Evelyne Pisier, intellectuelle engagée, décide d'écrire son parcours de fille de bonne famille ancrée dans une droite colonialiste qui, petit à petit, va, par intelligence, générosité mais aussi convictions forgées au gré d'une vie assez mouvementée, devenir une vraie femme libre et moderne. Cette figure féminine et féministe reste indissociable du chemin tout aussi tortueux emprunté par sa mère qui contient déjà les ferments d'une libération inévitable pour ces deux femmes de fort caractère. Au lieu de prendre la forme d'un récit autobiographique, Evelyne Pisier, avec son éditrice, décide que le roman sera la meilleure forme pour tracer ces deux portraits. Le livre se prépare et au fil des rendez-vous, un réel lien naît entre les deux femmes que presque un demi-siècle sépare. Soudées de plus en plus par les confidences et l'ouverture du passé de l'une qui, bien que distant de deux générations, résonne énormément dans celui de la plus jeune, le livre commence à se construire, lorsque Evelyne Pisier décède. Caroline Laurent, la jeune éditrice, décide par amitié de terminer le livre.
"Et soudain, la liberté" se compose de deux histoires distinctes entremêlées, celle de l'éditrice qui nous conte sa fascination amicale pour cette femme de caractère, de son travail d'éditrice et de la rédaction du roman qu'elle écrit à la place de la défunte et aussi du roman par lui-même, véritable petit plaidoyer féministe à partir de la vie de Evelyne Pisier.
Comme pour la plupart des lecteurs qui se sont plongés dedans, le livre fut pour moi un réel plaisir de lecture. Sensible, joliment écrit, son féminisme exemplaire fait chaud au cœur, surtout aujourd'hui dans cette période trouble où bien des combats doivent continuer à être menés par et pour les femmes. ( Je préférerai toujours lire la vie d'une femme de progrès, écrit avec une implication personnelle, que celle sans réel point de vue d'une sainte, même au parcours terrible... suivez mon regard dans cette rentrée littéraire... ). Cependant, au milieu des concerts de louanges justement reçues par cet ouvrage, je mettrai deux bémols. Le chevauchement des deux voix ( le roman et le récit de la fabrication de celui-ci) nuit parfois au plaisir du texte. Le récit de Caroline Laurent, l'éditrice, a une fâcheuse tendance à annoncer les événements à venir ou à sacrifier un personnage en finissant par nous le signaler totalement fictif . Du coup, le roman perd un peu de sa saveur, surtout que l'on perçoit dans celui-ci, mais c'était le désir de Evelyne Pisier, une volonté à camoufler certains personnages ( sans doute pour éviter des souvenirs douloureux) comme Marie-France Pisier ( l'actrice elle aussi décédée et soeur d'Evelyne) devenue un frère ou parce qu'encore vivant ( et trop connu) comme le premier mari médecin qui plus tard portera des sacs de riz en Afrique et deviendra ministre des affaires étrangères sous Sarkozy. Nous sommes dans un roman et cela reste anecdotique par rapport au message de combat que font passer ces deux femmes, et croyez-moi, il atteint sa cible !
Cette fort belle évocation de deux fortes personnalités, m'a donné envie d'en savoir plus mais aussi de rêver à une vraie biographie d'Evelyne Pisier, personnage fascinant et romanesque.
La Liberté par l'engagement et non par la sainteté... Voici un livre qui me correspond bien davantage, dommage qu'il n'ait pas été mis un peu plus en lumière.
RépondreSupprimerEt quelle belle rencontre et coup de foudre amical...Livre à partager sans modération...
J'ai quelque réticence sur ce livre que je devrais recevoir dans le cadre des68 premières fois. Ce n'est pas un genre que j'apprécie beaucoup
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