement et admiration pour une vie aussi trépidante, dangereuse et bien remplie mais aussi avec une certaine répulsion face à cet être dur, pétri de certitudes et de son bon droit de citoyen supérieur parce que américain.
"Cooper, un guerrier à Hollywood " , une fois la lecture terminée, se révèle un bel album dont les magnifiques illustrations accompagnent à merveille la vie d'un homme surprenant, courageux mais quand même détestable.





mercredi 10 octobre 2018

Voyez comme on danse de Michel Blanc


Seize ans après " Embrassez qui vous voudrez", fort du petit succès de son adaptation du roman anglais de Joseph Connolly, Michel Blanc reprend les personnages pour inventer une suite à leurs histoires bien déjantées. A l'époque, le film s'était avéré plutôt décevant par rapport au roman mais qu'importe, le cinéma actuel se nourrit beaucoup des (bonnes?) vieilles recettes. Quelques comédiens ont accepté de reprendre leurs personnages ( Karin Viard, Charlotte Rampling, Jacques Dutronc, Carole Bouquet), Michel Blanc a concocté une histoire assez banale pour ne pas dire démodée et vogue la galère...
Seize ans après, tout le monde a pris un coup de vieux, du metteur en scène aux comédiens. Seize ans après, le monde a changé et le point de départ du film,  la grossesse de la fille de 17 ans de Véro, laisse sceptique quant à son originalité, voire sa contemporanéité. Certes Michel Blanc a truffé ses dialogues de mots d'aujourd'hui pour faire branchouille, et si même si parfois ceux-ci apparaissent pétillants, la plupart tombent dans l'indifférence générale, car cette comédie cumule les défauts. En plus de situations convenues ( en gros les amants et les maîtresses, sujet neuf jamais traité dans la comédie ), de personnages bien genrés ( la bourgeoise, la bio, la malchanceuse, le benêt, ...) repris par des comédiens dont c'est le fond de commerce, le film manque singulièrement de rythme. Si Karin Viard, survoltée, explose dans toutes ses scènes, le reste de la troupe est sous Lexomil et apparaît bien fade. Ce décalage est accentué par une mise en scène paresseuse et un montage poussif. Du coup, on regarde cela sans entrain, guettant l'apparition de Karin Viard qui n'arrive hélas à ne réveiller aucun de ses partenaires. Le dernier tiers, complètement raté niveau scénario, réussit à sombrer dans un conformisme qui ne ravira que le public plus âgé ou le plus conservateur.
Encore une fois, la comédie française continue à aligner des productions stéréotypées, mal fichues et plus que convenues...Mais quand cela s'arrêtera-t-il ?




mardi 9 octobre 2018

Les morts de Christian Kracht


Avec un titre pas vraiment vendeur, "Les morts", si on le résume, n'a rien d'un roman morbide ou nécrophile ou sanglant. Il se déroule au début des années 30, dans deux pays visant un certain expansionnisme pas des plus démocratique : l'Allemagne et le Japon. L'esprit guerrier de l'époque ne se focalisait pas uniquement sur des territoires ou des ethnies, mais sur la domination culturelle. Ainsi, pour lutter contre l'impérialisme cinématographique américain, les dirigeants des deux pays décident d'unir leurs forces, et leurs deniers, pour tourner une superproduction pouvant à la fois damer le pion à ce que l'on n'appelait pas encore des blockbusters mais également servir de propagande pour leurs visées à tendances fascisantes. Les fonds et la réalisation seront allemands et l'oeuvre tournée au Japon. Comme la plupart des grands cinéastes allemands ( Murnau, Fritz Lang, ...), finauds, ont déjà pris le chemin de l'exil, le choix se porte sur un certain Emil Nägeli, cinéaste suisse allemand, auteur d'un seul film remarqué et à la personnalité un peu fade. Cela tombe bien pour lui, sa fiancée, un brin délurée, vit justement au Japon...
Contée ainsi, cette trame laisse augurer un roman engagé sur des bases apparemment classiques et s'inscrit sans problème dans ce courant actuel d'ouvrages romanesques situés dans ces années 30 qui rappellent tellement notre époque actuelle. A la lecture, l'ensemble s'avère nettement plus déroutant.
Divisé en trois parties, le roman débute par une scène d'hara kiri filmée secrètement ...dont on n'entendra plus parler. Puis, l'auteur s'attarde sur l'enfance assez rude des deux personnages principaux pour finalement dérouler son histoire de film dans une deuxième partie qui mêlera personnages fictifs avec d'autres plus réels ( comme Charlie Chaplin en tournée au Japon). Jamais réellement linéaire, le récit prend le temps de baguenauder, avec de courts chapitres qui pourraient parfois être des nouvelles, vaguement humoristiques mais aussi tragiques. Certaines phrases, une peu emberlificotées ( et je ne pense pas que ce soit un problème de traduction) rendent l'ensemble un peu obscur, voire maniéré. On oscille entre légère parodie, ironie, drame, trame politico/historique et réflexion sur l'art sans jamais percevoir le réel enjeu de l'ensemble.
Certes, on compte quelques morts dans ce roman, mais l'essentiel n'est pas là mais plutôt dans la création d'une fausse anecdote historique, pas inintéressante mais un brin déconcertante. 

samedi 6 octobre 2018

Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu


Dans la course aux prix littéraires, très ouverte cette année grâce à l'absence des pointures habituelles, après le dégonflage très rapide du pudding de Maylis de Kérangal ou de l'impossible décollage pour cause de platitude du dernier Christine Angot et avec l'apparition dans toutes les premières listes de primo romanciers, difficile de donner des pronostics quant aux futurs gagnants. Et puis dans ces listes est apparu  "Leurs enfants après eux" de Nicolas Mathieu. Pas vraiment balisé, cet auteur a soudain fait une apparition fulgurante ces quinze derniers jours dans la presse, accumulant critiques dithyrambiques et portraits flatteurs. Sa présence confirmée dans la deuxième liste des Goncourt, lui donne soudain une visibilité encore plus grande. Pas vraiment certain de gagner LE prix qu'il faut, handicapé par son éditeur Actes Sud, déjà gagnant l'an passé, " Sans connivence" a décidé de passer cet outsider à son banc d'essai et de donner une réponse forcément subjective à cette question : " Leurs enfants après eux" est-il vraiment un grand roman français ?

Qui est Nicolas Mathieu ? 

Après un premier roman paru chez Actes Noirs ( " Aux animaux la guerre" , un polar donc...), remarqué par la critique et surtout par la société Europacorp qui a acheté les droits pour une adaptation télévisée (diffusion est prévue en novembre prochain ), le voilà dès son second roman propulsé dans la classe littérature de son éditeur.

Quel est le genre du roman ? 

Si la presse parle avec emphase d'une grande fresque sociale, même d'un nouveau Zola ( rien moins...), le terme de roman de société va comme un gant à cette chronique adolescente dans les années 90. On peut aussi parler de roman d'apprentissage tant le parcours des jeunes héros que l'auteur dépeint, se révèle emblématique de cette période.

Que raconte ce roman ? 

Le lecteur s'accrochera aux basques de quelques jeunes durant quatre étés, ceux de 1992, 1994, 1996, 1998. au travers de leur ennui chronique, de leurs amours hésitantes, de leurs dérives dans une ville sinistrée industriellement de l'est de la France, apparaît aussi  en second plan une peinture précise et pertinente d'une société ballottée par un libéralisme galopant se débattant comme elle peut pour un futur meilleur.

Le roman est-il un chef d'oeuvre ? 

Chef d'oeuvre est un bien grand mot, mais dans le contexte actuel où n'importe quel roman un tant soit peu bien écrit et osant sortir de l'ornière nombriliste du récit bourgeois, alliant soit une mère folle, un père alcoolo, violent ou des amours compliquées avec Audi A5  filant vers La Baule ( ou les trois voire plus...) , on peut dire que oui... ou tout du moins un très bon livre.
Il faut bien le reconnaître, "Leurs enfants après eux" , en plus de réellement ancrer ses personnages dans un contexte social formidablement bien décrit, nous offre une très belle écriture facile d'accès ( avec des dialogues crus, réels et aux accents réellement véridiques), ainsiqu'une remarquable évocation des différents milieux sociaux de cette région en proie à la désindustrialisation. Avec un regard juste, jamais condescendant, Nicolas Mathieu réussit avec brio à rendre l'ennui de ses jeunes passionnant. A la fois historien à la plume légère, géographe pertinent de ces petites villes cernées de centre commerciaux, sociologue au regard acéré sur les moeurs adolescentes et sur les évolutions de la société, il se révèle aussi un écrivain vraiment doué.

Verdict 

Excellent rapport qualité/prix ( Goncourt ?)
425 pages pour 21.80 euros, vous ne trouverez pas mieux au rayon nouveauté cette rentrée, surtout pour un grand roman social parfaitement abouti. 

vendredi 5 octobre 2018

Le bijoux de famille de Laurent Spielvogel


Laurent Spielvogel aime les chanteuses âgées ou décédées. Ainsi, Marlène Dietrich surgit à l'ouverture de la reprise de son dernier spectacle "Les bijoux de famille" au théâtre de l'Archipel à Paris. Une étole, une paire d'escarpins pailletés, un play-back et une bouche expressive suffisent à faire revivre la star avec ce côté kitsch des cabarets de travestis. Plus tard viendra une très réussie évocation de deux autres divas, Barbara et Sylvie Vartan, dans un hilarant échange de répertoire.
Si le spectacle rend quelques hommages par-ci par-là, Laurent Spielvogel évoque surtout sa vie, son enfance dans une famille juive conservatrice, déboussolée par un fils qu'elle aura du mal à marier traditionnellement mais aussi par leur quartier du Marais qui voit les petits commerces se changer en bars et dont l'installation de balancelles en cuir et chaînes dans leur sous-sol ne manque pas de l'étonner ...( plus drôle sans doute que les marques de luxe qui ont désormais renvoyé ces lieux de rencontres très conviviaux au rayon des souvenirs). Du coup, l'humour ( l'humeur ?) de Laurent Spielvogel  se tourne vers le Marais dont il connaît tous les coins et lui donne l'opportunité d'épingler  quelques travers d'une communauté gay drapée dans pas mal de clichés.
Seul, en noir sur une petite scène noire, l'acteur se livre crânement face à un public qui rit franchement ( un peu trop si j'en juge par la réaction agacée d'une spectatrice qui a intimé à un voisin de rire moins fort !!!). Le spectacle, bien écrit, joué avec le recul humoristique que donnent les souvenirs personnels artistiquement digérés, pâtit un tout petit peu d'une mise en scène manquant de fluidité, faisant parfois passer le spectacle pour une succession de sketches. Cependant, juif ou pas, gay ou pas, on passe une soirée agréable en compagnie d'un comédien mordant.