samedi 31 décembre 2011

La délicatesse de David et Stéphane Foenkinos

Quand je me suis assis dans mon fauteuil pour la projection de "la délicatesse", je ne m'attendais à rien de bien merveilleux. La production romanesque de David Foenkinos ne m'emballe pas et cette manie, prévue vraisemblablement sur leurs contrats rudement négociés par des agents littéraires, qu'ont maintenant les auteurs à adapter leur best-seller au cinéma, n'a pas donné jusqu'à présent des chefs d'oeuvres inoubliables (le Houellebecq de sinistre mémoire).
Résultat de la projection: une comédie romantique très agréable et très plaisante qui m'a fait passer un très bon moment.
Tout d'abord un grand coup de chapeau aux deux acteurs principaux, Audrey Tautou et François Damiens, absolument épatants. Ils incarnent à merveilleuse, elle, cette jeune veuve murée dans son deuil et investie uniquement dans son travail et lui, ce suédois moche, maladroit mais tendre. Ils sont touchants et complètement crédibles, même si François Damiens n'est pas totalement moche  et Audrey Tautou n'a pas la trempe d'une Yoko Ono, de celles qui sont capables de briser le plus grand groupe de rock du monde (réplique du film).
Ensuite, et c'est l'autre force du film, ils sont entourés de vrais seconds rôles, tous parfaitement campés par des acteurs de choix. Mention spéciale à Bruno Todeschini en patron, porté sur le harcèlement et amoureux transit et à la toujours épatante Joséphine de Meaux qui en meilleure amie de l'héroïne, prouve l'étendue de son registre en sortant un peu des coincées ou des fofolles que l'on se plait à lui faire jouer habituellement.
Bien sûr, ce n'est le chef d'oeuvre de l'année. On sent bien que les réalisateurs ont eu un peu de mal à adapter le livre, hésitants entre narration classique, moment clipesque et utilisation de voix off. Qu'importe aussi qu'Audrey Tautou soit aussi mal habillée, un festival de fringues plus moches les unes que les autres, aux couleurs hideuses et aux imprimés douteux (quand vers la fin du film, elle doit revêtir les vêtements de sa grand-mère, elle est presque chiquissime).
Toutefois, cette comédie romantique dégage un parfum délicat, en délivrant un très joli message romantique mais pas niais. En critiquant le regard formaté de nos contemporains, obnubilés par l'apparence des choses et des êtres, elle sait devenir ironique et grinçante, en douceur et avec une vraie délicatesse. C'est le petit plus qui me fait recommander ce film à tous ceux qui aiment passer un bon moment au cinéma, avec de bons acteurs et sans prise de tête excessive. Un vrai spectacle pour bien finir ou commencer l'année.

PS : ceci est mon centième posts depuis mi-août. Je suis heureux qu'il soit consacré à un film agréable.
Je profite de l'occasion pour remercier toutes les personnes qui viennent me lire (quel courage!) et je leur souhaite une merveilleuse année 2012 pleine de découvertes, de bonheur et de joies.
A l'année prochaine sur le blog ou ailleurs...


vendredi 30 décembre 2011

Agnès de ci de là Varda d'Agnès Varda

Je viens de passer cinq heures devant ma télévision. Oui cinq heures! Et ce fut un émerveillement.
Non ce n'était pas le bêtisier de France 3 en boucle, ni la saison 6 de Plus belle la vie, encore moins une compil de tous les grands événements sportifs de l'année 2011 (je m'en contrefous).
J'ai visionné les 5 épisodes d'une série proposée par Arte la semaine dernière par Agnès Varda et que l'on a eu l'excellente idée d'éditer en DVD. Ces 5 reportages d'une heure sont les pérégrinations de la réalisatrice autour du monde, avec l'ambition de nous parler de l'art et des artistes qu'elle admire. Et c'est éblouissant.
Au départ, je m'étais dit que j'allais en regarder un de temps en temps, mais je n'ai pas pu résister à tout visionner d'un coup tellement ces films sont des stimulateurs de neurones, des passeurs de bonheur et d'intelligence.
Parler d'art en image, sans être rasoir ou pompeux ou pédant est rare. Ici, par la magie du regard tendre, précis et artiste de la réalisatrice, tout est simple, surprenant, beau et accessible. Son oeil vagabonde de ci, de là, parlant d'elle, de sa vie mais surtout des autres, de tous les autres, les artistes bien sûr, mais aussi des hommes, des femmes, anonymes dont elle sait en quelques secondes nous faire partager une lueur de beauté, de présence. Son esprit malicieux et humaniste, toujours en éveil, sautille d'un lieu à un autre. Un objet vu au hasard lui rappelle une sculpture, un tableau, une personne, un souvenir, façon cadavre exquis, mais vraiment exquis.
J'ai été passionné par ces 5 films, j'y ai rencontré des gens formidables et étonnants, comme cette journaliste suédoise, chauve qui a fait de sa maladie un film sur l'importance d'avoir ou pas de cheveux.
J'ai écouté et regardé Christian Boltanski et Annette Messager parler de leur travail avec naturel et émotion. En quelques plans, on comprend qu'un artiste est un être finalement simple mais exceptionnel par la vision qu'il porte sur le monde et qu'il sait nous faire partager au travers de ses oeuvres. Quand Agnès Varda discute avec Soulages, l'homme est fascinant et sa peinture, pourtant pas toujours facile d'accès pour un béotien, caressée par la caméra experte, apparaît fascinante et même évidente.
Et puis, disséminés ça et là, il y a ces bouts de ville, d'arbre, ces objets, ces photos, ces moments de grâce saisis dans l'instant, qui nous disent que finalement, si l'on garde l'esprit ouvert, l'oeil aux aguets, l'art est partout et nous aide à vivre, à affronter un monde cruel.
Ces 5 heures de voyage dans l'art, dans la vie, font un bien fou! Merci Madame Varda d'être cette passeuse, cette artiste qui sait si bien parler à nos sens et à notre coeur et qui arrive à nous émouvoir, à nous distraire, à nous émerveiller avec des petits riens comme avec de grandes choses. Continuez encore très longtemps!









mercredi 28 décembre 2011

Le Havre de Aki Kaurismäki

Je le dis tout de go, j'ai détesté le dernier film d'Aki Kaurismäki "Le Havre". Oui, je sais, il y a en ce moment dans la presse une pub pour lui, où claquent : "Un enchantement"" ou " Lumineux" ou encore "Magistral". Je sais que toute la critique française et même mondiale crie au génie, que c'est parait-il un pied de nez à la politique de Claude Guéant, que le réalisateur finlandais a réalisé un bijou d'irréalisme mais je persiste, pour moi, c'est une grosse daube.
D'abord, il y a l'histoire, du genre bien pensante mais traitée façon conte : Oyez bonne gens comme la police française est méchante avec de pauvres et gentils sans-papiers. Regardez comme de pauvres français peuvent être bons alors qu'ils vivent avec trois fois rien...Il y a Marcel  Marx, un gentil cireur de chaussures qui va prendre sous son aile un brave petit clandestin, aidé de ses amis la boulangère et l'épicier. La femme de Marx, Arletty, doit aller à l'hôpital pour essayer de soigner un mal vraisemblablement incurable et est donc totalement inopérationnelle dans la lutte contre Monet, le méchant policier et un voisin collabo, qui voudraient faire reconduire fissa le jeune Idrissa à la frontière qu'il n'aurait jamais du franchir.
Raconté comme ça, cela peut sembler intéressant. Et puis un film de plus pour déplorer la politique actuelle d'immigration, c'est toujours bienvenu. Seulement, ici, le traitement façon Amélie Poulain à la sauce finlandaise est dur à avaler. Je veux bien que la magie du conte nous fasse cohabiter des taxis Peugeot 403 avec des téléphones portables, que des policiers bien d'aujourd'hui se garent à côté de R16, que les épiciers présentent leurs légumes sur des carrioles à roulettes alors que les centres villes regorgent de CIC et autres Pimkie.
Ensuite, il y a les acteurs, à qui le réalisateur leur a demandé de "ne pas jouer pour acquérir une image raide et autoritaire".Ainsi, chaque fois qu'André Wilms ouvre la bouche, c'est pour proférer une sentence pompeuse sur un ton tellement faux que l'on oublie quel bon acteur il peut être. Quand apparaît Jean Pierre Léaud, on a l'impression qu'il est doublé. Peut être était-il trop juste pendant la prise et qu'au montage on a préféré lui adjoindre cette voix idiote... Mystère. Quant à Kati Outinen, elle lache ses répliques avec application, c'est phonétiquement parfait, mais on n'a pas du avoir le temps de lui donner le sens exact. L'avantage pour elle, c'est que cela lui est facile d'être au diapason avec ses partenaires, tous plus faux les uns que les autres.
Tout ça, pour moi décrédibilise totalement le propos avec, ajouté à cela, une image particulièrement laide (mais je ne doute pas qu'elle a été énormément travaillée et pensée) qui surligne le propos de manière redondante. Ils sont pauvres donc tout doit être laid, misérable et minable.
Cerise sur le gâteau, nous avons droit à une chanson live, en entier, de Little Bob Story (?!), "le Presley de ce royaume" dixit Aki Kaurismäki, car figurez-vous que ce pauvre cireur de chaussures, organise, à ces moments perdus, des concerts de rock!!
A ce moment là du film, soit on sort, ce que certains ont fait, soit on répond à son portable qui sonne, ce que ma vieille voisine a fait malgré le mécontentement de ses voisins, soit on assiste stoïque et au bord de l'endormissement à la conclusion de ce qui restera pour moi un des plus mauvais film du festival de Cannes.
Le Havre



mardi 27 décembre 2011

Ceux qui auraient du avoir le succès des intouchables, d'Adèle ou de Marc Lévy

Plutôt que de faire le best of de l'année ou les pires films, livres, disques de 2011, j'ai choisi un film, un disque et un livre qui, à mon humble avis, auraient du rencontrer le succès. Le public est passé à côté, à tort ou à raison (pour moi à tort, mais bon, je ne suis pas seul juge) mais avant qu'ils ne tombent complètement dans l'oubli, je leur donne un dernier coup de projecteur.

FILM 2011: Tomboy de Céline Sciamma
L'histoire est simple. Profitant d'un déménagement, Laure décide de se faire passer pour un garçon auprès de enfants de son immeuble.
Comme pour son premier film, "La naissance des pieuvres", la réalisatrice s'interroge sur la sexualité. Ici, le film, mené comme un thriller, est un vrai chef d'oeuvre d'ambiguité, jouant avec une accumulation de pistes plus ou moins signifiantes et qui nous installe dans un inconfort très troublant.
A redécouvrir en DVD sans attendre.


DISQUE 2011: En t'attendant de Mélanie Laurent

Le premier album de Mélanie Laurent m'a vraiment accompagné tout l'été. La voix, plutôt agréable (j'ai horreur des chanteuses à voix, plus elles crient moins elles ont de choses à dire ) est très joliment mise en valeur par une production soignée et raffinée. Malgré une forte présence médiatique de l'actrice, le disque n'a pas trouvé le chemin des radios...
Kiss est le deuxième extrait de l'album de Mélanie Laurent paru au printemps dernier.

LIVRE 2011 : Le premier été d'Anne Percin aux éditions du Rouergue

Vous trouverez mon avis dans la rubrique livre.

Ici pas de clip mais je vous livre un extrait de ce roman qui m'a emballé cet automne.

" Pendant la sieste, je désertais mon grenier pour m'occuper des poules à qui je jetais des reliefs de repas, les regardant d'un air absent déchiqueter les nerfs et le gras de la viande... Ou bien, étendue sur l'herbe haute dans un coin du jardin que Pépé ne fauchait qu'après l'été pour faire la litière aux lapins, je regardais s'agiter sous moi des vies infimes et grouillantes. Cette observation n'avait rien d'éthéré : le soleil me chauffait le dos et la peau, j'avais les cuisses mordues de piqûres d'insectes et m'obstinais à demeurer stoïque, malgré les fourmis qui me couraient sur les jambes et les bras.Leur marche, que rien n'arrêtait, me causait des frayeurs, je les sentais approcher de mes oreilles, de mon nez, s'aventurer sous le tissu du short, je craignais qu'elles n'envahissent d'autres lieux... Je me secouais, je les sentais encore grimper le long de mes jambes. Effrayée, je me levais, rouge de chaleur et de honte, pour les sentir toujours sur mes cuisses. Je tirais sur les élastiques de ma culotte, secouais mon T-shirt, soudain folle d'angoisse à l'idée que les fourmis aient réussi à s'infiltrer ailleurs, dans les poils, dans les trous, dans le puits mystérieux où je n'osais même pas mettre les doigts."


lundi 26 décembre 2011

Les deux petits monstres de Michaël Escoffier et Gwendal Blondelle

Je l'avoue depuis maintenant quelques petites années, j'ai flashé sur les albums griffés Michaël Escoffier, auteur ultra talentueux d'ouvrages facétieux ( Le gentil p'tit lapin) ou délirants (Cherche figurants). C'est donc avec gourmandise que j'ai ouvert "Les deux petits monstres" et que, une fois refermé, je l'ai réouvert pour le refermer un peu déçu, très déçu même.
C'est l'histoire de deux petits monstres qui vivent chez un sorcier et, parce qu'ils ne sont pas sages, se retrouvent enfermés dans un livre, chacun sur une page différente. Bien évidemment ils n'auront qu'un objectif : se rejoindre pour faire à nouveau des bêtises.
Encore une fois, nous avons droit à un album original, avec des pop-ups, des trous mais , l'histoire, jouant sur le concept assez abstrait que les pages des livres sont  des prisons, fonctionne moyennement bien.
Je décidai alors de le tester sur mon neveu de cinq ans.
 A l'idée d'écouter une histoire de monstres, il a vite accouru. L'ouverture du livre a provoqué de petits cris d'enthousiasme à la vue de tout un tas de petits monstres joliment croqués. Ceux du titre sont moins rigolos mais la suite a été écoutée avec attention. Un petit froncement de sourcil quand un des monstres découpe un trou dans la page pour rejoindre son copain, marquant une légère incompréhension. Puis, lorsque apparaît l'escalier en pop-up, les petits doigts grimpent les marches avec plaisir mais le froncement est toujours là, plus prononcé. Et à la fin, quand les monstres sont réunis, je sens bien qu'il y a quelque chose qui coince et mon petit neveu me demande :
- Ils sont ensemble là?
-Heu, oui. Pourquoi?
-Ben, ils ne sont pas sur la même page, c'est pas possible...
-Mais, si puisqu'ils ne sont plus enfermés dans un livre !
- ?????
Bon, je sais, vous qui me lisez et qui n'avez pas l'album sous les yeux vous ne pouvez pas bien comprendre. Je veux seulement que vous ressentiez que l'idée originale de jouer avec les pages d'un livre, aussi sympathique et ludique soit-elle, n'est pas forcément à la portée du public auquel elle est destinée. Et ici, malgré les pages mobiles, la présence de monstres, elle est un peu trop tordue pour un enfant (au moins de mon neveu). Je rajouterai même que les illustrations, toutes dans les tons gris et mauves genre demi-deuil des années 50, n'aident pas à rendre la chose attrayante, bien au contraire.
L'album a été refermé, posé dans la chambre de mon neveu et n'a, depuis dix jours, jamais réapparu au dessus de la pile branlante de ses lectures. Mauvais signe.
Un Mickaël Escoffier raté, ça arrive. Cela ne m'empêche pas d'attendre le prochain avec impatience.
Les deux petits monstres de Michaël Escoffier et Gwendal Blondelle. Kaléidoscope 15 €

dimanche 25 décembre 2011

Le temps des riches de Thierry Pech

"Le temps des riches" est un petit précis économique sur les riches en France, simple mais détaillé, qui ne tourne pas autour du pot et qui pose les bonnes questions.
En ouvrant le livre, j'avais bien entendu mon idée des riches, de leur puissance, de leur mode de vie, de leur manière de s'enrichir. Sa lecture ne fait que confirmer ce que l'on sait déjà (avec, en plus, des chiffres récents et précis) : individualisme forcené, réseau social très efficient, transmission de richesse par héritage, échappement à l'impôt par les niches fiscales, générosité minime, enrichissement maximal en période de crise. Hélas pour moi, j'ai également appris, entre autre, que les riches pèsent plus lourdement  sur l'environnement de par leur mode vie mais surtout parce qu'ils servent de modèle de consommation aux classes moyennes avides d'imitation de leur standards de réussite sociale.
Mais Thierry Pech va plus loin dans son analyse, se demandant par exemple comment ce déploiement de richesses exposées sans vergogne dans les pages des journaux populaires ne déclenchent pas un rejet de la part d'une population amenée à se serrer de plus en plus la ceinture. Il nous éclaire sur les mécanismes d'une société française irrémédiablement fascinée par l'argent et le succès et comment ce petit noyau de personnes fortunées gèrent des images propices plus au rêve qu'à la révolte ainsi qu'un discours  faisant de la réussite personnelle une religion.
La lecture de ce livre me semble indispensable pour décrypter tous les discours que l'on va nous asséner dans les mois à venir. Il nous permettra de mesurer l'envie de nos futurs candidats au poste suprême à vouloir mettre en place des réformes d'envergure pour une meilleure équité sociale et un vrai renouveau démocratique.

samedi 24 décembre 2011

A dangerous method de David Cronenberg



Il est des films très intimidants pour le public. "A dangerous méthod" mettant en scène les expérimentations et les échanges de Freud et Jung autour de la psychanalyse est de ceux là.
L'histoire se concentre néanmoins sur le personnage de Sabina Spielrein (Keira Knightley), jeune femme très torturée que Jung (Michaël Fassbender) va guérir et en faire une de ces égales en même temps que sa maîtresse voire le grand amour de sa vie. Freud (Viggo Mortensen)  observera, jugera cette relation trouble car sado-masochiste, à l'aune de ses théories nouvelles et encore fragiles. Autour de ce thème qui rejoint pas mal de ses films précédents, David Cronenberg, déroule une mise en scène ultra classique, corsetée comme ses personnages et faussement lumineuse comme ces lacs suisses aux eaux sombres sur lesquels vogue Jung.
Pourtant le sexe rôde tout le temps, à chaque scène, dans tous les discours. Mais dans cette Europe du début du vingtième siècle, où les femmes, toutes habillées de blancs pour mieux souligner ou imposer leur pureté, où les hommes, coincés par une société aussi raide que leurs faux cols amidonnés, libérer la parole autour de la sexualité reste un tabou.
Le film nous fait assister à ce bouillonnement intellectuel des débuts de la psychanalyse et aux difficultés que rencontre le docteur Jung, tiraillé entre raison et liberté, satisfaction du corps et de l'esprit.
David Cronenberg, un rien machiavélique, utilise à contre emploi Michaël Fassbender, comédien formidable mais aussi, après le fameux "Shame", sex toy ambulant. Il est parfaitement convaincant en médecin tiraillé par ses pulsions, ne dégrafant aucun bouton de ses pantalons impeccables.
Keira Knightley illumine l'écran de sa beauté mais aussi de son talent (quoiqu'en disent les critiques d'outre-manche) même si au début, les crises d'hystérie de son personnage sont un peu surjouées.
Viggo Mortensen, Freud encore fringant, tout en retenu, apparaît uniquement dans les moments les moins palpitants du film, longues scènes d'échanges autour des théories psychanalytiques et malgré la présence tout à fait freudienne d'un gros cigare perpétuellement dans sa bouche, ces moments alourdissent le déroulé du film.
Si vous êtes férus de psychanalyse, si vous êtes fans absolus des acteurs de ce film ou si vous êtes curieux, allez voir "A dangerous méthod". Par contre si vous voulez de l'action, être bousculé par des images dérangeantes comme Cronenberg s'en est fait le spécialiste, passez votre chemin, ce cru ci est plutôt en mode mineur ou très intériorisé.

jeudi 22 décembre 2011

Florent Marchet Noël's songs

A quelques heures du traditionnel réveillon de Noël, la fièvre monte. Les courses sont faites, le menu dort dans votre frigo avant une transformation digne de Masterchef, les cadeaux sont emballés, la déco de table     bien pensée, fera pâlir de jalousie votre belle soeur qui a pourtant participé à "Un dîner presque parfait".
Il ne reste qu'une chose pour que la fête soit réussie, l'ambiance sonore. Il faut qu'elle rappelle Noël,sans être  trop ringarde, vous avez un rang de bobo branché à maintenir. Il hors de question pour vous de passer en boucle Tino et ses tubes frelatés, encore moins les nouveaux duos ringards de Michel Legrand et de ses invités prestigieux mais trop consensuels. Les chorales style petits chanteurs à la croix de bois sont à proscrire tout comme les compils de tous ces chanteurs d'opéras en mal de succès discographiques.
Le problème aurait pu être insoluble, si cette semaine ne sortait une compil tout à fait de bon aloi : Florent Marchet Noël's songs avec le Santa Claus orchestra.
Voici donc un album franchement réjouissant, composé de 15 titres tirés du patrimoine traditionnel (Douce nuit, Vive le vent, ...), du répertoire de chanteurs français connus( Edith Piaf, Barbara, Jean Louis Murat, ...) remarquablement revisités  par Florent Marchet. Un disque pop, aux arrangements lumineux et ludiques qui saura créer une ambiance de fêtes tout en restant un brin caustique, à l'image du chanteur.
On appréciera particulièrement la reprise de "Petit garçon" de Graeme Allwright avec son choriste agacé qui donne à cette scie musicale une saveur nouvelle et la chanson "Dijon, 24 décembre" qui relate comment des cathos intégristes, ont brûlé le Père-Noël pour cause de concurrence déloyale.
Et l'indispensable, l'inusable, "Petit papa Noël", fait-il au moins partie des titres retenus? Rassurez-vous, il y est et repris de fort belle façon. Les paroles niaiseuses ont tout simplement été remplacées par les vocalises aériennes de "La fiancée", chanteuse encore méconnue mais sublime, faisant  de ce morceau patrimonial, une friandise tout à fait écoutable.
Vous pouvez investir sans tarder à l'achat de ce nouvel album de Florent Marchet, si réussi que vous pourrez l'écouter toute l'année, même sur la plage à St Trop', car, ici, nous sommes bien au-delà de la simple compil de saison. C'est simplement un disque pop parfaitement maîtrisé par l'un des artistes le plus doué de sa génération.


Extrait d'Un concert donné par Florent Marchet début décembre à Paris, au café de la danse. Ici, la version de "Petit garçon" en duo avec La fiancée


mercredi 21 décembre 2011

Frankie Knight d'Emile Simon

J'avais laissé Emilie Simon après ces expérimentations avec l'eau et la glace ( La marche de l'empereur) et sa musique végétale (Végétal). Ces albums aux sonorités originales ne m'avaient pas vraiment convaincu, sa voix un peu aigüe et enfantine me crispant un peu. Je l'avoue, c'est avec appréhension que j'ai abordé l'écoute de ce chant d'amour posthume qui sort ces jours-ci.
Avec "Fankrie Khight", fait référence à son compagnon décédé de la grippe A voici deux ans, Emilie Simon nous offre une suite de chants dédiée à sa mémoire, à son amour. Le premier morceau, "Mon chevalier" aux notes cristallines est une chanson qui me fait frissonner à chaque écoute. Pourtant la voix est la même, les notes cristallines qui l'accompagnent évoquent les précédentes productions de la chanteuse,les paroles sont simples et un peu adolescentes, mais il y a une telle sincérité, une telle ferveur, un tel amour qui transparaît, que la magie est là et me bouleverse; Et la suite est de la même trempe. Les compositions plus pops, moins expérimentales, font également des incursions dans le rock ou le jazz.  A chaque fois, je me suis dit que non, là cela n'allait pas être possible, cette petite voix acidulée ne pourrait nous embarquer jusqu'au bout... Eh bien si, elle emporte à chaque fois le morceau, cet amour et ce deuil donnant une puissance inouïe à ses compositions et à son chant.
Pour moi, une vraie surprise, un disque composé comme un chant funèbre mais lumineux et incandescent comme cet amour qui semble habiter la chanteuse et qu'elle sait si bien nous faire partager. Bravo!
La plupart de ces chansons font partie de la BOF "La délicatesse", un film réalisé par les frères Foenkinos qui sort fin décembre.





lundi 19 décembre 2011

Lys & love de Laurent Voulzy

Si pour Noël vous offrez le dernier album de Laurent Voulzy, il va falloir mettre la main à la poche.
Je m'explique. Ce nouvel opus est le croisement étrange entre de la pop, de la musique folklorique, quelques notes de flûtiot, un nuage de choeur de vierges et tout un bric à brac moyenâgeux. Cela donne un ensemble de musiques planantes, pas désagréables qui s'intégreront parfaitement au rayon parfum d'ambiance zen de chez Natures et découvertes. On ne retiendra par contre aucune parole, peu inspirées, où l'amour d'une belle pour son chevalier, nous est conté sur un mode niaiseux et répétitif, sans grand intérêt.
On notera tout de même la participation de Roger Daltrey dans un duo où la voix puissante du chanteur des Who mêlée à celle de  Laurent Voulzy nous renvoie l'image du preux chevalier et de son frêle écuyer. Par contre, nous déplorerons l'absence de Véronique Jannot dont la voix éthérée aurait parfaitement pu s'intégrer à cet ensemble, et dont l'intro de quelques morceaux, proche d'" Aviateur" (1988), nous laisse espérer la présence.
Quoiqu'il en soit, cet album, finalement original par son thème et bien produit, reste  vraiment écoutable. Mais si vous devez l'offrir, et si vous voulez être sûr qu'il soit bien reçu, ajoutez-y une tunique en soie aux motifs bigarrés style baba cool, un joint ou deux, des bâtons d'encens, de la cervoise et si vous avez vraiment les moyens, un jongleur, un ménestrel et un masseur new âge. Là, les conditions d'écoute seront optimales et le plaisir sera total, entre divin et rêverie.
Pour ceux qui ne connaissent pas le tube (paroles Alain Souchon), voici ci=dessous jeanne , premier extrait de cet album..

samedi 17 décembre 2011

Paul au parc de Michel Rabagliati


Derrière un titre du type "Martine" (vous savez cette adorable gamine en jupette qui a privé d'émancipation féminine des générations de fille depuis un demi-siècle), se cache un album rudement plaisant et formidablement émouvant.
"Paul au parc" est le septième album d'une série assez autobiographique entamée voici plus de 10 ans et qui rencontre un grand succès au Québec. Ce succès commence à se propager en France grâce au prix du public obtenu au festival d'Angoulême en 2010 pour le précédent opus.
Retour en arrière pour ce nouvel épisode, nous retrouvons Paul adolescent en 1969. Il a une dizaine d'années, vit dans une famille italo-québecoise tout à fait cocasse, découvre le neuvième art, et rêve d'embrasser le métier d'auteur de bande-dessinée ainsi que la jolie Hélène. Et puis, alors que le Québec subit la pression du FLQ (Front de Libération du Québec), Paul découvre le scoutisme, ses camps d'hiver, d'été, les amitiés et les chefs scouts, attentifs et dévoués. 
A partir de ses souvenirs, Paul Rabagliati déroule un récit tout empreint d'un humour tendre teinté d'un zeste d'émotion. Même si la nostalgie risque de moins opérer de ce côté-ci de l'Atlantique (qui connaît Koko le clown ou le chocolat Abbo ?), j'ai été emporté par son histoire, j'avais l'accent québécois dans l'oreille et je me suis délecté de toutes ces expressions, mélange de vieux français et d'anglicismes.
Avec un dessin de plus en plus beau et au trait clair mais joliment travaillé, l'oeil se régale et aime s'attarder sur des détails, une case, une planche.
Mais ce qui fait la grande richesse de cet album ce sont les portraits de ces adultes qui accompagnent Paul dans son passage dans l'adolescence. Ils sont de ceux qui laissent une empreinte pour toute une vie, héros simples et ordinaires mais qui par leur dévouement offrent à Paul le meilleur terreau pour sa future vie d'homme. Cet album leur rend un vibrant hommage ainsi qu'à ses camarades louveteaux, avec finesse, tendresse et humour. 
Cet album, qui peut se dévorer sans connaître les précédents et qui peut même être une excellente entrée dans cet univers canadien, est donc un petit bijou, un bonheur de lecture, un petit trésor que l'on conseille et que l'on garde dans sa bibliothèque.







vendredi 16 décembre 2011

Partie de pêche de Béatrice Rodriguez

La collection "histoire sans paroles " des éditions Autrement jeunesse nous propose cette rentrée, les troisièmes aventures de la poule et du renard.
Pour ceux et celles qui ne connaitraient pas ces deux héros, sachez que c'est un gros succès de librairie, surtout pour des albums sans texte. Chaque aventure, toujours trépidante, se termine invariablement par un petit coup de théâtre inattendu.
Ce troisième volume ne déroge pas à la règle. Nous retrouvons donc le renard et la poule filant un parfait amour sur leur île. Hélas, le frigo est vide et notre poule doit confier l'oeuf qu'elle couve au renard pour qu'elle puisse partir pêcher quelque nourriture pour subsister.
La partie de pêche ne sera pas de tout repos. Un rapace puis un serpent de mer viendront compliquer les plans de la poule qui finira par retrouver sa maison après moultes péripéties. Et c'est en entrant chez elle que...
Non, je ne divulguerai pas la fin, surprenante comme à l'habitude, avec cette fois-ci, pour un lecteur un peu plus âgé, une interrogation de type scientifico-philosophique un peu dérangeante.
Cette fois-ci encore Béatrice Rodriguez livre un joli album, humoristique, aux illustrations toniques mais aux couleurs tendres. J'ai apprécié le petit côté féministe de cette poule qui finalement est bien plus courageuse que son fiancé mais est surtout une pionnière en matière de procréation. Mais, chuuutt, je n'en dirai pas plus, à vous d'aller découvrir de quoi il s'agit et de réagir selon vos convictions. Un très bon album qui, évidemment de par son concept, engendre la discussion et l'élocution pour les petits qui mettront leurs mots sur ces images toniques.


jeudi 15 décembre 2011

Des vents contraires de Jalil Lespert

Certains jours, je devrai me fier à mon intuition. Dès que j'ai vu la bande annonce "des vents contraires", j'ai bien senti l'ennui, le film pas vraiment emballant mais emballé comme une vague superproduction française avec tout un tas de chouettes acteurs, accompagnés d'enfants craquants et sur un scénario d'Olivier Adam, auteur reconnu et adulé.
Et le résultat est conforme à l'impression : vraiment pas terrible.
Vous me direz : "Oui, mais y'a Audrey Tautou, tout de même !
- Oui, mais elle disparaît dès la première minute pour réapparaître de temps en temps, en rêve, quand son mari (Benoît Magimel)  a trop le cafard de ne pas savoir ce qu'elle est devenue. (Nous, on a déjà fait notre deuil, mais bon, on n'était pas marié avec elle)
- Et Ramzy Bédia, il n'est pas formidable dans son premier rôle dramatique?
- Non, pas transcendant, il n'a pas assez de scènes pour tirer son épingle du jeu et son histoire tombe un peu comme un cheveu sur la soupe.
- Et Isabelle Carré ? Et Antoine Duléry ?
- Ils sont très bien, comme d'habitude, mais ils ne suffisent pas à sauver l'oeuvre."
Ce film n'est pas un polar, mais il aurait pu en être un, tous les éléments y sont. Comme ils n'intéressent pas le réalisateur, le spectateur est prié de se pencher au chevet de cet homme très malheureux et d'admirer tous ses nombreux tourments : solitude, culpabilité, colère, dégoût et j'en passe. Cela aurait pu nous émouvoir mais c'est simplement plat. A trop vouloir éviter le mélo, tout devient lisse, sans saveur. Les personnages secondaires passent dans une suite de scènes dont on voit pas tout à fait l'intérêt, plombant un peu plus la narration. Et je ne parle pas de la fin (ceux qui iront voir le film et qui ne seront pas encore endormis ou sortis risquent  de m'en vouloir), elle nous tombe dessus sans qu'on s'y attende, pour nous surprendre, mais c'est raté, on est déjà en train de se demander ce que l'on va faire à manger ce soir et si finalement on ne mangera pas les restes du poulet...
Le titre était prémonitoire : " des vents contraires" nous poussent vers d'autres films et celui-ci vers une sortie DVD très rapide.



mardi 13 décembre 2011

Parfois je me sens.. d'Anthony Browne

Je considère Anthony Browne comme l'une des figures majeures de la littérature jeunesse de ces 30 dernières années. Ses albums sont un régal pour les yeux et l'esprit. Mes enfants (pourtant ados) ont refusé récemment que je me sépare des aventures de Marcel, ce sympathique singe, qui semble leur avoir laissé un souvenir inoubliable. Personnellement, chaque fois que j'ouvre "Une histoire à quatre voix", je découvre un détail qui m'avait échappé lors d'une de mes deux cents précédentes lectures, me laissant perplexe et admiratif.
Cet automne paraît aux éditions Kaléidoscope, "Parfois je me sens...", un album destiné aux plus petits et qui nous propose de parler des émotions ressenties.
Comme d'habitude, le héros est un petit singe, en salopette colorée qui au fil des pages va nous révéler ses sentiments ou les sensations qu'il éprouve. L'idée est fûtée, sobrement mise en page avec un graphisme  simple voire minimal. C'est agréable, facilement lisible par les jeunes enfants et un excellent déclencheur de discussions ou de remarques. Les lecteurs habituels trouveront la même succession d'images que dans "Ma maman" et "Mon papa", mais en moins fouillées et sans beaucoup de clin d'oeil. Et c'est cette richesse qui me fait un peu défaut et qui manquera aux enfants. J'appréciais quand Anthony Browne s'adressait aux petits sans édulcorer son propos. Dans cette nouvelle parution, c'est surtout l'illustration qui est traitée en mode mineur. C'est bien parce que les albums sur les parents fourmillaient de détails bizarres, drôles, de références au cinéma et à la peinture, que les enfants en réclamaient encore et toujours la relecture, sentant bien, inconsciemment, qu'une richesse cachée ne demandait qu'à se dévoiler.
Un album, pour moi mineur, mais quand c'est d'Anthony Browne, cela reste tout de même au-dessus de la mêlée.

lundi 12 décembre 2011

Les Mohamed de Jérôme Ruillier

Adapter les "mémoires d'immigrés" de Yamina Benguigui en bande dessinée, peut sembler inutile. Il y avait eu le livre et le film. Mais c'était il y a 14 ans, et depuis, de l'eau à couler sous les ponts et l'image des immigrés a été considérablement déformée par de nombreux discours xénophobes.
Cette adaptation en bande dessinée, par un auteur dont le discours de partage et de tolérance à toujours été au coeur de ses productions, est un magnifique et troublant témoignage de ce qui est un des hontes de notre république.
Comme dans le film, nous partageons les témoignages émouvants et révoltants de ces hommes, de ces femmes, qui ont été parqués dans des zones insalubres, comme des pestiférés, pour la plupart coupés de leur famille, travaillant comme des bêtes de somme pour une misère et sans aucune considération, mais aussi de leurs enfants tiraillés entre un héritage lourd à porter, révolte et fureur de vivre.
Mais ce que Jérôme Ruillier apporte de plus avec son dessin au trait simple, représentant tous ses personnages avec des têtes de nounours, c'est un sentiment d'universalité. Nous sommes tous humains, égaux devant la souffrance, le mépris des autres, la bêtise, la peur et l'incompréhension. En nous proposant cette relecture en 2011, l'auteur continue à faire un acte militant, fort et sensible, dans une période à l'avenir incertain.
"Les Mohamed" appuie là où ça fait mal mais avec générosité et quand Jérôme Ruillier ajoute sa touche très personnelle en faisant un parallèle entre l'intégration (heu... l'exclusion) de tous ces travailleurs et celle de sa fille trisomique dans l'école de son quartier, il nous rappelle que le racisme, l'ignorance, l'intolérance sont nichés partout.
On ressort de la lecture de cet album, bouleversé et honteux, mais fin prêt à faire circuler ces "Mohamed"   dans le secret espoir qu'il puisse nous aider à combattre cette ignorance et cette indifférence qui gangrène nos sociétés occidentales.

dimanche 11 décembre 2011

Carnage de Roman Polanski

Aujourd'hui, je suis allé au théâtre. J'y ai vu une pièce de Yasmina Reza interprétée par des acteurs de cinéma (Jodie Foster, Kate Winslet, John C Reilly, Christoph Waltz). Ils jouent des bourgeois assez stéréotypés, un couple de gauche, porté sur l'humanisme et un autre de droite, faisant des profits sans vergogne. Ils s'empoignent pendant 1h20 car le fils des uns a fracassé deux incisives du fils des autres.
J'ai eu droit à toutes les conventions du théâtre bourgeois traditionnel, les artifices grossiers pour faire cohabiter de force ces gens que rien ne retient, les répliques soi-disant vachardes mais qui ne font pas rire et sont un peu répétitives. Je vous rassure, il n'y a pas d'amant dans le placard de cet appartement gentiment bourgeois et bien pensant. Il y a juste Kate Winslet qui vomit avec beaucoup de réalisme et Jodie Foster qui en fait un rien trop dans la haine.
Vous l'aurez compris, le dernier film (?) de Roman Polanski ne m'a pas emballé. Le réalisateur, dont une des spécialités est le huis clos, a visiblement perdu la main ou alors, n'a pas été inspiré par ce qui ressemble à une commande de producteur. Même si l'on peut deviner que ce jeu de massacre entre adultes civilisés, cachant, bien enfouie, une monstruosité qui ne demande qu'à ressortir, thématique souvent développée par Polanski, était un sujet pour lui, le résultat est vraiment très décevant. Jamais le film ne décolle réellement, faute aux personnages sans ambiguité et à une réalisation qui ne fait jamais penser que nous sommes au cinéma. Dommage...

vendredi 9 décembre 2011

Du domaine des murmures de Carole Martinez

Je n'avais pas lu le précédent livre de Carole Martinez, "Le coeur cousu", ma femme, qui l'a adoré, ne me l'avait pas conseillé. "Ce n'est pas un livre pour toi" m'avait-elle dit. Et je lui avais fait tout à fait confiance.
Quand à la rentrée est sorti "Du domaine des murmures", j'ai jeté un coup d'oeil sur les critiques et sur les blogs car une rumeur de grand livre gonflait de plus en plus. Emballement général, essentiellement chez les dames. "Bon, me suis-je dit, ce ne doit pas être pour moi, trop féminin encore." Et puis, je l'avoue, un roman se déroulant en 1187, avec une jeune fille qui se fait emmurer pour prier le Christ... c'était exactement le genre de thème qui ne m'attire pas, l'historico-religieux, très peu pour moi!
Puis, au hasard de mes flâneries, j'ai déniché l'ouvrage dans une bouquinerie, neuf et dédicacé, pas même au prix d'un poche. "Ma femme sera contente, ai-je pensé". Le livre a rejoint ma PAL (Pile à lire) et est resté jusqu'à mercredi dernier, où, moment d'égarement lors d'une après-midi pluvieuse, j'ai ouvert ce qui était devenu le prix Goncourt des lycéens.
Verdict ? J'ai adoré ! J'ai passé un excellent moment dans ces pages formidablement bien écrites, mêlant habilement vocabulaire et syntaxe moyenâgeuse, au service d'une histoire passionnante, construite pour nous surprendre constamment. Car, et c'est là une des prouesses de l'auteur, avec un sujet aussi peu emballant, Carole Martinez, en grande conteuse, attrape ses lecteurs pour ne jamais les laisser tomber en route, comme un grand auteur de thriller ( même si sur la fin, l'intérêt tombe un petit peu).
Ici, même si ça se lit comme un polar, il y a, en plus, une belle réflexion sur la condition féminine. Esclarmonde, l'héroïne, étant plus libre et plus puissante enfermée qu'en liberté, jouissant de ce pouvoir auprès des nombreux pélerins qui la visitent dans sa prison. Quant au caractère religieux qui aurait pu et a rebuté quelques lecteurs, il est tout simplement inhérent à l'époque et permet à l'auteur de nous montrer comment les peuples incultes et affamés, nourris de légendes et de croyances souvent païennes, sont prêts à gober n'importe quelle fable, même les plus improbables, à partir du moment qu'elles sont proférées par des puissants.
Vous l'aurez compris, j'ai été emballé par le livre et je m'en vais l'offrir à quelques personnes pour Noël, signe de vrai coup de foudre.... en attendant la lecture du "coeur cousu"...

jeudi 8 décembre 2011

Shame de Steve McQueen


Beaucoup de bonnes rumeurs précédent "Shame" de Steve MacQueen. Si celles-ci, pour moi, se sont révélées exactes, je ne suis pas sorti de la salle enthousiaste.
Si vous avez lu la presse, vraiment dithyrambique (sauf les inrocks, comme d'habitude), on allait en prendre plein les yeux. Et c'est vrai, on est cloué au fauteuil dès le début, succession de scènes de sexe et de plans très rapprochés de Brandon, trentenaire new-yorkais, à l'aise financièrement, au physique avantageux, qui enfile des filles comme d'autres des perles mais qui est seul, très seul. Je vous rassure, il se masturbe aussi, partout, tout le temps et avant de s'endormir, il s'excite également sur internet. Il est sex addict mais cela n'a pas l'air de le rendre heureux du tout, ses yeux éteints, froids et perdus glacent le spectateur.
Brandon, c'est Michaël Fassbender. Il est totalement impressionnant et mérite amplement son prix d'interprétation à Venise. Il faut dire qu'il paye de sa personne, donnant à son personnage une intensité incroyable. Si nous n'ignorons rien de son intimité à cause (ou grâce diront certain(e)s) à la caméra du réalisateur, toujours collée à lui, le suivant amoureusement dans son chemin pavé de sexe, c'est pour mieux entrer dans cet enfer quotidien dans lequel il est enfermé. Et là, le réalisateur, fait des merveilles, multipliant des plans audacieux sans être vulgaires, stylisés sans devenir ampoulés, le tout enveloppés avec une musique somptueuse.
Mais voici que débarque chez lui, sa soeur, Carey Mulligan  encore une fois très bien, jeune chanteuse paumée, à la recherche de l'affection de son frère. Leur relation houleuse va petit à petit devenir le déclencheur de la prise de conscience de la part du héros, de son état de dépendance.
On pourrait penser que j'ai adoré cette description talentueuse d'une maladie dont le cinéma ne s'est guère emparé pour l'instant. Cependant, j'y mettrai un bémol. Le résultat est visuellement impressionnant, les scènes de sexe, pourtant crues, jamais aguicheuses, les comédiens parfaits et la musique finement choisie.
Cependant, je trouve que le scénario patine un peu au fur et à mesure que se déroule l'histoire pour arriver à une fin un peu trop mélo à mon goût. J'ai l'impression que l'on a privilégié le style au détriment d'une analyse plus poussée du personnage central, comme si la virtuosité d'une caméra et d'un comédien suffisait à pallier les manques d'un scénario pas assez ambitieux.

mardi 6 décembre 2011

La marmite pleine d'or de Jean-Louis Le Craver et Charles Dutertre

Les éditions Didier Jeunesse sont devenues en quelques années la référence incontournable en matière de contes du monde entier revisités par des auteurs et des illustrateurs contemporains.
Cet automne paraît une adaptation d'un conte russe populaire mettant en scène deux frères : un nigaud et un malin. Un jour, le plus débrouillard, en labourant le champ de son seigneur, trouve une marmite pleine d'or.
Voulant la garder pour lui, et se méfiant de son imbécile de frère trop bavard, il invente un stratagème pour s'emparer de ce trésor.
Je ne raconterai pas la suite, vous laissant le plaisir de découvrir ce conte qui séduira tous les amateurs d'histoires classiques. Le texte est tout à fait adapté aux enfants et les illustrations agréables et colorées donnent une jolie touche de modernité.
Encore un belle réussite des éditions Didier et, cerise sur le gâteau, si vous achetez cet album, une partie des recettes est reversée à l'association "Lire et faire lire" qui fournit auprès des enfants un formidable travail de partage du plaisir de lire.
Alors, aucune hésitation, pour Noël, plutôt que Dora...

La marmite pleine d'or de Jean-Louis Le Craver et Charles Dutertre, Didier jeunesse, 12,50€.
 A partir de 4/5ans

lundi 5 décembre 2011

31 boîtes de Cécile Boyer

Il y a des albums jeunesse qui parient sur une histoire attachante, d'autres sur des illustrations attrayantes, certains mêlent les deux quand d'autres essaient d'abord de séduire les parents. Enfin, il y a une catégorie plus rare qui préfère s'adresser à la fois à l'intelligence des enfants et à la patience des parents. " 31 boîtes" de Cécile Boyer est de celle là.
Partant du principe que tout enfant devant une boîte à envie de l'ouvrir, cet album nous en propose donc 31, toutes différentes, sur une pleine page avec la question : Qu'y a-t-il dans cette boîte? Il suffit de tourner la page et apparaît le contenu, souvent coloré, toujours surprenant, accompagné d'une phrase qui ne décrit en rien l'illustration, mais emmène le lecteur à deviner, imaginer une histoire suggérée par les objets apparus.
Par exemple, on voit dans la boîte une scie, un marteau, des clous,... et le texte dit : " un danger pour les doigts !" Ou alors, on découvre des escarpins et un collier de perles et la phrase qui accompagne est : "Une soirée à l'opéra !"
Vous me rétorquerez que l'on est très loin de la jolie histoire du soir censée endormir bien vite nos petits, qu'avec un album comme celui-ci, on est bon à retarder le coucher d'une bonne heure s'il faut expliquer tout ce qui se passe en dehors du texte.
Peut être, mais quel plaisir de pouvoir parler, échanger, expliquer le monde, imaginer des histoires à partir de ces boîtes. C'est tellement rare les albums qui font confiance à la sagacité, à l'imaginaire et à l'intelligence des enfants et de leur famille qu'il serait idiot de priver les votres de ce petit bijou.

31 boîtes de Cécile Boyer, édité chez Albin Michel jeunesse.12,90€. A partir de 4/5 ans.

dimanche 4 décembre 2011

Le tout petit roi de Taro Miura

La première chose qui m'a sauté aux yeux en ouvrant cet album, c'est une explosion de couleurs rendues plus intenses par le fond noir des pages.
La deuxième chose qui m'a impressionné, c'est ce véritable sentiment d'enfance que dégage cette histoire, une enfance faite de jeux de constructions, de bricolages, de rêve et de générosité.
"Le tout petit roi" est un album totalement ludique pour l'enfant qui le regarde. Son oeil est attiré par une multitude d'objets, de soldats, de collages rigolos et par sa mise en page colorée.
L'histoire, toute simple, d'un petit roi qui s'ennuie, tout seul, dans son grand château, est de celles qui allient  simplicité et créativité. Et quand il épouse une très grande princesse et qu'ils ont plein d'enfants, l'histoire, pour une fois, continue pour nous vanter les charmes de la vie en groupe en redoublant de couleurs toutes plus joyeuses les unes que les autres.
Vous l'aurez compris, cet album est un parfait cadeau pour un enfant à partir de 2/3ans, à recommander à ceux qui aiment bien offrir des jouets en bois et notamment ces jeux de construction colorés qui transforment nos petits en graine d'architectes.

Le tout petit roi de Taro Miura, édité chez Milan. 12€


samedi 3 décembre 2011

Dans le ventre de Papa de Norac-Grousset et Magali Bardos

Dans le flot d'albums publiés depuis des années sur la thématique "papa et son enfant", voici que paraît chez Pastel un album au titre accrocheur : "Dans le ventre de Papa".
Sur la couverture, un papa, en short de bain, main sur sa bedaine, flotte sur une mer d'huile, heureux.
Le point de départ de cette histoire peut sembler plein de fraîcheur enfantine. Sur la plage, en observant son père se déshabiller, une petite fille en voyant son gros ventre se dit : "Mon papa va avoir un bébé!"
Et il aura un garçon ! Les papas font les garçons et les mamans les filles. Illico presto, la petite fille devient ultra protectrice avec son père, l'obligeant à s'asseoir dans le métro à la place de dames plus âgées, évitant que son ballon ne rebondisse sur son ventre, jusqu'à ce que sa maman lui révèle la vérité.
Cela peut paraître charmant, mais j'ai été gêné par l'image dévalorisante du sexe féminin que véhicule cet album.
Tout d'abord, la petite fille est blonde bien entendu, pour avoir une idée aussi stupide de nos jours, il faut être ou fille (et blonde) ou sous informé (même à 3 ans). Ensuite, en observant les activités de la maman 2011, je suis ravi de voir qu'elle est vraiment à contre courant : à la veillée, elle tricote des chaussettes pendant que son mari dort devant la télé ! Trouvez une femme en âge de procréer capable de tricoter des chaussettes doit être aussi rare que de découvrir un trèfle à quatre feuilles dans son jardin. Bien sûr, aimante, elle accompagne son mari jouer au football (bon Ok, c'est pour jouer avec sa fille, modernité oblige). Mais quand, dans le jeu, il s'agit de refaire le lacet défait de l'enfant, ce macho de père préfère rester dans les buts, bobonne traverse prestement le terrain pour accomplir cette tâche somme toute ingrate. 
Et à la fin, quand on retrouve toute la famille sur la plage, qui reste à s'occuper de bébé pendant que papa, avec maintenant un corps de rêve, prêt pour toutes les aventures, enfile palmes et tuba pour une petite baignade? Maman bien sûr, figure maternante éternelle et dévouée. Tout est de nouveau dans l'ordre, chacun bien à sa place, la femme  coincée sous le parasol, l'homme faisant le beau dans l'eau tel un Georges Clooney de banlieue.
Après ce couplet féministe, il est évident que je ne conseille cet album qu'aux électeurs de madame Boutin et aux lecteurs d'Eric Zemmour... Il en faut pour tous les goûts...



vendredi 2 décembre 2011

Americano de Mathieu Demy

Y'a-t-il quelque chose à sauver du premier film de Mathieu Demy? Même pour moi qui espérais trouver un peu de ce qui faisait, et fait toujours, la magie des films de ses illustres parents, je me creuse la tête à chercher une scène, un moment quelconque qui m'ait titillé l'oeil, mais rien ne vient.
 Je ne garderai pas le personnage de Martin ( Mathieu Demy), assez antipathique, inconsistant, qui part à Los Angeles pour régler la succession de sa défunte mère. Il est un peu dépressif, au bord de la rupture avec sa copine (Chiara Mastroianni) et répète inlassablement que sa maman ne l'aimait pas.
Je jetterai toute la partie mexicaine dans laquelle nous découvrons un bouge dans lequel se produit Lola (!) une ancienne camarade de jeu de Martin lorsqu'il avait 8 ans. Ici, les couleurs sont plus chaudes, l'atmosphère plus typée mais, hélas, plus proches de "Parking", film oubliable de son père, que des "demoiselles". Si vous êtes de bonne humeur, vous pourrez vous moquer de Salma Hayek, pourvue d'une perruque rouge et d'une balafre, dont l'interprétation brigue le prix de la pire prestation de l'année.
Je ne retiendrai pas le scénario, bien mince au départ, virant au noir improbable puis se terminant dans des tons roses gnangnans. Les nombreux clin d'oeil aux films de ses parents et notamment des extraits de "Documenteur" d'Agnès Varda, n'apportent pas vraiment un plus à cette divagation cafardeuse dont les tenants et les aboutissants m'ont totalement échappé, trop personnels sans doute...
Restent, les apparitions fugitives de Chiara Mastroianni, parfaite comme d'habitude, et de Géraldine Chaplin, rigolote en copine survoltée. C'est bien peu pour un film d'une heure quarante-cinq, qui prouve que Mathieu Demy a un énorme talent de... persuasion pour arriver à faire produire un long métrage aussi peu passionnant.

jeudi 1 décembre 2011

Habibi de Craig Thompson

Il y a des jours où j'ai honte, honte d'être incapable d'apprécier ce qui est considéré comme un chef d'oeuvre par le commun des mortels. A commencer par mon libraire spécialisé BD qui m'a remis entre les mains "Habibi" de Craig Thompson. Il avait adoré ce gros pavé de 680 pages et il était intarissable sur l'histoire qui l'avait bouleversé. Je suis donc ressorti, lesté de l'ouvrage que j'avais acheté malgré un léger scepticisme car je ne suis pas très friand des contes orientaux.
Ensuite, je suis allé faire un tour sur le web, histoire de voir ce que les critiques en pensaient. Là aussi ce n'était que louanges, cris de bonheur, couronnes de laurier. Pas un seul hiatus, pas l'ombre d'un mécontent, rien qui puisse indiquer qu'il pouvait y avoir la possibilité d'un léger ennui.
C'est donc en toute confiance que je me suis plongé dans la lecture du chef d'oeuvre...
Ca débute bien, beau graphisme, histoire sordide mais mise en scène avec talent et ... tiens une citation du Coran... ah, revoilà l'histoire, dessin sublime, très poétique,...tiens, un genre de carré magique, oh, de la calligraphie... Là, je commence à décrocher un peu... L'histoire reprend, attachante, sensuelle et terrible avec de temps en temps un peu de Coran, un peu de Bible, un coup de carré magique et des illustration de plus en plus foisonnantes...
Bon, je suis allé jusqu'au bout de cette lecture qui conte la rencontre de Zam  petit garçon noir et de Dodola, magnifique jeune fille dans un Orient de conte entre les mille et une nuits et la fable écologique.
Non, la lecture ne m'a pas enchanté. J'ai admiré le délire graphique de l'auteur qui a décoré son histoire de toutes les volutes orientales possibles mais pour moi c'était un peu trop lourd, lourd comme si j'avais mangé toute la boîte de loukoums.
Les très nombreuses références à la religion m'ont laissé de marbre (oui, je sais, c'est écrit par un américain qui a lu le Coran, c'est donc une performance) ainsi que cette initiation aux carrés magiques que je n'ai pas comprise.
Reste l'histoire, pas légère non plus, un peu tirée par les cheveux, sûrement pour faire oriental, qui reste attachante et empreinte d'une grande sensualité sans pour cela devenir pour moi inoubliable.
Voilà, je suis un gros balourd, je suis passé à côté d'un album magnifique et intelligent. Suis-je vraiment le seul?

mercredi 30 novembre 2011

Jayne Mansfield, 1967 de Simon Liberati

En relisant la liste des ouvrages couronnés par le prix Fémina, je m'aperçois que c'est un prix dont j'ai lu peu de livres ( "Où on va papa? de J L Fournier et "Une vie française" de Jean Paul Dubois, ces dix dernières années). En regardant encore mieux, j'ai l'impression que la plupart sont tombés dans l'oubli et que le choix de ces dames semble avoir été guidé  plus par les tractations mercantiles des éditeurs que par la qualité formelle des écrits.
Cette année, j'ai lu le prix Fémina et... je ne pense pas que "Jayne Mansfield, 1967" de Simon Liberati déroge à la règle précédemment écrite.
En deux mots, à partir du terrible accident de la route qui coûta la vie à cette actrice de deuxième zone qu'était Jayne Mansfield, l'auteur, nous dresse le portrait de la starlette en compilant tous les éléments, même les plus minimes, qui ont jalonné la dernière année de sa vie.
Même si sur la couverture apparaît le terme de roman, nous ne sommes pas du tout dans la fiction. Les derniers jours de Jayne Mansfield sont décrits avec la minutie d'un entomologiste. L'accident qui ouvre le livre, est terrifiant de précision, mélange de rapport de police, de coupures de presse, de témoignages divers, assemblé de façon magistrale par l'auteur. Dans un amas de tôles froissées et de sang, Simon Liberati arrive, en creux, à dresser un portrait saisissant de cette pseudo actrice sur le déclin, monstre drogué, perruqué, à la réputation sulfureuse et au talent incertain. On entrevoit l'envers du décors du mythe hollywoodien, machine à broyer de pauvres filles crédules, fatalement bourrées d'alcool et de LSD, réduites à se dénuder dans des bouges du fin fond de l'Amérique.
Seulement, à la fin de ce premier chapitre brillant, nous ne sommes qu'à la page 61. Les dames du jury Fémina, fatiguées ou convaincues par les critiques d'une presse servile, ont dû s'arrêter là, pas moi.
La suite est moins glorieuse, anecdotes quelconques, rencontre peu palpitante avec un gourou satanique et autre énumérations de coupures de journaux, n'apportent rien de nouveau ni de vraiment intéressant pour le lecteur. C'est fastidieux, répétitif, limite maniaque dans cette accumulation de petits détails un peu insignifiants. On est loin de la virtuosité du début et le style ressemble à celui d'un pigiste chargé de compiler des infos pour un biographe qui n'aurait aucune envie de traîner dans les archives.
Je ne pense pas qu'avec ce livre là, le prix Fémina redore son blason. D'ailleurs, cet après-midi, dans la librairie d'à côté, tous les prix littéraires était présentés, jolies piles bien aguichantes sauf le Fémina, relégué parmi le commun des romans non-primés. Un signe?


mardi 29 novembre 2011

L'art d'aimer d'Emmanuel Mouret

Pour son nouveau film, Emmanuel Mouret, fidèle à lui même, nous embarque dans des histoires de séduction, d'amour, d'infidélité et plus si affinités. Or, ici, il n'y a pas beaucoup d'affinités, car la plupart des histoires se terminent sans passer par la case sexe bien qu'il en soit énormément question.
 Et c'est ça qui fait le charme de "L'art d'aimer". Avec des situations piquantes, sans complexes, les personnages s'essaient à l'infidélité, en parlent sans détours, avec des dialogues fins et primesautiers, sans une once de vulgarité et beaucoup de candeur. On se croirait un peu chez Rohmer mais c'est plus vif, un peu chez Marivaux en plus moderne quand même.
Il y a une brochette de comédiennes, amoureusement filmées, qui brillent de tout leur éclat à l'écran (Judith Godrèche, Frédérique Bel, Julie Depardieu). On prend un plaisir fou à suivre les méandres du coeur et du corps de ces personnages qui ne se préoccupent que de leurs amours. C'est léger, très léger et ça fait du bien. Emmanuel Mouret filme de mieux en mieux et devient le virtuose de plans d'intérieur, jouant avec art des portes, des coins et des murs, qui deviennent ici partie prenante de l'histoire.
Le seul reproche que l'on puisse faire à ce film est le sentiment qu'il est composé de sketches vaguement assemblés pour arriver à une unité un peu superficielle. Mais tel qu'il est, il permet de passer un très agréable moment et c'est déjà ça.

lundi 28 novembre 2011

Coccinelles cherchent maison de Davide Cali et Marc Boutavant

"Coccinelles cherchent maison" est un très bel objet, grand format, couleurs claquantes, auteurs talentueux.
Tout est réuni pour faire de cet album un incontournable des cadeaux de Noël car en plus d'une très jolie planche d'autocollants, il met en scène d'adorables coccinelles finement croquées par Marc Boutavant, le créateur de Mouk.
A partir d'un thème porteur pour les enfants, la recherche d'une maison, l'histoire, narre la randonnée d'un couple de coccinelles et d'un agent immobilier, Mr Balanin, parmi des habitations plus saugrenues les unes que les autres. La mise en page originale de cette histoire, nous fait suivre les pérégrinations des héros grâce à des pointillés qui nous guident dans le paysage bucolique imaginé par l'illustrateur.
Quand j'ai mis cet album dans les mains de mon petit neveu de 5 ans, cela a été immédiat, il s'est plongé littéralement dans l'album, goulument, fasciné par toutes ces bestioles adorables.
Puis, bien vite, est arrivé le moment où il a fallu que je lise cette histoire à cet enfant, avide de prolonger le plaisir visuel, certain de faire d'autres découvertes merveilleuses.
Et c'est là que l'on se trouve confronté aux limites de cet album, agencé un peu façon bande dessinée. Si l'histoire, bourrée de références immobilières, plaît à l'adulte qui retrouve tous les tics de la profession, l'enfant, lui, se désintéresse petit à petit, noyé par un vocabulaire un peu compliqué et d'innombrables allusions très éloignées de son champ de compréhension. L'adulte doit souvent s'arrêter et se transformer en prof de français  (ou pas, allez expliquer une phrase du genre : "Good bye tchampiniouz, je vous emmène visiter un lieu fantastique, digne d'un roman de Jules Vers"). Cela devient vite pénible de devoir ainsi morceler son récit car le jeune lecteur est curieux et veut des explications.
Au bout du compte, cet album est un joli objet qui va attirer les enfants (et même les parents) par ses couleurs, ses bestioles, ses autocollants mais qui ne supporte pas la lecture, du moins pour la tranche d'âge visée. Dommage...

Coccinelles cherchent maison de Davide Cali et Marc Boutavant, édité aux éditions Sarbacane 16,50€;
A partit de 4 ans (?)

dimanche 27 novembre 2011

Tous au Larzac de Christophe Rouaud

Et moi je dis d'emblée, tous au cinéma pour voir "Tous au Larzac" !
Je l'avoue, je me suis rendu à la projection du film de Christophe Rouaud en traînant les pieds, me disant, malgré de très bonnes critiques, qu'un documentaire de deux heures sur ce vieux combat, cela risquait d'être un peu pensum...
Et là, dès les cinq premières minutes, j'ai été happé par le sujet,  captivé par l'évocation de ce combat d'un noyau de paysans contre l'état et son projet d'agrandir un terrain militaire en les expropriant comme des malpropres.
La force de ce film, mélange d'images d'archives, de témoignages et de magnifiques plans de paysages réside dans le message de solidarité et d'espoir qui se développe au fil des séquences.
Mais le meilleur reste les témoignages des différents anciens leaders de ce mouvement. Si le discours de José Bové, figure médiatique connue, n'est pas vraiment surprenant, ceux qui crèvent l'écran sont les anciens leaders, paysans "pur porc" du Larzac. Avec sincérité, intelligence, humilité et humour, ils donnent une grande leçon de vie, de survie. Ils content ces dix années de combat avec lucidité, délivrant ainsi un véritable message de solidarité et d'espérance à notre génération dont les combats contre ce pouvoir libéral ne font que commencer.
Ces gens là, en dix ans, ont tout connu du combat militant et notamment de ses pièges. Ils ont réussi à vaincre les tentatives de noyautage de mouvances extrémistes, d'intimidation des médias, des tentatives de déstabilisation des renseignements généraux. Ils ont su inventer un combat original, imaginatif, non violent. Ils ont compris comment utiliser les médias en occupant le terrain avec des images fortes et symboliques.
Trente ans après, nous les écoutons égrener leurs souvenirs. Ce qui m'a frappé, c'est la beauté de ces personnes. Les visages sont ridés, vieillis mais chaque geste, chaque regard, chaque silence dégage une humanité extraordinaire. Ils ont accompli dans leur vie des actes dont ils peuvent être fiers et cela se voit.
Ces années de lutte les ont soudés, et lorsqu'en 1981, François Mitterrand décide d'enterrer le projet d'extension, leur rebellion est restée intacte puisque c'est encore dans le Larzac que sont nés les mouvements altermondialistes, la lutte contre les OGM,...
Ce documentaire est une leçon de résistance, qui prouve qu'avec de la solidarité, de l'imagination, on peut arriver à faire plier le pouvoir. Un film qui donne de l'espoir à tous les indignés de la terre.
Allez voir "Tous au Larzac" et vous saurez que s'indigner c'est possible, que ce combat mène toujours à quelque chose. Un tremplin pour le futur? Espérons-le!


vendredi 25 novembre 2011

La centrale Elisabeth Filhol

A l'heure des accords d'Europe Ecologie et du PS, où l'avenir du nucléaire semble réduit à un marchandage  politique inquiétant et qu'au Japon, le drame de Fukushima est enterré sous la chape de plomb de  la désinformation gouvernementale, je n'ai pas résisté à l'envie de me plonger dans "La centrale", le roman d'Elisabeth Filhol qui a obtenu l'an dernier le prix France Culture/Télérama.
Plongé est un bien grand mot car, ce texte qui nous raconte le quotidien d'intérimaires du nucléaire chargés des pires travaux de nettoyage de nos centrales, est un peu difficile d'accès. L'écriture, aussi glaciale que le coeur du réacteur peut être brûlant, nous garde à distance des personnages. Et nous avançons dans ce roman, lestés par une combinaison anti-radiation, suivant le travail terrifiant de ces hommes qui, pour un salaire dérisoire, prêtent leur vie à faire un sale boulot qui fait d'eux des nomades, sans famille, sans maison et presque sans amis.
La mise en évidence de ces soutiers du nucléaire est un bon sujet mais, ici, traité de façon tellement froide, que je n'ai jamais vraiment été en empathie avec le personnage principal, ni avec ses camarades de galère.
On reste à distance, on ne connaît rien de leur passé, de leurs pensées. On a l'impression que ces hommes sont entrés en religion et que leur vie ne tourne qu'autour des centrales qu'ils visitent annuellement, au gré des différents arrêts de tranche.
Cependant, pour ses descriptions réalistes de ces centrales et de leur environnement, pour ses détails techniques égrenés au fil des pages et pour son évocation de ces précaires du nucléaire, ce roman est bien entendu à lire par respect pour ces hommes qui risquent leur vie, en silence, dans l'indifférence générale.

jeudi 24 novembre 2011

Les adoptés de Mélanie Laurent

J'aurai tellement aimé dire du bien du premier film de Mélanie Laurent "Les adoptés"... mais cela m'est impossible.
Mélanie Laurent est une jeune actrice plutôt épatante à l'écran et dont le premier disque, sorti ce printemps, m'était très agréable à l'oreille, grâce à une production soignée, parfait écrin pour sa voix délicate mais teintée de gravité.
Pour sa première réalisation, il en est tout autrement. Déjà, le scénario, sur le thème de deux soeurs fusionnelles que l'amour de l'une pour un critique gastronomique vont séparer, n'est que très peu exploité.
Le film avance doucement par bouts de scènes souvent convenues, noyées dans un filmage chichiteux, employant à outrance des flous, et encore des flous et toujours des flous. Cela veut être esthétique (et quelque fois ça l'est) mais c'est surtout creux, ça coupe toute émotion et cela n'arrive pas à masquer l'indigence du scénario.
Sur la longueur, on peut trouver quelques moments plaisants mais c'est peu.
En cherchant bien, ce film a une qualité : il met en tête d'affiche de très bons comédiens que l'on voit peu habituellement, Marie Denarnaud et Denis Menoret. On peut aussi remercier Audrey Lamy de réveiller le spectateur lorsqu'elle apparaît entre deux zones floues. Comme d'habitude, elle emporte le morceau, ici en libraire survoltée, passant du rire à l'émotion avec brio.
Allez, Mélanie, retournez avec Tarantino ou refaites un disque, mais attendez quelques années avant de reprendre une caméra...
Pour me consoler, je mets un clip de Mélanie Laurent :

mercredi 23 novembre 2011

Boucle d'or et les trois ours d'Olivier Douzou

Aujourd'hui, j'ai une excellente nouvelle : Olivier Douzou est de retour aux éditions du Rouergue !
Si quelques personnes ne connaissent pas cet auteur, il faut qu'elles se rendent dare-dare dans une bonne librairie et lisent tous les albums que ce génial créateur a publié. Elles y découvriront comment, à la fin du siècle dernier, l'univers de la littérature jeunesse a été durablement secoué par cet artiste hors norme.
Pour ce grand retour, Olivier Douzou a choisi de faire paraître un nouvel album intitulé : Boucle d'or et les trois ours.
Bof, me direz-vous, encore une énième version de conte un peu niais, parlez-moi d'originalité!
C'est là où intervient le génie d'un grand auteur. A partir d'un sujet mille fois adapté, Monsieur Douzou nous livre une version vraiment originale, créative et qui n'oublie pas d'être drôle.
Dans un univers finalement très sobre, composé de quatre couleurs ( le blanc, le noir, le rouge et le jaune) et d'un méli-mélo de chiffres, Boucle d'or revit son habituelle aventure sauf qu'ici elle n'est qu'un rond jaune (le zéro) perdu au milieu d'ours formés de trois ou de cinq. L'esprit créatif et joueur d'Olivier Douzou fait le reste. Accompagnant un vrai délire graphique, le texte, à l'unisson, décalé, humoristique, joue  merveilleusement sur les mots et les sonorités et font de cet album une vraie réussite.
Vous avez du mal à imaginer ? Tant mieux, comme cela, vous vous précipiterez chez votre libraire pour découvrir cette version totalement déjantée de la jolie petite fille blonde.
Amateurs d'albums classiques, bourrés de fillettes mignonnes avec des noeuds-noeuds partout ou de gentils ours au regard si tendre, ne passez pas votre chemin, osez la créativité et plongez dans le monde délirant d'Olivier Douzou, cela mérite vraiment le détour.

Boucle d'or et les trois ours d'Olivier Douzou aux éditions du Rouergue 15€ A partir de... heu, là c'est un peu difficile pour les plus petits , je dirai 5 ans mais jusqu'à 108 ans !