mercredi 29 novembre 2017

La rivière de Esther Kinsky



Elle s'est posée  dans un quartier de la banlieue de Londres, n'a pas défait ses cartons et ne pense qu'à une chose : se balader le long de la Léa. Non, Léa n'est pas une femme ( évacuez tout de suite la notion de roman érotique) mais un affluent de la Tamise. On nous parle donc beaucoup d'hydrographie ( ah déçu(e)s...parce que si on vous avez proposé de la pornographie vous auriez été intéressé(e)s ? ). Elle se promènera donc beaucoup, observera l'eau, les animaux qui vivent autour, les plantes qui y poussent. Armée d'un polaroïd, elle photographiera ces paysages ( le roman nous restitue ses clichés, assez banals et en noir et blanc). Quand elle reste dans son quartier, elle observe son voisinage, un commerçant croate, des enfants se rendant dans une école religieuse, l'épicier Katz... Mais ce qu'elle préfère ce sont ses promenades solitaires au bord de l'eau. Et dans sa solitude, elle repense à d'autres rivières qui ont composé le paysage intime de sa vie :  Le Rhin de son enfance, Le Saint Laurent au moment où, jeune, elle a mis au monde un enfant, mais aussi le Gange, la Neretva, ...De temps en temps, elle croisera fugacement quelques humains, un acrobate notamment...
"La rivière" nous convie donc à une longue balade poétique ( 400 pages...quand même ) avec une héroïne jamais nommée dont on ne saisit pas vraiment le but ( à par aller au bord de l'eau... mais ça on le comprend vite qu'elle fait une fixette sur les réseaux fluviaux, des constructions qui la bordent jusqu'aux détritus qui la jonchent) et dont les souvenirs personnels qui affluent de temps en temps ne nous aident jamais à la définir vraiment. Le texte a beau être magnifiquement traduit ( de l'allemand), son caractère un peu obsessionnel ne m'a pas particulièrement passionné. Certes au bout de 150 pages, la mélancolie ambiante finit par donner à ce texte une vraie densité poétique, mais cette errance personnelle ( un peu trop sans doute) qui ne joue jamais le romanesque ou l'empathie tant avec les lecteurs qu'avec le peu de personnages rencontrés, a pris pour moi les allures d'une sortie hivernale sous la pluie et dans le froid avec seulement des baskets pour marcher dans la boue.
Pour conclure, je dirai que c'est sans doute très beau, très bien écrit mais très rasoir. Cette déambulation poétique volontairement lointaine conviendra aux lecteurs contemplatifs épris d'hydrographie ou d'expérience littérature. Personnellement, je suis resté à la porte ...heu...au bord, de cette rivière et du coup ne m'a pas emporté. 

jeudi 23 novembre 2017

Le courage qu'il faut aux rivières de Emmanuelle Favier


Pour un coup d'essai,  c'est un coup de maître ! Déjà dotée d'un très joli titre, d'une couverture qui attire l'œil, Emmanuelle Favier, sacrée performance, se révèle aussi une vrai championne en cette rentrée littéraire, évitant tous les écueils du premier roman, à savoir le portrait de sa maman ou de son papa, les souvenirs d'une enfance malheureuse, hautement symbolique ou même banale, le cruel passage de l'adolescence entre scooter et Biactol ou l'amour de sa vie qui l'a quitté à 22 ans. Il est vrai que depuis quelques temps les éditeurs font gaffe et commencent à dédaigner ces récits par trop égocentrés, renvoyant pleurnicher dans leur studio les primos publiants manquant d'originalité.
Quand vous ouvrirez "Le courage qu'il faut aux rivières" , il vous faudra laisser dans son coin toute retenue, tout à priori et vous laissez porter. Vous atterrirez  dans une contrée indéterminée, à une époque incertaine. L'écriture se charge avec grâce et finesse de planter le décor, en suivant Manushe, femme à qui on ne peut donner un âge. Vous comprendrez vite que dans le passé elle a fait vœu de chasteté et que cette décision radicale lui confère au sein de la société villageoise qui l'entoure, une certaine aura qui adoucit sans doute des mœurs locales aussi rudes que le climat. L'arrivée soudaine d'un certain Adrian va venir troubler l'ordre établi, surtout dans la vie de Manushe.
Je vous vois lever les yeux au ciel en disant qu'il n'y a rien d'original dans ce scénario, un inconnu qui surgit du fond la nuit et qui va venir troubler une femme, on a déjà lu cela cent fois. Je m'incline devant cette évidence, mais je me redresse aussi vite car rarement ce sujet bateau a été traité de cette façon et pris une telle direction. Laquelle ? Lisez le roman d'Emmanuelle Favier !
Ce que je peux dire par contre, c'est que vous découvrirez une écriture magnifique qui manie poésie, talent de conteuse et aussi un amour très fort du mot juste ( trois ou quatre fois... un froncement de sourcil... un arrêt pour se jeter sur un dictionnaire pour chercher des mots que pour ma part je n'avais jamais rencontré ... "insistance palilalique" par exemple... "ombre halitueuse"...) mais cela ne gêne en rien ce récit passionnant. Je rajouterai aussi que la rigueur du climat et la couche épaisse de vêtements portés par les héros n'empêchent nullement la sensualité de s'exprimer et que c'est même le point central de ce livre, qui, questionnera d'une belle façon la lectrice, le lecteur sur la passion, l'amour que l'on peut porter à une personne au-delà des genres... Je vous sens interrogatif quant à cette dernière remarque,  je vois les culs bénis froncer le sourcil ( et sans doute avec raison, le roman devrait les défriser pas mal ) car le projet d'Emmanuel(le) Favier, au-delà de raconter une histoire palpitante,  est bien de nous interpeller sur le conditionnement  qu'impose une société sur les êtres, leur représentation pour le regard des autres et la sexualité qui en découle.
Oui le roman est ambitieux par rapport à son projet mais aussi par sa construction gonflée ( une héroïne, un héros, chassant l'autre ) qui parfois oblige le lecteur sur quelques pages à s'interroger ( mais qui est-ce ? Où est-on ? ) sans que jamais l'intérêt ne retombe ( d'où l'indication du début de se laisser porter).
Même si j'émettrai une légère réserve sur le montage de l'histoire, "Le courage qu'il faut aux rivières" signe l'entrée d'une auteure qu'il faudra suivre avec une extrême attention, car je sens qu'elle possède tous les atouts pour devenir une grande !


Moi aussi, j'ai un lynx à la maison ! 

mercredi 22 novembre 2017

Thelma de Joachim Trier


L'affiche de "Thelma", sobre et sombre représentant la formidable jeune actrice, Eili Harboe, nous indique que l'on ne va pas beaucoup rire ni se détendre à sa vision. Il est certain que l'affaire est assez éprouvante. L'histoire de Thelma, lointaine cousine scandinave de la Carrie de Brian de Palma, se place dès les deux premieres scènes, dans les zones inconfortables d'un thriller angoissant. Après avoir échappé enfant au fusil de son père, tenté de l'abattre lors d'une promenade en forêt, on la retrouve adolescente dans une université que survole une nuée d'oiseaux noirs. Notre attention de spectateur étant attrapée, Joachim Trier va développer un récit qui petit à petit va virer au fantastique. Par petites touches, avec une image soignée et sombre, le réalisateur va distiller des détails sur son éducation rigoriste dans une famille ultra catho durant  du genre à prendre des vacances pour faire un pèlerinage Malmo / Stockholm à genou ( l'affiche surjoue beaucoup cet aspect), sur ses problèmes de santé et ses crises d'épilepsie qui se révéleront bien plus inquiétantes par la suite. Parallèlement, en bonne adolescente coincée venue de  sa cambrousse, le film va aussi retracer son apprentissage de la vie, comment elle va s'extirper de sa gangue religieuse et découvrir l'amour pour une autre jeune fille. C'est copieux, dense, bien mené. On reste scotché sur son siège. Le propos ne s'égare jamais, s'enrichit, se complexifie, bref ça fonctionne.
Alors que l'on prenait un virage vraiment fantastique, que l'on percevait une critique en bonne et due forme de l'éducation religieuse, la dernière partie explose tout ce qui avait été soigneusement mis en place en amont et sombre soudain dans un patchwork religio/fantastico/vengeur qui m'a laissé perplexe, interrogatif. Disons, pour ne pas trop en dire, qu'elle devient une sorte de Jésus au féminin qui aurait croisé l'Uma Thurman de Kill Bill mais aussi David Copperfield ( le magicien...) . Je sais bien qu'il faut terminer un film d'une façon ou d'une autre, que la complexité de la situation mise en place exigeait du scénario un sacré double salto grand écart pour retomber sur ses pattes, mais en aucun cas cette ahurissante fin. L'avantage est que l'on sort perplexe, que l'on aimerait bien savoir ce que sa voisine ou son voisin ont compris et que du coup ça créé le contact, la discussion, le partage et que cela devrait faire le bonheur des bars alentours. Et c'est finalement un bon point pour le film ( que je donnerai plutôt pour toute sa première partie).


mardi 21 novembre 2017

Marvin ou la belle éducation de Anne Fontaine



Vous vous souvenez du premier roman d'Edouard Louis ? "Marvin ou la belle éducation" en est la très libre adaptation. Eddy Bellegueule devient Marvin Bijou, il ne sera pas romancier mais acteur, et le film, dévoré d'ambition,  montre aussi l'ascension parisienne de son héros ( et donc le parcours d'Edouard Louis qui n'était pas dans le roman mais largement étalé lors de sa promo).  Du coup, bien que l'auteur lui-même ait demandé à Anne Fontaine d'adapter son roman, nulle part son nom n'apparaît au générique. Certes, en prolongeant l'histoire, le film s'éloigne beaucoup du livre mais peut être aussi qu'en voyant le résultat, Edouard Louis a préféré se désolidariser du projet.
On voit bien ce qu'a voulu faire Anne Fontaine : montrer le parcours d'un jeune homme échappant au déterminisme de classe ainsi que sa possibilité de vivre pleinement sa sexualité ( il est gay) loin des regards attardés et malveillants de ploucs de province. Pas de doute à avoir, le regard est fort bienveillant pour son personnage et malgré quelques jolies idées ( notamment de distribution, avec Catherine Mouchet en proviseure humaine et perspicace ou Vincent Macaigne en dramaturge un peu décalé mais sympathique) le film sombre dans une pathétique suite de clichés ou de ficelles scénaristiques ( Catherine Mouchet joue aussi le rôle de celle qui tombe toujours à pic !) qui lui ôtent toute émotion.
Le terreau du film, l'enfance de Marvin dans une famille à faire passer la famille Groseille de Chatilliez pour des invités de Nadine de Rothschild ( mais c'était déjà comme ça dans le roman), n'aide pas à mettre le film sur de bons rails. Pourtant, c'est sans doute la partie la plus réussie, les parents de Marvin ont beau boire du pastis en mangeant des frites, une sorte d'humanité ressort ( sans doute grâce au jeu de Grégory Gadebois et de Catherine Salée), évitant de sombrer dans la totale caricature. Le reste par contre ne s'embête pas avec les poncifs, les heureux hasards. Si l'on suit l'action, quand on est gay, il est bien d'être dans l'artistique, comme cela on rencontre plein d'autres gays sympas ou riches et vieux et attirés par la chair fraîche et si l'on sait s'offrir à bon escient, on pourra grâce au réseau que donne le fric, rencontrer Isabelle Huppert ( c'est mieux que Jennifer Maillochon ) et ainsi profiter de sa gentillesse pour monter son premier spectacle. Ok, c'est sans doute possible, mais pas sûr que cela fonctionne si on est maçon et que l'on monte juste à Montélimar...( sans parler du côté opportuniste ou détestable).
Quoiqu'il en soit, comme le monde d'Anne Fontaine ressemble à celui des Télétubbies ( mais sans la candeur et l'innocence ), Marvin aura du succès au théâtre et les gros beaufs l'accepteront tel qu'il est. C'est beau comme du Barbara... Cartland ! Je me moque un peu de ce positivisme, mais j'espère sincèrement que cela touchera quelques gays isolés et incompris ...
Tout ce joli fatras bien pensant parisien est mis en scène avec une certaine préciosité, optant pour un montage parallèle entre l'enfance et le parcours à Paris, procédé stylistique fait pour épater le bourgeois, mais surtout pour donner une pseudo profondeur (admirez  le face à face riche/pauvre !) que le film n'a absolument pas. Comme on est au cinéma, Marvin enfant possède une plastique irréprochable et une photogénie étonnante dans un univers franchement crade ( ben oui, coco, tes parents et tes frères et soeurs sont franchement moches, mais toi, t'es la vedette du film, donc tu es très beau !). Par contre, moins flamboyant, Marvin adulte, dans sa partie, erre dans un univers de champagne et de plaisir en se demandant ce qu'il fait là. Finnegan Oldfield m'a paru gêné, coincé et pas du tout convaincant dans son rôle de comédien de théâtre sensé mettre Isabelle Huppert en transe ( la pièce jouée est par contre irrésistible de drôlerie involontaire).
Bon résumons, si vous avez aimé le livre d'Edouard Louis, vous serez surpris par l'adaptation très libre. Si vous êtes militant LGBT, pour éviter l'étouffement devant la lourdeur des clichés, vous vous consolerez du regard bienveillant de la réalisatrice. Si vous êtes un spectateur lambda, prenez de la distance vis à vis de ce film  qui n'en possède pas beaucoup.




dimanche 19 novembre 2017

Anders Zorn


Vous voulez aller voir l'expo Gauguin, mais vous faire bousculer devant chaque tableau par des hordes d'amateurs éclairés ne vous tente guère. Irving Penn à côté vous tend les bras, mais la longue file d'attente dans la grisaille de novembre vous étonne un peu et laisse présager une même effervescence dont vos pieds risquent de se souvenir. Fuyez les sentiers battus et optez tant qu'il est temps ( jusqu'au 17 décembre) pour la rétrospective voisine sur Anders Zorn. Qui ?!?
Hé oui, vous pensez la même chose que moi lorsqu'un ami (grand merci à F.) m'a conseillé de prendre illico le chemin du Petit Palais pour aller admirer un grand maître de la peinture suédoise de la fin du 19ème et du début du 20ème. Un peu sceptique tout de même et pas vraiment amateur de ce que je pensais être un peintre académique, c'est donc sans réelle conviction que je pris un billet ( sans avoir à faire la queue ni réserver).
Nous sommes accueillis par un  "Autoportrait en rouge" ( 1915 ) réalisé presque à la fin de sa vie. Un premier coup d'œil nous présente un bourgeois dont l'embonpoint nous renvoie immanquablement à sa richesse de peintre quasi officiel de la bonne société suédoise.


Cependant, si l'on prend le temps de s'attarder sur le portrait, le rouge du costume étonne, laissant supposer un certain dandysme, peut être une sorte de décalage aux normes en cours, en tous les cas le posant comme quelqu'un de singulier ( ce qui sera confirmé par la suite, avec une photo de lui nu débordant d'une baignoire), singularité d'une peinture somme toute académique dont l'arrière plan aux grands aplats laisse cependant deviner un début de modernité ainsi qu'une demeure modeste ( genre cabane au bord d'un lac). Je ne dirai rien de la cigarette, qui à notre époque commence à étonner mais que l'on retrouvera  dans un magnifique portrait " La dame à la cigarette "...
Ce tableau imposant n'augurait pas tout à fait le ravissement que tout visiteur de cette exposition connaîtra. En effet, Anders Zorn, fut un immense aquarelliste et sa technique pour représenter l'eau étonne encore le citoyen du 21 ème siècle ( qui pourtant en a vu d'autres).


Cette photo ( personnelle) n'arrive pas à rendre réellement compte de l'aspect quasi photographique de ce lac, où vous noterez aussi le formidable cadrage ainsi que la confrontation entre la dame bourgeoise et le rameur d'extraction plus populaire, résumant parfaitement le travail de ce peintre qui n'a jamais renié ses origines modestes.
Placées judicieusement en début d'exposition, ces aquarelles éblouissent et nous permettent ensuite d'être plus attentifs à un travail aux apparences académiques de portraits de célébrités aristocratiques ou d'industriels suédois,  mais où un sens inné du cadrage et un regard de fin psychologue, leur confèrent un réel intérêt.
Mais Zorn aimait sa campagne de Dalécarlie et ne s'est pas privé de représenter ses habitants dans leur occupations quotidiennes, toujours avec un œil très bienveillant et sous des angles originaux mais aussi ses jolies jeunes filles qu'il a beaucoup aimé peindre dans leur nudité, huiles sur toile gracieuses et harmonieuses, où la nature reste souvent présente.




Dans un décor évoquant sans ostentation des cabanes suédoises ou des salons chics,  cette exposition ( la première pour ce grand maître suédois depuis 1906) nous fait découvrir un peintre fabuleux, classique mais tellement évocateur que je ne peux que vous inviter à le découvrir avant que la plupart des tableaux ne rejoignent le Nationalmuseum de Stockholm (  sa fermeture temporaire expliquant leur présence à Paris ).



vendredi 17 novembre 2017

Maryline de Guillaume Gallienne


Maryline est une taiseuse, elle n'arrive pas à sortir les mots pour exprimer tout ce qui bouillonne en elle. Pourtant, elle veut être comédienne et arrive même à séduire des metteurs en scènes par cette vulnérabilité troublante qui se dégage d'elle. Bien sûr, dans un métier impitoyable, quand on ne connaît pas les codes, ni ne possède de culot, le (peu) de travail qu'elle trouve peut devenir un enfer. De petits boulots, en plongée dans l'alcoolisme, elle fera pourtant quelques belles rencontres. Le vilain petit canard d'un monde d'artifices arrivera-t-il à se révéler cygne majestueux ou sombrera -t-il comme le canard d'élevage du Sud-ouest au destin tracé d'avance ?
"Maryline" le film, possède le regard bienveillant de son auteur sur une femme qui représente la cohorte de comédiens qui cherchent la lumière sans jamais la trouver. D'une vie faite d'espoir, de jobs ingrats et d'humiliations face à des décideurs malveillants lorgnant goguenards une gourde de province ( déjà, le mot province fait détourner les regards d'une profession, qui bien que souvent arrivant d'un bourg paumé, se veut plus parisienne que la Tour Eiffel ), Guillaume Gallienne parvient à nous émouvoir malgré un récit un peu bancal, où les flash backs et quelques ellipses mal balancées, enlèvent du pep's à l'ensemble. Heureusement, il s'est entouré d'une brochette de comédiens formidables, Adeline d'Hermy en tête, épatante dans le rôle titre et d'autant plus crédible qu'à part à la comédie française, on ne la guère vu sur les écrans. Mais, s'il y a une autre raison pour filer dare-dare voir le film, c'est pour l'apparition absolument magistrale de Vanessa Paradis qui, dans deux scènes de très haute intensité, marque les esprits durablement. Son interprétation de grande actrice façon Jeanne Moreau, vaut plus que le détour, elle se place directement dans les scènes les plus intensément cinématographiques que nous ayons vu cette année. Et quand, dans le générique de fin, nous entendons cette même Vanessa Paradis reprendre magnifiquement " Cette blessure " de Léo Ferré, le bonheur est complet.
"Maryline" est un film sympathiquement foutraque qui possède en son sein deux perles qu'il ne faut absolument pas rater !


Et pour le plaisir, la divine reprise ( et gonflée) de "Cette blessure" par Vanessa Paradis.



jeudi 16 novembre 2017

Le musée des merveilles de Todd Haynes



Todd Haynes est un des grands réalisateurs US du moment. " Le musée des merveilles", candidat malheureux du dernier festival de Cannes, sort sur les écrans avec une palanquée de qualités. Comme d'habitude, le réalisateur de "Carol " filme le passé de son pays.  Cette fois-ci nous sommes dans deux périodes différentes : la fin des années 20 ( 1927 pour être exact) et la fin des années soixante-dix ( 1977), deux histoires parallèles dont la première, époque oblige, en noir et blanc et ( presque) muette, la deuxième plus énergique et colorée ( nous sommes aux débuts du disco). Chacune, filmée avec une précision d'entomologiste, voire d'historien du cinéma, met en scène un enfant porteur d'un même handicap : la surdité, de naissance pour la petite Rose, accidentelle suite à une électrocution pour Ben. Tous les deux à cinquante ans d'intervalle partiront à New-York à la recherche d'une mère lointaine car actrice pour la petite fille et d'un père inconnu pour le petit garçon. Le montage parallèle de ces deux voyages, aux nombreuses précisions sonores et visuelles, avec quelques concordances temporelles ou psychologiques, ne peut que susciter admiration voire émotion. Si vous rajoutez, une Julianne Moore toujours aussi émouvante, des jeunes comédiens craquants, une image travaillée, une musique impeccable, vous pensez ( comme la presse) que le chef d'œuvre est à portée de main. Vous aurez sans doute raison , mais, bizarrement, malgré tous ces ingrédients, je n'ai pas marché. Je dirai même plus, je classerai ce film dans la catégorie : " Tout ça pour ça !? " ( non, c'est quand même plus léché que le film de Lelouch du même nom !). Oui, beaucoup d'efforts, de travail pour un scénario un peu vide de sens dont le seul but demeure d'essayer d 'émerveiller le spectateur lorsqu'il comprendra le lien entre les deux parcours. ( Et comme je l'ai deviné très vite, il ne restait plus que la prouesse technique ou la mise en scène pour m'accrocher. Et hélas pour moi, du moins ce jour là, cela ne m'a pas suffi).
Ce film est une commande, adaptée d'un roman pour enfant et cela se sent. Todd Haynes a beau y insuffler toute son énergie et sa créativité pour le tirer vers le mélodrame, genre qu'il aime tant, jamais il ne parvient pas à camoufler complètement le peu de profondeur du sujet. C'est du beau cinéma, généreux, bienveillant, fétichiste même mais, c'est raté pour moi, je n'ai pas accroché. Mais c'est personnel, totalement subjectif ...


mercredi 15 novembre 2017

Diane a les épaules de Fabien Gorgeart


Diane est une jeune femme aux apparences libres, qui drague sans façon les mecs dans les boîtes de nuit. Accessoirement, elle a accepté d'être mère porteuse pour un couple d'amis homos. En allant se ressourcer dans une maison héritée de ses grands-parents, elle rencontre un électricien qui ne lui déplaît pas. Comme la réciproque existe, surtout avec une jeune femme délurée et aimant le plaisir, les voilà échangeant plein de fluides. A ce jeu là, un homme s'attache vite et s'avère dérouté lorsque la belle Diane lui annonce, sans plus de commentaire, qu'elle est enceinte. La suite, lorsqu'il apprendra son rôle de mère porteuse, le perturbera encore plus...
Fabien Gorgeart aborde le thème de la MPA ( maternité pour autrui, pas tellement vu au cinéma ) avec aisance et surtout sans cliché. Son histoire, pourtant casse-gueule, évite les certitudes, et pose les bonnes questions. Avec une héroïne affranchie, qui se dit capable de dissocier le cerveau de son ventre, le réalisateur nous offre le portrait d'une vraie femme moderne qui n'a pas été atteinte par tous les diktats sociaux et ancestraux autour de la maternité ou du féminin. Aidé par l'impeccable Clotilde Hesme, grande tige pleine d'allant, dominant ses partenaires masculins par sa taille mais aussi par sa liberté d'actes et de ton, le film avance sans concession jusqu'à une dernière partie plus introspective, plus sensible sans doute, rebattant un peu les cartes, apportant de la nuance, de la réflexion.
"Diane a les épaules" épate par son sujet et son interprète principale, , mais reste toutefois dans cette catégorie de films français un peu fauchés et fragiles qu'il faut défendre, surtout lorsque l'on perçoit, comme ici, une voix qui pourrait être intéressante dans l'avenir.


mardi 14 novembre 2017

Et soudain, la liberté de Evelyne Pisier et Caroline Laurent


Evelyne Pisier, intellectuelle engagée, décide d'écrire son parcours de fille de bonne famille ancrée dans une droite colonialiste qui, petit à petit, va, par intelligence, générosité mais aussi convictions forgées au gré d'une vie assez mouvementée, devenir une vraie femme libre et moderne. Cette figure féminine et féministe reste indissociable du chemin tout aussi tortueux emprunté par sa mère qui contient déjà les ferments d'une libération inévitable pour ces deux femmes de fort caractère. Au lieu de prendre la forme d'un récit autobiographique, Evelyne Pisier, avec son éditrice, décide que le roman sera la meilleure forme pour tracer ces deux portraits. Le livre se prépare et au fil des rendez-vous, un réel lien naît entre les deux femmes que presque un demi-siècle sépare. Soudées de plus en plus par les confidences et l'ouverture du passé de l'une qui, bien que distant de deux générations, résonne énormément dans celui de la plus jeune, le livre commence à se construire, lorsque Evelyne Pisier décède. Caroline Laurent, la jeune éditrice, décide par amitié de terminer le livre.
"Et soudain, la liberté" se compose de deux histoires distinctes entremêlées, celle de l'éditrice qui nous conte sa fascination amicale pour cette femme de caractère, de son travail d'éditrice et de la rédaction du roman qu'elle écrit à la place de la défunte et aussi du roman par lui-même, véritable petit plaidoyer féministe à partir de la vie de Evelyne Pisier.
Comme pour la plupart des lecteurs qui se sont plongés dedans, le livre fut pour moi un réel plaisir de lecture. Sensible, joliment écrit, son féminisme exemplaire fait chaud au cœur, surtout aujourd'hui dans cette période trouble où bien des combats doivent continuer à être menés par et  pour les femmes. ( Je préférerai toujours lire la vie d'une femme de progrès, écrit avec une implication personnelle, que celle sans réel point de vue d'une sainte, même au parcours terrible... suivez mon regard dans cette rentrée littéraire... ). Cependant, au milieu des concerts de louanges justement reçues par cet ouvrage, je mettrai deux bémols. Le chevauchement des deux voix ( le roman et le récit de la fabrication de celui-ci) nuit parfois au plaisir du texte. Le récit de Caroline Laurent, l'éditrice, a une fâcheuse tendance à annoncer les événements à venir ou à sacrifier un personnage en finissant par nous le signaler totalement fictif . Du coup, le roman perd un peu de sa saveur, surtout que l'on perçoit dans celui-ci, mais c'était le désir de Evelyne Pisier, une volonté à camoufler certains personnages ( sans doute pour éviter des souvenirs douloureux) comme Marie-France Pisier ( l'actrice elle aussi décédée et soeur d'Evelyne) devenue un frère ou parce qu'encore vivant ( et trop connu) comme le premier mari médecin qui plus tard portera des sacs de riz en Afrique et deviendra ministre des affaires étrangères sous Sarkozy. Nous sommes dans un roman et cela reste anecdotique par rapport au message de combat que font passer ces deux femmes, et croyez-moi, il atteint sa cible !
Cette fort belle évocation de deux fortes personnalités, m'a donné envie d'en savoir plus mais aussi de rêver à une vraie biographie d'Evelyne Pisier, personnage fascinant et romanesque. 

lundi 13 novembre 2017

Days are dogs de Camille Henrot


L'espace chiquissement branchouille qu'est le Palais de Tokyo à Paris offre depuis quelques temps à des figures majeures ( pour une poignée de connaisseurs) de l'art contemporain français une carte blanche pour illuminer de leurs visions et de leurs créations ses immenses espaces. Cet automne, s'offre à nos regards curieux, les installations de Camille Henrot. Qui ? ( me demandez-vous ). (.... soupir...) Pour les béotiens, Camille Henrot, française née à Paris en 1978 mais vivant à New-York ( lieu où tout se passe désormais, et comme il y quelques mois que vous n'y avez pas mis les pieds, vous avez raté l'ascension de cette artiste au firmament de l'art) semble avoir été choisie désormais comme figure de proue de l'art contemporain national. Si vous lisez attentivement mon blog, je lui ai déjà consacré un billet ( ce que je peux être branché parfois...) lors de la présentation de son installation "Pale Fox" en 2014. A l'époque, je n'avais pas été convaincu ...
Faisant fi de toute réticence, m'armant de mon habituelle curiosité, je me suis rué à "Days are dogs"   ( "Les jours sont des chiens", pour ceux qui ne pratiquent pas Google traduction), succession d'espaces consacrés aux jours de la semaine. C'est simple, compréhensible par tout le monde de prime abord, car on a tous intégré dans nos têtes cette invention humaine de scander artificiellement le temps.  Nous débutons la semaine par le samedi avec une vidéo en 3D ( mais pourquoi?  pour attirer le public des  multiplexes?) mélange de baptêmes adventistes ( eux aussi font sabbat ), d'expériences scientifiques, de surf et d'animaux ou bébés posés sur des vitres et filmés par en-dessous le tout accompagné par des rubans déroulants où sont écrites ( en anglais ) des infos sur les catastrophes dans le monde. Le cerveau commence à s'interroger. Le regard plonge dans le dépliant fourni à l'entrée qui indique que " le film renvoie à l'espoir d'une vie meilleure, comme à la volonté d'échapper au quotidien " ... donc en pratiquant surtout extrême religion et sport extrême...
Pas convaincu, déjà un peu irrité, je fonce vers dimanche, " jour de la grasse matinée, du ménage, de la communion artificielle et des rêveries solitaires"  nous clame le dépliant. Et là on tombe sur plusieurs installations façon ikebana, mélange de grillage et de feuilles séchées, aussi joli à l'oeil qu'hermétique à mon petit esprit. Il semblerait que nous assistions ici à la confrontation du plaisir et de la productivité empreinte d'idéologie... ( je ne l'ai pas trouvé tout seul... j'ai mon petit papier avec moi). Et comme c'est dimanche, jour chéri, il a droit à une deuxième salle ! Et ô surprise, je la connais, c'est une reprise de Pale Fox, sans le serpent qui ondulait dans la salle et sans la possibilité de voir les posters sur leur présentoir... ( A l'interpellation du gardien par un sec " On ne touche pas ! " lorsque j'ai osé posé ma main pour regarder les photos dudit présentoir, j'ai essayé, de mon ton le plus pédagogique,  d'expliquer que cette interdiction amenuisait la portée de l'œuvre et que l'artiste en serait sans doute très fâchée. Rien, n'y a fait et je n'ai eu en retour que le regard glacial d'un être hermétique à l'art !). Par contre la loupe sur le sexe en érection était toujours là comme pour mieux nous annoncer la suite, car les jours suivants vont tous plus ou moins être pénétrés de sexualité, que ce soit les sculptures assez suggestives de lundi ( photo ci-dessus), l'espace sportif SM de mardi ( oups, pardon Tuesday, car tout est en anglais),  de la vidéo de vendredi ( Friday donc...), images de films pornos masquées par des mouvements de couleurs servant de cache mais eux aussi sexuellement évocateurs ou des aquarelles géantes plaquées sans grâce, histoire de combler les vides sans doute. La religion, le sexe, le productivisme... Je commence à voir où veut en venir l'artiste... Il ne reste plus que l'argent et les réseaux sociaux pour finir ce tour de la représentation de  notre monde actuel. Le premier est sans doute symbolisé par ce long et large chemin de pièces collées au sol et le deuxième par deux installations autour des ( jolis)  téléphones et de mails reçus, agrandis, reproduis... (photos)



Si j'ai vaguement compris ( enfin je crois) le concept de tout ça, ce n'est pas pour autant que j'ai été emballé. Il règne dans ces espaces aménagés, quelquefois un peu surprenants quand on y entre mais pas d'une beauté plastique ébouriffante, une certaine froideur voire un hermétisme voulu, souligné ( mais ce n'est pas unique), par une présentation sur cartel des plus soporifique, hermétique, faussement poétique, avec cet éternel enchaînement de mots, caricature du milieu de l'art contemporain qui se gargarise avec un verbiage qui, au second degré fait franchement rigoler ( " Le dimanche est ainsi le moment où l'ordonnancement du monde intime reflète l'ampleur de l'univers" ). Vous rajoutez des citations de James Joyce ou de Deleuze pour bien assommer le spectateur et le renvoyer ( pour beaucoup) à son inculture crasse face à une artiste qui elle manie Nietzsche avec brio et vous aurez un summum un poil prétentieux de ce qui se fait de nos jours. Personnellement, toute oeuvre qui a besoin de longues explications pour procurer un quelconque sentiment, me laisse sceptique. Cependant, je reconnais que remplir un tel espace n'est pas des plus facile et qu'au milieu de tout cela, certaines créations de Camille Henrot, perdues dans cette mise en espace, ( notamment les sculptures et certains objets ) n'accrochent pas comme elles le devraient. Oui il y a de la créativité, oui il y a un regard, mais comment y accéder vraiment ? Sûrement pas en imposant au spectateur cette démarche un peu hautaine qui en voulant en imposer par trop de concepts, frise parfois la vacuité. 

jeudi 9 novembre 2017

La mélodie de Rachid Hami

 


La musique adoucit les mœurs, cela est connu et depuis "La cage aux rossignols" en 1945,( sans oublier les inévitables "choristes") mate on ne peut mieux les enfants turbulents ou en perdition, tout du moins au cinéma. "La mélodie", film réalisé en partenariat avec La Philarmonie de Paris, reprend intégralement cette recette vieille de 70 ans en l'adaptant au goût du jour. Plus besoin aujourd'hui d'aller dans une maison de redressement, il suffit de se poser dans un collège de banlieue ( choisir la bonne banlieue quand même, pas Sceaux ni Versailles) et de réunir quelques éléments nourris au fast food global que notre société leur vend sans vergogne. C'est ce que fait Rachid Hami dans une salle isolée d'un collège de Seine Saint Denis ( dans le 9 / 3 donc). Isolée, car cette jeunesse passablement agitée et incapable de se concentrer, va devoir en neuf mois apprendre à jouer du violon et se produire dans un concert à la cité de la musique. Pas besoin de raconter la suite, vous avez compris qu'à la fin ils seront des quasi virtuoses, tout ça sous la houlette, d'abord crédule puis empathique, d'un professeur à la vie forcément un poil cabossée.
Sur ce canevas très ( trop ? ) prévisible, vont s'ajouter tous les rebondissements habituels. Les scénaristes ne se sont pas gênés, ils ont pris l'intégralité du catalogue des embûches inhérentes au genre et commis un hold-up complet  dans celui des bons sentiments. Copieusement servis, l'on aurait pu être écœuré devant tant de guimauve... Mais, miracle, à la fin, on arrive quand même à être ému !
Diable me direz-vous, ils jouent si bien du violon ? Non, ...enfin si, mais ça, on passe, tellement c'est peu crédible. La force du film, c'est d'avoir deux qualités qui vont finir par faire un peu oublier tous les clichés : ses acteurs et sa manière douce de pénétrer en creux à l'intérieur de quelques personnages, rendant le film plus émouvant que prévu. Même si le rôle de Kad Merad, en professeur tourmenté, taiseux mais bourré de gentillesse intérieure,( qui plus est joué par un acteur comique)  apparaît comme un cliché supplémentaire, je reconnais qu'avec son allure à la Michel Blanc, il est parfaitement convaincant ( tout comme Samir Guesmi en prof de français). Face à eux, les sauvageons du film sont tous parfaits ( et surtout le héros principal, le très attachant Renely Alfred) et superbement saisis dans leur spontanéité par un réalisateur très inspiré par cette jeunesse endiablée. Et quand la caméra quitte la salle de classe et ses apprentis musiciens, c'est pour aller saisir de jolis moments de grâce dans les vies de quelques parents d'élèves, donnant un ton plus personnel et soudain plus intéressant.
Si vous avez été fan des "Choristes", vous aimerez sans doute "La mélodie" ( attention, il n'y a pas de tube chanté en puissance). Si vous avez envie d'un film qui fait du bien, qui ne prend pas la tête mais qui pourra vous tirer quelques larmes d'émotion, c'est fait pour vous. Pour les autres, au cœur plus sec, à vous de voir...





mercredi 8 novembre 2017

Jalouse de David et Stéphane Foenkinos



Mais qui a validé cette horrible affiche ?!! Quel stagiaire sous doué a joué du Photoshop pour arriver à faire de Karin Viard une sorte de croisement entre Amanda Lear et Sharon Stone ( après son huitième lifting) ? Du coup, les spectateurs passant devant l'affiche disent : " Ah encore une qui a sacrifié aux sirènes de la chirurgie esthétique ! "( qui marque les années plus sûrement que des rides).
Passons vite sur cet affront public à une de nos meilleures actrices et parlons un peu de cette "Jalouse", comédie acide et réjouissante autour d'une prof approchant la cinquantaine et à qui soudain la vie devient une suite de gêneurs  contre qui elle va lancer son acrimonie avec l'aisance d'une Tatie Danielle avant l'heure. En fait, l'approche de la ménopause la rend de plus en plus jalouse, de la jeunesse tout d'abord, mais aussi de son ex qui a réussi une deuxième vie, de sa meilleure amie qui vit très librement... Heureusement pour elle, son entourage reste plutôt bienveillant face à cette déferlante de méchancetés, une des forces du film, qui permet ainsi à son personnage principal de s'en donner à cœur joie, on s'attaque plus facilement à ceux qui apparaissent faibles surtout quand ceux'-ci vont permettre aux auteurs/réalisateurs d'épingler avec malice une société bobo. Et dans ce registre de grande gueule, Karin Viard fait merveille, je dirai même plus, c'est un festival Karin Viard qui atteint encore une fois un sommet ( mais elle en a tellement à son actif !). Elle porte le film de bout en bout même dans son décevant dernier quart... Hé oui, j'ai longtemps cru que le ton décapant adopté, façon comédie à l'italienne de la belle époque ( dans les années 60/70 donc) allait durer jusqu'au bout, emportant enfin une comédie française dans des sentiers plus malaisants que d'habitude. Hélas, peut être pour ne pas effrayer le gentil spectateur  qui aime les films qui font du bien ( et donc qui ont plus de chance de remplir les caisses des producteurs) , l'histoire, après nous avoir bien divertie en soufflant du chaud et du froid avec aisance, va retrouver le cocon formaté des bons sentiments et rentrer dans le rang bien sage où tout finit par s'arranger....
Et soudain, je comprends l'affiche ! Cette fausse Karin Viard donnée en pâture, symbolise le film : plutôt que de laisser des aspérités à une héroïne finalement très humaine ( des jaloux on en connaît tous, surtout dans une société de vitrine), il vaut mieux lifter tout, même un scénario franchement acidulé ( il ne faut pas faire trop toucher du doigt la réalité). Malgré cette petite restriction ( sans doute d'un méchant spectateur ), "Jalouse" est la comédie qu'il faut privilégier cette semaine.



mardi 7 novembre 2017

Arras Film Festival 2017, ( la suite)





Que s'est-il passé au festival ( désormais international) du film d'Arras ? Hé bien, nous avons vu des films ( ce qui est normal pour un festival de cinéma !). L'offre est grande 280 projections, 2 rétrospectives, 72 avant-premières et 9 films en compétition. Bien sûr, je ne peux pas tout voir et j'essaie d'allier envies et découvertes. Et dans cette offre, j'ai pu découvrir un joli film palestinien, une délicate  plongée dans le quotidien d'habitants de Nazareth ( pour rappel en Israël ) recevant une invitation à un mariage ("Wajib" de Annemarie Jacir sortira en février prochain) ou un encore plus délicat et fragile film belge, "Drôle de père de Amélie Van Elmbt ( pas de date encore prévue en France pour sa sortie) sur la découverte d'un père et de sa paternité. Ces films ont été présentés comme soit " un coup de cœur", soit "le film le plus tendre de la sélection", ce qui est loin d'être faux.  Cette introduction par les responsables du festival enveloppe le spectateur dans un cocon de bien être, et le met en parfaite condition pour se glisser dans l'univers d'un réalisateur-trice ( oui, j'adopte l'écriture inclusive!). C'est son rôle et l'on peut dire qu'à Arras, nous sommes bien servis. Cependant, en voyant les organisateurs nous présenter avec force dithyrambes quelques productions françaises, certes de bonne facture façon qualité France ( en gros prévues pour enchanter les spectateurs de TF1 un dimanche soir), je me suis mis à penser combien leur rôle devait être délicat. Cinéphiles convaincus et passionnés ( cela se sent dès qu'ils ouvrent la bouche), ils doivent toutefois jongler avec des rôles pas facile à assumer : trouver dans une production pléthorique, mais pas toujours de qualité,  des films qui allient finesse et exigence pouvant plaire au plus grand nombre tout en essayant d'attirer des comédiens et des réalisateurs pour les présenter. Une équation à plusieurs inconnues qu'ils arrivent à résoudre chaque année vaille que vaille. Et quand en plus il faut qu'ils se muent en hôtes parfaits, cela donne, quand un membre de l'équipe de l'œuvre présentée a accepté de venir jusqu'à Arras, une succession d'adjectifs louangeurs ( " Magnifique film, Grand film, une merveille d'émotion, etc..."). Il est évident qu'ils ne vont pas dire au réalisateur de "La mélodie" ( film qui enchaîne les bons sentiments dans une production prévisible, mais avec des enfants épatants)  : Alors "Coco" depuis "La cage aux rossignols "( 1945) rien de neuf dans le cinéma français, toujours les mêmes grosses ficelles ?  ou à Eric Barbier, le réalisateur de "La promesse de l'aube", production onéreuse, tendance épate : Mais pourquoi avoir laissé Charlotte Gainsbourg  cabotiner ainsi avec cet accent improbable ? (Ceci dit, elle est à la fois insupportable mais parfois, lorsqu'elle éructe du polonais, étonnante d'autorité ). Je reste donc admiratif devant tant de gentillesse et de bienveillance, ... d'abnégation ? 
Mais le plus rude ( bon, faut que je sois juste, être spectateur dans un festival est un plaisir et dans celui d'Arras en particulier), ce sont les invités eux-mêmes, venus pour faire leur promo et qui tiennent un discours bien huilé qui, au fil des jours, devient de plus en plus risible à force de formatage. Tous, sans doute amoureux de leur actrice/acteur, se réjouissent que la performance de leurs vedettes, " qui fait des choses exceptionnelles dans son film" " qu'ils n'ont jamais fait ailleurs ". Tous ont été ravis du tournage qui s'est formidablement bien passé ( j'ai cru sentir toutefois que Eric Barbier ne devait pas être facile sur un plateau). Tous ont rencontré des producteurs passionnés et merveilleux qu'ils remercient chaleureusement ( tu m'étonnes, le film est un enjeu financier, il faut assurer le service avant vente et surtout la possibilité de pouvoir en faire un nouveau). Et tous terminent par un " Le film sort à telle date. Si vous avez aimé, dîtes-le autour de vous". C'est de bonne guerre et ça fonctionne sans doute sur le public qui apprécie d'être ainsi cocooné ( il se déplace un peu plus chaque année) et comme disait une dame hier soir dans la file d'attente : " Je viens maintenant depuis quatre ans car avant ils passaient des films art et essai, là on a droit à de jolis films !".  Mais au-delà de ce plaisir simple de cinéphilie, je rêve de plus en plus d'un débat d'après film SANS un membre de l'équipe. Ce sera moins people, moins vendeur sans doute, mais avec peut être l'assurance d'une parole plus libre et non retenue par cette politesse un peu obligatoire due aux invités. 
Cependant, je dois reconnaître que le festival d'Arras joue pleinement son rôle de passeur, en espérant attirer les foules vers des films plus confidentiels ou moins évidents, allier carpe et lapin, Clavier et Balibar... Je crois que c'est réussi car les séances des films de la compétition ( qui ne débute que jeudi, reflet des organisateurs de leur amour de tous les cinémas et de leur exigence) sont quasi toutes complètes ! 


samedi 4 novembre 2017

Arras Film Festival, le 18éme


Très loin de Cannes, de Sharon Stone et Nicole Kidman foulant de leurs escarpins Manolo Blahnik un tapis rouge sous les crépitements des flashs des centaines de photographes massés sur le parcours, voici Arras et son Film Festival qui vise avant tout le public. Exit la très surévaluée Croisette, voici les deux magnifiques places de la ville ( La Grand'Place et celle des Héros, on gagne au change question coup d'œil) sur laquelle on pourra croiser Lio ou Mathieu Kassovitz, moins glamours que les retapées stars américains citées plus haut mais sans conteste plus abordables ( mais on peut aussi les laisser tranquilles ).
Les festivités ont été lancées hier soir, avec la projection de "Jalouse " des frères Foenkinos ( à ne pas confondre avec les Cohen ou les Dardenne ), film aux 2/3 réussi ( j'en reparle bien vite, il sort mercredi) et qui nous a valu la présence de Karin Viard, tête d'affiche de cette comédie, où, il faut le dire, elle fait feu de tout bois de son talent.
Aujourd'hui, les festivaliers avaient le choix entre une trentaine de films aussi divers que variés. Pour ma part, je suis parti du côté de Naples avec des sœurs siamoises ( "Indivisibili" de Edoardo de Angelis, sortie en janvier prochain ) en prise avec deux plaies transalpines, le showbiz et l'église catholique, puis j'ai embarque pour les States avec le mignon mais pas passionnant " Le musée des merveilles" de Todd Haynes ( sortie dans 15 jours) pour finir, un tour au pays des "films qui font du bien" avec  "Je vais mieux" de Jean-Pierre Améris ( sortie le 10 janvier prochain) que les spectateurs autour de moi ont adoré ( faut dire que c'était fait pour, on avait l'impression d'être chez soi devant un (bon) téléfilm ).
L'événement du jour ici à Arras, c'était la rencontre avec Hélèna Noguerra  (  pas Hélène "Ségalat" comme le disaient mes voisines de siège...) et Lio. Les deux sœurs se présentaient ainsi qu'à nous, un film qu'elles avaient tourné et aimé mais qui n'a rencontré aucun succès. Lio accompagnait " Belgian Disaster" de Patrick Glotz ( je ne peux pas vous si c'était vraiment un désastre, j'ai zappé la projection) et Hélène Noguerra présentait " La clinique de l'amour" de Artus de Penguern, un pastiche très très réussi des soaps médicaux télévisés dont l'insuccès est à ranger dans les grandes injustices ! D'ailleurs si vous avez l'occasion de le trouver en vidéo ou programmé sur une de ces multiples chaînes de la TNT, ne le ratez pas !




mercredi 1 novembre 2017

Mise à mort du cerf sacré de Yorgos Lanthimos


Film fort décrié depuis son passage à Cannes ( et un prix du scénario sifflé mais pour moi mérité), cette "Mise à mort du cerf sacré" se présente à nous accompagné d'une critique plutôt mitigée. Personnellement, j'y suis allé en traînant un peu les pieds, le précédent long métrage de Yorgos Lanthimos ( The lobster")  ne m'ayant que partiellement convaincu. Force est de reconnaître que j'ai passé deux heures sur mon fauteuil, scotché par un film qui m'a intrigué et même passionné de bout en bout.
Sans doute suis-je un spectateur un peu facile car dès le début j'ai été énormément intrigué par l'histoire qui se déroule à l'écran ( et dont je me ferai un plaisir de n'en dévoiler que le minimum) tant dès les premières minutes le réalisateur instaure un climat propice au doute et aux interprétations. Que veut cet adolescent ? Que se passe-t-il entre ce médecin et lui ? De l'argent ? Autre chose ? Du sexe ? Cette piste semble se confirmer tant le couple que forme le chirurgien ( Colin Farrell) avec son épouse ( Nicole Kidman) cultive une intimité pour le moins particulière. Le film, entre mise en scène glaciale, dialogues plats mais empreints d'un humour réfrigérant et virtuosité plastique avance avec efficacité, distillant dans sa première heure, avec une précision de métronome,  des indices qui laissent notre esprit aux aguets. Et quand le film, dans sa deuxième partie, bascule dans un versant un peu plus fantastique, c'est jamais sans cesser de creuser ce sillon énigmatique, continuant à nous tenir en haleine pour un final aussi tragique que symbolique.
Emporté par une intrigue rudement bien menée, j'ai sans doute laissé de côté ce qui a énervé pas mal de monde à savoir ses références appuyées à Kubrick en filmant les couloirs de l'hôpital comme dans "Shining' ( avec en plus des plans troublants de Nicole Kidman  rappelant "Eyes wide shut" ) ou  celui à Haneke ( pour le côté hyper froid de l'ensemble). Cet emballage, voulu par le metteur en scène, qui participe énormément à cette atmosphère étrange et prenante, peut apparaître comme une pause artistique ( voire pour faire du pied aux jurys de festivals pour glaner des lauriers) mais se révèle juste comme une toile de fond référentielle plutôt bien choisie. Cela n'empêche pas le film dans sa dernière partie de prendre des allures de tragédie grecque ( normal pour un athénien de naissance), portant à son paroxysme un récit aux multiples lectures et lui donnant au final sa propre identité. Nous sommes chez Yourgos Lanthimos, et nulle part ailleurs, ce nouvel opus, confirmant bien que nous avons affaire à un metteur en scène  possédant un univers bien particulier et que cette fois-ci, il a évacué les scories un peu obscures qui rendait son cinéma assez hermétique.
"Mise à mort du cerf sacré" se révèle un thriller psychologique franchement bien foutu, passionnant et surprenant de bout en bout et dont on ressort un peu ébranlé car, il faut bien le dire, les spectateurs sont pas mal malmenés et les plus sensibles d'entre eux risquent d'être fort secoués ( trop peut être... ).