dimanche 30 juin 2019

Si loin, si proches de Françoise Bourdin


Dans le monde de la littérature romanesque française grand public, apparaissent ces dernières années de nouvelles pousses ( Martin-Lugan, Grimaldi, Valognes, Colombani, ...) dont la qualité littéraire est inversement proportionnelle à leurs tirages, repoussant sur le bas-côté des plus anciennes ( Pancol, Ledig, Boissard, ...) qui n'avaient pourtant pas démérité. Résistant au tourbillon de ce renouvellement naturel, Françoise Bourdin continue à rester un des auteurs français les plus vendus. Aurait-elle un secret que ces malheureuses consoeurs ne possèdent pas ? "Si loin, si proches", son nouveau roman nous en révèle peut-être la teneur. 
Sous une couverture animalière ( bien vu ! à l'époque de la disparition d'espèces animales), au joli design bleuté, se cache en fait la suite de "Gran Paradiso" précédent ouvrage ( qui sort opportunément en poche avec force affichage dans les gares). Pas de panique, cette deuxième partie se lit de façon tout à fait autonome. En très bonne professionnelle, Françoise Bourdin nous plonge sans faillir au coeur de son intrigue située dans une réserve animalière jurassienne. On rencontre Lorenzo, le créateur de ce que l'on n'appelle plus zoo, italien d'origine, beau cela va sans dire, trentenaire ( là où animalité et séduction sont au zénith) et...célibataire! On sent la proie à donzelles... qui sont assez absentes du domaine puisqu'on n'y trouve qu'une future cheffe des soigneurs... mariée. Il y a bien Julia, sa vétérinaire, connue et aimée lors de leurs études communes, mais dont les amours ont été enterrées faute aux incessants voyages de Lorenzo à travers le monde. Cependant, si l'on y regarde de plus près, ces deux là, rêvent de remettre le couvert. Mais leurs caractères taiseux et un poil orgueilleux, les contraint au silence, chacun se morfondant dans sa chambrette après le coucher des lions et autres guépards. Et ce n'est pas ce soudain voyage du beau mâle dans une réserve africaine qui va resserrer les liens, surtout que là-bas, une splendide métisse rêve de goûter aux délices sensuels qu'exhale Lorenzo...
Cette intrigue assez banale n'empêche pas le lecteur, quel qu'il soit, de tourner les pages. Certes nous sommes dans un romanesque conventionnel, mais là où ses jeunes consoeurs se contentent d'aligner banalités psychologiques, dialogues pseudo drôles et intrigues ultra-formatées qui ne sortent jamais du rail bien tracé, Françoise Bourdin, avec un réel talent de conteuse, multiplie les petites histoires autour des animaux, nous fait voyager au Kenya, introduit une possible maîtresse métisse, un personnage gay, un discours écolo ( bon, disons de défense des réserves animalières sensées protéger la diversité des espèces animales) et des rapports humains un peu moins caricaturaux ( sans aller jusqu'au complexe toutefois). Soixantenaire peut être, mais vraiment dans son époque ( pas dans un réel neuneu comme ses jeunes consoeurs) et surtout ayant une plume simple mais habile, imagée et sans faille, on peut dire que l'auteure de "Si loin, si proches" renvoie au vestiaire sa jeune concurrence ( on pourrait dire au lycée puisqu'elles ont toutes une écriture de collégiennes). Bien sûr, le dernier tiers du roman emprunte le chemin très balisé du happy end qui renvoie son roman dans le bac romanesque pour dame, comme s'il fallait  à tout prix rassurer ou conforter son lectorat. Dommage car, il y avait matière à ébouriffer un peu tout ça, notamment avec le personnage de la jeune métisse...  

mercredi 19 juin 2019

Nos trente ans de Arthur Dreyfus


La nouvelle production d'Arthur Dreyfus s'achète sous format audio, démontrant que les jeunes auteurs connaissent les us et les coutumes de leurs ( jeunes) contemporains et savent bien que se cantonner uniquement au livre risque de les priver d'un certain lectorat ( ici en version auditeur). 
"Nos trente ans"  peut surprendre par sa longueur, presque six heures,  mais  " Couleurs de l'incendie" c'est 14h 10, donc pour un "livre" audio, c'est court ! La particularité de celui-ci est qu'il a été écrit et conçu uniquement pour l'écoute. Six trentenaires vont réagir à un thème lancé par l'auteur lui-même qui joue une sorte d'intervieweur. Il va recueillir leurs confidences sur des sujets aussi banals que l'amour, le travail, le futur, la politique, la vie, la mort, ... Les différents commentaires vont s'alterner. On reconnaît et repère d'emblée la voix d'Anaïs Demoustier, celle plus grave d'une prof de français revenu de tout et surtout de l'amour ainsi que celle un peu typée d'un fils d'immigré marocain. Les autres protagonistes, possédant un timbre un peu moins identifiable ( oui même Elodie Frégé !), résistent longtemps à l'identification, d'où un certain flottement pour les resituer lorsqu'ils interviennent. Chacun a un point de vue , une vie, un parcours différent. Parfois ils se croiseront dans leur ville ( Lyon), auront une relation mais sans qu'il y ait réellement une trame romanesque. 
On entend bien ce qu'Arthur Dreyfus a voulu faire : le portrait d'une génération, urbaine, scotchée aux écrans, éprise de vitesse donc très vite de lassitude, jonglant avec une modernité qui leur brûle les doigts. Cela aurait pu être intéressant, intelligent, poignant, rentre dedans, c'est juste plat et un poil agaçant. On a l'impression d'être assis dans un café du commerce et d'entendre tout un flot de banalités, de clichés, d'idées prémâchée par les médias. Peut être que l'auteur, bien plus mordant et pertinent dans ses romans, a-t-il voulu restituer ( pour de futurs sociologues ? )  le vide intérieur de toute une génération, cette faculté à s'approprier raccourcis et lieux communs ? Si c'est le cas, c'est gagné car aucune platitude ne manque et du coup on imagine un futur bien sombre car certains d'entre eux se reproduisent ! Parfois, on peut être accroché par une remarque, une réflexion, mais l'ensemble ne décolle guère, ne surprend jamais. Pire, au final, on ne s'attache à aucun personnage, tous plus inconsistants les uns que les autres. 
Sitôt écouté, sitôt oublié... Telle pourrait être la pub pour ce livre audio, mais je ne suis pas certain qu'avec un tel slogan, je sois embauché chez Audible, branche d'Amazon! 
PS : Ayant deux fois trente ans, peut être ne suis-je pas l'auditeur cible ? Peut être suis-je jaloux de cette jeunesse ? Qui sait ? 
Merci au site BABELIO d'avoir essayé de me donner un coup de jeune, espérant que ce "livre" audio aurait un effet liftant sur ma personne ! 

mardi 18 juin 2019

Dîner à Montréal de Philippe Besson


A peine plus de quatre mois après "Un certain Paul Darrigrand", voici déjà la suite, confirmant le filon autobiographique pris par Philippe Besson. Ne frise-t-on pas l'overdose? L'auteur a-t-il besoin d'argent ? A-t-on vraiment envie de retrouver Paul Darrigrand ? Questions légitimes qui peuvent freiner certains lecteurs ... mais qui s'effacent dès les premières pages lues. 
Pas besoin de connaître l'épisode précédent, on plonge sans problème dans l'histoire. 18 ans après une intense liaison , au hasard d'une dédicace au Canada, Paul et Philippe se revoient. Ce dernier propose un dîner au restaurant. Et nous voilà très vite à table avec les deux anciens amants, accompagnés, qui de son épouse Isabelle pour Paul, qui de son nouvel jeune amant pour Philippe, chacun connaissant parfaitement les liens qui les réunissent ce soir là. 
Relater ce repas aurait pu apparaître convenu, lourdingue, théâtral ou redondant mais devient sous la plume vraiment habile de Philippe Besson passionnant. En premier plan se dresse bien sûr l'intrigue amoureuse entre les deux hommes, dont l'ancienne relation et la rupture brutale qui l'a achevée, a laissé quelques cicatrices pas complètement refermées, ravivées avec ce presque face à face. Sous le regard d'une épouse loin d'être dupe et d'un jeune amant tout aussi attentif, le repas alterne des moments de civilité ordinaire que l'interprétation des gestes, des mots, des regards par le narrateur Philippe sort de son apparente banalité et de climax fiévreux, joutes oratoires à quatre mais surtout à deux ( merci les fumeurs!) qui chercheront à s'emparer coûte que coûte de la vérité d'un attachement soigneusement enfoui. Une spéléologie du sentiment amoureux intense! 
Mais d'autres strates donnent à ce roman un supplément d'âme. On y trouve, en creux, une analyse sociologique aiguë d'un repas mettant en scène une sorte de bourgeoisie contemporaine, ou les us et les coutumes sont décortiqués sans concession. 
Et puis, enfoui dans tout cela, il y a le doute qui prend le lecteur, doute insidieusement entretenu par l'auteur qui joue avec nous. Cette veine autobiographique qu'égrène Philippe Besson depuis quelques livres semble dévoiler des pans de sa vie autant que les coulisses de la fabrication de ses romans. De prime abord réservés à ses fidèles lecteurs, ces annotations, par ailleurs pertinentes même pour quelqu'un qui ne l'a jamais lu, finissent par intriguer. Certes elles se réfèrent à des éléments bien réels, existants, mais sont subrepticement accompagnées de remarques autour de l'invention romanesque et de l'énorme capacité à mentir qui habite Philippe Besson ( c'est même le titre d'un de ces ouvrages). Et donc, le doute naît. Et si Paul Darrigrand ( ou son original ) n'avait jamais existé ? Et si Philippe Besson n'arrêtait pas de jouer avec le faux et le vrai pour mieux nous raconter des histoires ? C'est le propre du romancier non ? Et si cet aspect apparemment sincère n'était que pur imaginaire ? Il est agréable d'entretenir ce petit mystère qu'il arrive à faire courir entre ses lignes, rendant le roman encore plus fascinant. 
Quoiqu'il en soit, on retrouve le Philippe Besson des grands jours,  talentueux conteur qui nous livre cette petite musique délicate de phrases simples mais profondes. S'inviter à son "Dîner à Montréal" est un réel plaisir. Et comme tout bon roman, il nous tient jusqu'au bout, concluant magnifiquement  par un petit SMS tout simple qui nous bouleverse. Du grand art ! 

lundi 17 juin 2019

Cher corps de Léa Bordier


La génération You Tube a encore frappé. Non contente de tailler des croupières aux sitcoms formatées de la télévision, de proposer une travail critique plus original ( dans la forme ), la voilà qui s'attaque à la bande dessinée.
Jusqu'à présent, ce sont surtout les blogueur-gueuses qui avaient réussi à percer dans ce secteur ( Pénélope Bagieu en tête), mais le succès de certaines chaînes YouTube donnent des ambitions. Ainsi, Léa Bordier, à la tête de petites vidéos millionnaires en vues, bien conçues et tournant autour de femmes parlant de leur corps, prolonge son activité en adaptant certains témoignages en bande dessinée. Douze femmes d'âges divers répondent à une unique question : " Comment définirais-tu ton rapport au corps, aujourd'hui? ". Douze dessinatrices se sont attablées pour mettre en images leurs propos. Douze histoires, douze graphismes différents, douze points de vue pour douze sensations parlantes dont le but sera le partage d'expériences, douze récits pudiques et sincères.
Les thèmes abordés ne sont pas tous d'une folle originalité, parce que labourés depuis un certain temps dans les médias ( même si la vestibulodynie, 1 femme sur 10 touchée par cette hyper-inflammation des tissus à l'entrée du vagin, n'a pas bénéficié de hauts-parleurs comme pour l'endométriose), cependant leur réunion possède une force militante et surtout aidante pour toutes celles qui doutent, souffrent dans leur coin. Le plus de cette compilation dessinée reste la richesse et la variété des illustrations, ces façons personnelles, sincères et vraiment inspirées qu'ont eu les auteures de s'emparer de ces histoires, offrant à certaines, plus communes, un véritable lustre artistique.
" Cher corps" ne s'adresse pas qu'aux femmes ( et surtout aux jeunes filles, jeunes femmes, celles qui sont en proie aux doutes et aux silences dans une société qui n'aime qu'à montrer des corps amaigris, soi-disant épanouis), les hommes y trouveront aussi de quoi enrichir leur regard face à l'autre sexe. Et l'on se prend à rêver du même ouvrage face au corps masculin, qui lui aussi peut générer  doutes, peurs et angoisses chez son propriétaire. Mais autant les femmes ont su s'emparer de leur corps, le mettre en paroles sur la place publique, autant les hommes continuent de le taire sauf pour glorifier une pseudo virilité souvent bien factice.



dimanche 16 juin 2019

Carnets clandestins de Nicolas Giacobone


Nicolas Giacobone a collaboré plusieurs fois avec le réalisateur mexicain Gonzalès Inarritu en tant que scénariste notamment ( hélas pas dans "Le revenant"). Son premier roman suscite une certaine curiosité car plaçant deux personnages leur ressemblant peut être, dans une situation qui peut apparaître comme singulière. Santiago Salvatierra ( Inarritu? ) considéré comme le metteur en scène de cinéma le plus talentueux d'Amérique du sud enferme un certain Pablo Betances ( Giacobone?) dans la cave de sa villa perdue au fin fond de l'Argentine dans le but de lui faire écrire le scénario de ce qui devra être un chef d'oeuvre du cinéma mondial. Cette étrange collaboration durera de nombreuses années...
Publié chez Sonatine, ce roman n'est pas un thriller malgré cette cave, utilisée par de nombreux auteurs du genre ( Jonquet, Lemaître, Walters, ...) voire ce thème de l'écriture qui peut évoquer "Misery" de Stephen King. Ce ( presque) huis-clos, composé de carnets écrits en cachette ( d'où le titre) explore autant le travail d'écriture, les influences des maîtres de la littérature que les aléas d'une vie enfermée. Si l'on perçoit une certaine folie gagner l'esprit de ce pauvre Pablo face à la tâche obligatoire de fournir des scènes magnifiques au sein d'un scénario dont aura décortiqué les moindres rouages, on ne peut dire qu'une énorme tension règne. Les évocations de James Joyce, d'Aristote, des Beatles, de Borges ou du film "Amadeus" , si elles aident le narrateur à survivre, mettent surtout le suspens à distance, et placent ce roman ailleurs, comme si, l'auteur voulait lui aussi faire un roman qui bouleverserait le monde de la littérature. 
Les amateurs de polar, qui auront trouvé l'ouvrage au rayon polar, éditeur oblige, seront vite décontenancés. Peut être seront-ils intéressés par la direction originale que prend le roman, tant dans sa forme d'écriture de moins en moins conventionnelle au fil des pages que par son propos aux multiples entrées ( critique du milieu du cinéma, des fausses valeurs du 7ème art comme d'une société moderne, et au-delà, réflexion autour de la création, du talent, du pouvoir). Pas certain. Il faut quasiment faire le deuil d'une intrigue laissée au deuxième plan au profit d'un propos, assez virtuose,  jouant avec la narration, la mise en page et la psychologie d'un narrateur déroutant. Et même si Nicolas Giacobone parvient dans la dernière partie à insuffler un certain mystère, cette envie d'originalité et de profondeur dans une intrigue présentée comme à suspens, dilue son propos, le lecteur se trouvant pris le cul entre deux chaises : l'essai littéraire ou le polar. Aucun des deux ne fonctionnant vraiment, il ne reste que l'originalité qui peut engendrer une certaine curiosité ou au pire, un succès snobinard. 

mercredi 12 juin 2019

Avec Bacon de Franck Maubert



Souvent face à l'art moderne, on n'a pas toujours les codes, les clefs pour décrypter les oeuvres ( et ce ne sont pas les cartels apposés par des commissaires d'exposition épris de verbiage aussi abscons qu'élitiste qui aident les visiteurs néophytes). Voici, un petit ouvrage par le format ( plus petit qu'un livre de poche) et par la pagination ( 140 pages) dont la lecture va vous éclairer sur le génie d'un des maîtres de la peinture du siècle dernier. Petite explication sur le titre pour certains lecteurs de Virginie G. ou d'Agnès M.L. , le BACON du titre est bien d'origine anglaise mais il ne s'agit nullement de ces petites tranches de porc fumé si délicieuses au breakfast, ni du philosophe  mais bien du peintre Francis Bacon. Donc, inutile de se lécher les babines (quoique), ce n'est en aucun cas une compilation de recettes de cuisine avec bacon mais bien d'éclairage artistique dont il sera question !
Franck Maubert, journaliste spécialisé dans l'art a éprouvé, dès qu'il a approché l'oeuvre de Francis Bacon, une véritable fascination pour ses tableaux. Et chance pour lui, à plusieurs reprises, il passé des moments avec ce peintre à la personnalité aussi forte que sa peinture. Avec délicatesse mais précision, ses rencontres nous sont relatées dans le détail, cernant surtout l'homme privé, ses rapports avec le monde environnant, le lieu où il vit, son rapport à son art et à la gloire. Subtilement, il glisse dans sa narration quelques éléments biographiques qui ouvrent ainsi des fenêtres, des portes, pour une réelle compréhension de cette oeuvre magistrale. C'est vraiment pédagogique, dans le meilleur sens du terme, tellement ici on apprend avec plaisir et facilité.  
Eclairé par une belle écriture simple qui passe par une pointe d'humour mais où l'émotion n'est jamais absente, "Avec Bacon" apparaît comme un petit bijou, qui mieux qu'un long ouvrage, nous fait comprendre, apprécier un artiste et surtout une oeuvre qui peut dérouter. Ah si toutes publications autour de la peinture pouvaient être aussi éclairantes !


 Trois études pour une crucifixion  Francis Bacon 



lundi 10 juin 2019

Egarer la tristesse de Marion McGuiness

Avec un chat ( comme dans le roman), c'est plus mignon!

Editeur encore sous le giron familial, et longtemps spécialisé dans le livre documentaire, Eyrolles depuis quelques années a fait une incursion remarquée dans le roman ...qui fait du bien ( pour prendre un thème actuel). Ainsi, le roman de Raphaëlle Giordano "Ta deuxième vie commence quand tu comprends que tu n'en as qu'une "  a fait un carton et la collection s'est dotée ensuite de titres à rallonge comme "N'attends pas que les orages passent et apprends à danser sous la pluie" ou  ( si, si, c'est vrai) "La vie a parfois un goût de ristretto". Toujours un peu curieux ( et sans doute pas encore vacciné après les lectures des oeuvrettes de Mme Martin-Lugand ou Mme Grimaldi), j'ai décidé de me plonger dans une de leur dernières productions, au titre plus court et plus beau : " Egarer la tristesse", premier roman de Marion McGuiness qui a déjà un nom dans l'édition pour avoir fait publier quelques ouvrages autour de la grossesse et du maternage. 
Bilan: rien de neuf dans une littérature, oups pardon, dans un produit ciblé pour des lectrices ayant besoin d'être cajolées. Une femme célibataire rencontre un homme qu'elle déteste d'un premier regard et qui finira malgré tout dans ses bras.  On connaît l'histoire ! Bien sûr, on trouvera quelques originalités à la marge. 
L'héroïne d'abord. Elise n'est pas une belle célibataire acoquinée avec un fiancé falot ( mais jamais phallo), mais une veuve inconsolable pourvue d'un enfant en bas âge. Pas facile de se recaser avec un bébé vagissant et toujours collé à sa mère, d'autant plus que son deuil insurmontable la laisse négligée, le sein ( allaitant) tombant autant que la fesse, le cheveu gras et la mine défraîchie. Ceci dit, elle n'a aucunement la tête à chasser le mâle, elle aurait tendance à le fuir. Détail qui a son importance, surtout dans un genre qui doit remonter le moral au lecteur ( lectrice? ), Elise est à l'abri du besoin, ce qui, avouons le, nous ôte une belle épine du pied car si en plus de son veuvage il fallait qu'elle se coltine un quotidien entre les courses chez Lidl et la vie infernale dans un deux pièces mal insonorisé, cela aurait été...plus intéressant. Mais non, notre donzelle habite un bel appartement à Paris au-dessous de chez une charmante mamie dénommée Manou. ( Dans les romans qui caressent le lecteur ( la lectrice?) dans le sens du poil, les mamies sont toujours adorables....et riches comme ici. Cette mamie a un petit fils, beau, grand, bronzé , souriant qu'Elise fusille du regard dans l'ascenseur lors de l'un de ses passages. Malgré cela, il est tout de suite attiré par cette femme pourtant décrite comme plus qu'insignifiante. Mais que voulez-vous, lui, au moins, il sait voir au-delà des apparences la beauté intérieure et du premier coup d'oeil ! Pas comme tous ces beaux mecs dans la rue...
Je ne raconte pas la fin... 
Le roman fait trois-cents pages. Trois-cents pages de bons sentiments, de ressassements de tristesse suite à la mort du mari, de petites touches d'humour ( genre sitcom télé) et de rebondissements faits pour rapprocher les deux héros, à base de jolie maison au bord de mer, de voisine hyper gentille mais ayant un passé douloureux, d'araignée dans une salle de bain ou d'enfant se perdant dans une fête aux produits du terroir. C'est gentil, reconnaissons une description du deuil pas inintéressante qui touchera sans doute un certain lectorat  qui ne veut surtout pas être un poil bousculé, mais qu'est-ce que je me suis rasé ! Même les deux méchantes du roman ( car il en faut) sont un ramassis de clichés. On a la vilaine maman de l'héroïne, bourgeoise égoïste et l'ex fiancée du beau mâle, belle et inconséquemment bouchée. Rien d'ébouriffant, rien pour casser un peu le ronron d'une histoire ultra formatée et bien anodine. 
Conclusion : rien de nouveau dans l'édition de roman qui fait du bien. On me répondra que je devais quand même m'en douter, tant le succès désarmant de ce secteur qui nous inonde de livres sans aucune écriture et sans autre ambition que de faire tinter les tiroirs-caisses, laisse pantois.
Merci au site Babelio ( bien courageux) de m'avoir fait découvrir ce roman...


vendredi 7 juin 2019

1 million de pages vues ! Bilan du blog.


Ca s'est passé dans la nuit du 6 au 7 juin 2019, mon compteur de blog a franchi le cap du million de pages vues. Ce nombre rond apporte un sentiment d'importance très fugace quand on le rapporte à  un univers où les clics  se comptent plutôt en milliards. Mais qu'importe, il me plaît de signaler ce mini événement très personnel et de profiter de cette occasion pour dresser un petit bilan de mon blog qui n'intéresse pas grand monde à part moi.
Quelques chiffres d'abord ( oui, j'aime lire, aller au cinéma, mais je trouve aux chiffres une certaine poésie) :
Le blog s'est posé sur la toile le 14 août 2011, avec un article bien timide, en parfaite inadéquation avec la suite, autour d'une exposition du peintre Stéphane Pencréac'h ( 347 visites ). Depuis 1492 avis ont été publiés avec des fortunes diverses mais une moyenne de 670 visites par billet. Le plus gros score revenant à un énorme succès de l'édition ( c'est bien connu, le succès appelle le succès) "La vérité sur l'affaire Harry Québert"  avec 7582 visites, et le plus bas au film "Habemus Papam" de Nanni Moretti avec 57 visites... Avec ce billet si peu vu, je vais de ce pas appliquer une théorie qui selon les conseils que l'on peut glaner ici ou là va attirer les internautes : y glisser des mots, des expressions qui attirent, à savoir du vocabulaire autour du sexe ( gros seins, sexe en érection, ...) et je verrai si son audience remonte.
A ce propos, quand je regarde avec quels mots clefs de recherche on atterrit sur mon blog, je reste un peu pantois. Dans la liste fournie par la plate forme qui héberge " Sans connivence", arrive en tête : " Claude Gensac lesbienne" ! Etonnant non ? Surtout que la seule fois où j'ai mentionné cette actrice dont la vie sexuelle m'importe peu, c'était pour un des ces derniers films " Elle s'en va" d'Emmanuelle Bercot et l'on n'y parlait pas de sexe. Suivent " Putes au Havre" ( peut être que le film de Kaurismaki...) , " fin du monde" ( une BD chroniquée porte ce titre) et " Claude Gensac homosexuelle" ( décidément ! ). Et je me demande si le fait de le citer ici ne va pas augmenter le flux vers le blob des curieux des pratiques sexuelles de cette partenaire de choix de Louis de Funés ! Notons aussi que l'on peut venir sur " sans connivence" après avoir tapé ( au hasard parmi des centaines d'expressions diverses et variées) " Ma tante est court vêtue" ou " Danseuses poids lourds Alger" ou " Donnez-moi des sexes" ou " Mé keskeussé ke sa"  ( celui-ci pour signaler que Google se moque de l'orthographe)  sans que je puisse bien saisir le cheminement des moteurs de recherche  pour conduire ces amateurs de sexe ou de questionnements existentiels chez moi.
Je sais bien par contre qu'un million de pages vues, ne veut pas dire un million d'articles lus ! Quand, dans la nuit, cherchant un vague émoi sexuel, on tape " sodomie" sur Google et que l'on arrive sur un billet parlant du dernier roman d'un illustre inconnu, on zappe en une seconde. Alors si un quart de ces visites avaient donné lieu à un court moment de lecture, je serai très content. Je sais quand même que quelques fidèles me lisent assez régulièrement, et je les salue avec respect ( et leur dédie ce billet). Je sais aussi que d'autres, m'envoient régulièrement de petites insultes, n'aimant pas mon obstination à fustiger de temps en temps toutes les religions, que d'accortes commerçantes russes se ruent sur mes avis de romans ou de films parlant de la Russie pour m'envoyer ensuite leur catalogue de jolies créatures slaves qui feront des épouses parfaites pour moi, que certains jeunes gens sur les bancs des écoles pompent parfois un billet pour passer plus de temps sur leur Play Station, que des attaché(e)s de presse spécialisé(e)s web sont parfois attiré(e)s par ma prose.... Ah, là je fais une halte et parlons un peu de mes rapports avec ces personnes ...
Quand j'ai débuté mon blog, qui était un peu pensé comme un journal personnel mettant en mot mes impressions sur ce que je voyais ou lisais, je ne m'attendais à rien. Mais très vite, disons après 3 ou  4 mois de publications régulières, j'ai été contacté par des maisons d'édition, me proposant de m'envoyer tel ou tel roman avec un billet en échange. Ca fait plaisir ( chic, lire gratos, une aubaine !), on reçoit, on lit, on écrit. Donc, j'ai accepté quelques envois qui, chance, n'étaient pas des mauvais livres. Au fil des mois, les sollicitations augmentent ( ils se passent les adresses?) jusqu'à, ce le fut le cas pour une maison d'édition, de m'offrir la possibilité de choisir ce que je voulais dans une liste de leurs parutions. Chez les éditeurs, ils n'attendent qu'une chose : un bon retour enthousiaste. La tentation du billet énamouré est grande chez un blogueur ( qui,  pour la lecture, le roman, est très souvent une blogueuse), il n'a pas envie de couper le filon. Seulement, mon blog s'appelle "Sans connivence"... Quand je tombe sur un bouquin ( un film, une BD, ...) qui ne me plaît pas, je le dis ! Et ça , les attaché(e)s de presse, ils, elles n'aiment pas ! Très vite, ils, elles ont senti que j'étais un vieux grincheux qui n'acceptait pas de passer n'importe quel plat. Et la manne s'est vite arrêtée. Je n'étais pas le petit laquais bien gentil au service de l'industrie du livre, celui qui aime tout et n'importe quoi, pourvu qu'il continue à recevoir des livres ou être invité à rencontrer des auteurs ou à la présentation des nouveautés. Si vous vous promenez dans les blogs dits littéraires,  règne une atmosphère de béatitude, de superlatifs, de reprise de quatrième de couverture. Peu nombreux sont ceux, celles  qui émettent des réserves sur  tel ou tel titre ou qui donnent un avis réel. Virginie Grimaldi ou Paul Auster, c'est pour eux la même chose ! C'est écrit sur du papier, c'est (surtout) offert, donc, c'est formidaaable! ( Ce qui explique aussi un peu le succès de la première, bien plus facile à lire et donc à chroniquer que le second). Les éditeurs ont vite compris comment mettre à leur service cette petite blogosphère...
Malgré tout, je lis quand même beaucoup de nouveautés, que parfois j'achète ou pas, que l'on me prête ou que je lis pour une bibliothèque. Je suis donc parfaitement libre d'en dire ce que je veux ( à tort ou à raison) et je continuerai à ne pas m'en priver, à balancer sur la toile des avis pas toujours relus ( ce n'est pas bien mais je suis fainéant parfois) et à garder mon libre arbitre, toujours, toujours sans connivence !  

jeudi 6 juin 2019

L'autre continent de Romain Cogitore


Une femme...non pas chabadabada ... part pour Taïwan. Elle laisse à Paris au moins trois amants auquel elle passe faire un dernier bisou. Cette scène d'introduction ravit. Enfin une héroïne qui sort des clichés habituels ! Là-bas, elle trouvera d'autres bras masculins, d'autres corps mais rencontrera un homme .... toujours pas chabadabada... qui l'intriguera. Parce que lui, aussi attirant soit-il, reste... sobre sexuellement. Il ne couche pas le premier soir, ni même le deuxième ! Homosexuel ? Non du tout. Juste qu'il doit faire deux heures de mandarin le soir pour consolider la langue et puis, il se lève tôt le matin pour aller bosser. Alors les galipettes, ce n'est pas possible ! Bravo pour cette présentation des personnages un peu décalés ! Ca change ! La suite, le sera un peu moins, car, ils vont s'aimer ( enfin!) et l'on aura droit à de jolies scènes de complicités amoureuses. Mais la vie, cette chienne, leur réserve un sort peu enviable. 
Le film avec un scénario un peu ténu, suivra leur  trajectoire mais hésitera entre le drame poignant et un regard sans jugement sur une femme qui conservera une certaine frontalité un peu égoïste. La partie mélo, bien qu'illustrée avec des instants oniriques, peine à réellement convaincre, n'arrivant pas à rester dans la tonalité du début, s'embarquant sur des rails trop balisés. Il faudra attendre le dernier tiers pour retrouver ce côté grinçant, son allure politiquement incorrecte. Sans que jamais le réalisateur prenne partie, nous serons confrontés aux dilemmes d'une femme qui voit l'homme qu'elle a aimé s'enfoncer dans une vie qui la rebute et voit son amour s'éteindre alors que la société lui envoie cette injonction muette du devoir d'épouse. Et ça, c'est bien réussi !
Film un peu bancal, peut être un poil trop esthétisant par moment sans que cela apporte grand chose, "L'autre continent" mérite le détour car bousculant quand même un peu le spectateur en lui proposant un questionnement subtil sur le comportement d'un personnage principal féminin comme on en voit peu à l'écran. Et rien pour ça, on prend son billet ! 




mercredi 5 juin 2019

Parasite de Bong Joon-Ho


Que rajouter à ce torrent de louanges, ces tresses interminables de lauriers, à cette palme d'or ? Rien...ou presque, car tout est vrai. On peut dire que le réalisateur coréen a réalisé un film parfait ( pour l'époque) qui, chose rare, rassemblera pour une fois critiques et public et redorera au passage l'image des gagnants de Cannes souvent associés à un cinéma intello, rasoir et/ou élitiste. 
Bong Joon-Ho réussit le mariage de la carpe et du lapin, à savoir proposer une histoire de 2h12 ( la longueur d'un bon film intello) qui se regardera sans ennui grâce à un scénario habile et aux multiples rebondissements et dans laquelle il arrive à glisser sans que cela soit pesant ou redondant, une multitude d'éléments signifiants, politiques, philosophiques qui plaira à un public avisé et cinéphile. A cela, vous ajouter une mise en scène extrêmement élégante, virtuose, jouant avec talent, autant de la froide géométrie de la  maison d'architecte habitée par les riches héros que de l'entresol miteux dans lequel se terre les autres personnages pauvres mais rendu cinématographiquement attrayant par une caméra inspirée, livrant une quantité de plans remarquables et imprimant à jamais notre rétine, et vous obtenez le film le plus emballant vu depuis longtemps. 
Dans le détail, on peut trouver que la première partie de "Parasite", véritable comédie grinçante, piquante, utilise quelques facilités scénaristiques pour introduire les pauvres chez les riches, mais le rythme donné ainsi que l'élégance du cadre balayent ces réticences, vite oubliées  quand celui-ci bascule vers une deuxième partie haletante, éblouissante, tout simplement extraordinaire. Sans jamais rien lâcher de son propos, ni de son envie de mener son histoire jusqu'au bout avec de nombreuses surprises, en amplifiant la beauté de ses plans, le film, emporte tout sur son passage, faisant vivre aux spectateurs, subjugués, un grand moment de cinéma. Suspens, humour ( noir, très noir), métaphores, violence ( attention aux âmes les plus sensibles... ) s'unissent pour nous offrir un final où tout un chacun pourra y puiser de cette substantifique moelle qui nourrira notre esprit bien après la projection. 
La thématique pauvre/riche, nouvelle pierre angulaire de nos sociétés ultra libérales, ingénieusement mise en scène ici, nous offre un film diablement malin, acide, n'épargnant personne et dont chacun tirera la morale qui l'arrange, de la confrontation inévitablement violente des deux camps à une ligne plus consensuelle ( induite par la conclusion du film) qui enjoint que, quand même, il faut essayer d'être riche. 
Sans tomber dans le débat philosopho/politique auquel "Parasite" nous engage, cette palme d'or possède tous les éléments pour en faire un grand succès populaire ( adulte ). Il serait idiot de bouder notre plaisir ! 





lundi 3 juin 2019

Le zoo de Rome de Pascal Janovjak



Une promenade au zoo ça vous dit encore à l'époque où le regard sur les animaux enfermés change radicalement ? Non ? Pas attiré par ces flamants roses attrayants placés juste à l'entrée pour leur couleur aussi apaisante qu'attirante ( et aux ailes coupées pour ne pas qu'ils s'envolent ...mais chut, cela ne se dit pas) ? On peut comprendre. Mais par contre, une certitude, la splendide couverture de ce roman de Pascal Janovjak doit vous inciter à découvrir ce qu'elle cache : un récit qu'on ne lâche pas !
Le roman fait un va-et-vient entre l'historique de ce zoo que tout touriste zappe allègrement tellement obnubilé par les fontaines, piazzas diverses et papauté enrobée, et un dernier rebondissement dans son existence chaotique, fable contemporaine placée à la fin des années 2000. Ou comment une variété de tamanoir en voie d'extinction va enflammer la foule, les réseaux sociaux et même Salman Rushdie ! 
Evitant avec talent tout didactisme, mais distillant au fil d'une narration enjouée et fleurant bon l'humour, la partie que l'on peut appeler "historique" passionne autant qu'elle informe. Bourrée d'anecdotes, sans doute vraies ( vérifier sur Wikipédia reste impossible, la fiche sur le zoo de Rome brille par sa concision, on ne pourra donc pas accuser cet auteur de copier l'encyclopédie en ligne comme tant d'autres!) , on se laisse entraîner dans ce décor diablement romanesque qui vit au gré des aléas de l'histoire, des guerres, des politiques, des modes et des idées. En filigrane, on ressent bien combien en plus d'un siècle notre regard a pu évoluer, et continue de changer face à ces animaux encagés. 
La partie contemporaine qui alterne avec ce passé que rien n'efface vraiment,  réussit l'amalgame d'une fable sociologique plutôt drolatique avec une histoire d'amour dont un des protagonistes, personnage mystérieux et attachant ( un poil modianesque), donne au récit une empreinte à la saveur nostalgique d'un très bel effet. 
Pascal Janovjak nous prouve qu'habiter Rome permet vraiment de trouver l'inspiration ( Ah! la villa Médicis!). Mettre en avant ce zoo qui n'a jamais brillé dans le firmament des parcs animaliers européens, peut passer pour une prouesse tellement le sujet apparaît peu vendeur. Mais dès que le lecteur se plonge dans les pages que couvre ce magnifique flamant rose, il est happé, non pas par un tigre affamé parce qu'imprudemment il a voulu passer une main pour le caresser, mais par les récits hautement romanesques d'un auteur à la plume aussi habile qu'inspirée. Un régal pour lire cet été !