3 raisons qui expliquent la petite déception éprouvée après la lecture de cette biographie dessinée de René Goscinny.
1) La difficulté à rendre passionnant le parcours ( ici incomplet) de René Goscinny flagrante tout au long des pages.
René Goscinny, sur le papier ...heu ...l'expression est datée...sur Wikipédia apparaît relativement romanesque : Naissance à Paris, enfance à Buenos Aires, passages nombreux par New-York, rencontres avec les grandes figures du début de la BD ( de Morris jusqu'aux créateurs de la revue MAD), petits boulots rigolos ou inattendus ( il a écrit le courrier du coeur du magazine féminin "Bonnes soirées" très populaire dans les années 50), ascension lente mais inexorable vu son talent, vers les sommets du 9ème art, ... autant d'éléments qui pouvaient rendre le récit captivant, étonnant. Mais le dispositif mis en place, sensiblement le même que pour "Ainsi soit Benoîte Groult", jouant des rencontres de la dessinatrice avec la fille de René Goscinny comme elle décrivait celles qu'elle avait eu avec Benoîte, peine ici à donner de l'éclat, de la légèreté à ce qui devient très vite une succession de faits et de documents un peu pesante ou tout du moins guère originale. Certes nous avons un éclairage précis sur ce que fut la vie du célèbre scénariste avant le succès public voire un portrait des pionniers de la BD, mais sans retrouver l'humour, le regard (im)pertinent qui faisaient le sel de ses précédents ouvrages. On perçoit que la présence d'Anne Goscinny et la transcription des interviews de son père pèsent sur une narration proche de l'hagiographie. De plus, raconter un des maîtres de l'humour de la deuxième moitié du 20 ème siècle sans en faire, sans malice, sans drôlerie déçoit. Bien sûr Catel a un trait toujours ( voire de plus en plus ) plaisant et désormais un mode narratif mêlant présent amical et passé toujours intéressant, mais, cette fois-ci, la machine se grippe un peu, d'autant plus que cette biographie s'arrête étrangement lorsque Goscinny crée Astérix ( et le journal Pilote). Nous ne saurons rien de la suite ( à part son mariage et la naissance de sa fille), rien de l'homme à succès et du directeur de publication.
2) L'amitié de l'auteure avec la fille du célèbre scénariste dessert le récit.
C'est une évidence la rencontre d'Anne Goscinny et de Catel fut un coup de foudre amical ( largement raconté dans le roman). Parfait et tant mieux pour elles et sans doute la raison pour laquelle la dessinatrice a relevé le défi de faire de René Goscinny le héros d'une BD alors qu'elle se dit uniquement intéressé par des portraits de femmes. Elle nous raconte donc l'homme, le père, le scénariste souvent par les yeux de sa fille, histoire de ne pas trop déroger à sa règle de portraits féminins. On ressent fortement que tout cela, sans doute par amitié, vire au tableau enthousiaste qui, au fil des pages, devient trop lisse. Et ce ne sont pas, vers la fin, les planches d'une platitude absolue ( et où le lecteur se sent totalement écarté) des retrouvailles des maris, enfants et chiens des deux auteures qui arrangent l'ensemble, confirmant hélas l'amicale bienveillance qui enserre un peu trop visiblement cette biographie.
3) Et si Catel n'était vraiment faite que pour mettre en avant les femmes ?
On peut le penser. Ce portrait laudateur de René Goscinny, aussi bien documenté soit-il, manque curieusement de nerf et de la vigueur un poil militante qui illuminait les autres biographies publiées précédemment par Catel. L'homme nous apparaît bien linéaire, un peu fade au final, malgré son parcours du Petit Nicolas à Astérix, de la création d'un magazine TV aux Etats-Unis à celle de Pilote ( Mâtin, quel journal !) . Quant à sa fille Anne, héroïne de planches vraiment réussies en introduction et en conclusion, jamais elle n'accède au statut d'héroïne, juste celui de l'adoratrice et de la gardienne du temple de l'image paternelle. C'est maigre pour en faire une femme réellement battante et trop peu pour que l'on retrouve la verve féministe de Catel. Dommage...