Dans la course aux prix littéraires, très ouverte cette année grâce à l'absence des pointures habituelles, après le dégonflage très rapide du pudding de Maylis de Kérangal ou de l'impossible décollage pour cause de platitude du dernier Christine Angot et avec l'apparition dans toutes les premières listes de primo romanciers, difficile de donner des pronostics quant aux futurs gagnants. Et puis dans ces listes est apparu "Leurs enfants après eux" de Nicolas Mathieu. Pas vraiment balisé, cet auteur a soudain fait une apparition fulgurante ces quinze derniers jours dans la presse, accumulant critiques dithyrambiques et portraits flatteurs. Sa présence confirmée dans la deuxième liste des Goncourt, lui donne soudain une visibilité encore plus grande. Pas vraiment certain de gagner LE prix qu'il faut, handicapé par son éditeur Actes Sud, déjà gagnant l'an passé, " Sans connivence" a décidé de passer cet outsider à son banc d'essai et de donner une réponse forcément subjective à cette question : " Leurs enfants après eux" est-il vraiment un grand roman français ?
Qui est Nicolas Mathieu ?
Après un premier roman paru chez Actes Noirs ( " Aux animaux la guerre" , un polar donc...), remarqué par la critique et surtout par la société Europacorp qui a acheté les droits pour une adaptation télévisée (diffusion est prévue en novembre prochain ), le voilà dès son second roman propulsé dans la classe littérature de son éditeur.
Quel est le genre du roman ?
Si la presse parle avec emphase d'une grande fresque sociale, même d'un nouveau Zola ( rien moins...), le terme de roman de société va comme un gant à cette chronique adolescente dans les années 90. On peut aussi parler de roman d'apprentissage tant le parcours des jeunes héros que l'auteur dépeint, se révèle emblématique de cette période.
Que raconte ce roman ?
Le lecteur s'accrochera aux basques de quelques jeunes durant quatre étés, ceux de 1992, 1994, 1996, 1998. au travers de leur ennui chronique, de leurs amours hésitantes, de leurs dérives dans une ville sinistrée industriellement de l'est de la France, apparaît aussi en second plan une peinture précise et pertinente d'une société ballottée par un libéralisme galopant se débattant comme elle peut pour un futur meilleur.
Le roman est-il un chef d'oeuvre ?
Chef d'oeuvre est un bien grand mot, mais dans le contexte actuel où n'importe quel roman un tant soit peu bien écrit et osant sortir de l'ornière nombriliste du récit bourgeois, alliant soit une mère folle, un père alcoolo, violent ou des amours compliquées avec Audi A5 filant vers La Baule ( ou les trois voire plus...) , on peut dire que oui... ou tout du moins un très bon livre.
Il faut bien le reconnaître, "Leurs enfants après eux" , en plus de réellement ancrer ses personnages dans un contexte social formidablement bien décrit, nous offre une très belle écriture facile d'accès ( avec des dialogues crus, réels et aux accents réellement véridiques), ainsiqu'une remarquable évocation des différents milieux sociaux de cette région en proie à la désindustrialisation. Avec un regard juste, jamais condescendant, Nicolas Mathieu réussit avec brio à rendre l'ennui de ses jeunes passionnant. A la fois historien à la plume légère, géographe pertinent de ces petites villes cernées de centre commerciaux, sociologue au regard acéré sur les moeurs adolescentes et sur les évolutions de la société, il se révèle aussi un écrivain vraiment doué.
Verdict
Excellent rapport qualité/prix ( Goncourt ?)
425 pages pour 21.80 euros, vous ne trouverez pas mieux au rayon nouveauté cette rentrée, surtout pour un grand roman social parfaitement abouti.
Trois ados qui pour moi se dirigent tout droit vers un tiercé gagnant!
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