mercredi 29 août 2018

Burning de Lee Chang-dong



Paré d'une pub jouant sur le fait que le festival de Cannes est passé totalement à côté d'un chef d'oeuvre, "Burning" arrive sur les écrans avec l'aura d'un film que tout le monde a adoré sauf cette bande de d'aveugles ( peut être trop élitiste si l'on joue du côté "tous pourris" ou franchement pas cinéphiles si l'on penche pour le manque de culture) qui n'a pas daigné lui donner un lot de consolation. Peut être que la longueur de ce long-métrage d'un maître coréen, 2h30 au compteur, a eu raison de la capacité d'attention d'un jury qui l'a peut être visionné après un repas bien arrosé.
Il est certain que pour appréhender "Burning" , trois conditions semblent indispensables ( en plus de ne pas avoir un repas copieux dans le ventre) : être patient ( on peut ressentir durant la projection le passage du temps), le voir dans une salle de cinéma ( comme la plupart des grands ou des bons films) et ne pas y aller seul ( ou alors à la sortie, inviter ses voisins de siège à en discuter autour d'un pot ).
Oui, "Burning" est un film exigeant, troublant, qui ne se révèle réellement que dans ses dernières trente minutes. Mais une fois la salle rallumée, les deux premières heures, à l'apparence un peu longuette, vont s'éclairer soudain et ouvrir pour tous les spectateurs des abîmes d'interrogations, de questionnements ( d'où l'importance de ne pas sortir et rentrer seul dans sa chambrette).
"Burning"  se range dans cette catégorie d'oeuvres qui vous poursuit longtemps tant des images apparemment banales vous reviennent et prennent soudain significations ( oui au pluriel, car les interprétations peuvent être multiples). C'était le but de Lee Chang-dong et donc pari réussi ! On peut donc y voir une métaphore sur la Corée du Sud et l'avenir de sa jeunesse dans un monde opiniâtrement libéral, mais aussi une réflexion politique autour de la lutte des classes en passant par un troublant travail autour de l'invisibilité ( des choses mais aussi des êtres), voire un jeu subtil autour de la création littéraire et/ou cinématographique. Nous sommes vraiment dans le royaume de l'art et essai. D'une assez banale histoire d'amour triangulaire qui vire lentement au thriller psychologique, cet essai artistique épate par son exigence et sa maîtrise.
"Burning"  ne se laisse pas facilement séduire, ni ne cherche à le faire réellement, préférant installer un univers ultra pensé et distiller au compte goutte ses charmes aussi vénéneux que subtils. Même si parfois le temps s'écoule très très lentement, ( laissant passer le doute que franchement les critiques exagèrent ), le spectateur sera au final largement récompensé à la fin. Evidemment, si votre vitesse de croisière cinématographique est le film d'action monté comme un clip, pas certain que "Burning" brûle votre esprit...


mardi 28 août 2018

Loup et les hommes de Emmanuelle Pirotte


Proposer un grand roman historique, inspiré de Jack London ( en version plus progressiste) et d'Alexandre Dumas mais empreint de quelques clins d'oeil psychologiques ou sociétaux vers notre époque, voilà l'ambitieux projet du troisième roman d'Emmanuelle Pirotte. Tumultueux, foisonnant, "Loup et les hommes"  réussit-il son pari ?
Le talent de conteuse de l'auteure saute au yeux  dès les premières pages. Elle manie avec verve secrets, vengeances, pardons, qui du "Comte de Monte-Cristo" (1844) à "Couleurs de l'incendie" (2018) ont fait leurs preuves surtout quand lorsque ces éléments s'agencent habilement dans le récit. Loup, le héros, sombre, cruel, puissant mais forcément tourmenté, éclaire le roman de sa prestance de presque surhomme. Son corps massif, musclé, tatoué, porte les marques de ses très nombreux combats. De ses innombrables saillies ( un héros puissant au combat l'est aussi sexuellement, il trousse sans ménagement les femmes et quelques messieurs aussi...) ne résulte qu'un seule descendance, un fille à la beauté ambiguë. Face à lui, son ( faux) frère, Armand, l'a fait envoyer aux galères une vingtaine d'années plus tôt. Nous sommes en plein XVIIème siècle et autant dire que c'était le condamner à une mort lente. Pétri de remords, et à cause d'une intuition, il partira à sa recherche dans le nouveau monde, ici le Canada que les français, les anglais et les hollandais se disputent et tentent d'arracher aux diverses tribus indiennes qui le peuplent. Ca tombe bien, Loup a justement réchappé à son sort de galérien et son charisme lui a permis de s'intégrer dans une de ces tribus. Voilà pour le point de départ. Vous y ajoutez des personnages secondaires attachants, de la violence ( ici à base de tortures très variées, l'époque n'avait que faire de la douceur, la cruauté était monnaie courante), des histoires d'amours ( évidemment, mais variées, pour tous les goûts), des balades guerrières dans de splendides paysages et vous avez le coeur d'une intrigue grandement romanesque.
Mais Emmanuelle Pirotte, si j'en crois la quatrième de couverture, en plus d'être romancière, est aussi historienne. Et cela se sent ! Le XVII ème siècle nous est dépeint sans concession. Exit les mignardises de tapisseries d'Aubusson ou la joliesse proprette de tant de romans historiques. Les êtres sont sales, puants, comme la plupart des lieux qu'ils fréquentent. Leur vie demeure loin du long fleuve tranquille puisque l'insécurité règne partout. Les religieux, aimant l'analphabétisme et la crédulité qui va avec, profitent de ce terreau idéal pour jouer sur la peur et imposer ainsi leurs improbables histoires. Le Canada de l'époque, ses nombreuse tribus indiennes qui le peuplent sont décrites dans les moindres détails.  Cet arrière-plan historique foisonnant ancre le récit dans une réalité qui parfois résonne de façon très contemporaine...
Pour compléter cette riche intrigue, Emmanuelle Pirotte va aussi développer longuement le cheminement intérieur de la plupart des personnages principaux, dont la confrontation avec la violence mais surtout avec la nature ou les hasards de cette vie d'aventures, va les faire évoluer psychologiquement.
Beaucoup d'ambitions dans ce projet, mais peut être un peu trop, au détriment de ce qui fait un bon roman d'aventures : le rythme. Bien sûr, on s'enfonce dans le grand Nord canadien, curieux de savoir ce qui va bien pouvoir arriver à ces êtres ballottés mais leur course est ralentie ( enfin, plutôt notre soif de lecture) par un trop plein de psychologie un peu tirée par les cheveux ( trop actuelle du coup au regard de leurs actes spontanés et barbares) mais aussi par les évocations nombreuses  de toutes ces tribus que l'on a du mal à resituer ou par cette envie de ne pas perdre le lecteur en lui rappelant assez souvent les faits principaux ( pas d'inquiétude Emmanuelle, un lecteur en 2018 est habitué aux flash-back ou aux changement de narrateurs).
"Loup et les hommes" séduit par son ambition mais n'arrive pas tout à fait à lier tous ses nombreux ingrédients pour nous livrer un roman totalement emballant. Toutefois, il est certain que des ouvrages  de cette trempe romanesque ne sont pas légion en cette rentrée littéraire. Les amateurs du genre aimeront assurément  s'y plonger.

vendredi 24 août 2018

Swing time de Zadie Smith


Publier Zadie Smith en cette rentrée littéraire, c'est à priori posséder une championne qui risque fort de gagner la course à l'emballement critique et peut être public. Hélas, à la lecture de "Swing time" , après un départ en flèche, l'auteure anglaise s'emberlificote dans sa narration qui la voit terminer ses 470 pages sérieusement essoufflée.
Au départ pourtant, la mise en place des héroïnes, deux adolescentes métis d'une banlieue de Londres au début des années 80 s'avère littéralement époustouflante. C'est avec un enthousiasme certain que l'on découvre cette plongée dans leur quotidien de futures adultes. Leur passion pour la danse dans un univers ultra populaire est auscultée par une écriture ample dont la finesse de l'analyse laisse présager un grand moment de littérature. La trame romanesque ( assez classique surtout depuis Elena Ferrante ) promet donc de suivre la destinée de ces deux copines qui vont se heurter au déterminisme social qui les engluent dans leur HLM qui, ici, sera doublé par leurs origines raciales.
Ce premier tour de piste magistralement posé, permet d'embrayer pour la suite et le parcours forcément divergent de ces deux jeunes filles. Mais que ce passe -t-il ? La foulée devient plus hésitante dans la construction. La narration joue avec le temps, essaie d'insérer les deux destins dans le même récit  pour finalement choisir une trame croisée plus classique. L'audacieuse et douée Tracey va vite démarrer une carrière de danseuse, tandis que la narratrice plus sage, va devenir par les hasards de la vie, l'assistante personnelle d'une méga star internationale de la chanson ( un genre de Madonna). On sera donc beaucoup plus plongé dans la vie trépidante d'une célébrité que dans l'univers de dèche que se prépare sa copine. Arrive donc, une escouade de personnages secondaires qui peinent à exister car uniquement là pour permettre à l'auteure de placer force messages et points de vue. Trop sans doute, car si certains passages continuent à faire mouche, le roman part dans tous les sens, oubliant sa ligne directrice. Et soudain, entre quelques rebondissements incertains, surgissent des thèmes divers et variés allant de la description du show biz jusqu'au poids de la diaspora noire dans l'inconscient de notre narratrice, en passant par une critique de notre société de services qui rend l'humain invisible au le pouvoir de l'argent et de ses limites quand il se mêle de faire la charité en Afrique.
Zadie Smith peine à amalgamer l'ensemble, n'arrive plus à tenir le rythme ni la flamboyance de son écriture ( même si quelques beaux éclats parsèment le récit). L'intérêt faiblit peu à peu et l'on referme le livre un peu déçu par toute cette énergie pas trop bien canalisée. "Swing time" restera un roman ambitieux, loin d'être inintéressant, mais plombé par une multitude de thèmes, pour certains juste effleurés. Le lecteur, un peu sceptique, se demande au bout de cette course de fond mal gérée ce que l'auteure voulait vraiment nous dire... 

jeudi 23 août 2018

La vérité sort de la bouche du cheval de Meryem Alaoui

Une prostituée, trentenaire en forme ( dans tous les sens du terme) et vivant dans un petit logement ( avec sa fille ) mais qui sert aussi de lieu de travail. Des hommes forcément...un mac à qui elle doit verser son écot mensuel, des clients ( au minimum 6 par jour pour pouvoir survivre), un vague béguin assez repoussant. Voilà l'univers de ce premier roman qui nous happe dès les premières lignes avec son style mordant qui nous emmène dans un petit quartier grouillant de Casablanca. Jmiaa ( c'est le prénom de l'héroïne) parle, se confie, s'énerve, observe. Elle rappelle un peu le personnage principal du film " Much loved" sauf qu'elle ne pratique pas son métier dans le luxe et dans une ville paradisiaque, les passes pas chères se troussent rapidement sur un petit matelas dans un coin de Casablanca qui ne voit guère de touristes.
Cette première partie, extrêmement réussie, dresse impeccablement personnages et décors, en leur donnant un présence et une saveur certaine, sans oublier de griffer au passage l'hypocrisie d'une société marocaine confite de religion, qui boit et baise ( furtivement en détournant le regard) tout en continuant de traiter les femmes comme des napperons ( à trous).
Mais cette triste et dure réalité va s'effacer dans la deuxième partie pour prendre la direction d'un romanesque plus vendeur ( ? ). L'arrivée du cinéma dans la vie de Jmiaa, telle une bonne fée, fait virer le récit vers une légèreté à l'humour plus gentillet qui convainc beaucoup moins. La découverte du tournage d'un film par l'héroïne, fait oublier peu à peu toute la force du début et nous conduit vers un happy-end un peu facile.
Nul doute que l'on parlera beaucoup de ce premier roman qui possède un joli style incisif ainsi qu'un vrai regard. mais le parti-pris romanesque un peu cheap de la deuxième partie amoindrit sa portée et apparaît fabriqué. Dommage ( pour moi) mais sans doute pas pour la maison Gallimard qui tient là, assurément, un livre qui devrait bien s'écouler car facile à lire et au final pas désagréable du tout.

Merci au site BABELIO et aux éditions Gallimard pour la découverte de ce titre. 

lundi 20 août 2018

Le Monde est à toi de Romain Gavras


La comédie française de la semaine revient toute auréolée d'un passage à Cannes à la quinzaine des réalisateurs où entre un pensum de Jean Luc Godard et un film russe sur l'un des nombreux conflits qui enflamme à ses frontières, elle enthousiasma la critique, lui prédisant un grand succès.
Je ne sais si le film cassera la baraque au box office, mais vue le résultat, il devrait se hisser au niveau de " Ma reum" ,dans un genre différent certes mais avec les mêmes  qualités bien frelatées.
Le film, sa réalisation, son scénario est à l'image de la plupart de ses personnages qui ( à part le héros principal, interprété avec beaucoup de retenue par Karim Leklou) jouent les malins façon caillera. Tout sent l'esbroufe là-dedans, le roulement de pectoraux gratuit et vain. Avec une esthétique de clip de rap, des mouvements de caméra façon grosse prod américaine ( mais en banlieue parisienne, ça finit par faire plouc) nous suivons un jeune banlieusard propre sur lui et bien gentil, dorloté, étouffé par une mère qui croit que mettre du Gucci la rend belle et chic. Il veut devenir le distributeur exclusif des Mr Freeze au Maghreb. Et pour y arriver, il doit commettre un dernier gros larcin avec une bande de nazes.
On peut donc penser que Romain Gavras s'attaque à ce sujet avec un bon coup de dérision, voulant être décapant et drôle, en dynamitant tous les clichés du genre. La lecture du scénario le laisse penser, sauf qu'à l'écran, c'est une autre histoire, le mélange film d'action et comédie ne fonctionne jamais. A vouloir jouer le malin, en faisant copiner du Sardou ou du Voulzy avec du Booba ou du PNL, en collant des scènes à l'emporte-pièce, en ne trouvant jamais la bonne distance avec ses personnages ultra caricaturaux, en voulant jouer avec les thèmes actuels ( Adjani en burkini, l'exploitation des migrants mais de façon lourdaude)), le film n'a aucun rythme et se gonfle totalement et inutilement de l'importance qu'il croit avoir. On assiste au spectacle totalement vain et pas du tout drôle ( salle presque pleine quand je l'ai vu et un seul rire !) d'un réalisateur qui pense être dans le vent ( oui, dans le vent est une expression vieille qui caractérise bien ce film, tourné avec des mocassins aux pieds).
La seule bonne nouvelle restera sans doute le retour d'Isabelle Adjani, dont le nouveau lifting nous vaut le droit de la voir presque pas cachée derrière des cheveux fous et ni enveloppée dans de grands manteaux larges. Mais est-ce une raison pour aller voir le film? J'en doute...



samedi 18 août 2018

Tenir jusqu'à l'aube de Carole Fives



La perplexité se trouve au bout de ce roman. Mais où Carole Fives voulait-elle en venir ?
Evidemment, on sent bien le discours féministe que ce portrait de femme solo avec enfant en bas âge et perdue dans une ville inconnue ayant un accueil de la petite enfance assez réduit, distille avec fermeté. Un foyer sur cinq en France est une famille monoparentale, la plupart avec une femme comme chef. Rendre compte de cette réalité, de l'enfermement social, psychologique et affectif que cela représente demeure une belle idée romanesque. Etayer le récit avec cette morale bien clichetonne et très réductrice que véhiculent les forums sur le net, une saine et lucide observation. Jusque là, rien à redire, le roman, avec cette écriture blanche, un peu froide, décrit bien la solitude de son héroïne, représentante à priori exemplaire de la monoparentalité urbaine. Et pourtant, le récit ne fonctionne pas très bien.
Peut être a-t-on du mal à comprendre pourquoi cette femme, ex brillantissime graphiste renommée, puisse se laisser enfermer de la sorte dans une relation aussi fusionnelle que destructrice avec un enfant qui, bien entendu, devient de plus en plus insupportable. Peut être aussi que l'on a du mal à croire à cette image paternelle donnée par cette mère qui a été abandonnée quasi dès les premiers biberons et qu'elle serine constamment à ce fils qui voit son papa dans tous les hommes qu'il croise. ( Un moment j'ai cru que c'était pour illustrer le si réducteur slogan de la manif pour tous ! Heureusement, les voisins de l'héroïne balaieront heureusement ce doute.) Peut être que la symbolique de la chèvre de Monsieur Seguin, qui court tout au long du livre, s'avère au final un peu lourdaude. Certes notre mère solo s'échappe la nuit dans la ville, en laissant son fils dormir, mais ce désir de liberté se traduit surtout plus par une envie d'espace, de souffler que par une projection de son désir sexuel comme dans le conte de Daudet ( ou alors inconscient ).
La réponse pourtant peut se trouver dans le dernier chapitre et sa chute aussi ouverte que possiblement glaciale qui offre une soudaine perspective autrement déstabilisante. S'achemine-t-on vers un fait divers tragique ? Et pourquoi ne pas y voir une certaine sororité avec le "Chanson douce" de Leïla Slimani ?  Mais le roman avait-il réellement creusé ces pistes là ? Pas certain. Peut être... a-t-il été trop hésitant  entre le roman social féministe et celui plus dérangeant d'une névrose pouvant conduire au pire. 

vendredi 17 août 2018

Tu t'appelais Maria Schneider de Vanessa Schneider



Voici l'un des livres les plus connivents de cette rentrée littéraire. Déjà, le titre, avec la réapparition de Maria Schneider, qui, pour une grande frange des lecteurs français ( les plus de 50 ans donc) rappelle le scandale cinématographique quasi planétaire du début des années 70 que fut "Le dernier tango à Paris" . Le nom reste sulfureux et traîne également un parfum de descente aux enfers qu'a accompagné durant une décennie une presse people aux abois. Le petit plus médiatique sera évidemment son auteure, journaliste talentueuse et de renom, qui officie actuellement au Monde comme grand reporter. Nul doute ( sauf jalousie extrême) que l'esprit de corps jouera à plein et que nous retrouverons le livre célébré à longueur de colonnes et même si simplement évoqué, et quelque soit sa qualité, il n'aura pas droit au silence dédaigneux que la plupart des romans paraissant au même moment subiront.
Une fois l'ouvrage terminé, le titre semble un peu réducteur ( pas au point de crier à la publicité mensongère) mais " Elles s'appelaient Maria et Vanessa Schneider"   aurait été plus approprié, tant les deux femmes se mêlent dans le récit. L'auteure, jeune cousine de l'actrice, en s'appuyant sur sa trajectoire assez tragique, en profite pour retracer une petite autobiographie de sa personne, évoquant  parents et enfance dans un univers post soixante-huitard extrême. On s'aperçoit assez vite qu'au-delà de l'intérêt familial et bienveillant qu'elle lui porte, nous ne saurons pas grand chose de sa vie ni de sa carrière, l'auteure, de quinze années sa cadette, ne l'ayant pas vraiment connu au moment de ses années glorieuses et infernales. Le texte s'articule donc entre ses souvenirs d'enfance lorsqu'une tornade aux cheveux bouclés faisait irruption dans le salon familial, l'analyse d'articles de presse de l'époque et sa vision d'adulte sur cette femme aux ailes brisées par les sunlights d'un cinéma voyeur, impitoyable et machiste.
Le livre n'est donc pas une biographie, juste une évocation qui essaie de remettre en perspective ce que fut Maria Schneider, sans doute anéantie à jamais par la scène volée dite du beurre dans " Le dernier tango"  et de l'attrait pour l'héroïne qui en suivit mais également marquée par une famille toute aussi explosée, où des lignées zigzagantes sont hantées par le suicide et des personnages hors normes ( d'où la présence de l'auteure qui, en filigrane, s'interroge sur leurs deux destins issus de ce creuset bien particulier).
" Tu t'appelais Maria Schneider" , grâce à la plume alerte de l'auteure se lit facilement, rapidement. Malgré une retenue sans doute journalistique, une petite pointe d'émotion arrive quand même, subrepticement, à passer. Cependant, ce n'est sûrement pas le grand livre de la rentrée, juste l'habile  portrait (un peu people) d'une famille dans les années 70 libertaires et de cette beauté brune au triste destin qui illustre pertinemment les suites de l'affaire Weinstein. 

jeudi 16 août 2018

Festival des jardins 2018/Chaumont sur Loire


Rendez-vous désormais incontournables des amoureux des fleurs, des plantes et de l'art, le festival des jardins de Chaumont-sur-Loire, a invité les créateurs à gratter, penser, semer et faire pousser plantes et arbustes autour de la pensée....( non pas la fleur totalement démodée uniquement vendue dans les jardineries en périphérie des villes mais la Pensée noble, celle de l'intellect). Le résultat s'il reste toujours surprenant au fil des 25 jardins proposés, semble toutefois avoir généré une certaine uniformité. Tout d'abord, et malgré avoir appelé à la rescousse des grands penseurs aussi différents que Proust, Shakespeare, Platon, Borges, Montaigne ou les membres de l'Oulipo, chaque cartel de présentation à l'entrée des jardins, s'enfonce dans une prose ouvertement conceptuelle qui frise le ridicule. Tous nous invite à méditer, se laisser porter par la magie du lieu créé,  à faire " un voyage onirique dans lequel le jardin devient simple, beau, élégant , ..."  ou bien "prendre le temps d'une vision d'ensemble et de mise en perspective, s'extirper des turpitudes de l'esprit et faire le vide sont des étapes indispensables pour le visiteur sur le chemin de la pensée". Le spectateur doit donc prendre de la hauteur, "tel un anachorète"  et tenter de s'immerger dans ces créations qui, au fil des visites, se mélangent un peu et finissent par avoir des ressemblances frappantes. Ainsi, le bleu et le violet dominent, qui toujours associés à d'autres végétaux aux feuillages très sombres ou argentés, donnant une vision assez triste, voire sombre à ces jardins qui semblent fuir les plantes colorées aux couleurs chaudes et chaleureuses. Les artistes retranscrivent-ils les pensées de notre époque ? Sans doute. Et si un festival, toujours un poil en avance sur son époque, donnait les futures grandes tendances en agencement de jardin ?  Voici en gros ce que cela donnera chez vous le printemps prochain.
De toute évidence, l'élément indispensable dans un jardin est le métal rouillé. Pas un jardin ou presque n'échappe à cette tendance lourde. Sous forme de bordures,


de tonnelle,


de .... colonne ...pour végétaux 


de bancs ou de sol meuble,


de bassin


ou plus simplement de bacs à fleurs. 



L'avantage du métal rouillé est qu'il ne craint pas l'extérieur. Pas d'entretien, aucune fragilité, voilà un matériau qui devrait s'imposer entre vos géraniums et vos tulipes. 
Si vous hésitez à prendre cette option un peu novatrice, sachez que l'autre tendance lourde est le piquet coloré, ...mais peut être dis-on tuteur ...plus jardin...mais vu qu'il est utilisé uniquement pour la décoration de votre espace végétal ... je persiste à écrire  piquet. 
On peut le planter en blanc 


en noir, 


naturel ( quand même !), et en très grande quantité pour donner un sacré effet ! 



en rouge et naturel. 

Et si vous voulez mixer les deux tendances, optez pour les barres de fer de chantier ( pour le béton armé), en naturel elle prendront un aspect rouillé du plus bel effet au milieu de vos hortensias et si vous avez une âme de jardinier peintre ultra tendance, peignez-les ! ( comme ci-dessous) 



Sinon, la tendance générale au niveau le l'agencement des plante s'approche plus de la friche que du jardin à la française. Moins d'entretien, plus de sérénité donc... Comme ici : 


ou là ...


Si cela vous semble pas assez dans l'air du temps et donner cette tonalité sombre de notre époque à votre jardin, rajoutez des vieux bouts d'ardoises comme ici, 


ou peignez en bleu ( Klein) vos graviers !


Et si vous voulez lutter contre cette tendance triste,  mais ne comptez pas dépenser vos quelques petites économies en éléments décoratifs ( sinon vous frolerez au mieux la dépression au pire le suicide) , rejoignez la tendance récup ( qui dure depuis des années mais qui ne s'épuise pas). Que ce soit des réveils, des chaises, des baignoires, des lustres, un miroir, l'effet (pour pas cher)  épatera vos amis qui en sont restés aux nains de jardin ! 







Toujours dans l'idée de récup, pourquoi, ne pas jouer avec son jardin comme une décharge sauvage où la nature reprend ses droits. Ce côté certes radical peut surprendre, mais aussi donner des idées à ceux et celles qui ont utilisé leur jardin comme poubelle ( oui ça existe, regardez bien autour de vous). Avec quelques plantes bien choisies dans la nature ( donc gratos), un peu de patience, votre vieux vélo abandonné donnera cela. : 


Le vieux réfrigérateur jeté là sans ménagement, un élément intrigant de votre décor bucolique :


La croix que votre beau frère, un soir de saoulerie, a piqué dans un cimetière ( je sais que tout est possible chez les lecteurs de mon blog) donnera indubitablement dans la tendance métal rouillé citée plus haut : 


Pour finir et quand même regarder du côté des végétaux, la tendance est donc au feuillage sombre comme ici ( mais exceptionnellement rehaussé de rouge) : 


Du coup, le dahlia, fleur franchement peu tendance, semble refaire une percée dans les jardins, car beaucoup de variétés possèdent ce feuillage foncé qui plaît tant à nos créateurs. Toutefois, il réapparaît aussi, plus jovial, dans des variétés plus gaies. ( Pour info, le glaïeul et l'arum, fleurs d'églises, sont toujours honnies des massifs ...et c'est tant mieux! ) 


Cette petite visite en photos du festival des jardins 2018 de Chaumont-sur-Loire, ne doit pas vous empêcher de courir les admirer ( si ce n'est déjà fait, ouvert jusqu'au 4 novembre prochain). La promenade est magnifique, surprenante et en plus doublée d'expositions d'art contemporain ( toujours en rapport avec le végétal ) assez extraordinaires ! 
Retour vers le passé : la visite du festival en 2016 est ICI


lundi 13 août 2018

36 poses de Marc Moitessier



Attention petit pari ludique, photographique et voyageur !
"36 poses", ouvrage original dans sa forme et surtout son projet, combine récit de voyage et photographie mais aussi un petit esprit "Tintin", comme si son auteur Marc Moitessier ( oui, le neveu de Bernard!), même à un tournant existentiel de sa vie, refusait de quitter cette part d'enfance qui nous permet de mieux supporter notre monde.
Figurez-vous qu'à 34 ans, il fit ce que d'autres font à 40 ou 50 ans, une crise ...de la trentaine donc. ( Tout va très vite de nos jours !).  Photographe professionnel ( vidéaste aussi), photographier des pulls en cachemire ou cliper la caisse d'Epargne, ça nourrit son homme, remplit un compte bancaire mais, en y regardant de plus près n'apporte guère de satisfaction intérieure. Et un beau jour, en 2007, il décide de tout quitter pour le faire le point. Quand certains font une retraite dans un couvent perdu de quelques montagnes reculées ou passent une semaine à jeûner tout en randonnant sur des sentiers lozériens, lui, plus créatif, décide de partir à Pékin sans téléphone, sans carte bancaire ( juste quelques travellers quand même ...), sans guide du routard, sans bagage ( on économise la soute !)  mais avec un appareil photo argentique et une pellicule 36 poses couleurs. C'est tout ! Et hop le voici plongé au milieu d'un peuple dont il ne comprend un traître mot. ( Pékin a beau être une capitale, l'anglais n'est pas encore sur toutes les lèvres) avec en supplément, un petit défi : prendre une photo par jour, une seule et si possible qui ait du sens...  Le livre relate donc ces 36 jours de déambulations dans la capitale chinoise en pleine transformation ( avec une incursion sur la grande muraille) mais surtout les hésitations, les doutes, les envies de déclencher ce qui sera la photo du jour.
Le récit à la lecture, mêlant considérations photographiques ( j'appuie là ? ...ou pas ? Oh m...y'avait pas assez de lumière.... Et si le petit garçon a bougé ... ), artistiques ( mais c'est quoi au juste une bonne photo ? ... question aux milles réponses toutes très subjectives)  et questionnement plus personnel, s'avère tout de suite très ludique car, c'est tout de même le cliché du jour qui envahit la narration. Toutes les photos sont largement décrites et commentées. Du coup l'imaginaire du lecteur mouline à plein, essaie de se représenter la photo comme Marc Moitessier le fait lui-même. Mais pas besoin d'attendre 10 ans pour voir le résultat ...  (Oui, l'auteur a attendu autant de temps pour voir ses souvenirs de voyage, s'étant promis la découverte une fois trouvé un éditeur audacieux pour publier récit et... clichés réussis ... ou pas ! ), les 36 photos sont regroupées en fin d'ouvrage ! On peut très bien les regarder au fur et à mesure ou d'un bloc à la fin, selon si l'on est patient ou pas.
Joli récit d'un voyage en Chine un peu particulier, on lira aussi  "36 poses" pour ce doux défi un peu dingue. On découvrira également  le regard bienveillant et attachant de Marc Moitessier cherchant, loin de ses confortables repères habituels, une vérité intérieure. Et les photos me demandez-vous ? je n'en dirai rien, je vous laisse aller les découvrir, elles dégagent une quiétude, une sérénité qui laisse supposer que ce voyage fut loin d'être inutile.

PS : sur mon fond blanc, on n'arrive pas à lire le nom de l'éditeur ( courageux) qui est : Editions Le Monde pour Passager ( Marc Mellet)


samedi 11 août 2018

Under the Silver Lake de David Robert Mitchell


Attention chef d'oeuvre ! " Under the Silver Lake"  sera l'une des plus grosses claques cinématographiques que vous prendrez cette année ( et sans être maso !). Pour cela, il vous faudra lâcher prise ( terme tellement employé ces temps-ci qu'il finit par ne plus vouloir rien dire, mais qui convient tout à fait à l'état qu'il vous faudra atteindre lors de la projection du film). Oubliez les récits formatés, linéaires, bien calibrées, aux intrigues bien ficelées qui expliquent longuement un pourquoi et un comment que vous aviez deviné bien avant. Laissez-vous porter par le cinéma de David Robert Mitchell. Dès les premières images vous percevrez un univers personnel, particulier, un sentiment d'étrangeté, de décalage.
La caméra s'attache à Sam, trentenaire au bord de la rupture sociale, visiblement enclin à rêver la vie pour mieux oublier la sienne. Et grâce à une voisine qui déménagera aussi vite qu'elle est apparue, sa capacité à rêver, voire délirer, se verra décuplée. La suite ? Tout un labyrinthe de chemins, de pistes accompagné par des travellings ( certains magnifiques et sans doute inspirés par Brian de Palma) ou par des plans collant à Andrew Garfield, l'interprète principal aux allures d'Anthony Perkins en version nettement moins coincé ( un des multiples hommages à Alfred Hitchcock). Nous déambulons avec lui dans un Los Angeles étrangement réel par rapport à une intrigue bien barrée. Le scénario rebondit là où l'on ne l'attend pas, s'embringue dans de fausses pistes, en emprunte d'autres pour mieux les dynamiter, bref ne nous laisse aucun répit car toujours surprenant.
On se laisse porter, séduire, étonner. Ca ressemble un peu à du David Lynch mais en nettement plus pêchu. Les références nombreuses ( Hollywood oblige) ne sont jamais pesantes et rajoutent un côté encore plus ludique au film. Toutefois cette balade hallucinante n'est pas du tout un exercice de style gratuit  car elle véhicule un fort désenchantement sociétal, plaçant cette jeune génération montante dans un cercle infernal, avec pour vertige existentiel une éventuelle théorie du complot ( la pop culture n'est qu'une manipulation idéologique) et cette lancinante impression que le monde actuel n'a absolument pas besoin de vous.
Film fou, gigogne mais ultra maîtrisé, "Under the Silver Lake" éblouit par son inventivité et sa profondeur. Si le précédent long-métrage de David Robert Mitchell ( "It Follows") ne m'avait pas convaincu, celui-ci par son côté protéiforme, apparaît comme une oeuvre d'art contemporaine qui a chaque nouvelle vision ( grand écran conseillé) dévoilera encore des aspects passés inaperçus. Du grand art inspiré et fascinant !


vendredi 10 août 2018

Neuilly sa mère, sa mère de Gabriel Julien-Laferrière



Peut-on trouver quelques bonnes raisons pour aller voir 9 ans après, cette suite ? Scannons un peu l'oeuvre...

Son scénario ? 
Je ne pense pas. Cette fois-ci c'est Neuilly qui va à la banlieue comme prétexte principal. Voilà une idée qui n'a pas dû être trouvée après 8 jours de séminaire créatif ! Par contre, on peut juger plus originale dans le contexte de la comédie française, la satire du milieu politique qui en découle sauf qu'elle nous est servie comme une suite de scénettes façon programme court humoristique télévisuel. Et cerise ( industrielle) sur gâteau ( au yaourt pour le cas présent), une inutile et complètement ratée histoire d'amour plombe l'ensemble.

Sa mise en scène ? 
Parce qu'il y en a une ?

Son casting ? 
Arrêtons-nous deux minutes et répondons...peut être...
Si les interprètes principaux font bien ce que l'on demande, c'est à dire pas grand chose pour Sophia Aram, de l'habituel pour Valérie Lemercier ( donc une bourgeoise énervée et grossière), du correct pour Jérémy Denisty, du souris c'est ton seul talent ( Samy Seghir), on peut être attiré par la galerie de seconds rôles tenus par des peoples de tous bords. De Julien Dray ( PS), à Arnaud Montebourg ( ex PS ? ) en passant par Maître Dupond-Moretti ( vraiment bien ) ou Charline Vanhoenacker ( de France Inter pour mes lecteurs qui écoutent RTL) et même Yann Barthès ( mais dans son propre rôle), c'est un festival de présences cachetonneuses qui donne au film ce petit côté curiosité et donc son unique intérêt ( bien faible, je vous l'accorde).

Sa musique ? 
Non. Un vague rap commercial sans aucune saveur.

Sa photographie? Ses plans sublimes ? 
Je rappelle aux étourdis que c'est filmé par Gabriel Julien-Laferrière et non par Nuri Bilge Ceylan dont la seule ressemblance est sans doute leur nom composé.

Son humour ? 
Oui... dans la mesure où l'on revient  d'un séjour de 25 ans sur une île déserte dont le seul divertissement se résumait au va et vient des vagues sur le sable. Pour les autres spectateurs gavés de sitcoms et de comédies rigolotes qui déferlent hebdomadairement sur nos écrans, sans doute esquisseront-ils des sourires pavloviens en entendant quelques gros mots ou devant une scène balisée "Attention c'est drôle". ( mais attention, l'exercice s'avère plus difficile que l'on croit sans rires préenregistrés).

Son rythme trépidant ? ( à priori un but pour une comédie)
Avec une installation de bourgeois en banlieue, une élection municipale, une histoire d'amour compliquée et l'obligation de faire apparaître une bonne vingtaine de stars ou de demi-stars, ce passage en banlieue se fait à l'allure d'une vieille R18 surchargée et bloquée par les embouteillages sur le pont de Neuilly.

Verdict ?
On peut se passer de "Neuilly sa mère, sa mère" , profiter de l'été, d'un bon film à la télé ou tout simplement être patient et d'attendre qu'une bonne comédie sorte ( au moins une par semaine jusqu'à Noël). Ce serait vraiment de la malchance si une ou deux ne sortaient pas du lot !







jeudi 9 août 2018

Le Poirier Sauvage de Nuri Bilge Ceylan


Attention, " Le Poirier Sauvage" est un grand film dans beaucoup de sens du terme.
Grand tout d'abord par sa longueur. 3h08 ça pose son cinéaste ! Le format peut rebuter, surtout qu'aucun véhicule ne vole là-dedans ( pensez, on voit plein de R12 !), juste quelques mouettes lors de courtes scènes de bord de mer et qu'aucun combat ne vient donner du punch au film ( je mens, il y a bien à un moment le héros qui se frite avec un copain mais c'est de loin).
Par contre le film se révèle grand au sens intello du terme. La bagarre évoquée plus haut  se déroule intérieurement et psychologiquement ( le personnage principal se débat dans une sorte de parcours initiatique et affronte un père détesté) et est nourrie de références ( le cheval de Troie, la neige, un puits, ...) mais aussi ponctuée de longs et profonds échanges autour de la création artistique ou de la religion. Même si l'humour pointe çà et là, nous ne sommes pas là pour rigoler, sinon le film se serait intitulé: "Ploucs et cie" , en référence au dédain qu'éprouve le héros pour sa région natale.
Le film est grand également par sa majestueuse mise en scène, où une photographie magnifique attrape toutes les couleurs automnales et où de longs plans dialogués, jamais réellement statiques, parviennent à ne pas plonger le spectateur dans la somnolence ( ceux qui ronflaient s'étaient trompés de salle, " Neuilly sa mère 2" c'était la 4!). Et pour donner une majesté supplémentaire à toute cette grandeur énumérée, le film, en filigrane, offre un portrait de la Turquie actuelle, coincée entre modernité et tradition. Toutefois, la sournoise politique actuelle du pays n'y fait guère d'incursion ( juste une évocation d'une guerre à l'Est et d'une mauvaise gestion des enseignants) ou alors symboliquement avec des plans de routes jonchées d'ordures et de décharges sauvages ou un plan somptueux du jeune héros déambulant recroquevillé par le froid au bord d'une mer déchaînée et inquiétante.
Toutefois, malgré toute cette grandeur, "Le Poirier Sauvage"  ne surclasse pas à mes yeux "Winter Sleep" ( Palme d'or 2014) bien plus tenu et mieux scénarisé. Quelques péripéties un peu lourdes viennent ternir la belle et lente rythmique ( notamment les scènes autour du vol de l'argent dans le blouson ou aussi l'amorce très factice de la longue discussion religieuse avec les imams dans le pommier). Vous me direz que sur 3h08, ce ne sont que broutilles, mais si vous rajoutez un héros pas franchement sympathiques à qui on a envie de remettre les idées en place durant les deux premières heures peut être que vous ressentirez cette grandeur comme parfois un peu longuette.
Il reste cependant que Nuri Bilge Ceylan demeure le grand cinéaste des grands ( mais aussi des petits) espaces et des grandes discussions et, rien que pour cela, " Le Poirier Sauvage" mérite le détour.