mardi 31 janvier 2023
La montagne de Thomas Salvador
lundi 30 janvier 2023
Tàr de Todd Field
Après "Babylon" la semaine dernière, sort "Tàr" une nouvelle machine à Oscars ( Cate Blanchett est archi favorite), oeuvre se situant à l'exact opposé dans le champ cinématographique. Autant le film de Damien Chazelle tente d'agripper le public façon fast food avec une succession de scènes faites pour l'épate immédiate mais sans rien pour l'esprit, autant celui de Todd Field prend le chemin inverse en n'étant jamais sympathique, jamais facile et cherchant plus à parler au cerveau.
"Tàr" débute comme un film bavard et intello puisque le personnage de Cate Blanchett, cheffe d'orchestre de classe internationale, répond à une longue interview sur la musique puis continue par un cours de direction d'orchestre devant des élèves obligés d'approuver ses nombreuses saillies pas toujours aimables. Les amateurs d'action sont déjà largués, les autres, qu'une presse dithyrambique a arraché à Netflix, commencent à se poser quelques questions... et ils n'ont pas fini de s'en poser. En effet, le film va nous raconter comment cette machine parfaitement huilée, maîtrisant tout avec hauteur et froideur, va petit à petit se dérégler. Dans des décors modernes, froids et impersonnel qui répondent au visage aussi froid de l'actrice ( mais où l'on va vite déceler quelques tics, rictus ) l'histoire va s'emballer petit à petit. Seulement, là où d'autres réalisateurs auraient expliquer tout de A à Z de façon didactique, Todd Field parie sur l'intelligence du spectateur, sa curiosité et, parsemant la chute de cette femme d'ellipses, d'éléments troublants ou un poil étranges, il amène le spectateur à se poser des questions auxquelles il ne donne apparemment pas la réponse. On sort de la salle plein d'interrogations et le film trotte dans nos têtes.
Evidemment, on est totalement épaté par l'interprétation magistrale de Cate Blanchett, ultra crédible en cheffe d'orchestre. A elle toute seule elle emplit l'écran et double le plaisir d'une mise en scène certes volontairement elliptique mais virtuose. C'est du vrai, du grand cinéma fait pour le plaisir de la réflexion, une oeuvre mystérieuse qui donne envie d'être revu car il est certain que l'on y découvrira des éléments qui nous avaient échappé à la première vision.
vendredi 27 janvier 2023
Festival 2023 Premiers Plans d'Angers (2)
Cela est désormais habituel dans les (grands) festivals, les sections dites parallèles recueillent les petites pépites. Créée il y peu, la section "Diagonales" du festival Premiers Plans d'Angers a accueilli cette année les longs-métrages les plus intéressants, laissant à la compétition dérouler l'habituel cinéma psychologisant. Ainsi après l'envoûtant "Unrest", deux documentaires venus de l'Est ( mais produits par plein de pays européens ) nous ont enchantés. La salle était comble pour le documentaire ukrainien de Igor Ivanko "Fragile Memory", sans doute l'effet guerre ayant joué. Pourtant, le film n'allait pas vraiment vers une évocation de l'actualité ( ou à l'extrême marge) mais explorait de façon fort touchante le thème de la mémoire à travers le portrait du grand-père du réalisateur ancien grand chef opérateur de cinéma. A partir de pellicules endommagées retrouvées dans un hangar, le petit fils va partir à la recherche de tout ce que ce grand-père a filmé durant toute sa vie. Et quand l'un fait resurgir la mémoire du passé, celle du vieil homme s'estompe de plus en plus. Délicat, juste, passionnant, sans doute le film plus émouvant de ce festival.
Un peu plus à l'Est, en Russie donc, la réalisatrice Marusya Syroechkovskaya nous a proposé son "How to Save a Dead Friend" avec précaution. Exilée en Tchéquie et en Israël, fuyant le régime de Poutine, elle comprenait bien que, vues les circonstances, on n'avait peut être pas envie de nous apitoyer sur son personnage principal, moscovite de banlieue, drogué et dans l'autodestruction. Ce montage de vidéos prises durant toutes les années où la réalisatrice a vécu avec ce jeune homme dépressif ne va sans doute qu'accentuer les clichés que nous avons sur une jeunesse russe en plein désarroi et noyant son mal être dans l'alcool et la drogue. Cependant, avec ces scènes filmées à l'arrache, mais montées très efficacement, la réalisatrice nous plonge au coeur d'une vie russe sans aucun fard et parvient à rendre un très bel hommage à cet homme qu'un pays plongé dans la noirceur a poussé vers la mort.
Dans la compétition officielle, des films plus consensuels essayaient de défendre leur petite musique autour de thèmes rabâchés. "Tengo suenos electricos" de Valentina Maurel ( Belgique/France/Costa-Rica) nous narrait les affres d'une adolescente partagée entre ses parents divorcés et assez toxiques. Un peu répétitif, le film n'arrive jamais à s'extraire de son côté naturaliste, filmé comme un quasi documentaire, préférant allonger inutilement certaines scènes au détriment d'un réel point de vue. "Suro" de l'espagnol Mikel Gurrea, s'il bénéficie d'une belle mise en scène ample, hésite constamment entre le drame social voire le conte écologiste pour finir par choisir la beaucoup plus convenue crise du couple ou comment les épreuves vont peut être nous rabibocher. L'allemande Annika Pinske avec " Talking About the Weather", très inspirée d'Annie Ernaux, nous parle de honte sociale, de transfuge de classe, doublés en Allemagne par cette encore séparation entre Est/Ouest. C'est sensible, parsemé de petites scènes piquantes mais ne parvient pourtant pas à complètement emporter l'adhésion peut être à cause de cette volonté à vouloir faire à tout prix art et essai en prolongeant ( oui, ici encore) des séquences avec le sentiment qu'il faut qu'on lise le désarroi sur le visage de l'héroïne alors que tout était dit et bien reçu lors de la scène. "Tigru" du roumain Andréi Tanase s'essaie à l'originalité en mêlant une chasse au tigre dans les rues d'une ville roumaine et un couple en crise. Et qui emporte le morceau du thème le plus présent ? Le couple, hélas... Enfin, et c'est peut être le meilleur de cette dernière salve, "Chien de la casse" du français Jean-Baptiste Durand, a ému et enthousiasmé la salle. Partant pour être encore une histoire vue et revue autour d'une amitié très fraternelle entre deux jeunes un peu paumés, le film réussit très vite a sortir des sentiers battus avec un personnage principal surprenant et en distillant une jolie musique décalée. Le film tient surtout par la formidable interprétation de Raphaël Quenard à la fois drôle, agaçant et touchant qui a la chance d'avoir de bons dialogues à jouer.
Difficile de pronostiquer quelques résultats, mais Félix Moati ( membre du jury long-métrage) est remercié dans le générique de "Chien de la casse" ( qui ne démérite pas loin de là).... Sinon, comme d'habitude, le festival Premiers Plans continue à offrir aux cinéphiles et au public une remarquable programmation éclectique, apportant son lot de vedettes de Sandrine Kiberlain à.... François Hollande ( il accompagnait Julie Gayet) et son quota de belles découvertes. A l'année prochaine !
mercredi 25 janvier 2023
35ème festival Premiers Plans d'Angers
Dans la sélection officielle, nous en sommes à mi-parcours et, si le cru n'a sans doute pas encore donné tout son arôme, laissant espérer encore une vraie révélation, reconnaissons que les 5 films présentés ne déméritent pas. Tous font preuve d'une belle technicité, d'une jolie maîtrise mais labourent toujours un peu trop des sujets autobiographiques ou déjà maintes fois traités. Ainsi la fraternité ( ici littérale entre deux frères) est le sujet de "Chevalier noir" film franco/irano/allemand de Emad Aleebrahim-Dehkordi et "Nos cérémonies " du français Simon Rieth. Si le premier pêche par un scénario assez convenu que n'arrive pas à masquer une jolie mise en scène, le second, lui, retient l'attention par une idée scénaristique originale, une image travaillée mais n'échappe pas à quelques longueurs inutiles. On nous a parlé aussi de bobos trentenaires madrilènes et de leurs amours dans "Ramona" de l'espagnole Andréa Bagney, hommage appuyé à Rohmer ( en plus pêchu) ou à Mouret ( plus énervé), film bavard donc et qui tient grâce à la tchatche de son actrice principale Lourdes Hernandez. Un poil plus politique et réussi, le film français "Fifi" de Jeanne Aslan et Paul Saintillan, s'attaque avec beaucoup de justesse, de sensibilité et d'humour aux différences de classe et tire son épingle du jeu grâce à un bon scénario et à ses deux comédiens Céleste Brunnquell et surtout Quentin Dolmaire qui livre une interprétation qui devrait faire date dans sa carrière. Mais pour le moment, le film qui a le plus impressionné est sans doute "Aftersun" de l'anglaise Charlotte Wells, qui contrairement à ses autres confrères en compétition a choisi une narration plus personnelle et moins classique, parvenant avec un cinéma fait de petits détails à dresser le portrait magnifique d'un jeune père divorcé en vacances en Turquie avec sa fille de 11 ans. Même si le film souffre d'un quart d'heure de trop ( en retardant l'arrivée du film dans son vrai sujet), l'émotion était là, forte, et les chemins pris pour y amener le spectateur franchement originaux. Du vrai cinéma créatif !
dimanche 22 janvier 2023
A qui la faute de Ragnar Jonasson
samedi 21 janvier 2023
Babylon de Damien Chazelle
"Babylon", est un film assez schizophrène. Alors qu'il essaie durant plus de trois heures de montrer toute la magie du cinéma, avec un réalisateur jouant d'une caméra virevoltant dans des décors pharaoniques, enchaînant des scènes conçues pour en foutre plein la vue, l'unique et seul message qui ressort de ce maelström d'images, est que le cinéma est fini, fichu, kapout. Godard disait la même chose il y a quelques années sous la forme d'une sorte de projection diapos beaucoup moins onéreuse ( "Le livre d'images"), certes plus hermétique ( pour ne pas dire rasoir) et qui d'ailleurs inspire Damien Chazelle puisque une des dernières séquences du film ( son unique message donc) s'en inspire grandement.
Avant ce triste constat, le film reprend le thème principal de chefs d'oeuvre comme "Chantons sous la pluie" ou "Boulevard du crépuscule", la période charnière que fut le passage du muet au parlant. De ce qui est considéré comme un âge d'or, le film en compile tous les excès dans deux longues séquences survoltées, véritables vitrines du film. La vitrine est clinquante, forcément creuse puisqu'ici cette évocation n'a que pour but de montrer la maestria du metteur en scène. On ne s'ennuie pas mais le côté petit génie jouant des drones, des steadicams et du montage clipesque (même s'il se calme dans la deuxième partie du film) laisse entrevoir que malgré les évocations des célébrités de l'époque ( et pas que les acteurs !), il n'y a que la démesure qui fait office de cinéma. Et quand le filme plonge dans les entrailles de l'enfer, la symbolique démonstrative et appuyée finit de rendre l'ensemble pas des plus profonds.
On notera que le film permet encore une fois à Brad Pitt d'incarner un rôle à possible Oscar. Si Margot Robbie est impeccable dans la démesure, son physique très actuel est parfaitement anachronique dans les années 30. Si je devais faire un comparatif avec le fadasse précédent film de Damien Chazelle ( "La la Land" ), je dirai en progrès.
jeudi 19 janvier 2023
Marées de Sara Freeman
Disons-le d’emblée, cette histoire de femme venue de nulle part et qui semble fuir un passé forcément terrible ou traumatisant n’est pas d’une grande originalité. On a déjà lu cela cent fois et pourtant, ici, cela fonctionne très bien. Sara Freeman arrive à imposer très vite une belle atmosphère mélancolique. Son héroïne, tour à tour triste, effrontée, perdue, aimante, discrète ou farouche, échappe aux clichés. L’empathie est là, on dort avec elle dans ce grenier obligatoirement pas des plus confortable, on ressent le vent qui annonce l’hiver, on s'imprègne de cette atmosphère de station balnéaire délestée de touristes qui va si bien avec l'humeur de l'héroïne. Même si on ne la comprend pas toujours, on accepte ses petites colères comme ses coups de blues, on la suit avec empathie en espérant un possible redoux pour sa vie si triste. L’histoire d’amour naissante avec son employeur donne l'onde de chaleur espérée. Mais comme la marée du titre, on craint qu'après la plénitude vienne le reflux....
Ce premier roman ( salué par la critique nord-américaine), possède une douce musique, une façon très gracieuse et habile de poser des mots simples sur toute une palette d'émotions. Avec un montage en courts paragraphes, comme une peinture pointilliste, il dresse le portrait très sensible d'une femme à la dérive et parvient à émouvoir et retenir l'attention avec finalement peu de choses. C'est de la dentelle et, assurément, Sara Freeman s'avère une très habile dentellière.
mardi 17 janvier 2023
Oiseaux de passage de Fernando Aramburu
Brancusi contre Etats-Unis de Arnaud Nebbache
L'album raconte la controverse qu'a provoqué aux Etats Unis en 1927 "L'oiseau" de ( donc) Brancusi , sculpture résolument moderne, quasi abstraite et marquant ( avec quelques autres ) le passage de cet art dans l'abstraction. Le procès intenté par Brancusi aux USA pour que son oeuvre ne soit pas considérée comme un simple objet manufacturé ( et donc sujette à une taxe) est donc le thème principal et totalement passionnant de ce roman graphique. Les débats sont relatés ici avec une grande clarté et un souci quasi pédagogique, projetant le lecteur sans qu'il s'en rende compte dans un univers de réflexions intenses, au coeur de l'éternel débat des classiques et des modernes. Mais l'album ne s'arrête pas là et suit aussi la vie de Brancusi, ses interrogations sur l'essence même de travail et des recherches de ses confrères qui, à la même époque révolutionnaient leur domaine de compétence ( Duchamp, Calder, Jean Prouvé, ...). Autant dire, qu'en quelques pages cet album synthétise avec bonheur toute une période d'intense créativité mais aussi de questionnements sur l'art autant chez les artistes que pour le public. Et si, personnellement, certaines planches très, trop stylisées, m'ont paru manquer de lisibilité, la palette de couleurs choisie, le dessin quand même très inspiré, résolument moderne, rend un très bel hommage à cet artiste et confère à cet album une grâce et une originalité qui complètent à merveille son propos.
Sans doute un des plus beaux albums de ce début d'année.
dimanche 8 janvier 2023
Joyland de Sahim Sadiq
Cet été là d'Eric Lartigau
Les survivants de Guillaume Renusson
Venez voir de Jonas Trueba