vendredi 29 août 2014

Party girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Theis



Angélique, la soixantaine bien marquée, est hôtesse dans un bar de nuit. Toujours payée au bouchon, elle ne fait pourtant plus recette auprès de cette clientèle masculine morne et pas toujours tendre avec cette femme vieillissante. Pourtant, un homme va s'intéresser à elle et même lui proposer de l'épouser ! S'en suivra le parcours classique des fiancés vers le mariage : installation, présentation à la famille, ici bien décomposée et disparate, les hésitations de la mariée, la noce et la nuit qui suit.
Party girl est un film aux aspects charmants mais bancal, La caméra suit cette femme trop maquillée, trop bijoutée, trop coiffée.  L'amour et une certaine tendresse circulent dans les scènes même si Angélique n'est au demeurant pas très sympathique. Fleur bleue à jeun et pleine de sensibilité, elle devient vite insupportable après quelques verres.. Le scénario ne cache rien ses diverses facettes, la rendant ainsi plus humaine et voire un peu plus complexe. La première moitié du film finit par emporter l'adhésion à l'arrache, malgré cette volonté un rien agaçante de jouer les bobos filmant le vrai peuple.
Malheureusement la deuxième partie va tomber dans le mélo un peu lourd. Si le personnage d'Angélique arrive à nous toucher par son intégrité et sa résistance aux moules, le scénario, lui, emprunte un peu trop des chemins sirupeux, parfois de manière un tantinet too much, comme dans la scène des déclarations d'amour durant le mariage, où la vérité des protagonistes est un peu surjouée et rate complètement sa cible tellement c'est risible. Les mouchoirs restent dans la poche devant cet alignement de bons sentiments. À vouloir filmer au plus juste, avec les vraies personnes, en imposant cette fiction/documentaire rejouée, les réalisateurs signifient par là même le silence aux critiques .... Puisqu'on vous dit que tout est vrai ! Vrai oui, mais à la sauce téléréalité, faut des larmes pour emporter l'adhésion du public coco ! Ok pour l'hommage filial et pour le partage de cette vie non exempte d'émotions, mais non merci pour cette dose de cuculterie béate. Puis bizarrement, alors que l'on est quand même dans un registre impudique, le film le devient nettement moins lorsqu'il s'agit d'aborder la sexualité de la maman. Le scénario n'ose pas aller jusqu'au bout, comme si soudain cette femme à la vie sexuelle bien remplie devait devenir une sorte d'icône. J'ai vraiment tiqué à la scène de la nuit de noces...  Oui il y a de l'émotion mais proche du niaiseux pourtant. Ils seraient donc arrivés vierges l'un de l'autre jusqu'au mariage ? Je sais qu'on la voit se refuser quelques scènes avant....mais c'est quand même peu crédible. Alors se pose la question : Angélique est une nouvelle pucelle ? Une illustration de : toutes des putes sauf ma mère ? Blanche-Neige reine du lap dance ?
En tant que spectateur, j'ai choisi plutôt de suivre Angélique libre dans sa tête, thème majeur du film. Et je pense que c'est ce que l'on retiendra de ce film, ce portrait singulier d'une femme qui rejette les compromis. Mais toutes ces scènes un peu convenues et ce filmage naturaliste à la Kechiche qui finit par faire cliché quand on nous montre le milieu prolétaire, "Party girl" sent un peu trop l'épate bourgeois, le film bonne conscience, masquant mal son propos un soupçon vaniteux. Il a eu la caméra d'or. Tant mieux pour lui. Personnellement, j'ai plus vu de promesse de beau cinéma dans  "Les combattants" de Thomas Cailley...



jeudi 28 août 2014

Enemy de Denis Villeneuve



Tout débute par une scène étrange, où des hommes, dont un des héros, Anthony (Jake Gyllenhaal ), observent des femmes en train de se masturber puis qui amènent un plat contenant une araignée qui se fera écraser. Le film se poursuit dans la salle de cours d'un prof d'histoire, Adam (toujours Jake Gyllenhaal), qui, sur les conseils d'un collègue regardera une comédie en vidéo et apercevra, en second plan, un parfait sosie de lui-même. Il s'agit bien sûr de l'Anthony du club érotique, voyeur mais aussi acteur sans grand succès. Adam mettra tout en oeuvre pour rencontrer son double...
Si cela m'arrivait d'apercevoir mon double parfait dans un film, je ferai comme l'Adam du film, je serai étonné et j'essaierai d'entrer en contact. Seulement, je trouverai cette démarche plutôt drôle et joyeuse alors que dans le film, c'est une tragédie. Visage fermé, menaçant, au bord du suicide, le héros avance la mine sombre, l'oeil inquiet, au ralenti, accompagné par une musique sépulcrale. Pour lui c'est un énorme problème angoissant. Le film avance très lentement, sonde les visages anxieux ou en colère, espérant ainsi donner un tantinet de mystère à un truc qui ne l'est pas. Tout ce qui m'aurait semblé rigolo dans la vie est ici traité à la Lynch façon " Mulholland drive". Autant vous dire que c'est pesant d'autant plus que pour faire vraiment psychanalytique, le réalisateur a disséminé au hasard des scènes des détails qui rappellent les araignées (donc la mère quand on connaît son Louise Bourgeois qui d'ailleurs apparaît sous la forme d'une de ses oeuvres). Vous rajoutez, l'épouse d'Anthony enceinte et la maternité étouffante devient en fait l'autre thème du récit, voire son moteur ou l'angoisse d'être père portée à son paroxysme.
Faute d'adhésion au scénario qui manque pour moi de crédibilité psychologique, le film reste une tentative un peu vaine de vouloir créer un univers particulier, au bord du fantastique. On a beau multiplier les gros plans des visages pour sonder leurs angoisses, ne jamais arrêter cette musique sinistre et utiliser un filtre jaune sensé donner un surcroît d'atmosphère étrange, j'ai eu du mal à vraiment m'intéresser à tout ça. Mélanie Laurent joue (joliment) les utilités, Jake Gyllenhaal serre les mâchoires et fronce les sourcils et le spectateur s'ennuie légèrement quand on est bon public, copieusement (comme mon voisin) quand on pensait voir un film d'action. On ne voit pas trop le signifiant de tout cela et ce n'est pas la scène finale (qui m'a tout de même fait bondir de mon fauteuil) qui éclaire la chose.
Film surement ambitieux, "Enemy", à vouloir plonger dans le fantastique intello, n'arrive jamais à être autre chose qu'une oeuvre glacée, un rien prétentieuse et exagérément complexe. Mais peut être suis-je trop joueur et optimiste pour croire à cette histoire de rencontre de sosies qui ne peut avoir, selon Denis Villeneuve, que les accents du drame.


mercredi 27 août 2014

Les amants spéculatifs d'Hélène Risser




L'adultère est un sujet éternellement revenu dans la littérature, rebattu jusqu'à plus soif. Et pourtant, les écrivains y reviennent toujours, cherchant à renouveler le genre ou le regard. Les changements sociétaux y sont pour beaucoup et les nouvelles technologies autant que les nouveaux champs disciplinaires de nos universités aident à biaiser l'approche sur ce phénomène vieux comme le monde.
Il y a deux saisons, Christophe Mouton dans " Un garçon sans séduction " avait mis l'amour et la possibilité de trouver maîtresse en tableau. D'ailleurs le livre s'ornait d'un bandeau rouge annonçant : "Calculez votre valeur sur le marché de l'amour", préfigurant sans doute ces "amants spéculatifs" où Hélène Risser fait appliquer par son héroïne, banquière de haute volée,  les règles qu'elle utilise dans la finance pour fourrer un nouvel homme dans son lit.
Anna est une ex trader, ayant gravi les échelons quatre à quatre de sa banque malgré des stilettos griffés. Belle quarantenaire, elle n'a par contre pas tout à fait réussi sa vie amoureuse et familiale. C'est au moment où son mari prend le large en s'exilant pour son travail loin de la coquette maison parisienne que lui tombe dessus une romancière en service commandé pour un éditeur qui veut un récit/témoignage sur une banquière. En plein coeur de la crise, ce portrait devrait intéresser un lectorat féminin prêt à mordre sur tout ce qui est responsable de ses galères au quotidien. Anna accepte ce portrait, un peu par vanité mais aussi par curiosité, et va se coltiner Hélène, journaliste, nègre méritante, à la vie plutôt morne. L'attelage littéraire avance cahin-caha. La communication entre elles manque de clarté et  le projet pour le livre, mal défini, part en sucette. L'écriture passe peu à peu au second plan, les déboires sentimentaux de l'ex trader devenant le centre de leurs échanges. Et quand la banquière décidera de prendre amant en adaptant les techniques froides et calculatrices d'un milieu sans scrupule, elle se heurtera à des variables et des inconnues impossibles à mettre en équation : le libre arbitre de chacun, la force des sentiments ou cette mystérieuse alchimie corporelle. Cependant, chacune y jouera une page importante de son existence, le reflet et la perception de chacune éclairera un chemin imprévu.
L'intérêt et la force de ce roman viennent de sa construction et des thèmes secondaires qu'il développe.
Vraisemblablement un clin d'oeil aux "Liaisons dangereuses", le roman, bien que pas entièrement épistolaire, avance au gré des notes que l'écrivaine prend lors des interviews de la banquière, du journal intime de cette dernière, de certaines pages du livre qui commence à s'écrire et des mails échangés. Les faux semblants sont révélés, la comédie humaine et sa représentation en société explosent au fil des pages. Le regard d'Hélène Risser est impitoyable, juste. Les mesquineries dont on s'arrange au quotidien, les rouages de la société marchande, les tactiques de chacun pour préserver son pré carré  sont exposés dans toutes leur glaçante splendeur. Ce montage pertinent donne de la force à l'ouvrage qui, hélas, perdra un peu de son énergique cruauté dans les dernières pages. Le final se heurte à quelques clichés qui jurent un peu dans cet ensemble plein de verve et d'ironie. Sans rien révéler de l'issue de cette histoire, la conclusion façon téléfilm n'est guère convaincante.
Cependant 280 pages de plaisir de lecture ça ne se refuse pas en cette rentrée littéraire où certains mastodontes auto-proclamés ronronnent en entendant en écho la douce chanson de critiques serviles.
Ce roman pétillant et intelligent saura séduire par son regard narquois sur les choses de l'amour et par son écrite alerte et inspirée.

mardi 26 août 2014

Quiconque exerce ce métier stupide mérite tout ce qui lui arrive de Christophe Donner


Pour chaque chaque rentrée littéraire, il faut, à la presse, trouver un thème saillant parmi les plus de 600 parutions dans le domaine romanesque. Il y a eu l'année de l'autofiction, celle du roman historique même celle du roman hystérique. Cet automne, c'est le biopic ! Les écrivains français ont pris des personnages célèbres pour écrire leur vie ou un moment de leur histoire, tout en imaginant certains passages. Effet de mode ? Hasard ? Peu importe, mais la phrase qui sert de leitmotiv pour essayer d'intéresser les quelques lecteurs de roman et de biographie a été prononcée par Jérôme Garcin sur France Inter l'autre matin. Il se demandait si " le roman ne dit pas davantage la vérité que la biographie"... phrase  reprise peu ou prou partout ailleurs. J'ai donc adhéré à l'air du temps en choisissant le nouveau Christophe Donner qui se penche sur la vie de Jean Pierre Rassam, un producteur de cinéma.
Première constatation en refermant l'ouvrage : quel personnage ! Intelligent, riche, hâbleur, outrancier, bon vivant (cigares, alcool et putes de luxe par paquets de 3 ou 4), déjanté,cocaïnomane puis  héroïnomane puis opiomane, fantasque, impulsif, joueur, .... la liste est longue pour qualifier et cerner cette figure maintenant légendaire du cinéma de la fin des années 60 et des années 70. Le livre va à 100 à l'heure comme le personnage. On suit ses coups de gueule ou ses coup de coeur comme ses coups de folie sans s'ennuyer une seconde. Si l'on est passionné de cinéma on prendra plaisir à découvrir les coulisses du montage de certains films comme "Nous ne vieillirons pas ensemble" de Maurice Pialat ou  "La grande bouffe " de Marco Ferreri. Si on l'est moins, on s'étonnera peut être de la truculence du producteur mais on risque de se noyer dans les détails autour de longs métrages moins connus.
J'aime le cinéma et j'ai donc été très intéressé par l'ouvrage. Cependant, est ce que c'est forcément un bon roman ?  Christophe Donner aurait pu suivre par exemple la trace de Patrick Deville qui, il y a deux saisons, avec " Peste et choléra" avait sublimé la vie du chercheur Alexandre Yersin par une densité romanesque et un montage original. Hélas, malgré quelques flash backs ici ou là, c'est la linéarité qui est choisie dans " Quiconque exerce....", l'auteur se contentant de broder quelques dialogues ou de conter avec verve certains moments forts (le sauvetage des jumeaux de Milos Forma au moment du printemps de Prague). Et cette chronologie, aussi confortable soit elle, cache un certain manque d'inspiration d'autant plus que Jean Pierre Rassam n'est au final pas tout à fait le héros du livre. Claude Berri, son beau frère, lui aussi producteur, rival du premier, occupe beaucoup de place dans le récit. Difficiles à dissocier puisque leurs parcours sont parallèles et familiaux, ils représentent tout à fait les duos antagonistes de tout un tas de comédies rigolotes françaises. Plus terne en apparence, Claude Berri fait pourtant de l'ombre à Rassam et pas qu'au niveau de la production ! Il dévie le romancier de son personnage principal, peut être pour masquer un manque d'éléments, de matière sur Rassam qui n'a pas eu le temps comme Berri de conter sa vie dans un livre. Le biopic se termine lorsque le truculent producteur entame une terrible traversée du désert qui l'amènera jusqu'à la mort. La dizaine d'années qui lui reste à vivre étant bâclée en 14 lignes, je suis resté un peu sur ma fin. A mon humble avis, il y avait là un vrai sujet ou même matière à broder pour un roman/biopic. Mais peut être est-ce encore un sujet sensible ? Les personnes qui l'ont accompagné durant cette période étant encore en vie (Carole Bouquet son épouse ), j'imagine bien qu'il soit difficile d'aller s'aventurer à romancer quoique ce soit.
Si vous êtes un tant soit peu intéressé par le cinéma, vous aurez du plaisir à lire le dernier Donner. Vos clichés de producteurs seront confortés. Oui, on couche beaucoup dans le milieu du cinéma pour arriver à pas grand chose, oui, on claque du fric de façon indécente, oui, on nous fait prendre des vessies pour des lanternes (Godard). Je devrais parler au passé puisqu'il s'agit des années 70....
C'est alerte, facile à lire. C'est déjà ça ! Mais de là à faire passer " Quiconque exerce ...." pour un grand roman, c'est une frontière que je ne franchirai pas. Parfois, je me demande si les attachés de presse ou d'autres protagonistes de certaines oeuvrettes n'appliquent pas à la lettre la phrase de Jean Pierre Rassam, lancée aux journalistes pour la sortie du "Vieil homme et l'enfant" : "Je peux même vous sucer la bite si vous me faites un bon papier ".


dimanche 24 août 2014

L'audience d'Oriane Jeancourt Galignani


Un petit tour aux Etats Unis ça vous direz ? Et si on allait au Texas ? L'un des états les plus conservateurs, où le protestantisme évangélique veille sur la moralité de ses ouailles comme un taliban sur la virginité de sa fille. Un état qui a des velléités pour abolir le droit à l'avortement mais qui, tradition de cow boy oblige, adore l'auto défense en engrangeant un arsenal dans chaque maison. La promenade dans cet état au passé flamboyant ( meurtre de Kennedy à Dallas, un massacre à l'université d'Austin, ....) ne sera pas pourtant des plus bucolique. On vous enfermera dans un tribunal, genre hangar en tôle chauffé à blanc par un soleil d'été particulièrement ardent, et ce durant les trois jours d'un procès. Toutes les télévisions du coin sont là pour assister à ce qui pourrait être le crime de l'année. Crime, c'est vite dit, il n'y a pas de victimes. Deborah Aunus, petite trentaine est professeur de mathématiques dans le lycée d'une petite ville coincée entre deux bretelles d'autoroute, loin de tout, près de rien. Elle est jugée pour avoir eu des rapports sexuels avec des jeunes hommes de 19 ans, majeurs donc et consentants. Le hic, c'est qu'ils sont ses élèves !
"L'audience", roman basé sur une histoire vraie, est une infernale descente aux enfers, de ceux qui existent dans ce pays pourtant hautement civilisé en apparence. Cette femme verra sa vie, ses désirs, sa sexualité, déballés sans l'ombre d'une pudeur qui pourtant semble être le minimum demandé aux habitants de cet état. Au nom d'une moralité pudibonde, empreinte de religiosité dégoulinante, le procès se révélera quasi inique. Dans un pays où l'industrie porno est florissante ( mais l'argent est roi et permet ainsi d'acquérir l'absolution), on se permet de juger l'intimité d'une femme et sa liberté sexuelle qui en fait ne dérange personne. Parce que sous couvert du procès d'une professeure, de sa supposée immoralité, c'est toute une société corrompue de partout, en proie à des tourments intérieurs de toutes natures qui se sert d'elle pour camoufler toutes les vilaines choses inavouables que pourtant elle génère.
Oriane Jeancourt Galignani dresse un portrait sans concession d'une Amérique qui ne fait plus du tout rêver. Crûment, en ne négligeant aucun détail, presque à la manière d'une entomologiste, elle dépeint chaque personnage de ce procès avec une acuité réjouissante, évidemment dérangeante. Les enjeux de chacun sont parfaitement mis à jour, donnant au roman un côté polar haletant très réussi.
J'ai tourné les pages avec ferveur, fureur, été happé par l'histoire, l'écriture, précise et caustique,  eu aussi chaud que les protagonistes, grincé des dents, me suis énervé... J'étais dans le procès, dans la vie de Déborah, même si celle-ci n'est pas énormément sympathique ni toujours bien responsable. Bref, j'ai eu un formidable moment de lecture, un de ceux qui vous passionne et qui vous restera sûrement en mémoire, pas de la grande littérature mais assurément un excellent roman au projet bien mené et bien écrit. 

samedi 23 août 2014

Sils Maria d'Olivier Assayas


J'ai vu le must de la rentrée cinématographique si l'on en croit les gazettes ! J'ai admiré Juliette Binoche et Kristen Stewart dans le nouveau film d'olivier Assayas. Qu'importe qu'il soit revenu bredouille de Cannes, en août c'est lui qui obtient la palme du boniment, de l'oeuvre injustement boudée. La presse dégouline de superlatifs, d'admiration tout en ne proposant généralement qu'une seule et même photographie de Juliette Binoche en robe du soir Chanel.
Il faut bien ce rouleau compresseur médiatique pour faire courir les spectateurs dans les salles pour aller se passionner aux interrogations intimes d'une comédienne célèbre (Binoche) se trouvant confrontée à une jeunesse aux dents longues qui la chassera impitoyablement du haut de l'affiche et aux vertiges d'une pièce de théâtre qui n'est finalement qu'un représentation de sa propre vie.
Le sujet, essentiellement destiné à une élite de spectateurs concernée par les affres de la création et les interrogations de la fugacité de son aura à l'intérieur du star system, va avoir du mal à alpaguer le populo. Peut être que quelques ados énamourés, attirés par la présence de Mlle Stewart, se risqueront à aller grignoter quelques popcorns avant de soupirer en s'apercevant que non, ce n'est pas un succédané de "Twilight". D'ailleurs, je me demande si tout ce tam tam assourdissant n'est pas là pour essayer d'amortir au maximum le cachet (surement exorbitant) de la jeune star hollywoodienne.
Essaie-t-on encore une fois de nous faire prendre une vessie pour une lanterne ? Pas tout à fait quand même, le film a des qualités mais pas au point je pense d'entrer dans la légende du cinéma !
Composé en deux parties et un épilogue, "Sils Maria" emporte tout d'abord l'adhésion dans le descriptif de l'univers de la star. La caméra sait rendre le rythme trépidant d'une vedette surbookée et qui apprend la mort de l'auteur qui l'a lancée. Aidée par une jeune secrétaire ( Mlle Stewart avec des lunettes pour faire sérieuse) qui filtre et organise sa vie comme un cerbère dévoué, la star va devoir affronter les médias (lunettes de soleil, visage fermé), un hommage à l'auteur ( rayonnante et profonde) et sa vie de tous les jours (pleurante car compliquée par un divorce ). Dans cette évocation la caméra d'Assayas est étonnante de précision et sait très bien rendre le stress qui enveloppe la comédienne. Par contre, et cela on s'en apercevra lors de la deuxième partie, on ne sent aucun rapport de proximité avec sa secrétaire, très présente certes mais vivant sa vie en marge. Et ce n'est pas la scène d'intimité entre elles, au bord d'un lac, qui soude un tant soit peu le duo. Intimité est un bien grand mot. Disons qu'à un moment, après une balade, la star veut prendre un bain, se met nue et demande à sa secrétaire de la rejoindre dans l'eau. Cette dernière se déshabillera mais restera en sous vêtements (et là on s'aperçoit à l'écran que Mlle Stewart, sûrement très prude, à l'américaine, porte un boxer sous lequel elle met un slip!), pensant surement que cette envie soudaine de nudisme n'est qu'une folie de vieille personne surement ex soixante huitarde.
La deuxième partie est le choeur du film. La star va rejouer la pièce qui l'a fait connaître  mais dans une autre rôle, celui de la femme vieillie. En  répétant son texte avec sa secrétaire qui lui lance les répliques du personnage plus jeune, la star va s'apercevoir que la pièce ressemble étrangement à ce qu'elle vit et les avis de sa collaboratrice vont  sérieusement l'ébranler. Il sera question de désir entre elles, de création, de temps qui flétrit les plus jeunes .... Le problème, pour moi, ici, est que ça ne fonctionne pas ! Le texte répété est assez tarte et ne donne aucune envie de le voir jouer ( une sorte de Tchéchov à la sauce Bergman mais sans le génie des deux). Si Juliette Binoche arrive à être crédible en comédienne devant passer le flambeau, Kristen Stewart semble penser que pour le cachet minable que lui ont donné les producteurs français, porter d'affreuses lunettes est le maximum qu'elle puisse donner! Le film s'enlise dans un ennui distingué. Théoriquement, sur le papier, on peut penser que nous touchons un sommet d'intelligence et de sensibilité. C'est surement le cas mais, malgré l'élégance de la mise en scène et le rajout d'un face à face avec une jeune actrice qui monte, le film peine à convaincre et à passionner. Sinon, comme d'habitude, Binoche fait du Binoche (très bien ), c'est à dire qu'elle pleure, rit, pleurniche, éclate de rire, sanglote. Elle porte le film sur ses épaules, arrivant à sublimer des répliques et des situations assez ampoulées.  Dommage que sa jeune accolyte ne soit pas au diapason, se contentant de gérer sa carrière naissante en essayant une incursion dans le cinéma dit d'auteur... Pas sûr qu'elle ait choisi le bon cheval... ou qu'elle soit la jument idéale .




vendredi 22 août 2014

Nous faisons semblant d'être quelqu'un d'autre de Shani Boianju


Ce premier roman d'une jeune auteure israélienne nous est annoncé comme "un coup de poing singulier et provocateur ". Concrètement, ce slogan n'est pas totalement faux, mais une fois le livre refermé, je suis resté un rien circonspect quant au résultat.
Trois amies d'enfance, Yaël, Lisa et Avishag vivent dans une petite ville posée au milieu des cailloux par des colons en quête de judéisation d'une région située au bord de la frontière libanaise. Tout y suinte l'ennui, la résignation et l'état d'alerte permanent, ponctué par des explosions lointaines de missiles, accentue la puissance des rêves et des désirs de ces jeunes filles. Mais, à dix-huit ans, le service militaire les appelle et les séparera. Chacune vivra ces vingt-deux mois obligatoires comme un parcours initiatique qui bouleversera à jamais leur vie.
Le message que veut crier Shani Boianju est fort et évident. Ce passage dans l'armée de toute une jeunesse, garçon ou fille, laisse une empreinte indélébile dans ces jeunes cerveaux et démolit la vie future de façon irréversible même si l'on a eu la chance d'en revenir vivant. Nul n'est à l'abri de comportements extrêmes, déstabilisants voire suicidaires.
Cependant, la construction employée affaiblit passablement le propos. Nous sommes dans un mix entre roman et recueil de nouvelles. Les trois jeunes filles servent de fil conducteur mais chaque chapitre peut se lire séparément, mélangeant alors anecdote militaire vécue par l'une d'elle avec une résurgence du passé. La fulgurance du présent se retrouve bien souvent affadie par ce mélange d'un passé moins prenant. Si les deux premiers tiers du livre arrivent à convaincre par la force de certaines histoires, la dernière partie s'essouffle, l'auteure maniant mal l'art de l'ellipse. Son récit, qui aurait pu enfoncer le clou encore plus profondément, devient moins convaincant comme si elle avait peur d'aller trop loin dans la dénonciation.
Avis en demi-teinte, même si ce roman recèle de belles scènes, notamment, celle érotico/guerrière d'une leçon de tir au fusil. Le message est fort assurément et de plus en plus présent dans les oeuvres littéraires ou cinématographiques israéliennes qui parviennent jusqu'à nous, mais ici, le propos se dilue dans une construction mal équilibrée qui, en voulant décrire un maximum de faits, n'arrive qu'à perdre un peu l'intérêt du lecteur en route.

Livre lu dans le cadre de l'opération  "On vous lit tout, en partenariat avec Libfly et le Furet du Nord"

jeudi 21 août 2014

Madame de Jean Marie Chevrier


La campagne. Profonde. Un château. En ruine ou presque. Dedans, une baronne, vieillissante. Pas loin, un ado. Fils du métayer. Et des liens qui vont se nouer au fil des mois entre cette femme austère et ce jeune homme sensible. Comme ( trop? )souvent dans les romans, il faudra aller chercher dans le passé, sur les traces d'un enfant mort, les clefs pour mieux appréhender un présent étouffant. 
Ce roman est étrange. Au début, on a du mal à le situer dans le temps. Cette châtelaine avec sa famille de métayers, cela très début du siècle dernier. Puis, petit à petit, au gré de quelques petits détails contemporains, il faut se rendre à l'évidence, l'hommage déguisé à François Mauriac, est bien situé de nos jours, même si l'héroïne est d'un autre temps et le jeune garçon guère représentatif du collégien moyen des années 2010. 
Si l'on arrive à faire l'impasse sur cet ado anachronique, totalement improbable, le roman possède des qualités indéniables. L'écriture est classique, agréable, l'histoire, profondément psychologique, bien menée. Cela pourra plaire à un lectorat nostalgique des romans d'antan, ceux qui garnissaient les rayons des bibliothèque bien pensantes. Les personnages sont bien fouillés et arrivent à devenir crédibles dans leur cheminement intérieur. Cependant, à vouloir concocter une histoire aux ressorts maintes fois éprouvés ( faire le deuil d'un enfant ), Jean Marie Chevrier a un peu de mal à me captiver. Le dernier tiers du livre, mélange d'action (attention ce n'est pas un polar trépidant non plus, disons que ça s'agite un peu plus !) et de tension psychologique (  avec le lourd symbole de la deuxième mort du fils ) tombe un peu trop dans le déjà lu. Toutefois cette ambiance vieillotte, surannée, n'est pas désagréable. En plus d'imaginer une adaptation pour le cinéma ou la télévision (un beau rôle pour une actrice acceptant de s'enlaidir ), ce roman se considère un peu comme un vieux meuble, magnifique copie d'ancien dont on apprécie la patine et la qualité du travail. "Madame" reste cependant un peu trop classique et prévisible pour que sa lecture m'ait bouleversé. 

mercredi 20 août 2014

Les combattants de Thomas Cailley


Un jeune homme, Arnaud, un peu fâlot, mal à l'aise avec les mots, avec la vie qui vient de lui reprendre son père et qui l'oblige à aider un aîné dans une entreprise familiale de construction en bois, croise lors d'une caravane publicitaire pour l'armée de terre, une jeune fille plutôt rude et space qui s'entraîne à survivre. Bâtie dans sa tête comme un dur et essayant de mettre son corps au diapason, Madeleine retrouvera le jeune menuisier chez elle, construisant un abri de jardin. Fasciné par cette fille au verbe haut et péremptoire, Arnaud ira jusqu'à s'inscrire dans un stage de l'armée pour la suivre. 
Décidément, après "Le beau monde " la semaine dernière, "Les combattants", dans un style tout à fait différent, confirme la bonne forme du jeune cinéma français, même si celui-ci pêche un peu par son scénario qui mélange avec audace les genres mais qui au final ne convainc pas totalement. Sur un sujet de comédie déjà exploité ailleurs, l'opposition de la fille très forte psychiquement et du garçon trop tendre mais aussi du film de bidasses, " Les combattants " lorgne également du côté du film romantique voire de la fable écologique. Drôle, franchement bien dialogué dans sa première partie, il s'enlise un peu dans la deuxième partie, plus romantique lorsque les deux jeunes gens s'isolent du monde pour se découvrir et s'aimer, au milieu d'une nature pas toujours hospitalière.
Ce mélange de genres tient cependant la route grâce à l'époustouflante performance d'Adèle Haenel. Il y a des mois que je n'ai pas autant été scotché d'admiration par une actrice. Elle tout simplement géniale ! Elle possède un aplomb extraordinaire dans les scènes de comédie, impose son personnage pourtant pas sympathique en jouant de fabuleusement de son corps. Et quand le film se fait plus tendre, elle devient tout aussi irradiante, sensuelle et sensible. Elle est vit à l'écran comme peu de comédiennes. Qu'elle soit en premier ou en arrière plan, on ne voit, on ne sent qu'elle ! Même dans le noir, avec un visage passé au cirage, un seul coup d'oeil, un frémissement de ses lèvres,  en disent plus long que toutes les scènes de tous les films de Léa Seydoux (pour en prendre une au hasard). Sa présence est troublante, lumineuse et sans jamais forcer le trait, ni jouer d'une séduction artificielle. Elle est tout simplement extraordinaire !
Rien que  pour elle le film vaut le déplacement (et même plusieurs) mais le film saura aussi séduire par une direction d'acteurs exemplaire et par son esprit subtilement frondeur, voire son petit côté prophético/écolo ! Et pour peu que vous soyez d'humeur un peu bucolique ou romantique, cette deuxième partie plus tendre vous charmera peut être... 




lundi 18 août 2014

Ecoute la pluie de Michèle Lesbre / Lectures de vacances 9



POURQUOI ?

L'auteur à chaque nouvelle parution, semble enthousiasmer la critique et peut être un peu moins les ventes. Ca sent l'auteur de niche, celui qui écrit bien que seul un public choisi, averti, épris de textes moins faciles connaît. La curiosité a fini par l'emporter et c'est avec ce texte court (moins de 100 pages ) que j'ai décidé de commencer. (Certaines de mes amies lectrices m'ont par ailleurs souhaité bon courage !)

OU ? 

Dans le Tarn encore, puisque c'est mon lieu de vacances (mais tout à une fin, bientôt la rentrée). Et pour vous prouvez qu'il se passe des choses en région, la photo a été prise à Andillac, 118 habitants, mais, au centre de son village magnifiquement entretenu, une fontaine avec un mur végétal de Patrick Blanc ! Un lieu idéal, paisible et de toute beauté pour accompagner la pluie de l'auteure. 



ET ALORS ? 

Texte sensible et fragile, "Sous la pluie" diffuse un lourd parfum de temps qui passe, de mort qui approche, d'instants passés et à jamais révolus. Beaucoup de nostalgie, d'interrogations dans ce récit court mais profond. 
Après un premier chapitre implacable, où la narratrice assiste impuissante au suicide d'un vieil homme dans le métro, le roman s'attache à ses  déambulations un peu somnambuliques, nous confrontant à son questionnement, ses désirs, leur naissance, leurs dilutions. La vie s'égrène inexorablement vers une fin ressentie comme inéluctable. Il ne lui reste de le désir d'essayer de profiter pleinement de ce temps qui reste, sans en avoir pourtant la recette idéale, seulement une appréhension qui la pousse en avant. Elle erre, écoute, regarde, se souvient. Ses souvenirs d'enfance, mêlés à une extrême sensibilité  ainsi qu'à d epetits instants volés par un appareil photo, forment un ensemble très dense et très personnel. 
Miroir de nos propres interrogations, le roman de Michèle Lesbre est touchant et bel et bien fragile. Même si parfois j'ai été agacé par cette ostentation inutilement branchée à narrer quelques épisodes clivants et pas indispensables , un concert de Count Basie à New York, des vacances à La Havane, j'ai apprécié cet univers où la réflexion prend le pas sur l'histoire. 

samedi 16 août 2014

Désordre de Penny Hancock / Lectures de vacances 8


POURQUOI ? 

Bonne question  (même si c'est moi qui la pose )! Pourquoi ai-je acheté ce livre ? Personne ne me l'a conseillé et je n'en avais jamais entendu parler. De plus sur la quatrième de couverture, une recommandation de S.J. Watson dont Avant d'aller dormir m'avait rasé à l'époque aurait du me faire fuir. Alors je ne sais pas, les polars sont tellement nombreux dorénavant sur les étals des libraires que le choix est difficile. Il me faut éviter les thrillers aux sérials killers déjantés qui étouffent des mamies avec des foetus fraichement prélevés sur des jeunes filles venant d'atteindre leur 5 ème mois de grossesse, les privés célibataires, alcoolos, anciens flic ripoux, taiseux et tentés par la cocaïne ou les polars flirtant avec l'ésotérisme, avatars pour adultes de la littérature pour ados qui a tant de succès auprès des producteurs hollywoodiens. Celui-ci avait l'air plus psychologique...alors pourquoi pas ? 

OU ? 

Toujours dans le Tarn, auprès du " pigeonnier d'Elise" , superbe location, fortement recommandée, (cliquez sur le lien)  pour des vacances reposantes, conviviales,  dans un coin de France qui, parfois, a des petits airs de Toscane...



ET ALORS ? 

Classique et pas mal, en tous les cas, assez bien fichu pour vous faire tourner sans trop de lassitude les 400 pages de cette histoire, "Désordre" vaut mieux que sa couverture vaguement sensuelle, assez ratée. Pas du tout thriller, même si annoncé comme tel, c'est bien un roman psychologique virant un peu au polar sur la fin. 
Manipulant des ingrédients éprouvés (la séquestration, un passé lourd qui resurgit ), Penny Hancock, pour un premier roman noir ( enfin, ...gris) n'a pas choisi une voie facile, le suspens psychologique ne supportant aucun à peu près pour être réussi. 
Son intrigue, qu'elle arrive à rendre finalement plausible, enrichie d'un regard implacable sur l'usure des couples, avance lentement et sûrement vers un final pas vraiment surprenant car inéluctable. Un peu plus resserré, le récit aurait gagné en intensité. L'action est ralentie par de nombreuses et minutieuses descriptions de la Tamise, de ses quais, de ses marées et des problèmes de navigations de diverses embarcations intervenant dans les souvenirs de l'héroïne. L'auteure a vraisemblablement voulu amortir  les heures de recherches de documentation, privant son récit d'un peu de nervosité et d'intensité. 
Malgré tout, je me suis laissé porter par cette histoire où le lecteur se retrouve dans cette position inconfortable (mais ô combien plaisante) de ne pas trouver le personnage principal sympathique. Il découvre de façon détachée ce récit d'une personne sombrant dans une folie qui pourrait la mener ou l'amènera vers l'irréparable. (Je ne veux pas dévoiler la fin). 

vendredi 15 août 2014

Si rien ne bouge d'Hélène Gaudy / Lectures de vacances 7


POURQUOI ?

Ce poche a été choisi selon deux critères totalement personnels et légers. Tout d'abord je recherchais un(e) auteur(e) inconnu(e) de moi et dont personne ne m'avait donc conseillé le moindre titre. Parfois, il est est intéressant d'aller zoner dans des contrées inédites. Ensuite, c'est mon oeil qui a guidé l'achat et c'est donc cette couverture évoquant l'été, la plage, non exempte de sensualité qui l'a emporté. 

OU ? 

Dans le Tarn et pas loin de Rodez lieu de naissance des éditions du Rouergue qui a publié ce titre en 2009. Et comme je n'allais pas refaire le coup de la photo précédente en faisant croire que je passe ma vie devant les librairies mythiques de France, un peu de la campagne environnante a servi de toile de fond à cette histoire se déroulant en Corse...



ET ALORS ? 

Le passage délicat de l'adolescence à l'âge adulte est un sujet mille fois traité par les romans et donc casse gueule ( et celui de la coupure symbolique du cordon ombilical avec la mère aussi !). Dans "Si rien ne bouge", l'auteure tente d'y apporter une touche différente en explorant la voie du récit psycholo-énigmatique. Elle introduit, de façon moyennement convaincante, dans une famille aux apparences soudées, un peu renfermée aussi, une adolescente assez délurée, vaguement ambiguë dont la présence est empreinte d'un léger mystère. Cela fonctionne à peu près correctement durant la première moitié du livre. On ressent bien les doutes, les failles s'ouvrir peu à peu, le danger pointer le bout de son nez mais tout cela finit par patiner un peu par la suite. On nous alors traîne jusqu'à un final nocturne elliptique qui  m'a laissé dans une expectative guère emballante. 
Dommage, car il apparaît dans ce roman un belle qualité d'écriture hélas au service d'un projet qui m'a paru un peu flou.

jeudi 14 août 2014

Le beau monde de Julie Lopes Curval


Une jeune lycéenne issue d'un milieu où l'habitat est un trois pièces dans un HLM rencontre lors d'un petit boulot dans une pâtisserie, une bourgeoise qui occupe une de ces magnifiques demeures  en Normandie. Osant passer une frontière supposée infranchissable, elle obtiendra une recommandation pour entrer dans une prestigieuse école de couture parisienne. Une fois dans la capitale, elle entamera une liaison avec le fils de la bourgeoise.
Le thème des histoires amoureuses issues de classes sociales radicalement opposées a donné dernièrement un chef d'oeuvre palmé, naturaliste et tapageur ( La vie d'Adèle ) ou une comédie pétillante et amère ( Pas son genre ). On pouvait craindre que celui-ci, à l'aspect et à l'aura plus fragile, ne supporte pas la comparaison. A tort, car " Le beau monde " est un très joli film, une vraie bonne surprise. Il sait jouer sa partition sans fausse note. S'il devait rappeler un film, ce serait beaucoup plus " La dentellière" de Claude Goretta auquel il fait immanquablement penser, pas seulement à cause de  la passion pour la broderie de l'héroïne, mais sûrement pour son côté silencieux.
Mais passons sur les glorieux aînés et revenons à ce film tout en retenue et discrétion qui sait parfaitement nous captiver. Son scénario qui possède une approche de la temporalité toute personnelle, travaillé dans une précision de petite main, slalome entre les clichés, sachant les éviter en préférant nous montrer les désarrois intérieurs de ses personnages.
Julie Lopes Curval, sans jamais forcer le trait, juste en dévoilant un geste, une expression, un mot, une phrase, une lumière parfois, saisit une palette d'émotions qui donne au film une intensité palpable. Ce récit initiatique, pourtant pas bien original sur le papier, se révèle au final une jolie réussite. Ana Girardot, fragile, anxieuse, mais dont on devine les possibles sous son air effacé et Bastien Bouillon, bourgeois hésitant entre rupture de ban et réussite sociale inhérente à son milieu, sont parfaits.Et comme nous sommes dans une production française de qualité, les seconds rôles sont au diapason. Aurélia Petit et Stéphane Bissot sont incroyables de justesse dans les compositions pas évidentes des mères des deux amoureux. Elles aussi évitent les clichés et donnent à leurs personnages profondeur et crédibilité.
Vous l'aurez compris, ce "beau monde" est pour moi un joli coup de coeur. Scénario rigoureux, mise en scène stylée et direction d'acteurs exemplaire sont les trois mamelles d'un cinéma français qui, ici, brille non pas d'un éclat trop clinquant mais d'une lumière discrète et chaleureuse, malgré un sujet de téléfilm. Comme quoi, avec beaucoup de talent....




mercredi 13 août 2014

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants de Mathias Enard / Lectures de vacances 6


POURQUOI ?

Mathias Enard fait partie de ces nombreux auteurs français qui, a chaque sortie d'un nouvel ouvrage, entraînent un déluge de bonnes critiques. Comme je n'avais jamais rien lu de lui, il était grand temps que je répare ce manque. 

OU ?

Dans la région d'Arles, pas loin de chez son éditeur. Bien sûr j'aurai pu aller le lire sur les bords du Bosphore mais je me suis contenté du mazet loué pour à l'occasion de mes vacances. Cependant, et contrairement à ce peut laisser penser la photo ci-après, je ne l'ai pas lu devant la librairie Actes Sud, c'est juste un clin d'oeil car il aurait été idiot de déambuler dans les rues d'Arles sans entrer dans cette magnifique boutique !


ET ALORS ? 

Entre récit historique et roman, Mathias Enard joue sur plusieurs tableaux. C'est à la fois le portrait intime d'un Michel Ange jeune a un moment charnière de sa carrière dont l'auteur se plaît à poser des éléments en regard de son oeuvre future, mais aussi un récit sur le désir et la sensualité, thèmes très présents dans la peinture et la sculpture du génie florentin. Mathias Enard, que l'on sent énormément imprégné de culture arabe, aurait pu offrir un récit un peu didactique mais son écriture fluide, proche des corps et de la vie, emporte l'adhésion du lecteur. 
Une belle lecture, alliant histoire et romanesque, aussi bien travaillée que la magnifique dague de damas noir rehaussée d'or que Michel Ange a façonné lors de ce  périple en Turquie raconté ici avec maîtrise et invention. 

mardi 12 août 2014

Winter sleep de Nuri Bilge Ceylan



Les obstacles qui  empêchent de se rendre au cinéma voir la dernière palme d'or du festival de Cannes sont nombreux. L'idée de s'enfermer plus de trois heures, un jour de beau temps, dans une salle climatisée à fond comme pour mieux nous faire ressentir l'hiver glacial du film, nous faisant louper soit une après-midi de farniente soit une soirée d'été agréable entre amis amènent à penser que les distributeurs de ce film jouent un coup de poker. Et si quand on rajoute un sujet très psy et un label "Cannes" synonyme quand même d'élitisme, le pari de cette sortie estivale n'est pas gagné !
Ayant trouvé un créneau convenable pour déguster le nouvel opus de Mr Ceylan, je suis ressorti, il faut bien le dire satisfait et la tête pleine d'images et de questions. 
Tout d"abord, je n'ai pas du tout eu l'impression que le film durait 3h16. Je ne dis pas par contre que le spectateur habitué à voir Spiderman ne sortira pas avant la fin ou ne trouvera pas que cela dure une éternité, car "Winter sleep" est quand même un film qui en impose par sa lenteur au service d'un propos de haute volée. Mais chapeau au réalisateur /scénariste pour nous intéresser, nous captiver durant tout ce temps avec un enfant aux yeux froids, un hôtelier retiré du monde, sa femme qui joue les dames patronnesse, sa belle soeur désoeuvrée et un imam obséquieux. A la beauté incroyable des plans extérieurs se rajoutent une maîtrise imparable pour capter de longues séquences de dialogues en intérieur. Malgré l'éloignement géographique et culturel de ces personnages, le propos est infiniment universel. Je défie quiconque ayant un tant soit peu de sensibilité de ne pas se sentir concerné, se reconnaître un tout petit dans ces escarmouches intimes, résultat d'une longue macération de multiplesrancoeurs que ces hommes et ces femmes ont retenu depuis bien longtemps semble-t-il. Certes cela reste du cinéma bourgeois, à la mode Bergman, guère novateur, mais l'écriture tout en finesse, la maîtrise parfaite du cadre et une imparable envie de forcer le spectateur à s'interroger, à faire résonner en lui toutes ces interrogations philosophiques ou métaphysiques, font que l'on ressort la tête emplie de questions et les yeux encore éblouis par la beauté de certains plans. 
"Winter sleep" est sûrement un voyage exigeant du spectateur une adhésion totale à un format long et lent et à une narration classique, mais cette plongée en Anatolie, même pendant la période hivernale, nous rappelle que quelque soit le thème ou l'origine d'un film, quand on est un grand cinéaste, on sait parler au plus grand monde. Je ne pourrai que conseiller cette immersion dans cet hôtel troglodyte turc, cela fait du bien au yeux comme à l'esprit et par les temps qui courent, c'est rare !








lundi 11 août 2014

La campagne de France de Jean-Claude Lalumière / Lectures de vacances 5



POURQUOI ?

Malgré une couverture dans sa version brochée pourvue de blasons, à mi-chemin entre traité héraldique et France éternelle peu vendeur pour moi, l'humour annoncé m'avait pourtant intéressé lors de la sortie et je n'ai pas pu résister à voir de plus près de quoi il s'agit maintenant que cette version poche (avec photos de Depardon !) est sortie. Peut être un nouvel auteur à suivre, surtout qu'en 2014 un nouveau roman au titre insolite est sorti ...

OU ?

Le lieu de lecture était presque raccord puisqu'il a été lu dans la campagne nîmoise à l'ombre d'un micocoulier.



ET ALORS ?

Avec un départ du genre "regardez-moi ces français retraités basques ignares, incultes, gavés de télé et le cerveau disponible pour le néant culturel", j'ai eu peur d'être embarqué dans un récit pour lecteur du Figaro titillé par le vote FN, tellement l'idée de la France décadente semblait être le ressort du livre. Et puis, ce ton grinçant, pas déplaisant quelque part car issu d'une fine observation de notre monde, a basculé vers autre chose. 
L'opposition de départ entre les joyeux retraités et les deux jeunes héros, voyagistes épris de culture mais un soupçon présomptueux, va se trouver mise à mal. Le pont d'humanité qui est en chacun de nous (enfin, on peut l'espérer) va apparaître au fil des péripéties. Même si le dernier tiers tend un tout petit peu à ressembler à ces récits qui sentent le filon pour plaire aux nombreux lecteurs retraités , à qui on croit faire plaisir en publiant moultes resucées de succès genre " La liste de mes envies" ou "Et puis, Paulette... ", "La campagne de France" reste au final assez réussi. Le regard narquois du départ se trouve adoucit par une vision plus humaine de nos français moyens qui pourraient en avoir finalement plus qu'on ne le pense sous leur béret. 





dimanche 10 août 2014

Ana Arabia d'Amos Gitaï


Voilà un film qui sort à point nommé. Alors qu'Israël met en avant ses instincts les plus belliqueux, "Ana Arabia" nous propose de nous conduire dans un havre de paix entre les peuples, dans une ruelle oubliée,  en essayant de nous passionner par la vie d'une juive rescapée d'Auschwitz, ayant épousé un arabe. et ayant vécu dans une sorte de colonie mêlant juifs et palestiniens.
A partir de cette histoire bien réelle, hautement symbolique, Amos Gitaï a mis en place un dispositif étrange qui tient lieu de performance; "Ana Arabia" ne comporte qu'un seul et unique plan. La caméra suit dans une succession de ruelles et de cours une journaliste enquêtant sur la vie d'une certaine Siam Hassam, interrogeant sa famille et ses amis.
C'est d'un ennui mortel. Il y avait des mois que je ne m'étais pas autant rasé au cinéma ! Même le dernier Godard pouvait passer pour palpitant. La soi-disant prouesse technique laisse songeur à l'heure des caméras numériques ultra légères (Il paraît que le réalisateur a immobilisé par trois fois tout un quartier pour ses prises, sa caméra étant fixée à une grue...). On sent que le scénario a été remanié à la va-vite ( entre chacune des trois prises selon les échos, en virant notamment la comédienne qui devait jouer le personnage principal de cette juive devenue arabe et en décidant qu'elle ne serait qu'évoquer). Du coup le propos se trouve dilué dans un verbiage confus et inintéressant, fleurant l'improvisation. Le spectateur plonge dans un ennui profond, ne trouvant rien à quoi se raccrocher. L'histoire est tout bonnement rendue incompréhensible. Cerise sur le gâteau, la comédienne que suit obstinément la caméra, ne possède pour seul talent que celui de donner au spectateur l'envie de lui coller une claque ! Aussi expressive qu'un cageot d'avocats abandonné dans un coin d'une échoppe de Tel Aviv,  impeccablement maquillée, elle ne doit sa présence qu'à sa jolie plastique. Son seul jeu de scène se réduisant à faire semblant de noter des mots sur un petit calepin (on se demande bien quoi d'ailleurs car c'est toujours au moment où les protagonistes parlent de la pluie et du beau temps)...
Du coup "Le plaidoyer pour la paix au Proche Orient" vanté par un publicitaire avisé, sachant profiter de l'actualité pour essayer de faire son beurre (ou plutôt d'exhumer des étagères poussiéreuses du distributeur cette chose mal fagotée) est un vrai pensum totalement raté.
Malgré cette réelle envie de porter haut ce symbole d'unicité dans un pays déchiré, Amos Gitaï rate sa cible sur toute la ligne. Ce film ne ressemble en rien à ce que peuvent nous proposer depuis quelques années, tant au cinéma qu'en littérature, cette nouvelle génération d'artistes israéliens voire palestiniens, beaucoup moins consensuels et essayant avec des fictions autrement plus percutantes de secouer le cocotier local.
"Ana arabia" n'est finalement que l'expression de l'impuissance d'une génération un peu dépassée, mal connectée à un présent qui demande autrement plus de pugnacité que cette fiction éthérée, laborieuse et peu inspirée.