lundi 13 novembre 2017

Days are dogs de Camille Henrot


L'espace chiquissement branchouille qu'est le Palais de Tokyo à Paris offre depuis quelques temps à des figures majeures ( pour une poignée de connaisseurs) de l'art contemporain français une carte blanche pour illuminer de leurs visions et de leurs créations ses immenses espaces. Cet automne, s'offre à nos regards curieux, les installations de Camille Henrot. Qui ? ( me demandez-vous ). (.... soupir...) Pour les béotiens, Camille Henrot, française née à Paris en 1978 mais vivant à New-York ( lieu où tout se passe désormais, et comme il y quelques mois que vous n'y avez pas mis les pieds, vous avez raté l'ascension de cette artiste au firmament de l'art) semble avoir été choisie désormais comme figure de proue de l'art contemporain national. Si vous lisez attentivement mon blog, je lui ai déjà consacré un billet ( ce que je peux être branché parfois...) lors de la présentation de son installation "Pale Fox" en 2014. A l'époque, je n'avais pas été convaincu ...
Faisant fi de toute réticence, m'armant de mon habituelle curiosité, je me suis rué à "Days are dogs"   ( "Les jours sont des chiens", pour ceux qui ne pratiquent pas Google traduction), succession d'espaces consacrés aux jours de la semaine. C'est simple, compréhensible par tout le monde de prime abord, car on a tous intégré dans nos têtes cette invention humaine de scander artificiellement le temps.  Nous débutons la semaine par le samedi avec une vidéo en 3D ( mais pourquoi?  pour attirer le public des  multiplexes?) mélange de baptêmes adventistes ( eux aussi font sabbat ), d'expériences scientifiques, de surf et d'animaux ou bébés posés sur des vitres et filmés par en-dessous le tout accompagné par des rubans déroulants où sont écrites ( en anglais ) des infos sur les catastrophes dans le monde. Le cerveau commence à s'interroger. Le regard plonge dans le dépliant fourni à l'entrée qui indique que " le film renvoie à l'espoir d'une vie meilleure, comme à la volonté d'échapper au quotidien " ... donc en pratiquant surtout extrême religion et sport extrême...
Pas convaincu, déjà un peu irrité, je fonce vers dimanche, " jour de la grasse matinée, du ménage, de la communion artificielle et des rêveries solitaires"  nous clame le dépliant. Et là on tombe sur plusieurs installations façon ikebana, mélange de grillage et de feuilles séchées, aussi joli à l'oeil qu'hermétique à mon petit esprit. Il semblerait que nous assistions ici à la confrontation du plaisir et de la productivité empreinte d'idéologie... ( je ne l'ai pas trouvé tout seul... j'ai mon petit papier avec moi). Et comme c'est dimanche, jour chéri, il a droit à une deuxième salle ! Et ô surprise, je la connais, c'est une reprise de Pale Fox, sans le serpent qui ondulait dans la salle et sans la possibilité de voir les posters sur leur présentoir... ( A l'interpellation du gardien par un sec " On ne touche pas ! " lorsque j'ai osé posé ma main pour regarder les photos dudit présentoir, j'ai essayé, de mon ton le plus pédagogique,  d'expliquer que cette interdiction amenuisait la portée de l'œuvre et que l'artiste en serait sans doute très fâchée. Rien, n'y a fait et je n'ai eu en retour que le regard glacial d'un être hermétique à l'art !). Par contre la loupe sur le sexe en érection était toujours là comme pour mieux nous annoncer la suite, car les jours suivants vont tous plus ou moins être pénétrés de sexualité, que ce soit les sculptures assez suggestives de lundi ( photo ci-dessus), l'espace sportif SM de mardi ( oups, pardon Tuesday, car tout est en anglais),  de la vidéo de vendredi ( Friday donc...), images de films pornos masquées par des mouvements de couleurs servant de cache mais eux aussi sexuellement évocateurs ou des aquarelles géantes plaquées sans grâce, histoire de combler les vides sans doute. La religion, le sexe, le productivisme... Je commence à voir où veut en venir l'artiste... Il ne reste plus que l'argent et les réseaux sociaux pour finir ce tour de la représentation de  notre monde actuel. Le premier est sans doute symbolisé par ce long et large chemin de pièces collées au sol et le deuxième par deux installations autour des ( jolis)  téléphones et de mails reçus, agrandis, reproduis... (photos)



Si j'ai vaguement compris ( enfin je crois) le concept de tout ça, ce n'est pas pour autant que j'ai été emballé. Il règne dans ces espaces aménagés, quelquefois un peu surprenants quand on y entre mais pas d'une beauté plastique ébouriffante, une certaine froideur voire un hermétisme voulu, souligné ( mais ce n'est pas unique), par une présentation sur cartel des plus soporifique, hermétique, faussement poétique, avec cet éternel enchaînement de mots, caricature du milieu de l'art contemporain qui se gargarise avec un verbiage qui, au second degré fait franchement rigoler ( " Le dimanche est ainsi le moment où l'ordonnancement du monde intime reflète l'ampleur de l'univers" ). Vous rajoutez des citations de James Joyce ou de Deleuze pour bien assommer le spectateur et le renvoyer ( pour beaucoup) à son inculture crasse face à une artiste qui elle manie Nietzsche avec brio et vous aurez un summum un poil prétentieux de ce qui se fait de nos jours. Personnellement, toute oeuvre qui a besoin de longues explications pour procurer un quelconque sentiment, me laisse sceptique. Cependant, je reconnais que remplir un tel espace n'est pas des plus facile et qu'au milieu de tout cela, certaines créations de Camille Henrot, perdues dans cette mise en espace, ( notamment les sculptures et certains objets ) n'accrochent pas comme elles le devraient. Oui il y a de la créativité, oui il y a un regard, mais comment y accéder vraiment ? Sûrement pas en imposant au spectateur cette démarche un peu hautaine qui en voulant en imposer par trop de concepts, frise parfois la vacuité. 

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