dimanche 29 avril 2012

Desperate housewives, un plaisir coupable ? de Virginie Marcucci


Les très honorables et très sérieuses Presses Universitaires de France, autrement dit, PUF, inaugurent ce mois-ci une collection d'ouvrages consacrée aux séries télévisées américaines. Ces ouvrages ont pour objectif "d'analyser ces nouveaux objets culturels, de comprendre les raisons de leur prospérité et d'en apporter des clés de lecture".
Trois premiers essais ont déjà paru. Sont passés au crible des sociologues : "Les experts", " The practice" et "Desperate housewives" dont je viens de terminer la lecture.
Hé oui, comme plaisirs coupables, j'ai, en plus d'écouter Pascale Borel, celui de ne pas pouvoir me détacher de mon poste de télévision dès qu'apparaissent Susan, Bree, Lynette et Gabrielle, les héroïnes de cette série.
En lisant l'essai de Virginie Marcucci, je suis rassuré. Je ne suis pas un pervers, pas un homo refoulé et encore moins un horrible macho, je suis simplement la victime consentante d'une série admirablement pensée dans le but de faire un max d'audience. Normal, elle est destinée à une chaîne privée appartenant à  Disney. Dans ce monde là, tout doit être formaté pour rapporter le plus d'argent dans les caisses via la pub. Et pendant huit saisons, "Desperate housewives" a été une machine à cash. Et pas que pour la chaîne ABC. Le monde de l'édition y a trouvé son profit et même les sectes qui ont publié des manuels d'édification religieuse sous ce label, dans le but de récupérer des brebis désespérées dans leurs églises !
Le créateur, Marc Cherry, gay républicain (oui, ça existe, tout existe aux States), a tellement bien étudié le marché qu'il a réussi à créer une série qui plaise à tout le monde. Aux femmes bien sûr qui se reconnaissent dans les héroïnes bien typées et qui apprécient les beaux mâles, jouant souvent les utilités et que l'on aperçoit très souvent torses nus. Du coup, les gays jettent un oeil intéressé et les autres mecs peuvent rêver devant ces ménagères, peut être désespérées mais surtout pimpantes, minces, séduisantes et sexy.
Il n'y aurait que les féministes pour faire la fine bouche, et encore, pas toutes. Certaines reprochent à la série d'offrir en pâture le corps des femmes au regard masculin et que celles-ci ne parlent jamais d'avortement ni d'engagement politique et ne revendiquent jamais la moindre tentation féministe. D'autres par contre, y trouvent un certain féminisme dans le désir des héroïnes de ne pas vivre leur vie de ménagère de façon linéaire, prenant amants ou même maîtresse pour l'une d'entre elles.
Vous l'aurez compris, la lecture de ce petit essai, relativement court et facile à lire, même pour un non universitaire, fourmille de renseignements et analyse plaisamment cette série.
Si vous êtes fan, lisez-le, vous aurez ainsi de quoi répondre à tous ceux qui vous prennent pour un demeuré bon à passer ses soirées devant un soap de la pire espèce. Vous pourrez même afficher votre addiction dans les dîners en ville, éblouissant votre auditoire avec une analyse sérieuse et pointue tirée de ce petit précis télévisuel.
Moi, je retourne devant ma télé voir les épisodes de l'ultime saison (snifff!). Plaisir coupable ? Non plus maintenant, j'assume. Merci les PUF !

samedi 28 avril 2012

Moyennement amoureuse de Pascale Borel


En duo avec Valérie Lemercier : J'ai un mari 

L'événement de la semaine en matière de chanson est la sortie (enfin!) du nouvel album de Pascale Borel.
- Qui ça ? questionnez-vous
- Pascale Borel, vous dis-je !
Bon d'accord, elle ne passe jamais en radio et a du montrer son minois mutin une seule fois à la télé en 10 ans mais chez Michel Drucker et en duo avec Valérie Lemercier, excusez du peu.
Si vous avez regardé le clip ci-dessus jusqu'à la fin, vous y apprenez qu'elle avait eu un petit succès lorsqu'elle chantait en duo avec son mari sous le nom de Mikado.
Pascale Borel est une voix particulièrement attachante de la chanson française, une voix comme je les aime c'est à dire pas criarde, ne cherchant pas la performance comme une Adèle ou une Céline Dion, une voix sussurante et pour certains un rien niaiseuse. Et surtout, une voix et des chansons que l'on apprécie jusqu'au dixième degré.
Si vous faites une écoute distraite de ce nouvel album, vous pourrez vous demander si je ne suis pas tombé sur la tête pour faire l'article d'une telle niaiserie. A la seconde écoute, vous commencerez à percevoir le deuxième degré, une image de notre époque assez grinçante apparaît, donnant un caractère un  peu plus trempé à ces mélodies sucrées.
A la troisième écoute, on commence à s'apercevoir que finalement, ce côté sucré totalement assumé est finalement fort bien produit et arrangé. Le double, voire le triple sens des paroles commence à faire son effet.
A la quatrième écoute, on est vraiment fan et là, on perçoit derrière la légèreté, le zeste de gravité de ces textes qui amène une certaine émotion.

 Ces mélodies sirupeuses, accompagnées de cette voix suave sont parfaitement décalées, humoristiques, tendres. Pour moi, écouter Pascale Borel c'est comme manger des fraises Tagada ou du Nutella à la cuillère mais avec un avantage énorme, on peut en abuser sans risque pour la santé. Bien au contraire. Dans une chanson française standardisée, jouant les gros bras, singeant mal la pop anglaise, Pascale Borel, avec grand talent, apporte un peu de subversion et de douceur dans un monde qui manque de plus en plus de finesse.



Poisson rouge 

Les deux chansons, "j'ai un mari" et "poisson rouge" font partie de son nouvel album : Moyennement amoureuse. Pour en savoir plus et visualiser d'autres clips, rendez-vous sur son site  ICI

jeudi 26 avril 2012

Le prénom de Matthieu Delaporte et Alexandre de la Patellière


Et hop, encore une pièce de théâtre filmée, comme "Carnage" cet automne. Comble d'originalité, c'est à peu de choses près la même trame, le même règlement de compte. 
Si je compare les deux films, celui-ci est un rien plus drôle que celui de Polanski et réalisé de manière plus nerveuse. 
Attention, ce n'est pourtant pas un chef d'oeuvre mais on peut passer un agréable moment. 
Un couple de profs bobos reçoit pour dîner le frère de madame et sa nouvelle fiancée enceinte ainsi qu'un ami célibataire. La soirée va vite déraper suite à l'annonce du prénom du futur bébé, prénom qui choque énormément l'assistance. A la suite de ça tout va s'enchaîner de façon quasi mécanique, une révélation, une méchanceté en appelant une autre...
De cette pièce de boulevard au schéma ultra classique, les deux auteurs/réalisateurs essayent de donner un air cinématographique à une histoire se déroulant uniquement dans un salon. C'est assez rythmé, la réalisation a vraiment la pêche, entraînée par la dynamique des comédiens qui débitent un texte vachard avec délectation. 
Cependant pour vraiment apprécier ce film, il faut passer outre les nombreux clichés : le frère nouveau riche est inculte et vote forcément à droite, le prof gaucho est un modèle d'intello radin et lisant Télérama, l'ami musicien célibataire est vraisemblablement gay,... Il faudra aussi apprécier une brochette de comédiens bien au diapason mais cabotinant un peu trop, appuyant les effets comme s'ils jouaient pour les spectateurs perchés au poulailler. Et si vous avez vu la bande annonce, fort bien faite, ne soyez pas trop déçus, les meilleures répliques sont dedans.
Si vous arrivez à faire abstraction de tout cela, vous passerez un bon moment avec cette comédie grinçante , un peu aigre et sans s'ennuyer une seconde.
Les autres ne verront qu'un film français calibré grand public, sans grande originalité et qui pourra faire dans quelques mois une bonne soirée télé. Pour les plus anciens, cela aura un petit arrière goût d'"Au théâtre ce soir" pas déplaisant.

mercredi 25 avril 2012

Deuxième génération de Michel Kichka


Une BD sur la shoah, le souvenir de l'holocauste, les camps, Auschwitz, Buchenwald, ça vous dit ? Oh, non, encore une, non merci,  me direz-vous. Eh bien vous auriez tort de faire la fine bouche, car celle-ci est tout simplement formidable. 
Si vous observez la couverture, en noir et blanc, un camp de concentration en fond, vous apercevez tout de même le petit personnage en costume, marchant sur un calot de sinistre mémoire. C'est ce petit bonhomme qui fait toute la différence entre une habituelle évocation de la shoah et ce roman graphique qui restera dans votre bibliothèque. Ce personnage, avec son carton à dessins sous le bras, c'est l'auteur, Michel Kichka, né en Belgique et vivant dorénavant en Israël. Lui, il est né après guerre. Son père rescapé des camps l'a élevé, ainsi que ses frères et soeur, dans l'ombre de la shoah. L'ombre seulement, car, papa est un taiseux. Il ne raconte jamais les camps, les horreurs qu'il a vécu, les souffrances endurées, ni même sa judéité. Le jeune Michel ne peut qu'imaginer, fantasmer, recréer par rapport aux informations qu'il récolte. C'est le thème des deux premières parties de ce roman graphique qui en compte 4 plus un épilogue. C'est à la fois drôle, émouvant, porté par un dessin, proche de celui de Gotlib, qui donne à ces souvenirs une coloration inédite et particulièrement sincère. 
Les deux dernières parties, tout en gardant la même veine humoristique et graphique, ont un ton plus psychologique. Après le suicide de son jeune frère, l'auteur va s'intéresser de plus près à ce passé si lourd quand son père va s'en libérer en accompagnant des écoles à Auschwitz, contant aux jeunes par le détail les abominables années d'emprisonnement. Les rapports restent distants tout de même, le fils refusant d'accompagner le père lors de ses voyages ou de lire son livre de souvenirs. Se pose alors à Michel Kichka la question de cet oppressant passé qui s'immisce perpétuellement dans sa vie quotidienne. Qu'en faire ? Comment s'en libérer ? Comment vivre avec ?
Le résultat est ce superbe album. Inventif par sa mise en page, se permettant de jouer avec pertinence avec la grandeur des cases, il donne ainsi une parfaite illustration de ses souvenirs et une distance toujours juste. 
C'est un régal pour les yeux et pour l'esprit. C'est vif, mordant, un peu décalé jamais ennuyeux ou tire -larme même si l'émotion est constamment présente au détour d'un dessin, d'un détail parfois, d'une phrase. En fait c'est du grand art. Le sujet était casse gueule mais Michel Kichka, en créateur de génie, nous offre un album intelligent sur cette deuxième génération partagée entre oubli et devoir de mémoire.
A lire absolument !

mardi 24 avril 2012

La tête à Toto de Sandra Kollender


J'ai découvert récemment chez un éditeur que je ne connaissais pas, Steinkis, une collection intitulée "sans filtre". Elle publie "des textes courts et vécus, écrits sur le vif, souvent en une nuit, quand on en peut plus". C'est une jeune collection puisqu'elle n'a à ce jour que deux titres : "open bar" récit d'un alcoolique et "La tête à Toto" dont je vais vous dire deux mots.
Sandra, 24 ans, accouche de Noé, bébé aux très beaux yeux bleus et très sage. Imaginez, il fait ses nuits dès la première semaine ! Quand à 6 mois, il continue de dormir 20h/24, reste relativement inexpressif et ne tient toujours pas sa tête, la jeune mère consulte et le verdict tombe : l'enfant est atteint du syndrome de West, maladie de la famille de l'épilepsie provoquant des troubles cérébraux importants.
Si dans le livre la maladie n'est pas vraiment définie, elle est hautement handicapante. Commence alors pour les parents un parcours du combattant pour accéder aux soins appropriés, à l'école, à vivre en société.
Ce qui aurait pu être un chemin de croix larmoyant et plaintif devient, grâce à la plume de Sandra Kollender, un véritable cri d'espoir. Sans faux semblant, mais avec une pêche et un humour sidérant, ce texte raconte les médecins dépourvus de pédagogie et d'humanité, les directeurs d'école peu ou pas du tout accueillants ("Oui, je peux scolariser votre enfant mais pour pas le fatiguer, je vous propose une heure trente par semaine de 15h à 16 h30 le mardi..."), les spécialistes français hermétiques aux méthodes nouvelles. En bref, elle fait une radiographie parfaite de la prise en considération des enfants porteurs de handicap en France. Et je peux vous dire que la photo n'est pas bonne. Une honte même, malgré les beaux discours et les lois votées...
L'avantage pour Noé, c'est que sa maman est plutôt cultivée, aisée et qu'elle a pu lui faire profiter des lumières de spécialistes canadiens ou israéliens. En transportant son fils moultes fois au delà des mers, elle a réussi à le sortir de son mutisme, à le faire progresser et à l'éveiller un maximum. Elle écrit : "Noé est un enfant heureux. Enfin je crois. Enfin je crois que j'en suis sûre. " Ce sont les mots d'une victoire, les mots pour dire que le combat n'est peut être pas gagné mais qu'aujourd'hui, la mère et l'enfant peuvent vivre une relation intense et partagée, rendant la vie bien plus belle que celle que l'on avait pu imaginer lors du diagnostic. 
Vers la fin du livre, on trouve ces trois phrases qui résument bien le handicap et le combat de cette femme :
"Joie intense, frustration, joie intense, frustration, joie intense... Mon travail consiste à faire en sorte que la chaîne ne se termine jamais par une frustration.
Jusqu'ici j'ai bon."
"La tête à Toto est un document fort sur le handicap et l'état de sa prise en charge dans notre pays. Cependant grâce à une écriture sautillante et joyeuse et à un regard affûté, un vrai bonheur de lecture vous attend. A lire sans modération.




lundi 23 avril 2012

Les satellites d'Alexandre Franc et Claire de Gastold


La jeunesse de la vraie bourgeoisie parisienne s'ennuie grave. Elle a besoin de s'étourdir un peu la tête pour s'échapper du carcan du triangle Neuilly/Auteuil/Passy. C'est le cas d'Aurélien et Nicole, les deux héros de "Les satellites". Ils sont frères et soeur, étudiants, habitent dans un univers qui connaît mieux le lambris doré que les meubles Conforama. Ils sont un peu las, blasés. Nicole est vaguement amoureuse d'Henri parce qu'il est riche, porte costume et raie sur le côté. En fait, celui qu'elle aime, c'est Aurélien, son frère, d'une passion non dite et non consommée (bien sûr). Le jour où ce dernier annonce qu'il va rechercher une mère adoptive et qu'il la trouve via Libération, le journal aux "lectrices cultivées, tolérantes et ouvertes aux autres", la jalousie mêlée d'incompréhension va s'emparer de Nicole. 
Le thème de départ est intrigant et, on peut le dire, original. C'est bien sûr une drôle d'idée de rechercher une nouvelle mère quand on en a déjà une bien vivante, mais il faut bien que bourgeoisie s'encanaille. Et quand la nouvelle maman d'adoption s'avère relativement jeune (40 ans), riche (évidemment), jolie et consommatrice de fils adoptifs, l'histoire devient un peu plus ambigüe, mais pas pour très longtemps. 
Car, et c'est peut être la critique que je ferai à ce roman graphique, la dernière partie s'enlise un peu dans une relation tendue mais pas très intéressante dans laquelle interviennent un chauffeur belliqueux et un ancien adopté de la nouvelle mère. Ce marivaudage autour de la jalousie manque à mon avis d'un peu de piment. Mais cette jeunesse dorée, à l'apparence dessalée,  a-t-elle vraiment envie de se brûler les ailes ? Il semblerait que non, préférant un léger tremblement de l'échine au grand frisson de l'interdit.
De charme, cette BD n'en manque pourtant pas. Tout d'abord le scénario laisse la place, en toile de fond,  à une description minutieuse de la grande bourgeoisie. Rien ne manque, les meubles d'époque, les mamans à serre-têtes, les enfants confits par la religion, les codes surannés mais vivaces. C'est finement observé, toujours distillé par  touche légère. 
Pour sa première BD, Claire de Gastold  dans la lignée de ses consoeurs  Pénélope Bagieu, Aude Picault ou Lucie Durbiano, illustre avec talent cette histoire. Même si son trait est encore un peu raide, il s'accorde toutefois parfaitement à la légèreté de cette histoire. 
"Les satellites", des jeunes qui tournent dans l'espace en faisant des ronds dixit un personnage, est roman graphique tout à fait fréquentable (édité chez Gallimard tout de même !) qui saura intéresser tous les mordus d'histoires badines et aériennes.

dimanche 22 avril 2012

Nos vies désaccordées de Gaëlle Josse


Je l'avoue, je suis très embêté pour parler de ce livre. Texte relativement court (142 pages), écrit joliment, lecture agréable mais au final pas grand chose. Pourquoi ce sentiment de vide  alors que toute la blogosphère à l'air de se pâmer ?
Est-ce la faute à l'histoire ? 
Non, je ne pense pas, pas moins intéressante que beaucoup d'autres. François Vallier, pianiste de renommée internationale retrouve par hasard la trace de Sophie, femme avec qui il a partagé la vie deux années auparavant et qui a disparu lors d'un de ses déplacements. La famille de cette dernière ayant jugé bon de l'éloigner et de la placer dans un institut spécialisé. 
Un problème de construction peut être ?
Non plus. L'histoire donne par moment dans le flashback, mais rien de déstabilisant pour le lecteur. A la limite, les passages en italiques, genre poésie en prose à la fin des chapitres sont un peu lourds et m'ont semblé casser le rythme de lecture, mais sans pour autant donner envie de les zapper.
Les personnages peut être ?
Là, je ne dirai pas non. Gaëlle Josse s'est mise dans la peau du héros et, j'ai l'impression qu'elle l'a rendu assez antipathique. Le cher virtuose, toujours parti par monts et par vaux, répétant des jours et des nuits entières ses morceaux, un peu taiseux et doté en plus d'une jalousie maladive, ne donne pas forcément envie de partager ses jours à une femme normalement constituée sauf si elle a gagné la dévotion à la grande loterie des gênes. La femme de l'histoire a un peu le profil requis, très (trop) sensible, artiste torturée, elle sombre dans une folie d'où elle ne revient pas, écoutant inlassablement le même enregistrement de Schumann et peignant la même toile de 2 x2m soit en blanc soit en noir. 
Alors c'est quoi?
Impossible à dire. C'est encore la réaction d'un vieux macho qui ne comprend rien à la subtilité d'un roman ciselé et sensible. C'est vrai, j'ai regardé ces personnages de très loin, je ne me suis jamais senti concerné ni en apathie avec eux. Le thème "je quitte tout pour elle" m'a semblé très excessif car je n'ai jamais ressenti un soupçon d'amour de la part du héros pour Sophie qu'il a soit disant dans la peau. Trop égocentré à mon avis. Quant à elle, vu l'état dans lequel elle se trouve, chose bourrée de médocs et totalement coupée du monde, j'ai eu du mal à l'imaginer un tant soit peu désirable. Mais l'amour est aveugle comme moi mauvais lecteur au coeur de pierre. 
Une chose est sûre : ceux qui ont aimé le livre vont poster des commentaires incendiaires (tant pis pour moi). Quant à ceux qui n'ont pas lu le nouveau Gaëlle Josse, je les encourage à se dépêcher de le dévorer puis de se défouler sur mon blog pour dire combien je ne comprends rien à la littérature de sentiments ou, peut être me réconforter dans mon manque de sensibilité....


samedi 21 avril 2012

L'enfant d'en haut d'Ursula Meier


Une question me taraude après la vision de ce film : aurait-il eu le même accueil critique s'il était sorti au mois d'octobre, moment de l'année où déferlent tous les bons films de Cannes et tous ceux que les producteurs espèrent amortir grâce aux premiers froids qui poussent les spectateurs dans les salles ?
J'en suis loin d'être sûr. Mais que voulez-vous, nous sommes mi-avril, Cannes vient d'annoncer sa sélection et les distributeurs vident leurs étagères de tous leurs nanars... et les critiques flashent sur ce qu'ils peuvent.
L'histoire de ce film est simple. Simon, 12 ans et sa soeur vivent ensemble en Suisse, dans une cité un peu pourrie. Elle travaille quand ça lui chante, c'est à dire pas souvent et lui passe son temps à chaparder skis, lunettes, anoraks dans la station de ski d'en haut et dont la revente sert à faire bouillir la marmite. Simon est très débrouillard mais souffre d'un évident manque d'amour et est en constante recherche de tendresse. Vaguement fable sociale, également oeuvre psychologisante, le deuxième film d'Ursula Meier filme tout un réseau de liens faits de manque, de souffrance, de puérilité ou de colère.
D'accord "L'enfant d'en haut" n'est pas un nanar. Ours d'argent et mention spéciale du jury à Berlin tout de même mais de là à crier au chef d'oeuvre de la semaine...
Je viens de relire la critique de Télérama et si j'avais été plus attentif, j'aurai dû me méfier. Des louanges certes, mais emballées avec des phrases creuses du genre : "La mise en scène ...crée l'inattendu : Ursula Meier cadre la montagne en plan serré." ou " Autre surprise, le paysage "d'en bas" est, lui, filmé en plan large". C'est vrai, c'est bien filmé comme ça mais cela ne crée rien d'inattendu ou de surprenant, c'est juste un peu redondant car on avait bien compris que la partie haute de cette station où nichent les hôtels de luxe n'est qu'un leurre.
L'histoire avance très lentement, comme si elle marchait dans la poudreuse avec des chaussures de ski. La caméra s'attarde, filme longuement les larcins, les reventes. Quand, au bout de deux tiers de film, un petit rebondissement apparaît, on est déjà dans un état proche de la léthargie. Trop tard pour ranimer l'intérêt, la surprise fond comme neige au soleil et finalement, elle n'apporte pas grand chose à l'histoire.
Par contre, on notera que Kacey Mottet Klein dans le rôle de Simon est étonnant et que Léa Seydoux est plutôt meilleure qu'à l'ordinaire (ce qui dans ma chronique est un vrai compliment, parce que d'habitude...).
Pour l'anecdote, il faut noter la présence de Gillian Anderson, la comédienne de la série X Files, qui, hélas n'apporte aucune note mystérieuse dans sa composition de bourgeoise prévenante.

vendredi 20 avril 2012

Electrochocs de Martine de Rabaudy


 Martine de Rabaudy évoquait pour moi "Le masque et la plume" qu'elle préparait pour France Inter et dont le nom était cité à chaque fin d'émission. J'avais également dû lire quelques articles dans "Elle" ou dans "L'express", journaux pour lesquels elle a longtemps travaillé. 
"Electrochocs" aurait pu être un livre de souvenirs, tant cette femme a rencontré, côtoyé toutes les figures majeures du milieu culturel français. C'est en partie cela mais c'est surtout le récit de sa vie auprès de ses parents, sa mère en particulier. Cette dernière, psycho-maniaco-dépressive (PMD), a, tout au long de sa longue vie, séjourné dans des cliniques psychiatriques, subissant de lourds traitements à base d'électrochocs accompagnés d'une quantité phénoménale de psychotropes, antidépresseurs et autres pharmacopées destinées à calmer ses nombreuses crises délirantes.
D'une écriture fluide et plaisante, teintée d'un humour salvateur, "Electrochocs" est un témoignage émouvant et précieux, sur la folie mais aussi sur les rapports parents/enfants. Martine de Rabaudy a soutenu sa mère contre vents et marées durant des dizaines d'années, devenant une pro des maisons de repos spécialisées mais également des traitements pour les PMD. C'est aussi un vibrant hommage à la littérature qui l'a accompagnée durant toutes ces années, puisant des forces dans les textes, les poèmes, les essais de tous ceux qui ont été ou qui ont eu à leurs côtés une personne atteinte mentalement : Louis Althusser, Fitzgerald, Sylvia Plath, Virginia Woolf, ... abondamment cités.
Cependant, on sent bien que Martine de Rabaudy, grâce à son travail dans la presse, a bien envie de raconter un peu de cet univers professionnel prestigieux, lui ayant permis des rencontres avec tout un tas de gens de haute volée. Les quelques digressions laissent penser que bientôt viendront quelques souvenirs moins sombres.
Très belle leçon de vie, d'amour, de résistance, ce récit peut apparaître dur et âpre, ce qu'il est, mais il se dégage de ces lignes une luminosité propre à soulager ceux qui vivent de telles situations. 
Une lecture enrichissante qui rappelle par moment le dernier roman de Delphine Le Vigan.


jeudi 19 avril 2012

Le miracle d'Ariel Kenig

Editions de l'Olivier 16€ (+ TVA Sarko)

"Le miracle" d'Ariel Kenig est un objet étrange, un  roman assez court (144 pages) qui renferme une incroyable quantité de thèmes abordés, de genres littéraires différents, rendant le compte-rendu un peu difficile.
Faisons comme les enfants, plongeons la main dans cette pochette surprise comme dans celles qui faisaient mon bonheur il y a quelques décennies mais que l'on peut retrouver encore de nos jours dans les multishops de nos campagnes reculées. 
La première pioche tombe sur des photos de Pierre Sarkozy, le fils DJ et producteur de rap de Nicolas, en vacances au Brésil. Elles atterrissent dans les mains du narrateur ( l'auteur lui même), alors que l'actu raisonne encore du miracle de la survie du fils du président, ayant échappé de justesse à une coulée de boue lors d'un réveillon de la Saint Sylvestre. Ariel va essayer de les monnayer auprès de journaux peoples, quasi seuls rescapés de la presse papier.
La deuxième pioche m'offre un compte Facebook, celui de Pierre Sarkozy, sur lequel, les fameuses photos apparaissent sans vergogne. Le narrateur, jouant d'une fausse identité comme internet permet facilement de le faire, arrive à les faire effacer par son propriétaire. Sans être l'égal d'un Yann Barthès dont le pouvoir médiatique survole ses contemporains, un sentiment de pouvoir s'empare du narrateur comme une revanche sur ses origines prolétariennes.
Belle pioche que ma troisième, un ordinateur ! Celui là même qui permet au héros et à ses amis de tisser des liens d'amitiés virtuels ou pas, de communiquer du bout des doigts mais moins physiquement, rendant les rencontres réelles rapides, directes et froides. Il est omniprésent dans le livre, sous forme d'objet utilitaire mais aussi sous sa forme historique : son arrivée transforme la société et les êtres qui l'utilisent. Ici, nous sommes presque dans l'essai sociologique, le souci de vulgarisation en plus.
 Si je regarde au fond de mon cornet, il y a encore quelque chose, un petit précis de grammaire, car ce livre devient encore un peu plus didactique en s'arrêtant pour expliquer certains mots, les replaçant dans leur contexte actuel.
Roman, autofiction, ouvrage historique sur un moment précis de notre humanité, petit opuscule sociologique, "Le miracle" est tout ça à la fois et plus certainement. C'est beaucoup pour si peu de pages. C'est facile à lire sans être totalement enthousiasmant, comme toute pochette surprise finalement. A vouloir courir trente six mille lièvres à la fois, le livre en devient un peu indigeste mais reste sympathique. Assez pour que dorénavant j'inscrive Ariel Kenig dans mes auteurs à suivre, car, ce livre, pas tout à fait abouti à mon goût, recèle assez de qualités pour penser que la suite risque d'être vraiment prometteuse. 


mercredi 18 avril 2012

Bon rétablissement de Marie-Sabine Roger

Editions du Rouergue 18, 50 euros (+ tva Sarko!?)

Il y a des livres qui au départ n'ont en apparence rien pour vous séduire. Le sujet n'est pas dans le vent, l'auteur inconnu (de moi), et la presse, sauf inadvertance fort possible de ma part, n'a pas fait tonitruer son mégaphone, Marie-Sabine Roger n'est peut être pas assez copine avec les critiques employés chez les grands éditeurs. Mais, dès la première page on sent qu'il va y avoir une rencontre et quelle rencontre!
Jean-Pierre, 67 ans, veuf, sans enfant, se retrouve à l'hôpital après s'être fait projeter dans la Seine par un chauffard à 5 heures du matin. Plâtré et intubé de partout,  il ressemble à un Beaubourg sans les couleurs.
Il a eu la chance de ne pas y laisser sa peau et de jour en jour, il reprend doucement pied, observant avec son esprit mordant le monde qui vient à lui, autour de son lit de souffrance. C'est le moment aussi de faire le point sur sa vie et sur celle qui l'attend au dehors.
Raconté comme ça, je sens bien que je ne fais pas honneur à cette merveille que je viens de terminer, ravi que Jean-Pierre soit guéri, mais désolé pour moi de devoir quitter un livre qui donne tant de plaisirs.
"Bon rétablissement" est enthousiasmant grâce à son écriture serrée, mordante, moderne, remplie de notations pertinentes, perfides, tendres. C'est absolument époustouflant d'arriver à mélanger avec autant de talent humour, sincérité, douceur et notes acidulées. C'est brillant, sautillant et attachant de la première à la dernière phrase.
Pour l'anecdote j'ai terminé ce roman dans un garage Renault. J'attendais dans un salon que ma voiture soit prête. A côté de moi, une dame, prof de techno si j'en juge par les copies qui occupaient plus que l'espace vital dévolu, corrigeait l'oeil précis et froid. Et moi, je tournais les dernières pages de plus en plus ému. Le texte était toujours aussi vif, grinçant mais derrière les mots, l'émotion transpirait, suintait d'humanité et de tendresse. Les larmes me sont montées aux yeux, une a fini par couler. Je l'ai essuyée discrètement mais l'oeil de ma voisine m'a regardé, passant du glacial à l'étonné. "Juste un très bon roman, vous devriez le lire, lui ai-je dit, en montrant la couverture et en reprécisant titre et nom d'auteur."
J'espère qu'elle suivra mon conseil. Elle passera un moment formidable aux côtés de Jean-Pierre qui, malgré ses blessures, redécouvre le monde avec sa part de dégueulasseries mais aussi de fraternité.
Marie-Sabine Roger m'a littéralement emballé avec son dernier livre, merveilleux condensé de notre époque de part les thèmes abordés et par la verve toute contemporaine de son écriture.
Pour la fine bouche, juste un court passage sur la vieillesse :
" Si "vieillesse pouvait", elle continuerait sur la même lancée, sans recul, sans sagesse. Toujours creuser le même sillon, s'embourber dans la même ornière. Sans jamais dételer, bien cramponné aux rênes. ne jamais rien lâcher, comme un vieux dictateur.
C'est parce qu'on ne peut plus faire certaines choses que l'on passe à autre chose. Bien obligé. la vie nous pousse droit devant, pas d'aire de repos, ni de rond-point pour faire demi-tour.
En avant compte à rebours.
Mais, on ne se réveille pas vieux un beau matin, on le devient, et pour s'y préparer, on a le temps nécessaire. On n'a pas été pris par surprise, pourquoi jouer les étonnés ? "


mardi 17 avril 2012

A défaut d'Amérique de Carole Zalberg


Pour nous faire acheter un livre, les éditeurs qui sont aussi des marchands, usent de procédés mercantiles: pubs racoleuses en radio, critiques dithyrambiques des copains dans la presse, placement d'auteur dans un talk-show soi-disant vendeur. Et puis, il y a la couverture, qui, pour un acheteur éventuel flânant dans une librairie, peut se révéler très attirante. Si celle-ci est doublée d'une quatrième accrocheuse, l'acte d'achat est presque gagné.
Prenons "A défaut d'Amérique" de Carole Zalberg. La couverture, que je trouve particulièrement réussie, mais c'est souvent le cas chez Acte Sud, donne envie de prendre le livre dans ses mains. On retourne, on lit le résumé proposé... Bon, là, c'est moins réussi, encore une histoire de souvenir du siècle dernier, des personnages emportés dans la tourmente de l'histoire, une histoire familiale qui nous narre tous les grands maux du 20ème siècle, rien de bien original, du cent fois lu. Si le lecteur repose le livre sur la pile sans l'ouvrir, il rate quelque chose d'essentiel : la formidable écriture de ce roman. 
Le talent de Carole Zalberg m'a fait oublier tout de suite le propos un peu convenu et cette construction un peu raide faisant alterner deux histoires. D'un côté, nous avons Suzan, la cinquantaine solitaire après un divorce et une vie d'avocate pour femmes avides et maris volages mais riches. Elle se retourne sur le passé de sa mère, en lisant les lettres que cette dernière a envoyé à son énergique soeur en Afrique du Sud durant cinquante ans. L'autre histoire, est le fruit de la recherche de Fleur sur son arrière grand-mère, Adèle, émigrée polonaise qui, au moment de la libération a rencontré le père de Suzan. 
Si Stanley, le soldat américain, est le point commun entre les deux histoires, le véritable enjeu du livre se situe plutôt dans la description minutieuse de l'importance du passé dans la construction d'une vie.
Et là, la formidable écriture  de l'auteur nous emporte au coeur de deux histoires émouvantes et poignantes, rendant le récit sensible et terriblement humain. Suzan, personnage pas vraiment sympathique nous émeut par sa soif de comprendre la femme aigrie qu'elle est devenue. Les grands événements du siècle derniers sont évoqués au travers des personnages de la vie d'Adèle et là aussi, c'est du grand art. Par touches infimes mais pertinentes, l'auteur nous fait sentir les doutes, les interrogations, les silences d'effroi que ressentent, sans pouvoir toujours l'exprimer, des gens simples face aux tourments de la vie et de l'Histoire.
Vous l'aurez compris, ce livre est hautement recommandable et est aussi beau dehors que dedans. C'est assez rare pour le signaler.
Je ne résiste pas à vous écrire un petit passage, situé au début du livre. 
Pour faire plaisir à son père Stanley, Suzan a retrouvé Adèle et va l'accueillir à l'aéroport.
" Suzan ne peut s'empêcher de sourire en revoyant ce fier petit bout de femme toute de blanc vêtue débarquer de l'avion. Curieusement, la silhouette gracile de la Française comparée à l'obésité très largement majoritaire de l'aéroport autour d'elle n'évoquait pas la fragilité. Au contraire, il y avait quelque chose de hautain et d'irréductible dans cette économie de chair, cette évidente maîtrise de l'apparence. Au milieu des touristes avides de se remplir, l'absence de tout débordement du corps était ce qui signalait le plus sûrement Adèle comme étrangère. Suzan, obsédée par son poids, boulimique se rêvant ascète, l'avait aussitôt enviée malgré la (relative) jeunesse, qui était encore de son côté à elle."















lundi 16 avril 2012

Oh non, George ! de Chris Haughton


Chris Haughton vient de publier son deuxième album, après le très réussi " Un peu perdu" l'an dernier et je peux d'ores et déjà dire que je vais suivre la production de cet auteur de très près.
Cette citation d'Epictète  "Ce n'est pas par la satisfaction du désir que s'obtient la liberté, mais par la destruction du désir. Nul homme n'est libre s'il ne sait se maîtriser." ouvre l'album. Avouez que ce n'est pas banal pour un livre qui s'adresse à des enfants de trois ans. Ce qui est encore moins banal, c'est que cette petite histoire de chien en est la plus brillante explication. Un vrai premier livre de philosophie pratique, simple et formidablement mis en page.
George est un gentil chienchien qui promet, juré, craché, d'être bien sage quand son maître n'est pas là. Hélas pour lui, les tentations sont grandes et les bonnes résolutions vite oubliées. Il mettra la maison à sac et son maître, à défaut de le gronder, est fort déçu. Pour se changer les idées, ils vont se promener au parc où de nouvelles tentations attendent George. Saura-t-il résister ?
Je ne raconte bien sûr pas la fin qui est une réussite d'intelligence et qui permettra de susciter débat et questionnement dans la tête de tout enfant normalement constitué. 
Quand je vous aurai dit que l'auteur/illustrateur se paye le luxe d'utiliser une palette de couleurs absolument incroyables, rarement utilisées en jeunesse, mettant en valeur un dessin expressif et hilarant, vous aurez compris que nous avons là, une des meilleures production du trimestre qu'il faut absolument lire à vos enfants jusqu'à six ans. 
Pour le fun, il faut aller faire un tour sur le très sympa site de l'auteur et c'est ICI




samedi 14 avril 2012

Radiostars de Romain Lévy


"Radiostars" est un film un tantinet mollasson comme son jeune héros, Ben, de retour de New-York après un échec sentimental. Il a également raté sa carrière dans le stand-up, ce que le spectateur n'a aucun mal à croire tellement il semble transparent. Au hasard d'une soirée, il se fait engager pour écrire des textes dans une de ces radios qui réveillent les adolescents avec un festival de blagues et de soi-disant bonne humeur. Mais l'émission matinale voit son audience baisser (tu m'étonnes vu le niveau des vannes !) et se retrouve à draguer les auditeurs sur les routes de France. Tout ce petit monde, un peu méprisant et très égocentrique, se trouve embarquer dans un car et se produit de bon matin sur des places de village désertes.
Road movie initiatique, portrait grinçant sur des idoles radiophoniques, film choral pour jeunes avec répliques mordantes au kilomètre, Romain Lévy essaie de mixer tout cela mais, pour moi, n'arrive pas à faire prendre la sauce. Ce n'est pas la faute aux comédiens, tous parfaits dans leur rôle. Ils arrivent à faire exister des personnages assez stéréotypés et à les rendre finalement sympathiques voire émouvants. L'énergie déployée par Manu Payet ou Clovis Cornillac n'a hélas pas contaminé la mise en scène qui traîne en chemin, hésitant constamment entre mélodrame et comédie, sans jamais trancher. Nous sommes constamment entre deux eaux. Une scène d'émotion sera dynamitée par une réplique sensée sur le papier être mordante et drôle, mais qui ici passe inaperçue car souvent malvenue. Et si nous sommes dans la comédie, le manque de rythme de la mise en scène noie tous les effets.
Cahin-caha le film avance gentiment vers un happy end un peu convenu. Heureusement, la bande son est très euphorisante et dansante, donnant au film un peu de vitalité. 
Pour finir, je tiens à signaler dans un petit rôle, l'excellente Marie Lenoir qui joue une sorte de Macha Béranger plus vraie que la vraie ! Un régal !



vendredi 13 avril 2012

Au pays des kangourous de Gilles Paris


Très chaudement recommandé par beaucoup de personnes autour de moi, je me suis plongé plein d'enthousiasme dans ce roman, d'autant plus que le premier paragraphe est un modèle d'accroche du lecteur.
On dit souvent que les auteurs soignent leur première phrase, Gilles Paris va avoir droit à la médaille d'or de la meilleure pour 2012 : " Ce matin, j'ai trouvé papa dans le lave vaisselle." Avouez que vous avez envie de lire la suite, non?
C'est vrai, on entre dans ce livre sans difficulté. Le narrateur, Simon, neuf ans vit avec son papa, écrivain ou plutôt nègre pour artiste dont il écrit les biographies. Sa mère, Carole, est cadre chez Danone, en poste en Australie et donc absente au moment de l'introduction du père dans l'électroménager de lavage. 
Si au départ, le roman fait penser au Petit Nicolas par son regard enfantin, on sent bien que le monde bien pensant et bien propret de René Goscinny a pris un coup dans l'aile. Les parents ne sont plus présentés comme un couple popote et stable. L'enfant d'aujourd'hui , toujours un peu naïf dans sa vision du monde, est   maintenant confronté à des situations beaucoup plus sombres que son cousin des années 60. En effet, le couple va très mal, son père s'enfonce dans la dépression, sa mère recule de mois en mois son retour en France et notre jeune héros se pose de nombreuses questions auxquelles il a du mal à trouver des réponses. Soutenu par sa grand-mère Lola, femme fantasque et énergique, Simon va peu à peu découvrir une vérité que tout le monde essaie de lui cacher.
 Malgré une description très sensible de la dépression, thème central du livre, "Au pays des kangourous", très plaisant à lire, ne m'a pas pourtant pas enthousiasmé. Je me suis vite lassé de cette narration enfantine un peu convenue et vraiment pas originale même si, ici, elle a toute sa place. Les rares paragraphes où la voix de l'enfant est remplacée par celle d'un adulte sont, à mon avis les plus forts et les plus émouvants, me faisant regretter qu'ils ne soient pas plus nombreux. Sans raconter la fin, je n'ai pas non plus compris pourquoi Gilles  Paris a tenu à tartiner autant de guimauve sur une tartine plus proche du pain dur que de la brioche. Dernier élément qui m'a empêcher d'adhérer totalement au propos et qui doit m'être personnel : pourquoi le malheur est-il aussi seyant et romanesque chez les nantis parisiens qui vivent dans de beaux apparts, ont des amis qui prêtent constamment une voiture avec chauffeur et qui connaissent autant de gens originaux et riches ? Facilité d'écrivain, désir supposé de plaire à un lecteur épris de romanesque et de rêve ? Peut être, mais chez moi, ça a la particularité de m'agacer et de me gâcher le plaisir de la lecture.
Quoiqu'il en soit, je sais que ce roman plaît beaucoup (surtout aux dames). Normal, c'est rudement bien fabriqué. Je le conseille donc à toutes les personnes qui n'ont pas un coeur de pierre comme moi. Elles y trouveront une histoire sensible, émouvante, drôle parfois et très tendre. C'est assez rare pour le signaler et suffisant pour s'y plonger avec délice en laissant de côté son regard d'adulte blasé, ce que je n'ai pas réussi à faire... 


dimanche 8 avril 2012

Alexandre Pompidou Tome 1 Lard moderne de Cornette, Witklo, Frissen


Alexandre Pompidou a peut être réussi à obtenir son examen final dune grande école d'art, il n'est reste pas moins un type un rien débile. Se pensant un artiste accompli, il se donne comme défi d'exposer trois mois plus tard dans la plus grande galerie du pays, celle de Mr Salomon. Hélas pour lui, en plus d'être sûr d'un talent qu'il n'a pas, il joue de malchance. Il refuse une invitation à la soirée de fin d'année organisée par une fille de sa promo sous le prétexte totalement bidon de ne pas corrompre l'artiste qu'il est avec le milieu bourgeois. Hélas pour lui,  la fille en question est celle du célèbre galériste. S'en suivront moultes péripéties mêlant art et boucherie car les parents du héros sont bouchers. Ou comment devenir un artiste conceptuel en utilisant du steack hâché pour faire des portraits et faire pâmer toute la sphère de l'art avec ses créations.
Sur un scénario ne lésinant pas sur les rebondissements, le lecteur se trouve embringuer dans une histoire oscillant entre humour gras et vague satire du milieu de l'art moderne. Ce n'est pas désagréable à lire mais on reste un peu sur sa faim. Les dialogues font parfois sourire, les idées saugrenues peuvent plaire, le dessin est au diapason mais le manque de finesse de l'ensemble empêche de considérer ce premier opus des aventures d'Alexandre Pompidou comme réussi. Ne vous fiez pas à la couverture de l'album, même si elle résume agréablement le propos avec ses couleurs pastels et sa réussite plastique, elle ne préfigure en rien le contenu, qui est, à mon goût, un peu superficiel,  ni de son esprit plus proche du mauvais gout que du pamphlet inspiré. Dommage...


samedi 7 avril 2012

A moi seule de Frédéric Videau




Il y a des films qui me laissent perplexe. "A moi seule" entre dorénavant dans cette catégorie. 
Sur un sujet inspiré de différents faits divers à savoir les séquestrations d'enfants dans une cave, Frédéric Videau, d'emblée, va l'encontre de ce que ce thème laisse augurer. Gaëlle va passer toute son adolescence (huit ans) enfermée par Vincent, ouvrier taciturne. Mais entre eux pas de violence, pas se sexualité, pas de viol, juste une  relation de quasi couple, par moment père/fille et d'autres fois homme/femme. On ne connaitra jamais réellement le pourquoi de cet enlèvement et le film nous épargne du stress de l'épilogue, puisque Gaëlle est libérée par son ravisseur dès le début du film. L'histoire nous sera racontée par flashbacks, au fil des sensations éprouvée par l'héroïne lors de son retour à la vie normale.
Le réalisateur nous propose presque deux histoires : celle de la séquestration et celle de la reconstruction, même si cette dernière n'est pas l'essentiel du film.
La partie enfermement est la plus déstabilisante. A l'écran, le quotidien des deux personnages est faite de chamailleries, lot de toute famille ou couple ordinaire. On a souvent l'impression que la jeune fille, bien que séquestrée,  domine le jeu par une intelligence beaucoup plus aigüe que celle de son ravisseur. Elle semble appréhender son emprisonnement avec une détermination très froide, mélange trouble de syndrome de Stockholm et de vengeance. Agathe Bonitzer, qui joue Gaëlle, glaciale et ambigüe, est parfaite dans ce jeu troublant. En face d'elle, Reda Kateb, le regard fébrile, souvent au bord de la violence,  joue de toutes les nuances et fait planer une fêlure mystérieuse et inquiétante. Cependant, jamais la situation ne bascule dans le convenu, les rôles paraissant même inversés tellement la jeune fille semble avoir un ascendant sur son ravisseur.
Le retour à la vie normale confirme la force de Gaëlle, moins traumatisée que ses parents, et dont la reconstruction est aussi terrible que son enfermement. Cependant, une très jolie dernière scène dans un train avec une inconnue, apporte avec son lot de sous-entendus, une note légèrement solaire, laissant espérer que l'avenir de cette jeune fille pourra lui laisser espérer autre chose que de la dureté.
Film intéressant, "A moi seule" mérite que l'on s'y arrête même s'il lui manque ce je ne sais quoi qui fait adhérer pleinement le spectateur. C'est surprenant et jamais dans le cliché, ce qui ne peut que me plaire mais, la retenue et la froideur de la mise en scène m'a tenu en retrait, à la marge de cette histoire pourtant terrible.
On notera, pour l'anecdote, que Florent Marchet signe ici sa première musique de film, intéressante à écouter mais un rien décalée par rapport à la situation.



jeudi 5 avril 2012

Tim Burton à la cinémathèque (Paris)


Si je me suis rendu à l'expo "Tim Burton" c'est parce que j'aime son cinéma, son univers macabre mais merveilleux. J'étais loin d'être le seul ce mercredi après-midi. On se pressait dans les salles de la cinémathèque. La presse et la journée "Burton" sur France Inter y sont sûrement pour quelque chose : "rater l'exposition de l'année ou même de la décennie" comme ils disent, passe pour une faute de goût...
Je dois l'avouer, c'est vraiment une magnifique exposition, même si on se fait bousculer, même si ce n'est pas très grand, on a envie de rester des heures en compagnie du créateur de Beetlejuice.
L'exposition débute par une  série de polaroïds géants, mettant en scène l'essentiel de l'univers du réalisateur : corps démembrés, enfants percés, monstres dentés à 3 yeux, corps rapiécés,... tableaux assez sombres mais qui ouvrent de façon grandiose cet hommage.
Ensuite nous pénétrons dans la salle dite du carrousel, avec un mur entier de petits monstres rayés ou à pois et dont les yeux phosphorescents éclairent la paroi grâce à cette lumière violette qui fait paraître vos dents plus blanches que blanches. Et dans un coin, tourne un manège burtonien, coloré, charmant, acidulé. Un régal pour les yeux qui permet de pénétrer un peu plus intimement dans l'esprit du créateur et nous prépare à découvrir l'espace suivant : la salle des dessins. 
Imaginez, 600 dessins, tous formats, aux techniques variées allant de l'aquarelle à la plume, classés judicieusement par thèmes. les enfants, les femmes, les couples, .... Tout l'univers est là, sur ces bouts de feuilles, de carnets. C'est tout à la fois drôle et inquiétant, et surtout saisissant de justesse, de précision et d'imagination. On est ébloui par le talent de Tim Burton, la force que cette accumulation dégage, l'évidence d'un monde cohérent. Quelques écrans mettent en perspective les croquis avec ses premiers films qui annoncent déjà l'oeuvre à venir. Le visiteur se laisse porter par ce monde singulier. Il prend plaisir à retrouver ces éléments disséminés au gré des films : les spirales, les monstres aux dents pointus, les pois, les personnages cousus à la Frankenstein,...formant un univers absolument cohérent.   On peut voir un étonnant Hansel et Gretel, oeuvre de jeunesse, où tout est déjà (ou presque) en place, tout un monde décalé, coloré, avec notamment une sorcière jouée par un homme aux accents et aux gestes efféminés que l'on retrouvera ensuite dans la plupart de ses films.( Pee-Wee, Ed Wood, Charlie et la chocolaterie, ...)
Cette exposition venant du MOMA de New York est ici complétée par des éléments de décors, des costumes, des accessoires de ses films, reliques aux pouvoirs évocateurs émouvants pour tous les fans et même pour les autres qui pourront apprécier tout le génie de ce réalisateur hors du commun.
A signaler, un luxueux et magnifique catalogue d'exposition, vendu 49 €. Il regroupe l'intégralité des dessins exposés, présentés de façon ludique et originale (pages qui se déplient, dessins pleine page,...) Un livre que l'on aimera feuilleter souvent, très souvent... en souvenir d'une exposition qui est vraiment un grand moment de bonheur.


lundi 2 avril 2012

Tangente vers l'est de Maylis de Kerangal


J'ai passé ma journée dans le transsibérien de Novossibirsk à Vladivostok. J'ai arpenté le train de la troisième classe surpeuplée par tous les conscrits se rendant en Sibérie jusqu'à la première classe, plus confortable et en compagnie d'une jolie française un peu mystérieuse montée à Krasnoïarsk. Et tout ça grâce à Maylis de Kerangal et son magnifique roman "tangente vers l'est".
Dès le premier paragraphe, le décor est planté :
"Ceux-là viennent de Moscou et ne savent pas où ils vont. Ils sont nombreux, plus d'une centaine, des gars jeunes, blancs, pâles même, hâves et tondus, les bras veineux le regard qui piétine, le torse encagé dans un marcel kaki, futes camouflage et slips kangourous, la chaînette religieuse qui joue sur le poitrail, des gars en guise de parois dans les sas et les couloirs, des gars assis, debout, allongés sur les couchettes, laissant pendre leur bras, laissant pendre leurs pieds, laissant pendre leur ennui résigné dans le vide, ..."
Un wagon de conscrits filant à 60 km/h vers une caserne sibérienne synonyme de bannissement, de trou noir. Parmi eux, Aliocha, vingt ans, broie du noir et décide dans sa tête de tenter le tout pour le tout en désertant au prochain arrêt. Hélas pour lui, la réalité s'avère plus sombre et il échoue. De retour dans le train, il rencontre une femme seule, française. Quelques regards et cigarettes partagés suffisent  à cette femme pour aider le jeune soldat à se cacher dans sa cabine de première classe. Et débute un formidable suspens, prenant, haletant. Aliocha réussira-t-il à échapper au sergent recruteur bien déterminé à ne laisser aucune de ses jeunes recrues prendre la tangente?
Si le livre est aussi prenant, c'est que l'écriture de cette auteure est absolument magistrale. Le pouvoir d'évocation de ses mots est immense, immergeant le lecteur dans une réalité tellement tangible que l'on ressent les soubresauts du train, la chaleur de l'eau sortant des samovars, la désespérance des paysages.
Nous sommes passagers de ce transsibérien, enfermés dans une cabine semi luxueuse où va se dérouler une traque infernale. Les deux personnages principaux véhiculent  l'ambiguité nécessaire pour que le champ de tous les possibles soit ouverts, rendant chaque geste, chaque tressaillement, chaque regard plus intense. Leur incommunicabilité accentue le caractère instable de leur relation. Le lecteur est pris dans un tourbillon de sentiments intenses. 
Arrivés à destination, nous descendons du train vibrants d'émotions.
Dire que ce livre m'a transporté serait un doux euphémisme. Maylis de Kerangal démontre une nouvelle fois qu'elle est une des auteures les plus douées  de sa génération, prouvant qu'un livre malgré son nombre de pages réduit peut décrire puissamment, admirablement, un très long voyage.




dimanche 1 avril 2012

Supplément à la vie de Barbara Loden de Nathalie Léger


Plusieurs personnes autour de moi m'ont vivement conseillé de lire "Supplément à la vie de Barbara Loden" de Nathalie Léger car c'est un très beau texte. Oui, "texte", pas livre, pas roman, "texte"! Quand on emploie ce mot dans ce contexte, il est précisé intuitivement que ce n'est pas du n'importe quoi, que l'on pénètre dans une région où l'on parle de littérature avec un L majuscule. Nous sommes dans l'exigence, le talent, les vrais auteurs, la crème de l'édition.
Le texte en question est assez court, 150 pages, sans chapitre. La narratrice doit écrire une notice sur  "Wanda", unique film de Barbara Loden, femme d'Elia Kazan, tourné en 1970. Très vite, elle a le besoin d'en savoir plus sur la réalisatrice qui l'intrigue. Elle va mener une enquête poussée, jusqu'aux Etats-Unis, sur les traces d'une femme qui n'en a pas laissé beaucoup.
Le récit est un brillant jeu de miroirs. La narratrice se retrouve dans Barbara qui s'identifie à Wanda qui n'est que le portrait d'Alma Malone, femme à la vie terne qu'un coup de folie va mener en prison. Par petite touche, le récit avance, dévoilant un peu plus à chaque fois les protagonistes. Elle s'aide de nombreuses citations d'auteurs ou cinéastes, ou peintres : Edward Hopper, tout d'abord, à qui la solitude de ces femmes tristes fait forcément penser mais aussi, entre autres, Chantal Ackerman, Marguerite Duras, Michelangelo Antonioni. Nous sommes en remarquable compagnie et l'écriture est au diapason.
Seulement, pour moi, même si j'ai trouvé l'exercice habité, ambitieux, j'ai lu tout cela au bord de l'ennui, ennui très distingué certes mais pas vraiment passionné. Bien sûr, il y a des fragments magnifiques, notamment le dernier paragraphe qui clôture le livre. Bien sûr que j'aimerai revoir "Wanda" avec un regard surement plus aiguisé. Evidemment que ce texte est remarquable d'intelligence et de création, mais, hélas, pas pour moi... trop de citations, trop de paragraphes décalés (Ah, le passage sur les alliages à mémoire de forme !) ont empêché l'émotion et l'identification d'opérer. 
"Supplément à la vie de Barbara Loden" est un livre "art et essai", qui se lit sans difficulté, avec un ennui très distingué et dont on se dit tout le temps qu'il nous manque des clefs pour en apprécier toutes les subtilités (en tous les cas, je ne les ai pas). C'est comme ces films dont on admire l'image, la mise en scène tarabiscotée, le jeu des comédiens mais dont l'histoire, évitant la narration classique, nous laisse de marbre.