lundi 23 novembre 2020

Histoires de la nuit de Laurent Mauvignier

                                         

Mais quel roman ! 

Unité de lieu : un hameau perdu dans le centre de la France. 3 maisons ( dont une inhabitée) et quelques hangars agricoles.

Unité de temps : En gros une journée,  12 heures...

Quelques personnages : un couple, lui agriculteur et elle employée dans une imprimerie. Un fillette d'âge scolaire. Une voisine, parisienne retirée du monde pour peindre. Puis, 3 frères, avec poignard, puis armes à feu. 

L'essentiel, est là ou presque. Presque, parce qu'il manque un personnage essentiel : l'écriture de Laurent Mauvignier. Sur 635 pages, elle va nous enfermer dans un huis clos magistral. Avec un sens du récit extrême, nous entrerons dans la tête de tous les personnages. Leurs plus petites pensées, leurs hésitations, seront aussi les nôtres. Les phrases sont longues. Elles prennent le temps de tout dire. Tout disséquer. La moindre pensée. Le moindre geste. Le doute, l'espoir, la joie. Les thèmes du quotidien abordés prennent une ampleur folle. D'autres plus profonds s'éclairent avec finesse. Et l'histoire avance. Au ralenti, mais pour mieux nous enfermer. Nous impliquer. Nous oppresser. 

On peut parler de polar, mais très psychologique. Trop pour les vrais amateurs. Que certains trouveront trop littéraire aussi, peut être. Pas assez rapide pour notre époque impatiente. Mais quel style ! Quelle emprise sur le lecteur ! Il vibre le lecteur,  frémit, compatit, s'interroge, tremble. Peu de romans arrivent à ces sensations ininterrompues. Peu de romans nous plongent dans de telles affres d'insécurité. Parfois, on cesse sa lecture. Pour reprendre son souffle. Echapper à l'angoisse. Puis, on replonge. Le coeur serré. La boule au ventre. Intrigué. Happé. Passionné. 

Mais quel roman ! 



dimanche 22 novembre 2020

Rebecca de Ben Wheatley


 Faire une nouvelle adaptation cinématographique du best-seller de Daphnée du Maurier "Rebecca", surtout après la formidable version d'Alfred Hitchcock en 1940, est soit une entreprise sérieusement téméraire soit une réelle envie d'en faire une lecture plus moderne. Le résultat ( visible sur Netflix) apparaît comme une sorte de pâle coloriage raté de la version noir et blanc du maître du suspens. 

Dès les premières scènes, on sent que l'affaire s'engage mal. Malgré de pimpantes couleurs estivales, écrin monégasque de la romance des deux tourtereaux ( un riche veuf et une jeune oie blanche), on sent très vite que tout ça na va pas le faire. Lily James ( la jeune séduite) manque singulièrement de charisme et s'avère plus agaçante que pauvre fille aveuglée et Armie Hammer, transparent et assez insignifiant, ne possède aucune once de mystère. Si l'arrivée dans l'imposant château de Manderley, immense propriété du veuf, laisse espérer un peu de peps à l'ensemble grâce à une Kristin Scott Thomas inquiétante à souhait dans le rôle de la gouvernante, bien vite on déchante devant une peu inspirée mise en scène qui hésite tout le temps entre en mettre plein les yeux avec des décors somptueux et instiller un peu de suspens de façon banale. On s'ennuie ferme. On repense à la précédente version au noir seyant parfaitement à l'intrigue et aux délices d'ambiguïtés que sir Alfred se faisait un malin plaisir de glisser dans cette intrigue, qui, ici, dans la platitude de la réalisation, apparaît soudain un poil tirée par les cheveux. 

En ne réalisant qu'une très ratée colorisation de l'ancienne version et lui gommant toute sa perversité, cette nouvelle version de "Rebecca" ne marquera pas les annales ...ou alors dans le rayon nanar. 



 



vendredi 20 novembre 2020

Les habits neufs de l'empereur par Steven Guarnaccia d'après Andersen

 


Professeur de design dans une grande école new-yorkaise, Steven Guarnaccia, publie régulièrement des adaptations de contes pour enfants ( Boucle d'or, Les 3 petits cochons, Cendrillon, ...) mise à sa sauce, disons très portée sur les objets de créateurs qu'il parsème dans ses illustrations. Adapter ce conte célèbre de Hans Christian Andersen mettant en scène un puissant roi fashion-victime berné par des escrocs, ne pouvait que l'intéresser. Tout un vestiaire masculin vintage ( ou pas) va ainsi défiler au fil des pages, mettant en scène quelques chiffons, chaussures, couvre-chefs, sous-vêtements, malles  iconiques de marques de luxe, pour le plaisir sans doute des adultes pour qui le musée des Art Décoratifs ou la collection de Vogue Homme est une bible. Pour le commun des mortels, c'est à dire les parents qui liront cet ouvrage à leurs enfants, on admirera, au mieux, ce plaisant vestiaire original et coloré porté par les  protagonistes ( ainsi que quelques clins d'oeil malicieux) , au pire, on en restera à l'histoire, ici synthétisée et accessible et dont la morale sera un peu difficile à expliquer à un très jeune public. 

L'album reste bien évidemment, très agréable à regarder, mais on pourra regretter ce qui, en plus de sa réflexion sur la vanité du pouvoir et le mensonge, fait le sel de cette histoire. Habituellement, totalement abusé, l'empereur défile tout nu dans les rues ( et seul un petit garçon arrive à crier la vérité). Ici il défile en caleçon,  ce qui est rigolo et permet à Steven Guarnaccia de proposer une variété importante d'imprimés créatifs pour ce sous-vêtement, mais enlèvera sûrement ce petit sourire mi outré mi amusé  que l'interdit offre aux enfants lorsqu'un personnage est tout nu dans un album. Pruderie américaine ? Peut être quand on sait que la nudité est plus scandaleuse que de couper la tête d'une personne. Gageons plutôt que c'est surtout cette formidable envie de rendre hommage à l'industrie textile qui l'incite à utiliser tous les supports possible pour rendre cet album encore plus chic à l'oeil. 

Quoiqu'il en soit, la version Guarnaccia de ce conte reste un pur bonheur de créativité et de légèreté... qui échappera peut être aux jeunes enfants mais formera inconsciemment leur goût pour les belles choses originales. 


 

vendredi 13 novembre 2020

Le diable, Tout Le Temps de Antonio Campos

Pour prolonger votre plongée dans les Etats-Unis et compléter cette image de malaise profond qui nous gagne, nous français, en voyant ce peuple tenant une arme d'une main et une bible de l'autre, visionner cette adaptation du roman de Donald Ray Pollock ( ou lire, même titre, paru en 2012) ne pourra que noircir un peu plus le tableau. 
Tout est noir, très noir dans cette histoire située au fin fond d'une bourgade de Caroline. Nous sommes en 1957. La vie tourne autour de soldats heureusement revenus du front mais traumatisés, du travail, de la famille unie autour de l'église du coin et de la fascination pour les armes à feu. Pas certain que ce soit le bonheur, surtout dans cette campagne où les possibles n'existent même pas dans les rêves, sauf si l'on considère que se confondre en prière pour un éventuel paradis tienne lieu de projet de vie. Alors, la religion tourne les têtes, les rend fous et extrémistes et de la prière aux meurtres, la distance est vite franchie. Entre ces deux extrêmes se niche le sexe, toujours mal vécu, sexe abusif, sexe ultra pervers, sexe déviant.
Le film d'Antonio Campos, sombre, violent psychologiquement, prend le temps de louvoyer habilement entre chacun des sordides événement qui jalonnent cette histoire, jouant avec les frontières du possiblement visible dans l'univers formaté d'un cinéma américain dorénavant également produit par Netflix. L'atmosphère du roman est bien là, servie par un casting de choix, Tom Holland, Robert Pattinson ( décidément de plus en plus distribué dans des rôles troubles et déjantés), Eliza Scanlen ( la Beth des filles du docteur March de Greta Gerwig), ... et cerise sur le gâteau ( comme quoi, parfois les adaptations cinématographiques peuvent plaire aux romanciers), Donald Ray Pollock fait la voix off du narrateur. 
En ces temps de confinement un peu sinistres, il est certain que "Le diable, Tout le Temps" ne vous remontera pas le moral, mais, même en poussant le bouchon très loin, vous offre une version radicale de ce que la religion à outrance peut engendrer....là aussi d'une sinistre actualité. P
arfois, il faut regarder les choses en face...


jeudi 12 novembre 2020

Térébenthine de Carole Fives


Comment allier romanesque, féminisme et  approche didactique de l'art contemporain ? A cette question, Carole Fives répond avec ce court roman de 172  pages. Ecrit avec aisance ( l'auteure a du métier), dans un style direct et facile à lire, la "Thérébenthine" du titre doit se lire au masculin puisqu'il s'agit du nom donné par leurs congénères à trois étudiants des Beaux Arts de Lille. Amis dans la vie, le roman va retracer quelques moments de leurs études communes puis de leur vie une fois lancés le grand bain des adultes. Voilà pour le romanesque, brossé à la grosse brosse, mais avec quelques rajouts au pinceau fin. 

L'autre élément essentiel du récit est d'entremêler une histoire de l'art contemporain avec le féminisme mais aussi de répondre à cette question : Qu'est-ce qu'être artiste aujourd'hui? Vaste sujet, traité ici sans lourdeur, ce qui, vu l'ampleur du débat n'était pas gagné d'avance. Bien sûr, si vous n'êtes pas très intéressé par les mouvement artistiques des cents dernières années, vous risquez de vous sentir largué, malgré la façon très pédagogique dont ceux-ci sont abordés. Si, quand même, la fréquentation des musées  vous a laissé quelques traces, vous trouverez cette vulgarisation passionnante et le milieu de l'art, des profs des Beaux Arts, assez savoureux, aux vrais artistes....bien barrés. Et entre les ateliers mal chauffés, les cimaises, les installations et les performances, la question de la place de la femme dans l'Art se posera, questionnement faisant évidemment miroir avec celui de la femme tout court dans nos sociétés. 

Un peu Meetoo ( il est partout cette rentrée), un peu Daniel Arasse ( un maître vers lequel on revient toujours) et beaucoup romanesque, "Thérenbentine" réussi le pari un peu fou d'offrir un récit court, intelligent et militant pour des lecteurs qui ont de moins en de temps. Bravo !

lundi 9 novembre 2020

Le coeur synthétique de Chloé Delaume


S'il y a bien une auteure que l'on n'attendait pas le genre littérature facile, presque chicklit, c'est bien Chloé Delaume. Après des textes foisonnants et peu classiques ( Une femme avec personne dedans), toujours dans l'auto fiction avec parfois des visées originales ( "Dans ma maison sous terre", le roman visait à faire mourir sa grand-mère), " le coeur synthétique" surprendra ses lecteurs habituels. Pas de texte en vers, de narration éclatée, de mise en page particulière ( juste un dialogue façon texte théâtral et une fin à ( presque) choisir), juste le récit d'une quarantenaire féministe, nullipare ( à noter la mocheté du mot comme si ne pas avoir d'enfant ou enfanter était nul...ah ce français misogyne...) qui s'aperçoit qu'avoir 46 ans, c'était être transparente dans le regard des hommes. 

Ecrire de la même façon branchouille et sautillante qu'une blogueuse trentenaire passée au roman ressemble sans doute pour Chloé Delaume à une performance. Pour le lecteur, un peu moins, tellement elle semble s'être coulée avec facilité dans ce genre littéraire à succès. Du coup, on repassera pour l'originalité du style. Pour l'histoire, aussi, on se dit que c'est loin d'être nouveau. Le souvenir de l'excellentissime  "Celle que vous croyez" de Camille Laurens et de ses figures de style extraordinairement pertinentes, sur un sujet semblable, nous reviennent à l'esprit.  Disons qu'ici, la lecture est facile et agréable.  On retrouve évidemment une sorte d'auto fiction sans doute, avec ce qu'il faut de féminisme, d'un peu d'auto dérision et d'un joli final empreint de sororité, mais sans que cela surprenne. Parfois on est agacé par son côté bobo parisien speed ( on se cocaïne comme moi je bois un verre de vin rouge) voire son côté jamais satisfaite et un peu compliquée ( féministe sans enfant mais finalement très conservatrice : être  avec un homme = obligatoirement une vie de couple marié). Au sein de toutes ces tergiversations autour de l'amour, le roman décrit aussi le milieu de l'édition. Ce sont sans doute la partie les passages les plus réussis,  une véritable démystification en règle, savoureuse et cruelle ( on croit reconnaître en partie les éditions du Seuil...).  

Je pourrai conclure que le nouveau Chloé Delaume, nettement plus accessible qu'à l'accoutumée, peut être une jolie friandise légère à s'offrir pour une soirée d'hiver. Seulement, il vient d'obtenir le prix Médicis... Perplexité... "Le coeur synthétique" est juste un petit roman habile mais loin d'être un chef d'oeuvre. Alors ? Pourquoi ce prix ? La réponse est en partie dans le roman, l'entre soi joue à plein avec les membres du jury qui couronnent une de leurs copines. Tant mieux pour Chloé Delaume. Dommage pour d'autres titres qui le méritaient plus à mon avis et entraient bien mieux dans les critères de ce prix. Quant au lecteur, il lira nettement pire mais bien mieux aussi. 

dimanche 8 novembre 2020

Coups de vieux de Dominique Forma


 La quatrième de couverture de ce polar attire le chaland avec cette formule : "On rit beaucoup avec ce truculent "Coups de vieux"... La promesse d'une bonne détente rigolote induit un achat impulsif de la part du lecteur. Sans vouloir paraître désagréable ( mais un petit peu quand même), cette accroche est signée Le  Figaro Magazine... et prouve une fois de plus que la notion d'humour reste vraiment subjective, celle de ce  quotidien disons... conservateur étant ici difficile à trouver dans ce polar au mieux désabusé, au pire mal fichu. 

Tous les ingrédients d'un bon roman policier sont réunis ici. Un meurtre bien sûr, celui d'une jeune femme dans les dunes du Cap d'Agde ( côté naturiste, et un peu plus en marge, chez les libertins, ceux qui font les audiences d'été des reportages sur TF1 ou M6 et consorts), des magouilles financières et immobilières, des méchants très très méchants ou très moches. Rien à redire, du sexe, de l'argent et de la violence, les cases sont cochées, roule ma poule, c'est parti pour plus de 300 pages... sauf que l'intrigue au fil des chapitres apparaît de plus en plus tirée par les cheveux, surtout  animée par un groupe de personnages qui peinent à être vraiment sympathiques ( ou antipathiques malgré leurs veules intérêts) voire même à exister complètement car brossés à la serpe. Les soi-disant personnages principaux; le duo des  retraités antagonistes ( deux ex-militants de la gauche prolétarienne, l'un ayant viré facho et l'autre gauche/Libé) ne fonctionne pas par manque de crédibilité et de dialogues finalement plats et les malheureux qui gravitent autour, la moche, la libertine, le camé, le triste, le méchant, les très très méchant, ne sont caractérisés que par l'adjectif précédemment cité. A cela, se rajoute  une vision de notre monde bien triste où tout est sale, laid, corrompu, mais façon magazine de papier glacé, superficiel donc et sans l'ombre d'une nuance. 
Ce "Coups de vieux",  pesant comme une marche dans le sable, ne ressemble en rien niveau humour à d'autres seniors à succès ( "Les vieux fusils") et a du mal à s'imposer comme polar convaincant. 

samedi 7 novembre 2020

Les chanteuses ont juste un prénom




"Fever" Angèle et Duo Lipa

Angèle, en plus d'être une des têtes de file de cette chanson française pop et féministe, illustre aussi cette tendance lourde où, dorénavant une nouvelle chanteuse ne se nomme qu'avec un prénom ( seule Clara Luciani semble y échapper et Aya Nakamura...). Cette originalité ne date pas d'aujourd'hui de Damia à Fréhel, de Barbara à Sheila, souvent les stars de la chanson ne portaient qu'un seul prénom. Tendance forte dans les années 20/30 du siècle dernier, la mode marque le pas à la fin du 20è ( Lio, ok, mais Véronique Sanson , Mylène Farmer , ...). Mais depuis une petite dizaine d'années, qui dit nouvelle voix féminine dans la chanson, dit un nouveau prénom ( de plus en plus créatifs au fil des ans). Nous avons eu donc Angèle, mais aussi Rose, Suzanne, Pomme, Vitaa, Louane, et aussi Clou, Vanille, Paulette et j'en passe. 
Si par le passé je vous ai déjà présenté Hoshi ou Clio, dans le bouillonnement de cette jeune chanson française au féminin, voici 5 autres voix qui ont titillé mes oreilles ces derniers temps. 


" A deux" Louisadonna 

Avec un prénom qui lorgne sans aucune gêne vers Madonna, un clip et des paroles franchement explicites qui démodent sans mal des anciennes vaguement sulfureuses ( Mylène F.), Louisadonna se présente comme une militante féministe et surtout ( pour le moment ) du plaisir féminin. Sa chanson " A Deux" possède pas mal d'atouts pour connaître au minimum un vrai succès d'estime, mais telle qu'elle est écrite, risque d'avoir du mal à passer en radio. On y parle de sucer, de sexe anal,...l'époque reste hélas prude... Un version dite "clean" existe aussi ( re hélas). 



"Corps" Yseult

Difficile de ne pas parler d'Yseult, même si son magnifique titre "Corps" est déjà un vrai succès depuis le printemps dernier faisant dorénavant partie des chanteuses actuelles qui comptent. En plus d'un clip lui aussi gonflé, revendiquant un corps rond et voluptueux, on ne peut qu'être séduit par cette voix sublime et ce texte tout en finesse. Un nouvel EP sort à la fin de ce mois. On l'attend avec impatience !



"La mer" Saskia

Intituler après Trenet une chanson "La mer", il fallait oser. Les jeunes chanteuses d'aujourd'hui osent tout. Et, époque oblige, Saskia, l'emporte non pas vers les golfes clairs ( malgré une mélodie très agréable) mais plus vers les immensités de déchets plastique ou de rejets pétroliers. Militante aussi donc, plus en demi-teinte par rapport à ses consoeurs précédentes, mais Saskia possède une vois très joliment rocailleuse qui attire l'oreille. 



"Brun de folie" Seemone

Avec Seemone, retour dans la classique variété parlant d'amour, avec violons et piano. Ici pas de sons pops, ou électros,  juste de jolies mélodies simples et fraîches. On appréciera la voix légèrement voilée de Seemone qui donne beaucoup de sensualité à des textes quand même un peu quelconques. Mais la demoiselle est fille du créateur de Meetic, donc normal qu'elle chante ( bien ) l'amour non ? 

"Les mêmes chansons" Janie

Et je termine, comme souvent,  par une chanteuse à la voix douce, simple, jolie, sans caractère particulier. Un peu comme Clio, on appréciera cette simplicité un poil sophistiquée. Janie, compose et travaille avec le réal de Suzanne et construit d'emblée un univers pop et coloré tout en douceur ( Elle arrose depuis quelques mois Youtube avec des clips délicats et subtilement pops).  Les textes sont bien écrits, les mélodies douces et accrocheuses, idéales dans ce temps de brutes. Son EP vient de sortir et c'est une douceur qui pourrait bien devenir indispensable. 

Et voilà pour quelques prénoms de filles...Les garçons chanteurs ne sont pas en reste, car eux aussi enfourchent la tendance et, dans la suite de Vianney ou Slimane, sortent tout prénom dehors ! Mais ce sera pour une autre fois... 



 

jeudi 5 novembre 2020

Un hiver à Wuhan de Alexandre Labruffe

 


Evidemment en période de surdose américaine, aller à Wuhan peut être un bon plan. Mais, confinement oblige, a-t-on pour autant envie de retourner là où cette pandémie mondiale a commencé ? En ce plongeant dans cette courte évocation des séjours d'Alexandre Labruffe au pays des usines à produire beaucoup d'inutile, le dépaysement est garanti ainsi que la qualité littéraire de l'ensemble. 

De qualité, il sera beaucoup question dans cet ouvrage. Qualité de l'air où les particules fines ont un taux 10 fois supérieur à celui de son homologue parisien. Qualité de la surveillance, où personne ne peut faire un pas sans être filmé, surveillé, suivi. Qualité de l'accueil pour les étrangers ( toujours suspects de quelque chose) qui ne sauraient se passer de quelques soins spéciaux ou de jolies chinoises. Qualité des villes nouvelles où un immeuble de 180 mètres se construit en 9 Jours et dont la hauteur ne peut toutefois pas vous garantir que vous apercevrez le ciel, sa hauteur ( limitée par décret) n'arrivera tout de même pas à  dépasser la nappe de brouillard qui surplombe la ville. 

Toutes ces informations ne sont évidemment pas nouvelles mais ici parsemées dans un récit maniant un humour distancié avec une les états d'âme d'un français lambda un peu désarçonné par cet univers, elles prennent des allures littéraires très agréables, qui nous font sortir de notre univers de confinement bien plus qu'une petite attestation. Jouant plaisamment (et sans que cela nuise à la lecture) avec la chronologie de ses voyages en Chine, Alexandre Labruffe, après ses formidables "Chroniques d'une station service" parues l'an passé, prouve qu'il devient le chroniqueur idéal de notre époque mondialisée et un peu neurasthénique. 


lundi 2 novembre 2020

Maison Ronde de Charlie Zanello



C'est la grande vogue en BD de plonger un auteur dans un univers particulier et de lui faire produire un album qui soit à la fois pédagogique, humoristique et personnel. Les succès du "Château" de Mathieu Sapin  ou du Marion de Montaigne sur Thomas Pesquet encourage les éditeurs à poursuivre dans cette voie. Voici donc Charlie Zanello ( qui officie aussi à Fluide Glacial) envoyé un an à la Maison de la Radio. 

Humour, pédagogie, auto-dérision, les trois cases sont cochées, l'album est conforme à la commande. Il s'inscrit parfaitement dans la lignée de ses glorieux prédécesseurs et ne surprend personne. Le lecteur  s'installe dans son fauteuil et suit les déambulations de Charlie au sein de ce célèbre monstre. La visite s'avère agréable à lire. On sent toutefois que la rondeur de l'édifice et ses interminables couloirs ont désorienté le dessinateur qui ne sait pas trop où donner du dessin. Les scènettes s'enquillent de façon désordonnée mais bon enfant. L'intervention en contrepoint du fantôme de la Maison de la Radio n'apporte pas grand chose de plus, soulignant peut être la difficulté de lier l'ensemble. Bien sûr, les auditeurs de RTL ou de NRJ seront moins à la fête que ceux de France Inter ou France Bleue qui prendront plaisir à voir croquer l'envers du décor de leurs émissions favorites.  

Toutefois, après ces quelques bémols, force est de reconnaître que la tâche était imposante et résumer en presque 200 pages le travail de 4000 professionnels, tous visiblement passionnés, n'est pas une mince affaire. Et si le but était de démontrer que cette Maison de la Radio était un lieu vraiment unique, c'est mission accomplie! L'album rend parfaitement compte que l'on peut la considérer avec fierté, tellement elle condense en son sein un savoir-faire inégalé ainsi qu'un concentré de culture et de création unique en son genre. C'est sûrement dans son versant politique que l'album est le plus convaincant, montrant avec finesse tous les enjeux de cette institution PUBLIQUE, ses combats actuels avec des gouvernants qui ne rêvent qu'à la rendre de moins en moins compétitive ( alors que les audiences n'ont jamais été aussi hautes), trop porteuse d'intelligence donc dangereuse pour une économie libérale. 

Telle qu'elle est, cette "Maison Ronde" me plaît., m'a plu et plaira sans aucune doute aux auditeurs de Radio France qui aimeront se retrouver dans ce qui reste une oasis de bonheur dans un monde de brute. Ce roman graphique en est la parfaite illustration !






dimanche 1 novembre 2020

Quoi de neuf dans la chanson française en octobre 2020 ?


Mappemonde par Hiba Tawaji, M et Ibrahim Maalouf, la chanson solidaire du mois.  
 

Après un premier confinement, et avant un second, octobre fut le mois idéal foisonnant pour les artistes français sortant de nouvelles créations à foison. Voici, un mix subjectif de quelques titres qui ont attiré mon oreille. 

La jeune pousse du mois : Baptiste Ventadour

21 ans, corrézien, après avoir chanté dans les rues, commence à pointer le bout de son nez dans la chanson française, avec en bandoulière un combat écolo. "Que reste-t-il?" , un premier titre remarqué avait posé sa voix un brin rocailleuse de chanteur folk. Cet automne, très inspiré par la saison, il nous propose un titre au thème singulier  ( et dans la lignée musicale du précédent) : la tombée d'une feuille d'automne ! Nous sommes loin des chansonnettes d'amour ! ( le clip est à venir) 






La chanson "Meetoo" du mois : "T'es belle" par Coeur de Pirate

Retour remarqué pour Coeur de Pirate aux dernières années musicales un peu hésitantes. Après avoir déclaré avoir subi des violences sexuelles, voici une version chantée du conditionnement féminin, titre simple et réussi dont on n'arrive pas à déterminer si c'est dans la lignée d'Angèle ou so c'est le contraire...




Le chanteur belge du mois : David Numwami

Nous tenons là un chanteur pop des plus prometteurs. A la fois mélancolique et drôle, auteur, compositeur talentueux, il installe un son électro pop des plus additifs à l'oreille. En juin dernier on avait adoré "Le fisc de l'amour" et cet automne on va tous chalouper sur " Beats!" ( et certains en manque de contacts entendent "bite" voire "pipe" comme quoi, le titre est évocateur). 



Le titre le plus original du mois : "Monarchie"

Chevalrex fait partie de ces chanteurs aimés ( à juste titre ) des revues branchées hexagonales. Auteur, compositeur, interprète, un look visant l'improbable, il allie pop légère ( minimale diront certains) et textes décalés, ce nouveau titre remis en avant ce mois-ci, extrait d'un EP trois titres sorti en juin dernier, en est la parfaite représentation. ( le clip est à venir mais le titre a trouvé sa place dans la play liste France Inter)



Le duo du mois :

Difficile d'être vraiment original dans ce créneau de la chanson à deux et difficile d'arriver à égaler le sublime duo précédemment  initié par Pierre lapointe ( avec Clara Luciani " Qu'est-ce qu'on y peut?"). Cet automne, notre Trenet canadien  nous offre "Six heures d'avion nous séparent", petite chansonnette pop où il mêle sa voix à celle de Mika... Le clip est à venir.... six heures d'avions les séparent et un confinement aussi !


Le feat du mois : Tim Dup et Lass chez Synapson

Peu connu ( enfin de moi, mais pas de Tim Dup) , le groupe de synthpop Synapson propose cet automne un son ultra dansant et ensoleillé qui prolongera avantageusement l'été. " Toujours", un titre pour danser jusqu'au bout de la nuit !


 

Le coup de coeur du mois : Clio

Ici cela relève de l'irrationnel. J'aime tout chez cette chanteuse, que beaucoup trouveront mièvre, fluette, mignonne mais sans véritable originalité. Sa petite voix me touche, ses textes simples aussi et son clip est très beau. Pour moi, un énorme rayon de soleil dans cette époque sinistre. J'ADORE CLIO.






samedi 31 octobre 2020

Thésée, sa vie nouvelle de Camille de Toledo

 La couverture de ce roman ( dans la dernière sélection des Goncourt) se présente masqué. Un peu d'Espagne, un peu de mythologie et un enfant boxeur... Du romanesque en perspective se dit-on en ouvrant le livre ... qui surprend tout de suite par un texte à la mise en page inhabituelle. De la poésie ? Un peu... Peut être... même si plus loin, le texte semble se ranger selon les codes habituels....sauf que dans les paragraphes où  l'auteur parle, il n'y a jamais de majuscule pour démarrer, ni de points. Est-ce important ? Sans doute,  mais le lecteur lambda s'affranchira très vite de cette particularité, car au-delà de cette forme particulière, "Thèsée, sa vie nouvelle" va l'emporter dans un voyage passionnant, intime et exigeant. 

Evacuons d'abord quelques faits biographiques qui pourraient injustement ranger ce texte (magnifique) dans les lamentations d'un pauvre fils de riches ( ici, lever les yeux au ciel pour dire qu'ils nous gonflent ces nantis avec leurs misères non essentielles). Oui, Camille de Toledo ( un pseudo) est fils et petit fils de grands industriels français. Oui, sa mère fut une grande journaliste économique et rédactrice en chef de revues faisant l'opinion. Mais, Camille de Toledo est surtout un remarquable écrivain qui nous livre, se livre dans un livre d'une rare intensité littéraire et intellectuelle. 

Après le suicide de son frère ainé, puis la mort de ses parents, Thésée ( l'auteur) fuit la France pour vivre avec femme et enfants en Allemagne. Il embarque avec lui des cartons de photos et de documents récupérés après les décès des siens. Alors que son corps montre des signes de grande faiblesse, il se penche sur le contenu de ces archives. Les vies et les morts de ses ancêtres viennent alors éclairer sa vie d'une lumière nouvelle et terrible.

Le roman, façonné d'une écriture magnifique, rappelle dans sa première partie les mouvements de l'océan à marée montante. Avec une prose se rapprochant un peu du ressassement universitaire, chaque paragraphe, comme une vague de mots terribles, répétés pour mieux les intégrer, s'écrase sur la page tout en laissant apparaître un élément nouveau. Petit à petit, on s'enfonce dans les non-dits d'une famille. Le propos, certes intime, se teinte également de sociologie et de politique, mais surtout d'épigénétique ( en gros c'est la modification de l'expression de vos gènes en fonction de traumas passés). La dernière partie du livre, vous serre le coeur et porte cette histoire personnelle vers des interrogations et des impressions qui nous renvoient à notre 21 ème siècle si destabilisé. 

"Thésée, une vie nouvelle" est assurément un des grands romans de cette rentrée,  certes proposant une lecture exigeante mais ô combien enrichissante, passionnante et qu'une écriture admirable, associée à un propos jamais narcissique, porte vers des sommets. 


vendredi 30 octobre 2020

Garçon Chiffon de Nicolas Maury


Profitant de l'éclairage très bienveillant que son personnage d'Hervé dans la série "Dix pour Cent" offre à Nicolas Maury, le voici nous proposant un premier film en tant que réalisateur. Et comme beaucoup de première oeuvre, c'est en grande partie autobiographique...  Pourquoi pas ? ... Au risque de rendre le film narcissique et le spectateur un rien dubitatif... Ce qui ne manque pas d'arriver en voyant ce "Garçon Chiffon",  qui sera jugé, selon son degré d'admiration pour l'acteur (et désormais réalisateur, mais aussi chanteur...), horripilant ou sensible. 

Avec un scénario pas bien folichon d'originalité, ( mon mec m'a quitté et je file à la campagne chez ma mère étudier un rôle que j'espère obtenir) Nicolas Maury, de tous les plans ou presque, revisite sa vie de comédien...lunaire ou tout du moins à la personnalité décalée. Il essaie d'amalgamer souvenirs personnels et intimes avec d'autres plus professionnels, convoquant à l'écran ses amis ( Laure Calamy formidable dans une scène mémorable) ou les évoquant (Vanessa Paradis) voire les invitant à faire une silhouette ( Isabelle Huppert). Cela aurait pu donner du peps à l'ensemble, mais le choix de coller au plus près à ce que l'on suppose être la personnalité du réalisateur, rend le film un peu ( trop?) nombriliste. Jérémy, le nom du personnage de Nicolas Maury dans le film, jaloux maladif, enfant dans un corps d'adulte, navigue entre deux eaux, parfois touchant, parfois franchement agaçant. Le film aurait sans doute eu une autre allure si l'on avait créé un vrai personnage original, une sorte de figure lunaire entre Buster Keaton et Woody Allen, Nicolas Maury en a le talent. 

Mais nous sommes dans un premier film, avec évidemment l'envie d'y mettre beaucoup de soi. On suit les petites aventures de Jérémy même si elles s'avèrent un peu longuettes. Le film aurait gagné à être plus resserré ( 20mn de trop). Cependant, il faut noter qu'entre les jolis chatons, les moues désabusées et le joli chiot, il passe beaucoup d'émotion dans les scènes à deux, signe d'un joli potentiel de réalisateur que l'on peut espérer retrouver dans un projet plus ambitieux. 







mercredi 28 octobre 2020

ADN de Maïwenn



Maïwenn est la spécialiste de ce cinéma qui fabrique du faux tellement vrai. Cela a été le cas dans ses trois premiers films très réussis (et son climax avec "Polisse"), un peu moins avec "Mon roi" et encore moins avec cet "ADN" , démontrant que son système a de sérieuses limites lorsqu'il s'agit de filmer un scénario faiblard. 

Le pitch se résume en une ligne. A la suite de la mort de son grand-père ayant des origines Nord-Africaines, Neige, parisienne bobo ( Maïwenn) se pique de retrouver ses racines et décide de prendre la nationalité algérienne. 

Le film, lui, est moins résumable car il enfile une succession de scènes familiales intimistes, comme volées à la vie, envahies d'acteurs divers et variés ( la famille est grande) où émotions et rancoeurs voire vacheries vont ( comme d'habitude) cohabiter. Et ça démarre très mal, avec quelques longues scènes dans un EPHAD, où le grand-père atteint d'Alzheimer finit ses jours. La caméra filme ces instants comme dans un reportage, avec un regard un peu moqueur sur les résidents âgés et présente quelques membres de cette famille qui deviennent d'emblée antipathiques ( surtout le personnage joué par Dylan Robert, dont la pseudo émotion est plus que difficile à croire). S'ensuivent des scènes d'engueulades autour du mort qui achèvent de nous rendre tout ce petit monde désolant. Certes, la famille n'est pas un lieu de bienveillance et d'harmonie, mais ici, cette accumulation de gens toxiques la rend invraisemblable.

La suite sera du même acabit, toujours à la limite du grotesque, du too much. Il y a bien sûr quelques jolis moments fugaces, où une émotion passe, vite dézinguée par une vanne ( nulle) lancée par Louis Garrel ( pas réussi à déterminer quel lien avec l'héroïne) ou par des plans assez narcissiques sur la réalisatrice/comédienne ( et un dernier plan algérien qui laisse, au mieux, dubitatif). 

Malgré des acteurs à peu près tous d'un naturel fabriqué épatant, "ADN", peine à nous embarquer tellement le propos semble ne pas nous être adressé. On se fiche comme d'une guigne des affects de tout ce petit monde, ne reste que ce narcissisme souvent évoqué à l'encontre de Maïwenn qui, ici, brille au maximum, mais qui cette fois-ci ne nous éblouit pas. 







mardi 27 octobre 2020

Miss de Ruben Alves


 Une grosse major américaine ( la Warner) distribue un film à visée grand public sur un thème assez sensible : la fluidité dans l'identité sexuelle. Heureux pays que la France de pouvoir présenter sans l'ombre d'un mouvement réactionnaire une telle histoire. 

Remarquez, tel qu'est scénario, le film ne dérangera pas grand monde, tant nous sommes dans les sentiers battus de la comédie et que les auteurs ont tout bien balisé pour éviter de prendre le spectateur frontalement. Il ne faut pas être trop regardant sur l'univers dans lequel évolue Alex(andra), sorte de caravansérail à la sauce parisienne, non dépourvu de clichés et semblant répondre à un cahier des charges ethnique ou sexuel. On pourra apprécier l'appétit de Thibault de Montalembert à incarner un vieux travelo, ou la verve d'Isabelle Nanty sorte de Thénardier des temps modernes ( elle exploite l'habileté  de jeunes asiatiques...bien muettes ), par la bouche de laquelle, les vérités proférées sur les concours de miss perdent un peu de violence de part son côté un peu filou. 

Cependant, force est de constater qu'il y a dans ce film là, quelque chose de troublant et de fort réussi : le personnage d'Alex(andra), jeune moniteur de boxe avec des envies de féminité, que le spectateur va accepter tout de suite et suivre avec empathie dans son parcours finalement singulier ( mais populaire). Alexandre Wetter, dont c'est la première apparition au cinéma, y est pour beaucoup, aussi crédible en garçon que magnifique en jeune femme et crédible dans les scènes de comédie. 

Bien sûr, on peut ergoter que ce sujet sur l'envie de féminité s'acoquine avec les outrances d'un concours miss France, comme si la féminité se réduisait à quelques faux-cils ou belles robes virevoltantes. Mais, le message principal passe bien : se sortir des normes sociétales est possible dans nos sociétés occidentales et ce film, participe quelque part à poser une jolie pierre à l'édifice de l'acceptation de soi et des autres. 




lundi 26 octobre 2020

On the Rocks de Sofia Coppola


 

La chiquissime Sofia Coppola est de retour sur....petit écran. Les fans devront prendre un abonnement à Apple TV pour pouvoir admirer cette nouvelle oeuvre(tte) vraiment taillée pour les soirées canapé dans son loft secondaire avec martini dry et chien ( de race ) à ses pieds. 

Sofia Coppola s'essaie désormais à la comédie légère... Il y a donc un mari que l'on soupçonne de donner un coup de canif à un mariage peut être trop traditionnel. Il y a une femme , au foyer mais écrivaine en panne d'inspiration ( on admirera son bureau qui fait la taille de huit studios) . Elle aborde mal sa quarantaine, se sent moins séduisante et glisse dans la paranoïa domestique. Il y a un père, grand coureur de jupon, qui veut l'aider à lui ouvrir les yeux et lui prouver son infortune. Il y a une décapotable rouge, une voiture avec chauffeur, une montre Cartier, un hôtel cinq étoiles au Mexique, tout un monde de WASP  qui de nos jours pourrait quand même faire profil bas face aux menaces qui grondent. 

C'est tellement léger, que c'est très inconsistant. L'intrigue minimale et adolescente rappelle...beaucoup de choses et rien à la fois, car serait recalée par n'importe quel staff de scénaristes de séries, même moldaves. Alors on me dira que quelque part elle parle, via Bill Murray ( qui cabotine légèrement), de son père.... mais, entre nous, qu'en avons-nous à faire de ses affres de nantie
? Sofia Coppola dit dans une interview aux Inrocks  qu'elle "parle d'une génération d'hommes qui sirotent leur Martini à la fin de la journée" , façon claire de dire que son film, comme d'hab, s'adresse avant tout à quelques happy fews croisés dans les défilés Vuitton ou Dior. Elle a beau caser un couple mixte ou une femme qui se pose des questions, son cinéma reste quand même celui de l'entre soi, sans réelle grâce et surtout très superficiel ( et pas du tout on the rocks!). 

Alors, s'abonner à Apple TV pour ça, vraiment inutile !



dimanche 25 octobre 2020

Peninsula de Yeon Sang-ho


Le cinéma grand spectacle et d'action américainayant déserté les écrans, faut-il vous rabattre sur le film coréen "Peninsula" ( suite du "Dernier Train pour Busan") ? 

A cette question dont dépend en partie le moral des exploitants de salle, je réponds OUI ! Vous y trouverez tout ce que vous aimez dans ce genre de production, c'est même une véritable compilation. Ne pas avoir vu le premier épisode n'a aucune importance, l'histoire étant vraiment autonome et bien différente de l'opus précédent. Nous avons au départ des malfrats qui doivent récupérer un camion dans une mégapole coréenne envahie par des zombies où seuls quelques mercenaires au cerveau sérieusement endommagés par l'alcool ont réussi à cohabiter. 

Scénario basique autour d'une mission ( quasi impossible) où très vite bons et méchants seront bien délimités. C'est mieux pour pouvoir ensuite vibrer aux nombreuses courses poursuites au milieu de zombies qui, ici, servent uniquement de quilles à décaniller comme dans un mauvais jeu vidéo antique. Pour le côté aventure un peu violente, vous trouverez une désormais inévitable scène de jeu de cirque avec pauvres prisonniers ( un des héros évidemment) tremblant face à des zombies que l'on lâche devant un public de parieurs hystériques. Et comme il faut une dose de joliesse, il y a des enfants asiatiques adorables mais inventifs et ingénieux ( sortes de Mac Gyver en couettes et bermuda). Pour faire un pendant au sang ( pas de crainte, ça ne coule pas à flot) , vous aurez des larmes, avec un interminable ( et plus qu'improbable) final, filmé comme un summum de suspens qu'un traitement particulièrement sirupeux et larmoyant plonge dans le grand n'importe quoi. 

Vous ne serez donc pas dépaysé par ce film qui offre une excellente alternative à tous les films de super héros amerloques. Le scénario ultra prévisible ne vous fera pas réfléchir. C'est filmé à 100 à l'heure pour ne pas vous ennuyer ( et trop réfléchir) . Les gros moyens financiers, techniques et numériques sont présents à l'écran. Certains peuvent même y trouver un pendant avec ce que nous vivons en ce moment ( mais c'est tellement facile de faire dire ce qu'on veut à n'importe quoi). Alors, tentés ?  




 

samedi 24 octobre 2020

Adieu les cons de Albert Dupontel



Albert Dupontel, on l'aime bien, son côté dingue, un peu bête et méchant dans l'esprit d'un journal indispensable. Pour la promotion d' "Adieu les cons" on l'a beaucoup aperçu, gentiment ironique, mais diablement assagi, à l'image de ses derniers films dont le contenu semble s'édulcorer au contact de productions commerciales visant un large public.  

Le succès d'"Au revoir là-haut" le voit encore une fois à la tête d'un film coûteux ( 10 millions d'euros). Le résultat apparaît donc clinquant, très ( trop?)  virevoltant. La caméra, désormais, filme comme si elle était montée sur une attraction folle de fête foraine. Le film débute sur les chapeaux de roue, dans un univers à la Terry Gilliam ( période "Brazil"), égratignant un monde bureaucratique impitoyable et mettant en avant nos trois héros, exclus de ce système inhumain. La comédie possède d'emblée une ambition artistique, la hissant sans problème nettement au-dessus de la plupart de ses consoeurs françaises débitées hebdomadairement dans nos salles, mais, même si le rythme ne faiblit jamais, la mayonnaise ne prend pas complètement. 

Tout d'abord, nous avons Virginie Efira, impeccable comme toujours, mais que Dupontel fait jouer sur un registre toujours mélancolique, voire dramatique, la plaçant ainsi dans le rôle de faire-valoir de ses partenaires masculins. Et puis, on nous propose une dernière partie virant dans la comédie sentimentale, bien éloignée de l'esprit du début, achevant de rendre le film vraiment bancal. La caméra foldingue évite toutefois de nous appesantir sur quelques clichés que cette guimauve soudaine semble imposer. 

On peut faire la fine bouche sur cette nouvelle folie d'Albert Dupontel qui reste cependant tout à fait regardable. On ne s'ennuie pas car tout fonce à 100 à l'heure, vitesse qui peut faire oublier quelques lourdeurs ou gags un peu téléphonés. Nous sommes à une époque où nous devons nous changer les idées, alors pourquoi ne pas faire une pierre deux coups, se distraire et tenter de donner quelques euros au secteur du divertissement bien à la peine ? 




jeudi 22 octobre 2020

Last Words de Jonathan Nossiter


On avait laissé Jonathan Nossiter sur des documentaires autour du vin. Le voilà qui revient avec une sorte de folie apocalyptique dont on se demande si elle n'est pas le résultat d'une longue beuverie au Bordeaux ou au Bourgogne. 

A écouter les protagonistes de ce pensum prétentieux, on devine les nombreuses et louables intentions : le monde court à sa perte par la négligence des hommes ( écologie, premier grand thème), les hommes occidentaux devraient écouter ceux qui viennent d'ailleurs ( le rôle principal est tenu par un jeune africain, vrai migrant...mais pas encore au top du jeu d'acteur), la culture ( et ici le cinéma) peut nous sauver de la barbarie et, cerise sur le gâteau, le monde n'est pas à l'abri d'être décimé entièrement par un virus ( ici, un virus qui fait tousser!).

Nul doute qu' à la vue de tant de jolis thèmes modes,  le sang de sélectionneur cannois de Thierry Frémaux n'a fait qu'un tour lorsqu'il a visionné le film durant le confinement et lui a donné tout de suite son label  "Cannes" ( mais sans doute aussi de part sa distribution haut gamme et internationale). Cannes ne sauve peut être pas des migrants ( malgré sa situation méditerranéenne ) mais pense aider sans doute quelques productions  hasardeuses comme celle-ci. 

A l'écran et surtout sur son siège, le choc n'est pas rude, il endort. En gros, l'ensemble est filmé dans un univers de ruines, genre maison bombardée au début, puis champ de vestiges antiques délaissés dans une deuxième partie étrangement humide et automnale ( alors que l'on dit la terre asséchée...). Les acteurs errent dans des costumes de loqueteux( normal, mais mention à Charlotte Rampling, dont le sexy costume en bâche plastique attire le mâle puisqu'elle tombera enceinte ! ), déclament des discours abscons avec des regards perdus ( mais pourquoi diable ai-je accepté ce rôle... Ah oui, mes impôts!), le tout filmé par notre bel africain ayant fabriqué une caméra avec ce qu'il a trouvé, histoire de redonner espoir en travaillant pour l'histoire. On s'ennuie ferme, on se demande qui a bien pu mettre un euro pour filmer une telle déconfiture,  Nick Nolte nous montre ses testicules ( y'a peut être des amateurs, tout est bon pour donner envie à quelques  spectateurs d'entrer dans les salles), Alba Rohrwacher n'a jamais été plus fantomatique, dans la salle, les portables se rallument subrepticement mais souvent, pour regarder l'heure et constater que les 2h06 passent décidément pas vite du tout. 

C'est prétentieux et raté mais cela restera une curiosité, un peu comme le long-métrage de Bernard-Henri Lévy et dans cette catégorie, autour d'une ou deux bouteilles, devant sa télé, pour rigoler, le film trouvera peut être son public. 



 

mercredi 21 octobre 2020

L'emprise du chat de Sophie Chabanel


Un bon petit polar au coin du feu avec votre chat sur les genoux, ça vous dit ?  ( Remarquez, un chien à vos pieds, un poisson rouge dans son bocal ou même aucun animal feront l'affaire). Je dis "petit" parce que " L'emprise du chat" se démarque énormément de ses confrères qui préfèrent jouer les gros bras ou les gros durs avec du saignant, du violent, du bien gore. Ici, le cadavre de la jeune femme femme n'a pas été découpé en morceaux après avoir subi mille tortures ou abus, il a juste était empoisonné ...comme au bon vieux temps d'Agatha Christie ou de Charles Exbrayat. Rien qui puisse déranger, ou presque, la jolie soirée d'automne du lecteur. 

Avec ce point départ simple, Sophie Chabanel ne choisit pas l'outrance pour appâter le chaland, surtout qu'elle poursuit dans la même veine. L'enquête n'avance pas, chaque piste autour de cette jeune fille lisse et sans histoire s'avère une impasse....l'intérêt venant bien sûr de ce manque de prise des enquêteurs sur un assassinat bien mystérieux. 

Autant vous dire que les rebondissements ne jalonnent pas le récit et malgré tout, on tourne les pages avec fébrilité et grand plaisir, car, il y a un plus dans ce polar : son héroïne ( et accessoirement son acolyte). Romano, c'est son nom, est une quarantenaire, célibataire avec deux chats et possédant surtout un caractère bien trempé. Mordante, envoyant valser la bien-pensance actuelle, les diktats de la mode ou des règles de vie en société, elle démonte avec finesse mais pugnacité tout ce qui passe à sa portée, de ses collègues policiers jusqu'à sa soeur en train de divorcer en passant par les pauvres bougres qu'elle interrogera voire ses deux chats qui font ressembler son appartement à un griffoir au bout du rouleau.  C'est un festival permanent durant la totalité du roman, faisant passer l'intrigue au second plan ( même si dans la deuxième partie nous avons droit à quelques rebondissements et même à une poursuite en voiture,, comme quoi le genre n'est pas si renié que ça). 

Rien pour que son enquêtrice ( et son adjoint, classiquement aux antipodes de sa chef), le roman mérite vraiment le détour et nous repose élégamment de tous ces polars plus glauques les uns que les autres ( même si ici, on aborde un sujet qui aurait pu donner des pages nauséeuses). Bien mené, hyper bien dialogué, ce troisième tome de la série "du chat", sans doute le meilleur, donne vraiment envie de retrouver Romano bien vite. 

Petit avertissement aux amateurs ( nombreux) des chats, Ruru acoquiné à Mandela ( félins ainsi nommés par leur maîtresse)  n'apparaissent que très peu et de façon totalement anecdotique...   

lundi 5 octobre 2020

Broadway de Fabrice Caro

 


Rassurons tout de suite les lecteurs que les comédies musicales hérissent, il n'est jamais question de Broadway dans ce roman, sauf dans la dernière phrase et de façon totalement symbolique ( et peut être au tout début du récit, avec ce lamentable et irrésistible gala de danse où se produit la fille du narrateur). 

Par contre, si vous avez aimé "Le discours", ainsi que les romans graphiques de Fabrice Carro ( Fabcaro), peut être que ce troisième roman marquera le pas quant à votre enthousiasme vis à vis de l'auteur. Une forte impression de creuser un même sillon se fait sentir. Et que je transcris les pensées d'un quarantenaire ayant quelques problèmes avec les autres, et que je brode autour de la réception d'un courrier de la CPAM l'invitant à procéder à un test colorectal, et que je tire la situation jusqu'à presque l'absurde et que je me focalise sur des détails de ma vie antérieure que je remâche jusqu'à presque l'absurde. On a une impression de redite ( de recette que l'on nous ressert avec un autre assaisonnement ?). Certes le lecteur peut parfois se reconnaître dans quelques situations de la vie courante, décrites ici avec ironie, sourire à quelques passages, mais tout ça peine à se renouveler. De plus, Axel, le personnage principal, assez peu concerné par ceux qui l'entourent a beau se poser quelques questions par rapport à sa paternité, on finit par le trouver assez antipathique à force de misanthropie ou de pleutrerie. 

Si en bande dessinée Fabrice Caro nous impressionne en nous proposant un humour décapant et tous azimuts, en littérature, il peine à prendre les mêmes chemins, se contentant de reproposer la formule de son précédent opus dans une version père de famille, soudainement plus pâlichonne par manque de surprise et d'originalité. Reconnaissons toutefois à ce petit roman d'essayer de nous fait rire alors que tant de voisins de pile se vautrent dans la sinistrose ambiante. Rien pour cela, on lui en sera reconnaissant ( mais on peut sans problème attendre sa sortie en poche si on est curieux de le découvrir). 

dimanche 4 octobre 2020

Mon cousin de Jan Kounen

 


Trois questions que l'on peut se poser si l'on pense aller voir "Mon cousin". 

Jan Kounen dynamite-t-il la comédie française ?

Si l'on se rappelle de quelques uns de ses longs-métrages précédents ""Dobermann", " Blueberry" voire  " 99 francs", il est permis de penser, que, peut être, il insuffle dans cette comédie au scénario formaté pour faire les beaux soirs des premières parties des soirées télévisées, un bon coup d'effets speedés à la cocaïne ou embrumés à la sauce psychotrope. Si parfois la caméra s'emballe à zoomer, histoire de donner du punch à une histoire qui n'en a pas, force est de reconnaître que "Mon cousin"  reste bien sage, bien planplan comme le fut l'engoncé "Coco Chanel et Igor Stravinsky" (  oui, c'est de lui un peu oublié heureusement). Le film sent la commande...

"Mon cousin" présente-t-il quelque chose d'original ?

Basé sur l'idée d'un duo antagoniste qui a déjà beaucoup servi dans les comédies depuis ... que le cinéma existe ( ici, un riche PDG et son cousin pauvre), le challenge de faire original ou au pire inventif et divertissant, relevait, soit de l'exploit, soit de la rencontre de talents encore inconnus. Désolé pour messieurs Lacan, Lindon, Kounen, les auteurs du scénario, mais force est de reconnaître que l'on ne trouve rien à quoi se raccrocher dans ce qui s'avère une comédie banale de plus. Bien sûr chaque acteur tient parfaitement son rôle mais comme ils n'ont a défendre que des rôles clichés allant vers un dénouement larmoyant cliché, considérons que le minimum syndical est atteint. Est-ce suffisant pour se ruer dans un cinéma ? Non, même si ce serait sympa histoire de donner du baume au coeur aux exploitants de salle. 

Vincent Lindon troque-t-il avec aisance le costume d'ouvrier avec celui de PDG ?

Comme c'est un excellent comédien, la réponse est oui. D'ailleurs, vous l'avez peut être noté, mais pour la promo du film, que ce soit dans les salles de cinéma ou à la télévision, il n'apparaît qu'en costume/cravate... finis les tshirts ou les polos arborés lors de la promo des films de Stéphane Brizé et de ses messages contre le libéralisme. D'ailleurs, en regardant "Mon cousin" et sa fin très... capitaliste, on peut se demander si ce choix de  l'acteur de "En guerre" est bien dans la cohérence de ses propos entendus lors de la sortie de films plus politiques.... Mais c'est du Cinéma...





mercredi 23 septembre 2020

Eléonore de Amro Hamzawi


 Nora Hamzawi, après quelques apparitions remarquées dans "Doubles vies" d'Olivier Assayas ou" Alice et le maire" de Nicolas Pariser ( entre autres) , parvient en haut de l'affiche cette semaine dans cette "Eléonore" réalisée par son frère... Cette affaire de famille ne parvient pas, hélas, à faire passer sur grand écran  le personnage de trentenaire un peu énervée qu'elle incarne sur scène ou à la radio et à la télé dans ces chroniques hilarantes. 

La faute sans doute à un scénario vraiment peu inspiré qui fait de Nora Hamzawi une sorte de pauvre fille déprimée et gaffeuse, assez lourdingue et que l'actrice a beaucoup de mal à faire exister ( du moins sur la première moitié du film, cela s'arrange ensuite quand elle reprend du poil de la bête) et qui la jette dans des péripéties banales ou téléphonées dont on perçoit mal l'intérêt. La mise en scène de l'ensemble est au diapason du scénario, en roue libre et sans grande ambition, et l'ennui gagne vite le spectateur. Heureusement que des seconds rôles bien campés viennent donner un peu de peps à tout ça. Merci Dominique Reymond et Julia Faure, absolument parfaites et hilarantes dans leur duo mère/fille. 

Ce qui sur le papier s'annonçait comme une petite comédie sympatoche s'avère au final un ratage quasi complet. On est assez désolé pour Nora Hamzawi dont on peut espérer une rencontre avec un réalisateur qui saura mettre en valeur son talent.  




jeudi 17 septembre 2020

Les Roses Fauves de Carole Martinez

 


Parfois dans la vie d'un lecteur, on croise des livres qui ne sont pas pour vous, mais alors pas du tout ! Prenons donc le nouveau roman de Carole Martinez, dont j'avais adoré il y a quelques années " Le Domaine des Murmures", la lecture des ses "Roses Fauves", menée jusqu'au bout, m'a prodigieusement barbé. Le livre serait-il raté ? Trop magique ? Trop merveilleux pour un lecteur trop terre à terre? Sans doute un peu de tout cela.

Résumons l'histoire. La narratrice, l'auteur elle-même, cherche un endroit bien précis pour situer son futur roman.  En surfant sur le net, elle tombe en arrêt devant une carte postale représentant le village idéal. Sur cette photo, on aperçoit, une silhouette de femme que l'auteure imagine tout de suite boiteuse. N'écoutant que son instinct ( merci Airbnb!), elle loue un studio dans cet endroit et s'installe quelques mois pour écrire le roman. Hasard heureux ( comme dans les romans), elle devient amie avec la postière du village qui est boiteuse, en plus d'être célibataire, un poil revêche et vierge ( mais, ouf,  jolie quand même). Double chance pour l'auteure, cette postière a aussi des origines espagnoles et possède ( ô joie !)  dans sa grosse armoire bretonne des...coeurs cousus ! ( Pour les petits nouveaux, "Le coeur cousu" est le titre de son premier roman qui a ému des milliers de lectrices-teurs). Le roman se partagera dorénavant avec les écrits que contient un de ces coeurs, l'histoire d'amour que vivra la postière avec une star de cinéma en tournage dans le secteur et d'autres histoires locales qui remonteront du passé. 

Résumé ainsi, on pense à un roman à l'eau de rose sauf que nous sommes avec Carole Martinez, publiée chez Gallimard quand même, donc à mille lieues, niveau écriture, d'une Virginie Grimaldi. Les thématiques du roman sont nombreuses, allant de sujets à la mode comme la transmission, les gens de peu ( mais si beaux ), les traces du passé à des choses plus littéraires comme l'angoisse d'une auteure face à l'écriture d'un nouveau livre ou le rapport ambiguë des personnages avec sa créatrice. Mais parce que l'action se déroule en Bretagne et pour retrouver sans doute le pouffant du Kouign Amann, elle y rajoute, un peu de magie, un peu de merveilleux, un peu de poésie. 

Et donc, ça m'a paru bien bourratif ! C'est vrai, dans la vie , je n'aime pas la spécialité bretonne au beurre, et en plus je suis porté à m'émouvoir sur des récits qui restent dans une certaine réalité. Ici entre les rosiers qui poussent et fleurissent en une nuit, la star de cinéma exaltée qui tombe raide dingue de la postière ou les fantômes du passé qui resurgissent au fond des bois ( entre autre), j'ai été servi. Et comme je me suis beaucoup ennuyé à lire tout cela, j'ai pu gamberger un peu. L'autrice a du mal à écrire son nouveau roman  ( 5 ans nous séparent de son précédent) ? Celui-ci, partant un peu dans tous les sens, réutilisant quelques vieilles recettes à succès, se mettant en scène de façon peu sympathique ( jalousant même le personnage de la postière qu'elle abandonne comme une vieille chaussette vers la fin) n'en est-il pas la parfaite illustration ? Quelques idées sans doute, un style indéniable pour un résultat qui m'a paru poussif, pas franchement inspiré. 

Je sens bien que " Les Roses Fauves" n'est absolument pas fait pour moi. Je sais par ailleurs que beaucoup de lectrices adorent ...( des lecteurs aussi je pense) , mais trop de merveilleux et quand même beaucoup de guimauve et un soupçon de mignardises, m'ont coupé tout plaisir de lecture. Alors, ceux qui aiment tout cet arsenal poético/bienveillant trouveront leur bonheur... et c'est tant mieux. 

lundi 14 septembre 2020

La Daronne de Jean-Paul Salomé

 


Aller voir au cinéma l'adaptation d'un roman que l'on a beaucoup apprécié, réserve souvent de mauvaises surprises, la déception étant souvent au bout de la projection. Quand j'avais lu "La Daronne" d'Hannelore Cayre, jamais ne n'aurai imaginé que c'était un rôle pour Isabelle Huppert. Mais la magie et les envies des producteurs/réalisateurs/actrices sont vraiment impénétrables ( et l'imagination des spectateurs sans doute limitée), voici sur les écrans la frêle silhouette de l'actrice aux mille facettes endosser le statut de dealeuse futée tenant tête à de dangereux malfrats. Et le pire, est que ça fonctionne très bien! 

Si le passage du papier à l'écran gomme pas mal du mordant du texte initial et met en évidence des grosses ficelles que l'écriture parvenait à cacher ( comment le commissaire joué par Hippolyte Girardot peut-il ne pas reconnaître la voix de celle qui est aussi sa maîtresse? ), force est de constater que le plaisir du film vient de la comédienne principale qui arrive à imposer ses regards parfois éteints ( regardez les yeux d'Isabelle Huppert dans le film, fixes, perdus... ), son âge ( 67 ans, des enfants pas trop âgés, et toujours au boulot dans un commissariat), son aspect fragile comme une force. Elle est étonnante et bien meilleure que dans certaines comédies passées ( les improbables "Madame Hyde" ou "Tip Top"). Elle tient le film à elle toute seule ( même si l'on y croise quelques seconds rôles sympas) et c'est uniquement pour elle que cette daronne mérite d'être vu, l'ensemble ne sortant guère du flot des comédies policières qui feront les beaux soirs des programmes télés. On pourra comprendre que les fans du roman boudent le film et restent sur l'excellente impression de franche immoralité qui émaillait du texte original, qu'un cinéma français, visant un large public, a sérieusement lissé. 

dimanche 13 septembre 2020

Fille de Camille Laurens

 



Comment raconter le plaisir que l'on éprouve durant la lecture du nouveau roman de Camille Laurens ? Comment dire et redire que cette auteure s'adresse d'abord à notre esprit de la façon la plus belle, celle de raconter une histoire qui ne peut qu'apporter quelque chose à ses lecteurs ?  

Evidemment, on peut lire ici ou là, des critiques, certes excellentes, mais souvent parsemées de mots qui renvoient ce roman soit dans une énième autobiographie de femme, soit dans la catégorie des écrits féministes qui peuvent effrayer et faire lever les yeux au ciel de lassitude. Si  "Fille", par la narration de la vie d'une certaine Laurence Barraqué,  peut effectivement être perçue comme celle de Camille Laurens, en parcourant les pages, il s'agit bien d'un roman, en tous les cas il se lit comme tel ( même pour ses lecteurs assidus). Quant au terme " féministe", difficile de le récuser tant ici il imprègne chaque page, mais de la meilleure des façons, avec la douceur d'une déterminée qui sait parfaitement que rien ne vaut une bonne histoire pour faire passer un message. 

Et quel message ! Simone de Beauvoir avait jeté un pavé dans la mare en clamant : "On ne naît pas femme, on le devient.". Camille Laurens va plus loin, renvoyant pour toujours la phrase célèbre dans un passé encore trop marqué par le patriarcat. Son livre pourrait se résumer par : " On naît fille et la société fait tout pour qu'on le reste." On le savait déjà bien sûr. Certains pensent encore que cela concerne surtout des pays moins évolués où on peut tuer des filles à la naissance ou les exciser ou les marier de force ou les voiler ( anagramme de violer) de la tête au pied, que chez nous, pays occidentaux riches,  les femmes sont libres... Que nenni ! En racontant la vie de cette Laurence depuis l'enfance jusqu'à l'arrivée de sa fille à l'âge adulte, Camille Laurens, fait le grand inventaire de la vie de toutes les femmes piégées avant la naissance, en premier lieu par le vocabulaire, la grammaire, les mots. Par la suite s'ajouteront les regards d'une société évidemment patriarcale et dont les traditions, la religion, les règles sociétales, les enferment dans un rôle de subalternes, voire de moins que rien. 

J'en devine certains ( certaines aussi ! ) lever les yeux au ciel, en soupirant un " On a déjà lu ça 100 fois !". Non, jamais de cette façon. Il faut lire la ( grande) première partie, consacrée à l'enfance, racontée un peu comme un petit Nicolas au féminin, avec une drôlerie ultra mordante, diablement efficace, qui s'avère une sorte de réquisitoire imparable. Il faut continuer avec les pages beaucoup plus âpres sur la vie d'adulte, jamais excluantes pour les hommes même si profitant d'un système à leur faveur se concluant avec une petite touche finale d'espoir. 

Lire "Fille", c'est prendre un grand bol d'intelligence romanesque mais aussi sociologique. S'il y avait une vraie volonté de faire évoluer les choses ( et donc de commencer à changer un peu le monde), Jean-Michel  Blanquer, actuel ministre de l'Education Nationale devrait offrir ce roman à tous ses enseignants pour qu'ils se rendent compte du pouvoir qu'ils ont de bousculer les choses, rien qu'en changeant un tant soit peu et leur regard et surtout leur vocabulaire qui enferme pour toujours une moitié de l'humanité dans l'infériorité ( oui, toujours chez nous!). Et si les parents s'y mettent...

Il est rassurant de voir que "Fille" se trouve en très bonne place dans la liste des meilleures ventes de cette rentrée littéraire ( moins bien placé que le, quand même macho, "Yoga" ) et je ne peux que vous encourager à amplifier ce succès. Vous ne regretterez pas de lire un des romans majeurs de cette rentrée qui occasionnera des débats bien plus passionnants que de savoir si le yoga est bon pour sa psyché. 

 


samedi 12 septembre 2020

Palmarès du festival du film américain de Deauville 2020


 Le grand gagnant de cette édition est donc le deuxième film de Sean Durkin : "The Nest", grand prix, prix de la critique, prix de la révélation.  Précédé par la réputation de son premier film "Martha, Marcy, May, Marlène" sorti en 2012 en France et devenu culte au fil du temps, on peut penser que le regard fut  bienveillant pour ce long-métrage pourtant pas bien original. Servi par un couple d'acteurs parfaits ( Jude Law et Carrie Coon), le film ne décolle pas énormément, empruntant un chemin balisé et sans surprise. Filmé sobrement et dans des couleurs sombres, on le regarde avec un ennui distingué. Est-ce que le fait qu'il soit bientôt distribué en France ( contrairement à la plupart de ceux en compétition) par le groupe M6 a joué en sa faveur ? 

Sinon, le jury mené par Vanessa Paradis a primé d'autres film et sans conteste, ceux qui le méritaient quand même un peu dans cette sélection pas bien affriolante. Kelly Reichardt avec "First Cow", ne pouvait repartir bredouille tant son cinéma, certes minimaliste, touche de façon essentielle en abordant les grands sujets par la petite histoire ( ici le mythe américain revisité avec un suspens pâtissier à base de beignets). Sabrina Doyle avec "Lorelei" prouve que l'on peut filmer l'Amérique profonde tout en y injectant une vraie histoire et filmer le tout avec un regard un poil plus original que ses nombreux confrères en compétition cette semaine sur un thème sensiblement identique. 

Heureusement qu'un autre jury ( celui de la révélation, présidé par Rebecca Zlotowski) a eu la pertinence de primer pour sa mise en scène, l'impeccable " The Assistant"  premier film de la très prometteuse Kitty Green, sans doute le long-métrage le plus maîtrisé et le plus prenant de la semaine.  

Un mot sur le prix du public pour le gentil  "Uncle Franck"  jolie bluette sur le coming out un peu forcé d'un universitaire auprès de sa famille ( vivant comme de bien entendu au fin fond d'un état bien craignos). Assez banal mais agréable à regarder, il a fait l'unanimité et c'est plutôt sympa à savoir même si l'on n'atteint pas des sommets de cinéphilie. 




jeudi 10 septembre 2020

Festival 2020 du film américain de Deauville ( 3)

 

Les jours se suivent au festival du film américain de Deauville et ...se ressemblent. Nos bienveillants membres du jury ont beau répandre la bonne parole lors d’interviews dans la presse locale ou sur les télés régionales  ( une autre vision de l’Amérique...bla-bla-bla...un cinéma hors des sentiers battus...bla-bla-bla... quelle fraîcheur que le cinéma indépendant US...bla-bla-bla...on dirait des politiques récitant leurs éléments de langage), les festivaliers ressentent bien le formatage et le manque d’originalité de cette sélection, sans doute assez représentative de l’état de la création états-unienne. 

En gros, un film indépendant relate une histoire avec forcément un adolescent, souvent au fin fond d’un état bien bouseux, en situation précaire ( parents souvent endettés, alcoolos voire pire, ...morts aussi ou partis on ne sait où) et le tout filmé en hiver. Bien sûr, on peut trouver, dans les marges quelques variantes. Dans «Lorelei », premier film de Sabrina Doyle, les ados sont en seconds rôles mais la mère se débat pour trouver du boulot comme son ex amant de retour de prison. Et même si celui-ci semble plus intéressant que beaucoup vus ici, il n’échappe pas â un certain conformisme. 

« The Violent Hart » de Kerem Sanga , filme une belle blonde  étudiante ( la variante est qu’elle est issue d’un milieu relativement aisé) qui tombe amoureuse d’un mécanicien noir. Ah... se dit-on ...finira-t-on par coller à une certaine actualité récente ? Que nenni, le film préfère prendre la voie du thriller avec  une dernière partie aux multiples rebondissements qui donnent à l’ensemble la forme d’un gros mélo too much.

Toujours une adolescente dans le premier film de Jessie Bart « Sophie Jones », la variante ici vient que c’est filmé en été et qu’elle essaie de faire le deuil de sa mère. Là aussi, rien d’original ni dans le traitement ni dans le fond. On roule en voiture, on drague, on va dans des fêtes, donc le spectateur s’ennuie un peu. 

Au passage, une petite remarque sur le puritanisme américain, toujours en vigueur, même dans le cinéma indépendant où l’on sent bien que le corps est tabou pas les armes. Les héroïnes font toutes l’amour en soutien-gorge et les gars en boxer ( so sexy!) . Ouf, nous sommes sauvés, la décence  demeure dans le pays où l’on produit le plus de films pornos. 

Les espoirs des festivaliers se sont tournés jeudi après-midi vers une production americano-canado-anglaise « The Nest » de Sean Durkin. Pas d’ados ( ou très peu), tourné en Grande Bretagne, les acteurs nus pour faire l’amour et Jude Law en vedette... Hélas, cette chronique de la chute d’un trader a sombré dans le convenu et le déjà vu ( en mieux). 

Alors que la compétition touche à sa fin, on se demande ce que Vanessa Paradis et son jury vont tirer de tout ça. Certes, demain seront projetés les deux derniers longs-métrages de la compétition, une histoire d’ado ( encore) qui entretient une relation tarifée avec un homme marié, « Shiva Baby » premier film de Emma Seligman qui semble mordant sur le papier et le très attendu et précédé de très bons échos « Kajillionnaire » de Miranda July ( sortie le 30 septembre sur les écrans) . Espérons qu’ils enflammeront les planches qui ont vraiment, cette année,  manqué de peps cinématographique.



mercredi 9 septembre 2020

Festival 2020 du film américain de Deauville (2)

 



Une fois la cohue du week end passée, le festival continue en une version plus adaptée à son public de rentiers retraités. Sur les écrans, on a l’impression que les organisateurs réservent la grosse artillerie pour le deuxième week end à venir. Du coup, pas de films labellisés Cannes et une sélection en demi-teinte qui n’a pas vraiment enthousiasmé le public.

En compétition lundi et mardi, 3 films de femmes cinéastes sur 4 montrent combien la parité est bien respectée ici à Deauville, preuve que le cinéma indépendant US semble s’ouvrir se féminiser un petit peu. Les thèmes récurrents qui font dire à tout le monde que ce festival donne une autre vision des États Unis sont bien présents, avec des thèmes tournant autour de la misère sociale au fin fond de quelques états peu mis en avant par les gros studios ( mais peut on parler de mise en avant par le cinéma indépendant quand on voit un peuple vivant au pied d’usines polluantes dans des maisons miteuses et sombrant dans la drogue ou l’alcool ? ).

«  Holler » , premier film de Nicole Riegel n’échappe pas à cette catégorie où deux jeunes précaires du sud de l’Ohio travaillent chez un ferrailleur pas très net pour pouvoir envoyer l’un des deux à l’université. Le propos est louable, la réalisation rappelle les frères Dardenne ou Ken Loach mais l’ensemble  pâtit d’un scénario pas bien original qui donne une impression de déjà vu ...en mieux. 

D’autres ados, du sud des États Unis nous attendaient dans « Giants Boeing Lonely » de Grear Patterson ( également premier film). Lycéens un peu désœuvrés, riches ou pauvres, ils vivent des situations plus ou moins compliquées au sein de leur famille. Ils flirtent, jouent au base ball et préparent le bal de fin d’année. Rien de bien nouveau ici aussi quant au thème qu’une réalisation naviguant entre des scènes façon arty et des plans imitation Instagram essaie de transcender sans y parvenir réellement. 

Pour nous changer un peu les idées nous avons eu une comédie d´Eleanor Coppola ( la femme de Francis Ford! ) «  Love is Love is Love » mettant en scène des gens de sa génération ( et de sa condition), c’est à dire des seniors pétés de thunes. Ce film à sketches ( Bon ok, il y avait aussi des histoires avec des gens un peu plus jeunes) a fait frémir d’aise les brushing impeccables d’une partie du public qui s’est bien retrouvée dans cet humour d’un autre âge, ultra convenu et sans l’ombre d’un second degré. 

Pour pimenter ces deux jours, nous avons quand même pu admirer la nouvelle œuvre de la quasi cultissime Kelly Reichardt «  First Cow ». Pas d’ados, ni de seniors au fin fond de l’Oregon ( le ciné indépendant adoré les fins fonds des états), juste deux hommes qui veulent s’en sortir. Nous sommes en 1820 et beaucoup d’espoirs peuvent naître à cette époque. Le film raconte comment en volant le lait d’une vache pour fabriquer des gâteaux, on peut monter un petit commerce florissant. Lent et contemplatif, le film revisite la plupart des mythes de la société américaine en lorgnant bien sûr sur aujourd’hui. Exigeant, peut être un peu trop minimaliste et abusant de plans «  au travers de...portes, fenêtres, branchages,...) , le film finit par emporter le morceau mais n’a pas électrisé le public si j’en juge par les trois personnes à côté de moi qui ont préféré la sieste de bon matin ( c’était la séance de 10h30!). 

Sinon Deauville, c’est aussi d’autres films de l’industrie du cinéma américain, plus studio. Ont été projetés, notamment,  le premier long-métrage de l’acteur John Leguizamo «  Critical Thinking » ( des ados perdus ( encore!), un prof formidable qui les sort de leur condition en les faisant jouer aux échecs. Classique, plein de bons sentiments le film se démarque par des parties d’échec filmées de façon rapide et rythmée) ou «  Bad Education » de Cory Finley avec Hugh Jackman ( classique film sur une histoire de fonds détournés dans une école publique américaine, scandale révélé par le journal des lycéens ( un peu moins désœuvrés ceux-ci)  ou encore un thriller avec des ados  ( aller, en chœur : désœuvrés et au fin fond du ... Kentucky) «  Don’t Tell a Soul » de Alex Mac Aulay, dont les rebondissements en chaîne finissent par rendre l’ensemble assez improbable. 

Le festival continue ... la compétition aussi... Je file ...Ce matin encore un ado et son copain taciturne... Décidemment... le cinéma US s’inquiète pour sa jeunesse... Rien que lui ? Espérons que non !