mercredi 29 janvier 2014

Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée


Rien de nouveau dans le cinéma américain ! Chaque année, à la même période, Oscars obligent, déboulent sur les écrans les "grands" films bien pensants ("12 years a slave" la semaine dernière) ou LE film à transformation ("Dallas Buyers Club" cette semaine). Généralement le film où l'acteur se métamorphose le plus est une rampe de lancement pour l'Oscar d'interprétation. Cette année c'est Matthew Mc Conaughey qui a fait  le gros effort de maigrir de 20 kg pour interpréter le rôle d'un électricien texan atteint du SIDA. Cela commence à payer puisqu'il vient d'obtenir un award ou un globe de je ne sais quoi lors de l'une de ces nombreuses remises de prix qui se succèdent jusqu'au jour tant attendu des Oscars. Je rassure ses fans, le tournage n'a duré que 25 jours et depuis il semble avoir retrouvé sa plastique de beau gosse...
Si la cure d'amaigrissement s'avère payante pour l'acteur, qui, reconnaissons-le, est parfait dans le rôle de ce macho antipathique qui va lutter, seul contre les labos pharmaceutiques et la FDA, l'agence américaine des produits médicamenteux, le film, lui, bien que de facture honnête, ne lutte pas pour l'originalité. Il ressemble à beaucoup de productions distillées depuis que le cinéma existe, mettant en scène un valeureux américain bravant un lobby quelconque, "Erin Brokovitch" en tête. Réalisé caméra à l'épaule pour le côté pseudo reportage, "Dallas Buyers Club" ne manque ni d'énergie ni d'éléments scandaleux prêts à faire adhérer le spectateur à sa cause. Hormis l'interprétation du (ici) squelettique Matthew (mais Jared Leto est  impressionnant lui aussi en  personnage transgenre, il peut également prétendre à un prix d'interprétation dans la catégorie second rôle), on ne peut pas dire que le genre soit renouvelé. Jean-Marc Vallée, pour son premier film sur le territoire américain, fait du bon boulot mais n'insuffle pas la petite touche, le petit plus qui rendrait cette histoire plus attachante. J'ai eu l'impression qu'il était tellement bluffé par l'interprétation de l'excellent Matthew qu'il en a oublié de donner une vérité plus profonde et moins prévisible de cet homophobe +++ qui va progressivement aller vers une tolérance +++. Il a beau multiplier les plans de piqures, de baises sordides dans des décors assez crades de bouges texans, le film ne sort jamais des rails du genre, avançant dignement mais sans surprise, vers une fin attendue.
C'est bien fait, bien joué mais sans énorme saveur, hélas.


lundi 27 janvier 2014

Bambi Galaxy de Florent Marchet


C'est assurément le premier disque français important de cette année. Florent Marchet, chanteur pop branché, chouchou de la critique, encore un peu méconnu du public, propose un album franchement original, tant dans la forme que dans le fond et, je le répéterai sans doute encore, totalement emballant !
"Bambi Galaxy" est un disque concept (article dans l'air du temps puisque Vincent Delerm avec ses "amants parallèles" voici quelques mois proposait le sien autour de l'histoire d'amour d'un couple). Comme d'habitude, l'album ne contient aucune chanson sirupeuse ou romantique, pas de love story, si amour il y a, ça pourrait rimer avec... rien du tout, car ici c'est associé aux cloportes  ( dans "Reste avec moi") ou voisine avec vortex (dans "Que font les anges"). Ca donne déjà une petite idée de la tonalité générale de l'oeuvre qui aura du mal à se glisser dans l'univers ringard des variétés de TF1. Le concept est plutôt étonnant dans le monde très formaté de la chanson française puisque les douze chansons racontent la prise de conscience d'un homme qui habite sur une planète Terre qui se déglingue. Il va errer, éperdu, à la recherche d'une échappatoire, croisera les substances illicites ( Que font les anges), s'essaiera à la liberté sexuelle ( Héliopolis), testera une secte (Space opéra) pour finir par s'embarquer dans une navette spatiale (Apollo 21) en partance pour l'infini... Et ce n'est pas parce que cela raconte une histoire que cela ressemble à une comédie musicale, le projet, je pense, est d'une autre ampleur : créer une ambiance science fiction, musiques et paroles intimement liées et inspirées d'éléments aussi divers que les écrits de scientifiques reconnus et de musiciens contemporains. Dans la dépêche AFP largement diffusée par la presse en ligne, on nous parle de Stephen Hawking ou de Brian Greene pour la science et de la musique atonale ou minimaliste de Ligeti et de Terry Riley. C'est plus rassurant (?) que d'évoquer Michel Houellebecq ( et la très belle chanson qui clôt l'album "Ma particule élémentaire") et plus chic que Jean Michel Jarre auquel on pourrait aussi penser, ayant lui aussi exploré les immensités sidérales avec sa soupe planante. 
Rassurez-vous, malgré toutes ses influences très intimidantes les compositions restent toutes très pops, finement travaillées, et magnifiquement enveloppantes voire même dansantes (bon d'accord une ou deux, pas plus). C'est à la fois un catalogue jubilatoire de tous les sons que l'on associe à l'espace, aux fusées, au futur, mixés avec d'autres univers, selon le thème, musique indienne, choeurs ( Houuu, houuu, houuu) et tonalités actuelles. Pour moi c'est totalement réussi. 
Qui dit histoire, dit textes et ils sont au diapason de la musique, inspirés, bien écrits et surtout pas consensuels pour deux sous (mais ça c'est une habitude chez Florent Marchet qui est le contraire du chanteur charmant, aimant caresser à rebrousse poil). Je pense même que certaines paroles risquent de faire grincer quelques dents. Déjà, les premières interviews dans la presse magazine essaient de désamorcer quelques évocations pour le moins étranges. Ainsi, le tube en puissance "Héliopolis", morceau dansant qui évoque parfois Indochine ( oui, j'ose!) , ne le sera jamais car il ne pourra pas passer sur la bande FM. C'est une ode au naturisme et à la liberté sexuelle ( " Oh vivre nu, j'ai peur qu'on m'embrasse, oh dévêtu, l'amour me dépasse" dit le refrain entêtant) qui, sortie de son contexte, est bien trop clairement évocatrice pour notre époque de plus en plus frileuse. Et que dire de "Space Opéra" autre chanson qui pourrait prétendre au succès mais qui, écoutée isolée,  risque d'ébouriffer l'auditeur lambda quand son oreille entendra le refrain qui claironne "Raël, mon amour, prends moi dans tes bras, la vie, ici, n'est pas pour moi, Raël mon amour, mon Space Opéra, Raël, mon au-delà, tu me reconnaîtras". Vous me direz, il aurait remplacé Raël par Jésus et le tour était joué, quitte à prendre un illuminé autant choisir celui qui a réussi ! Mais il a choisi Raël et peut donc s'attendre à se faire embêter (Michel Houellebecq, qui adore ce morceau,  l'a pourtant prévenu) et se faire traiter d'ami des sectes (surtout qu'en plus dans la poignante "Apollo 21" il évoque le chef d'orchestre Michel Tabachnik, .... )
Je parle de ce qui peut faire polémique (à la limite cela pourrait être un bien, histoire de mettre ce disque en avant, car il le mérite) mais ce ne sont qu'une chanson et demie sur douze. Je pourrai vous parlez longuement des autres, toutes plus inspirée les unes que les autres mais je préfère conclure pour aller passer la fin de ma soirée à me plonger avec délice, car chaque réécoute est un bonheur plus grand. Quand mélodies imparables et orchestrées avec maestria voisinent avec inspiration et propos intelligents, je ne peux que m'incliner. Résolument pop mais pas forcément populaire, "Bambi Galaxy" est mon premier coup de coeur musical de l'année... A découvrir pour un voyage sidéral et sidérant dans l'univers de celui qui, de disque en disque, devient un acteur majeur de la chanson française.  




dimanche 26 janvier 2014

L'année des volcans de François-Guillaume Lorrain


Voici un roman pour passer un très agréable moment! Pas un livre où l'on louera le style particulièrement original, ni où l'on vantera sa construction alambiquée mais tellement signifiante. Non, ici c'est le sujet qui fait le roman et quel sujet ! La rencontre et la passion de la star la mieux payée de l'époque, Ingrid Bergman et du réalisateur italien, inventeur du néo réalisme, Roberto Rossellini. Ou comment une méga star adulée et célébrissime va tout envoyer voler, argent, strass, luxe, mari, enfant pour suivre un réalisateur italien sur une île volcanique quasi désertique pour y tourner un film improbable à cent mille lieues des canons hollywoodiens.
Grâce à un formidable travail de recherche, François-Guillaume Lorrain restitue de façon légèrement  romancée cet épisode haut en couleurs qui a défrayé la chronique à la fin des années 40. On suit pas à pas cette aventure totalement hors norme et assez incroyable. Sans chercher à psychologiser l'affaire, les faits s'enchaînent les uns aux autres, révélant un terreau romanesque étourdissant. De l'amour, de la passion, de la ruse, du bluff, un décor dantesque (au pied du Stromboli en éruption) et surtout des personnages hauts en couleur. Ingrid Bergman, grande suédoise au visage de madone dont le coup de folie de vouloir à tout prix tourner avec la nouvelle star du cinéma italien, va la voir mise à l'index par toutes les ligues de vertus du monde. Roberto Rossellini, grand cinéaste dilettante, génie de l'esbroufe, illuminé total, séducteur et trousseur de jupons  invétéré, colérique autant que charmeur traversera cette aventure caméra à l'épaule, s'amusant presque de la fureur qu'il occasionnera. Anna Magnani, maîtresse répudiée par Rossellini  pour la star américano/suédoise, se vengera en tournant une autre version du film, au même moment et sur une île voisine. Et puis des seconds rôles comme Haroun Tazieff en conseiller technique inopiné et Howard Hugues qui achète un studio de cinéma pour séduire Ingrid Bergman ou toutes les places de tous les vols pour New York dans le seul but de conduire l'actrice lui même dans son avion personnel.
"L'année des volcans" est tout à la fois le récit d'une passion ahurissante mais aussi le portrait du star système et du cinéma d'après guerre. Même si on connait un peu l'histoire et même si on n'est pas cinéphile, le roman se dévore littéralement tant cette histoire est hallucinante d'originalité et de folie. C'est à la fois une merveilleuse machine à remonter le temps, un hommage vibrant à trois monstres sacrés mais aussi un imparable roman que vous ne pourrez pas lâcher avant de l'avoir fini.

Quelques photos du couple mythique.

Quelques images du film"Stromboli" de Roberto Rossellini avec Ingrid Bergman.

Quelques images du film"Vulcano" de William Dieterle avec Anna Magnani.


Livre lu dans le cadre de masse critique du site BABELIO



samedi 25 janvier 2014

Ours blanc a perdu sa culotte de Tupera Tupera


Quand vous lisez une histoire aux petits, il y a des mots qui les font systématiquement sourire. Vous les connaissez sans doute, ils sont nombreux et désignent souvent des choses se situant au-dessous de la ceinture .... Culotte est un de ces mots qui génère l'hilarité.
En publiant "Le premier livre à culotte du monde !", les éditions Albin Michel jeunesse réussissent à attirer l'attention. Une ingénieuse culotte en carton rouge habille cet album. Parce que l'on ne peut résister,on déshabille le livre pour voir s'il tient ses promesses. Aura-t-on du plaisir à sa lecture ? La réponse est oui, débarrassé de son sous-vêtement, la découverte est malicieuse, drôle et graphiquement réussie.
Ours blanc est triste, il a perdu sa culotte. Heureusement sa copine la petite souris va l'accompagner pour la retrouver. Comme dans un magasin de lingerie, les modèles sont nombreux et variés, de toutes les tailles et de toutes les formes. Faut dire que les animaux rencontrés, en plus d'être joliment coquets sont tous très différents. De la culotte du calamar à dix trous à celle du zèbre dont je tairais le motif, c'est un véritable défilé d'originalité. Les illustrations à base de découpages/collages très colorés sont à la fois simples et efficaces. Le texte, classique, sous forme de questions/réponses virevolte de page en page jusqu'à une chute toute mignonne qui plaira à tous les jeunes lecteurs à partir de 2 ans.
N'ayez aucune crainte, même s'il faut retirer la culotte de l'album pour pouvoir le lire, ce geste par contre, ne sera nullement incitateur pour que vous fassiez de même. Cependant devant un étalage aussi ébouriffant de sous-vêtements, il ne serait pas étonnant que votre enfant vous demande de montrer celui que vous portez ce jour là ! Alors soyez prêt, ne le décevez pas, enfilez quelque chose de correct mais de rigolo... Au pays de la lingerie fine , vous pouvez pas être médiocre devant votre enfant !

vendredi 24 janvier 2014

Le vent se lève d'Hayao Miyazaki


Je suis un peu circonspect par rapport à ce dernier film du maître Hayao Miyazaki. Renonçant à ce qui a fait son succès, c'est à dire ses histoires féériques et fantastiques, il nous propose une oeuvre beaucoup plus classique, quasiment un biopic en dessin animé. En narrant le parcours de Jori Horikoshi, créateur d'un redoutable avion pour l'armée japonaise lors de la deuxième guerre mondiale, il remise ses monstres délicats, ses univers oniriques pour se confronter à la réalité de la création et à la romance. On peut, si l'on a envie, faire des parallèles avec la vie du réalisateur, y voir une oeuvre aux accents testamentaires qui met en avant le goût profond du cinéaste pour les avions des années 30. C'est une manière de rendre ce film plus intéressant et plus profond. Cependant, je l'avoue, les deux heures six minutes de projection m'ont paru un peu longuettes.
Bien sûr, visuellement c'est très beau. On retrouve la magnificence des décors, la  luxuriance d'une nature rendue encore plus belle par un choix de couleurs digne de grands peintres (classiques), la  beauté des ciels aux nuages moutonnants. Cependant, comme je me suis un peu ennuyé, j'ai eu le temps de noter, parfois, une animation des personnages un peu mécaniques ou des plans leur donnant des proportions étranges voire impossibles (la scène de l'avion en papier avec la fragile Naoko, se penchant au balcon). Ce ne sont que vétilles bien entendu, mais ceci me serait passé inaperçu si le scénario avait eu un peu plus de profondeur. L'esprit totalement accaparé par sa  passion de l'aviation, le héros semble avancer dans la vie sans regarder autour de lui. Son cheminement technique, même entrecoupé de très jolis rêves aériens, peine un peu à nous subjuguer. Sa myopie l'isole sans doute encore plus du monde environnant, l'empêchant également de réfléchir quant à l'utilisation de ses créations, mécaniques de guerre pour une armée fasciste. On peut y voir également un hommage au travail de groupe et à la créativité mais dans ce contexte, il a beau multiplier les plans plus formidables les uns que les autres sur ces magnifiques avions, la pilule n'est pas passée complètement.
L'autre gros morceau du film est l'histoire d'amour entre le héros et la sensible Naoko, empreinte d'une jolie poésie autour du vent qui nous offre de splendides scènes avec brise, orage, parapluies et ombrelles. Cependant, on flirte dangereusement avec la romance mièvre et gnangnan (l'une des faiblesses de certains Miyazaki), portant le film vers le mélo larmoyant et occultant, encore une fois, la réalité japonaise de l'époque pour n'en garder qu'une vague toile de fond totalement édulcorée.
On pourra me rétorquer que le propos du film n'était pas de faire une fresque historique à partir de ce concepteur finalement très doué, mais sans doute un autoportrait du réalisateur, créateur passionné qui a consacré sa vie à ses studios et qu'en cela c'est parfaitement réussi. Sans doute, mais une autre toile de fond moins ambiguë aurait vraisemblablement habillé mieux ce projet.
"Le vent se lève" reste tout de même un spectacle magnifique mais à la facture classique. On y retrouve toujours cette poésie et cet amour de la nature mais cette fois-ci au service d'une histoire réaliste qui a peur d'être trop profonde, comme si on ne pouvait pas traiter en dessin animé un récit adulte. Je suis resté sur ma faim, mais j'ai quand même senti le vent s'engouffrer dans la salle. Toutefois, cet ultime long métrage n'est pas le chef d'oeuvre annoncé et est bien en deçà de ses précédentes productions.


mercredi 22 janvier 2014

Lulu femme nue de Solveig Anspach


Lulu, femme foyer et mère qui s'est longtemps oubliée en tant que personne, s'offre un moment de liberté dans une station balnéaire suite à un entretien d'embauche n'ayant débouché sur rien. En gommant très vite les éléments essentiels de sa vie de femme simple, elle devient une page blanche, nue,  sur laquelle vont s'écrire des mots nouveaux. Hors saison, la station de vacances est aussi triste que Lulu, femme vêtue d'un manteau couleur passe-muraille. Durant sa déambulation elle va croiser des hommes et des femmes qu'en temps normal elle n'aurait pas regardé. Ces laisser pour compte de la société (Charles, ex taulard pépère ou Marthe, vieille dame solitaire et indigne) vont lui apporter tout d'abord la chaleur dont elle avait besoin, mais aussi les éléments nécessaires pour redonner une autre direction à sa vie.
On ne peut pas ne pas aimer ce film, il regorge d'humanité et de tendresse. Bien sûr, il n'est pas très original dans son histoire (proche de " Elle s'en va " d'Emmanuelle Bercot mais la présence de Deneuve donnait au film une autre direction) mais son traitement très naturaliste le rend plus vrai. On sent bien que la réalisatrice , qui vient aussi du documentaire, sait filmer un lieu et faire ressentir au spectateur l'emprise du décor sur les êtres. Nous avons beau être au bord de la mer, étendue invitant à tous les possibles, l'urbanisme moderne construit face à lui, enferme les êtres dans des murs blancs/gris sans vie. Mais Solveig Anspach sait aussi filmer les acteurs. En retrouvant Karin Viard (après "Haut les coeurs"), elle lui offre un rôle tout en retenue et en simplicité mais aussi l'occasion de nous prouver,une fois de plus, quelle formidable actrice elle est. L'affiche ne ment pas, elle est exceptionnelle ! Elle est Lulu jusqu'au bout des ongles, de la réservée du début à celle qui a un nouvel éclat dans le regard à la fin... Du grand art ! Bouli Lanners est sympathique comme tout et Claude Gensac absolument formidable aussi (et faisant le lien avec "Elles'en va" dans lequel elle jouait aussi).
Bien sûr, on peut ressentir un peu de lenteur au démarrage, une esthétique de téléfilm ou trouver dommage d'avoir enlevé tout l'aspect convivial de la narration autour d'une réunion entre amis qui donnait ce ton si particulier à la BD de Davodeau qui a inspiré le scénario, mais ce ne sont que broutilles. Il se dégage de ce long métrage une telle foi en la vie que l'on en sort tout ragaillardi. Très loin des blockbusters, "Lulu femme nue" est assurément un film d'auteur à petit budget, mais qui est fait pour accrocher ce qu'il y a de meilleur dans le spectateur : le coeur, sans démagogie, sans grosses ficelles, sans ostracisme culturel, juste la conjugaison de talents au service d'une jolie histoire.



dimanche 19 janvier 2014

L'enfer en bouteille de Suehiro Maruo


Dans la collection "Sakka auteurs", paraît ces jours-ci un recueil de nouvelles de Suehiro Maruo qui est, si j'en crois la présentation de l'éditeur "le maître de l'éro-guro",  en français l'érotisme grotesque...
Cette classification vraiment nippone m'a laissé perplexe. Si le terme érotisme ne m'est pas inconnu, associé à grotesque, il m'engageait à penser à des histoires mêlant hardiment farce et sexe... Après la lecture de "L'enfer en bouteille", je pense qu'il ne fallait pas prendre "grotesque" dans le vrai sens du terme mais plus dans celui d'incroyable...
Sous une très belle couverture édénique et après une préface de Moebius, le lecteur sait qu'il va avoir affaire à une pointure du manga, pas un de ces auteurs produisant à la chaîne des oeuvrettes avec des nymphettes sans culotte et des damoiseaux excités. Effectivement, les quatre nouvelles (dont trois sont issues de textes du patrimoine japonais) développent toutes un thème sensible (l'inceste, la tentation (sexuelle) chez un moine, l'argent et la mort, la prostitution et le handicap). Il y a un zeste de sexe hard, un peu de gore mais surtout une manière très personnelle de les mêler à un récit proche du conte ou de la fable. Le point fort de ce recueil est sans aucun doute l'illustration, absolument magnifique, avec un trait d'une finesse toute sensuelle et très précis. On sent que le mangaka est inspiré par de nombreux peintres aussi japonais (l'Hokusaï du rêve de la femme du pêcheur) ou des artistes européens (Gauguin dans la première nouvelle, mais aussi Dali et pas mal de peintres surréalistes). Et si souvent les cases font irrémédiablement penser aux estampes japonaises, le mélange de toutes ces influences créent un ensemble très original surtout pour un manga.
Jouant volontiers avec la transgression, mais avec un esprit japonais toujours étonnant pour nous lecteurs européens, "L'enfer en bouteille" a été  pour moi l'occasion de découvrir un illustrateur hors pair (bien plus inspiré qu'un Taniguchi par exemple) et de pénétrer un moment dans un univers étrange, un peu dérangeant et tellement nippon !



L'enfer en bouteille de Suehiro Maruo (morceau un peu coupé pour ne pas choquer)

Le rêve de la femme du pêcheur d'Hokusaï


samedi 18 janvier 2014

L'euphorie des places de marché de Christophe Carlier


Après " L'assassin à la pomme verte ", délicieux premier roman, Christophe Carlier publie ce mois-ci son deuxième livre avec un titre à priori moins alléchant. "L'euphorie des places de marché" évoque  plus un précis économique qu'un écrit plein d'humour.
Si un entreprise sert de toile de fond à ce roman, l'économie n'y est que le  passe temps pour le moins étrange de l'un de ses personnages principaux, Norbert, cadre aux dents longues qui essaient de rayer le parquet mais qui n'arrivent qu'à ronger les ongles d'une main qu'il voudrait de fer. Sa vie de chef n'est pas aisée, surtout qu'il est obligé de se coltiner une vieille grosse secrétaire acariâtre, fainéante, au verbe haut et sans réplique, pourtant gentiment prénommée Agathe. Sa mauvaise foi, sa grande capacité à éviter tout travail, ses répliques qui n'en admettent aucune en font la collaboratrice à virer de toute urgence. Seulement devant une teigne pareille, il faut jouer fin et il met en place un plan qu'il pense machiavélique... Amoureux transi de la jeune stagiaire coincée Ludivine et perturbé par l'annonce de la naissance prochaine de jumeaux dans son foyer, la tache s'avérera plus complexe qu'il ne l'avait imaginé...
Christophe Carlier abandonne le polar romantique (oui, ça existe, lisez "l'assassin  à la pomme verte") pour la comédie mordante. Par contre il n'a pas renoncé à son regard ironique sur le monde d'aujourd'hui, ses petits travers, ses nouvelles addictions. Il émaille son récit de petits détails piquants qui donnent à cette histoire, un peu conventionnelle, un regard décalé très agréable. Moins profond sans doute que son premier roman, celui-ci se place dans une veine gentiment humoristique dans lequel on peut bien entendu trouver une jolie critique du business froid et inhumain qui règne dans les entreprises. J'ai bien voulu y voir, en filigrane, un petit plaidoyer pour la résistance au travail, aux leçons prémâchées des écoles de commerce et contre le  jeunisme dans la société actuelle .
Agréable à lire, toujours bien écrit, Christophe Carlier confirme ici son talent de romancier. Il a un regard intéressant sur nos vies quotidiennes qu'il transporte dans une histoire rigolote mais pas très originale. Après son formidable premier roman, on pouvait en attendre plus mais, tel qu'il est, et malgré son titre un peu rebutant, "L'euphorie des places de marché" m'a fait passer un agréable moment, sourire aux lèvres. Qui dit mieux en ce moment de sinistrose générale ?

vendredi 17 janvier 2014

L'amour est un crime parfait de Jean-Marie et Arnaud Larrieu




Marc est un sex toy sur patte. Professeur de littérature dans une université à l'architecture aussi belle et grandiose que le paysage de montagne qui l'entoure, chaque étudiante se pâme littéralement de plaisir devant lui et l'aguiche jusqu'à obtention d'une saillie. Marc , c'est Mathieu Amalric, aux airs de jeune communiant naîf, la voix grave et sentencieuse, le sex appeal bien camouflé (mais je ne suis pas femelle pour juger ), obligé de proférer avec sérieux tout un tas de phrases alambiquées (ce doit être ce verbiage qui fait frissonner les ovaires des jeunes filles). D'ailleurs, Emma ? , Eva ? Barbara ? est heureuse et toute émoustillée, elle va pouvoir jouir du corps de Marc dans son chalet. Le grand soir est arrivé pour elle, la nuit sera chaude, d'ailleurs, elle se tortille déjà toute nue sur le lit de Marc qui n'en croit pas ses yeux mais retire tout de même son boxer..
Quelques jours plus tard, on apprend que Barbara a disparu. Sa jeune belle-mère ( à l'écran Maïwenn) qui se fait un sang d'encre, recherche des témoignages pour la retrouver. Elle rencontre Marc dont le parfum d'étalon lui fait instantanément jouer du cheveu, gonfler les lèvres et onduler de la croupe. L'étreinte torride est annoncée mais la soeur de Marc (Karin Viard) avec laquelle il partage le chalet ne voit pas cela d'un bon oeil. Ce n'est pas pour des prunes qu'elle cultive son allure de vamp. Pas question que sa relation incestueuse soit ternie par cette grande bringue à la tignasse savamment décoiffée ! Jouant la jalousie, elle va draguer le chef de Marc qui trouve l'aubaine trop belle pour résister. Alors qu'entre la grande tige (plus intéressée par les étreintes que par la disparition de sa belle fille) et le mâle irrésistible, on a retiré le dernier vêtement, Annie, autre étudiante dévergondée, se vautre sensuellement sur les tables de cours ou contre tous les piliers de la fac dès qu'apparaît Marc (qui, s'il continue risque d'être à bout de ressources). Elle non plus ne peut résister à cet homme qui exhale le sexe. En plus d'être plus que disponible, elle possède un atout majeur : son père est un mafieux. Alors faut faire gaffe si on ne donne pas satisfaction à la donzelle...
Non ce n'est pas un film érotique,c'est un polar que nous proposent les frères Larrieu. On dit qu'ils ont voulu décaler le genre, le passer à la moulinette de leur génie... Pourquoi pas ? Je ne suis pas sûr que ce soit bien réussi car de l'intrigue de polar, ils ne s'en sont souvenus que dans la dernière partie du film pour balancer vite fait, bien fait, deux trois rebondissements et un semblant d'intrigue policière, regrettant visiblement le marivaudage sexuel auquel ils semblent plus s'intéresser, mais ne parvenant pas pour autant à raviver l'intérêt du spectateur. Joliment filmé dans de magnifiques décors montagneux et une université fabuleuse semblable à une grande vague ondulante de verre et de béton, le film peine énormément à nous émoustiller malgré toutes ces occasions sensuelles. J'ai eu du mal à voir ce qu'ils voulaient démontrer dans leur film ou à quel jeu ils voulaient jouer... J'ai lu ici ou là qu'ils
désiraient mettre de l'absurde, de l'incongru dans un genre très codé. Pour ma part, je n'y ai vu qu'une tentative pas du tout convaincante d'un polar lorgnant parfois chez Chabrol et cherchant vainement à être original, pour finalement sombrer dans le convenu. On a plaisir à voir quelques bons comédiens se dépatouiller de dialogues et de situations hasardeuses, le tout dans un joli écrin mais c'est bien peu.
Où est passée la finesse des frères Larrieu de "Peindre ou faire l'amour" ?



jeudi 16 janvier 2014

C'est toi ma maman d'Alison Bechdel


Alison, l'auteure, est en train d'écrire un roman graphique sur son père homosexuel non avoué et qu'elle pense mort par suicide ( voir "Fun home" son précédent album). Elle a constamment besoin de l'avis de sa mère, femme un peu rude d'aspect et portée sur la vie culturelle. De ces incessants dialogues avec celle qui refusa de l'embrasser à partir de ses sept ans, l'auteur en vient à se poser un nombre incalculable de questions sur les effets de cette relation ambigüe sur sa vie, son mal être (elle est sérieusement déprimée), son homosexualité (elle est lesbienne), sur sa vie amoureuse (assez cahotique). Aidée par deux analystes, elle va se remémorer des détails remontant à l'enfance, tout en les confrontant avec ses lectures de Donald Winnicot (pédiatre anglais mort en 1972), de Virginia Woolf, de Freud et même de Lacan. Résolument féministe, traitant de l'éducation des filles par les mères, de la misogynie ambiante, le roman avance en sept chapitres débutant par un rêve de l'auteur, servant, bien sûr, de point de départ pour des interprétations psychanalytiques.
Tous les thèmes abordés par ce roman étaient pour moi alléchants. C'est avec envie que je me suis plongé dans "C'est toi maman", surtout que le dessin aux lignes claires et aux cadrages très inspirés, est un régal pour l'oeil. Mais, bon sang, qu'est-ce que c'est rasoir ! C'est sous-titré "Un drame comique".... Honnêtement je n'ai pas souri une seule fois,... mais peut être que le comique vient de la mise en avant de cette névrosée pédante... J'avoue que cela m'a échappé car c'est surtout très très intello. L'héroïne ( l'auteure donc) est le genre de fille ultra compliquée, qui cherche du poil aux oeufs. Gavée de psychanalyse, de lectures ultra sérieuses mais toujours en référence à sa vie, elle décortique le moindre fait de façon symbolique, cherchant du signifiant, du non-dit, dans le moindre geste, la moindre parole anodine. Névrosée, constipée (heu, versée dans la rétention anale, pardon), victime de TOC, allergique sûrement, complexée voire jalouse, amoureuse de sa psy, elle ponctue son récit de citations de Winnicot, de Young et est évidemment très inspirée par Virginia Woolf, comparant ses névroses aux siennes. Ca alourdit énormément la narration, rendant, qui plus est, Alison assez antipathique. On a envie de la secouer et de lui dire de couper les ponts avec sa mère, elle ne s'en portera que mieux. Mais vu que pour elle, entrer en psychanalyse est comme entrer en religion, il est évident que la vie simple ce n'est pas pour demain, ni pour jamais sans doute. Attention, je n'ai rien contre la psychanalyse, qui aide beaucoup de monde, mais ici, Alison Bechdel ratiocine tellement que j'ai très vite fait un rejet.
Je sais que l'auteure a droit à tous les honneurs dans la presse, qu'elle est une figure essentielle de la bande dessinée d'aujourd'hui puisque ces deux romans graphiques figurent dans les listes des meilleurs ouvrages de ce début de siècle aux Etats-Unis, je reste cependant un peu interrogatif quant à sa portée. Si ces romans, grâce aux nombreuses citations littéraires, psychanalytiques, ont l'allure de l'introspection haut de gamme, ils restent plus proches du pensum égocentrique que de l'envie de vulgariser. C'est pour cela que le succès critique est là. Pas sûr que ce soit grand public...


Livre lu dans le cadre de masse critique du site BABELIO

lundi 13 janvier 2014

Pulp


Et encore un nouveau mook ! A croire que quand  la presse traditionnelle vacille dangereusement, le magazine haut de gamme vendu 16 euros (pour celui-ci) dans toutes les librairies se porte à merveille. Le créneau n'a pas l'air saturé, les éditeurs trouvant toujours une nouvelle niche inexplorée. Cette fois-ci, Pulp veut parler de sémiologie aux jeunes de 15 à 35 ans. Pas question de leur faire lire le toujours intéressant, mais un peu daté, " Mythologies" de Roland Barthes, le but est de rappeler que les images de toutes sortes qui nous entourent ne sont pas aussi anodines que leur clinquant voudrait le faire oublier.
Pour ce premier numéro, un thème est développé : féminin/masculin ou comment les codes ont fluctué au gré des époques, comment les artistes ont joué et jouent avec et comment le cerveau est modelé par les représentations incessantes d'une féminité passive et d'une masculinité dominante. Au fil d'articles assez courts, pour ne pas lasser un jeune lectorat habitué à la culture clip et au zapping, beaucoup de domaines et de sous-thèmes sont abordés de façon simple et directe. Abondamment illustré, souvent avec une iconographie vintage, ce mook est plaisant à lire et ne prend pas son lecteur pour un gourdasson inculte mais pour un être pensant prêt à réfléchir. C'est rapide, vivant, sérieux, très agréable à l'oeil. Le seul reproche que je pourrai faire à cette revue c'est un léger manque d'humour dans les textes alors que tout autour tout semble joyeux et décomplexé.
Même si personnellement je n'ai pas appris grand chose (J'ai lu Barthes et écouté les cours passionnants de Pol Corvez), une chose est certaine, je rachèterai le prochain numéro (consacré à la guerre) rien que parce que mes filles, dans le début de la  cible, ont trouvé ça formidable et moi tellement plaisant, qu'en lisant Pulp, mon image de quinqua a trouvé ainsi un semblant de jeunesse. Image quand tu nous tiens...
PS :  Quand je dis que je n'ai pas appris grand chose, c'est faux. On trouve les règles d'un jeu assez rigolo, original et même poétique à faire à partir de ses photos et du filtre Google. Je n'en dirai pas plus, vous le découvrirez par vous même en lisant Pulp!

samedi 11 janvier 2014

La tête de l'emploi de David Foenkinos


Bernard est un homme ordinaire. La cinquantaine banale à l'image de son quotidien totalement quelconque, il va coup sur coup perdre sa femme qui en a envie qu'on lui fasse l'amour, son emploi dans une banque qui réduit ses effectifs et les quelques espoirs qu'il avait encore dans une vie toute formatée. Suivra le lent retour vers un avenir meilleur...
La première pensée que j'ai eu en refermant le nouveau roman de David Foenkinos a été : "Mais qu'est-ce que je vais bien pouvoir dire ?" En effet, le livre n'est pas nul mais ce n'est pas un chef d'oeuvre non plus. Ca se lit très facilement et je pense que je l''oublierai aussi vite. L'histoire m'a diverti sans pour autant me passionner totalement, au point d'oublier d'aller me coucher. C'est écrit simple, sautillant, et possède un avantage énorme : on peut arrêter la lecture n'importe quand. Dès qu'on s'y remet, on n'a pas à rassembler ses neurones pour retrouver la trame, ça coule comme dans une série télé américaine. Je suis même sûr qu'on pourrait le commencer à la page 100, on serait tout autant accroché.... Oui, parce que l'on est quand même accroché parce que David Foenkinos a un certain savoir-faire, un talent d'observateur évident. Il sait rendre attachant le moindre personnage falot en l'agrémentant de petits détails piqués dans la vie de tous les jours, lui donnant un petit supplément d'âme touchant le lecteur qui bien entendu se reconnait un petit peu. C'est particulièrement vrai dans la première partie du livre, assez réussie je dois l'avouer dans la description et la mise en place de ce pauvre Bernard. C'est drôle, tendre, enlevé. Les deux parties suivantes ont du mal à garder le tempo et s'enlisent un peu dans le convenu, s'essayant à quelques petites situations boulevardières, un peu plus mélancolique aussi, entre comédie romantique et étude psychologique. L'intérêt du départ tombe un peu mais nous emmène toutefois vers une fin qui a su éviter le piège du rose bonbon vers lequel on sentait le roman s'acheminer.
La lecture fut simple, pas désagréable et sympathique comme l'auteur, car, et cela revient souvent dans les articles de presse, Mr Foenkinos est une personne sympathique ! (Je le confirme volontiers pour l'avoir croisé dans un jury littéraire). Il aime ses personnages comme ses lecteurs qui le lui rendent bien en faisant un triomphe à chacune de ses nouvelles parutions. C'est surement pour leur faire plaisir que son nouvel opus ne paraît pas chez Gallimard comme d'habitude mais chez "J'ai lu", dans une version grand format à prix moyen (13.50 euros contre 20 chez l'éditeur à la couverture crème). Par temps de crise , c'est gentil de ne pas oublier le  porte monnaie de plus en plus plat de son lectorat populaire ! Mais très bien pensé, car en plus de vraisemblablement se vendre comme des petits pains auprès de ses lecteurs qui pourront être dans l'actualité littéraire sans attendre la sortie en format de poche. Voici également le cadeau idéal et pas trop cher que l'on va pouvoir offrir aux Dugommier chez qui on est invité la semaine prochaine et qui seront flattés de pouvoir découvrir l'oeuvre de cet auteur dont "je disais l'autre jour à Eric qu'il fallait qu'on achète un de ces livres"...
Les Dugommier apprécieront sûrement "La tête de l'emploi" qui est un roman facile et plaisant, idéal pour patienter chez le dentiste ou en attendre que se termine le cours de judo de Jules. C'est ce que j'appelle de la lecture grand public, bien faite, pas déshonorante. Il en faut. David Foenkinos le fait très bien et c'est tant mieux. Avis aux amateurs...



jeudi 9 janvier 2014

Yves Saint Laurent de Jalil Lespert


Voici le film le plus classieux de la semaine : le biopic de Saint Laurent ! Sur le papier, il y a tous les éléments (enfin presque) pour faire, peut être pas le premier chef d'oeuvre de l'année, mais tout du moins un excellent moment de cinéma. A l'arrivée, le spectateur est quand même un peu barbouillé comme après une nuit de bringue chez Régine...
La fondation Bergé/Saint Laurent ayant ouvert grandes ses portes à cette production, au niveau visuel et crédibilité, on ne trouvera pas mieux : vraies robes, vrais appartements, vraie maison de Marrakech, même les lunettes sont celles du créateur ! Evidemment cela a un revers, flagrant à l'écran : l'ombre de Pierre Bergé, mécène puissant s'il en est, plane sur le scénario qui du coup se contente d'être uniquement illustratif. Pourtant basé sur l'histoire d'amour de Saint Laurent et de son mentor businessman, le film a seulement l'allure d'un album de jolies photos bien léchées, évitant soigneusement d'écorner un tant soit peu cette image de couple de légende qu'on nous vend depuis plus de cinquante ans maintenant :  Ils se sont aimés, puis séparés en acceptant les frasques et les maladies de l'un, les affaires menées de main de fer de l'autre, tout en restant quelque part amoureux mais surtout associés pour porter au plus haut cet art qu'est la Haute Couture... Si les premières scènes des débuts du jeune prodige venu d'Algérie peuvent faire illusion, petit à petit le film s'enfonce dans un ennui chic et distingué. Tout est survolé et brossé à coup de séquences sans saveur, se contentant d'aligner quelques images célèbres du créateur, devenu décadent et entouré d'une cour joyeusement cocaïnée. On surfe sur la légende et on évite surtout le moindre point de vue ou regard un tout petit peu critique...
Cependant, il y a de bonnes choses dans ce film : les comédiens ! Non pas Laura Smet ou Mlle de Villepin qui ne font que de vagues apparitions totalement insignifiantes mais je veux bien sûr parler de Guillaume Gallienne qui compose un Pierre Bergé très crédible, peut être parce qu'il évite l'imitation et surtout de Pierre Niney, époustouflant de mimétisme, totalement Saint Laurent jusqu'au bout des doigts. Il va être difficile à Gaspard Ulliel (qui joue le même rôle dans un autre biopic) de faire oublier  la performance de l'acteur. On a maintenant la confirmation (mas en fallait-il une? )que le jeune comédien du français est LA star de demain !
Rien que pour eux et pour quelques robes de certains défilés historiques ( le premier de chez Dior, la collection Mondrian et les "ballets russes"), on peut aller voir le film, avec le même intérêt que lorsque l'on feuillette Gala (ou le défunt Jour de France). L'esthétique de papier glacé de l'ensemble ravira partiellement vos yeux et laissera votre cerveau se reposer. Attention toutefois qu'il ne vienne à se réveiller et trouver cette production bien platounette...


lundi 6 janvier 2014

En finir avec Eddy Bellegueule d'Edouard Louis




Il se passe quelque chose de déroutant pour moi après la lecture de ce premier roman...
Je l''ai acheté le jour de sa sortie, attiré par le titre et par une quatrième de couverture qui mettait l'accent sur un thème porteur pour moi : la honte de sa famille, le récit d'une extraction sociale. On n'oubliait pas, bien sûr de mettre en avant le jeune âge de l'auteur, 21 ans, et son précédent essai sur Pierre Bourdieu. J'ai senti le disciple évidemment concerné par l'étude du déterminisme social mise en avant par le célèbre sociologue. Et quand en ouvrant le livre et j'ai vu la dédicace "Pour Didier Eribon", je me suis dit :"Voilà un jeune homme brillant, bien né, vraiment introduit dans le milieu littéraire parisien."
C'est donc avec ces données que j'ai entamé la lecture du destin de cet Eddy Bellegueule, pauvre enfant efféminé vivant dans un village picard au sein d'une famille du lumpenprolétariat. Cela démarre par un chapitre très prenant. Eddy est harcelé quotidiennement par deux élèves. Son côté décalé, trop féminin, le voue aux moqueries perpétuelles, à la discrimination et à une violence sourde qui trouve son paroxysme dans cette rencontre quasi ritualisée avec ses deux bourreaux, mélange de bêtise, de sadisme mais aussi de sado-masochisme. Puis le roman va égrener les souvenirs, sans trop se préoccuper de chronologie, au fil d'une évocation dense et sordide. Sa différence trop visible va le marginaliser d'une communauté villageoise au fonctionnement peu élaboré où toutes les pauvretés s'additionnent inexorablement. Vivant avec un père alcoolique et chômeur, une mère qui fait ce qu'elle peut dans un univers guère porteur et des frères et soeurs très portés sur la violence, le sexe et tous  prêts à reproduire par atavisme les comportements les plus primaires, Eddy n'a guère le choix que de prendre la fuite...
Après un démarrage réussi, le roman ensuite, m'a accroché mais cette accumulation de misère m'a un brin gêné, trouvant que l'auteur en faisait un peu trop dans le misérabilisme. Et puis, cette volonté de vouloir retraduire ce parler de la France très profonde manquait de naturel. J'ai pensé que l'auteur, pour moi parisien, ayant étudié dans les bonnes écoles de la capitale et fréquentant la crème de l'intelligentsia, avait quand même un peu de mal à se glisser dans la peau d'un chômeur aviné. Le roman était pas mal fichu, mais il manquait pour moi de sincérité....
Et puis, une fois refermé, je m'en suis allé voir sur le net qui était Edouard Louis.... Stupéfaction ! Dans une interview donné à la librairie Mollat de Bordeaux, il raconte que tout est vrai dans son roman, qu'Eddy Bellegueule c'est lui, et que ce sont ses vrais souvenirs... Donc ma lecture a été faussée par ma mauvaise interprétation d'informations et par mon manque de curiosité. Evidemment  sans rien connaître en amont, ce premier roman  révèle quelques défauts mais l'itinéraire d'Eddy, ce qu'il a vécu, enduré, force le respect et donne un tout autre relief au livre. Reste quand même cette posture d'écrivain assez inconfortable ressentie tout le long du récit...
Finalement, "En finir avec Eddy Bellegueule" est un récit prenant et émouvant sur un pauvre canard perdu dans un monde intolérant et fermé et dont l'envolée dans les hautes sphères de l'intelligence est l'exemple flagrant que quelques chanceux peuvent échapper au déterminisme de classe. Cependant, à cause d'une lecture biaisée, je pense que je suis passé à côté, je m'en excuse mais je suis certain d'une chose : c'est un livre hautement fréquentable et avec le recul, vraiment émouvant.


dimanche 5 janvier 2014

Editeur ! d'Emile Brami



Bien loin de son précédent roman " Le baiser blanc ", Emile Brami nous propose un portrait du monde de l'édition sous la forme d'une grosse farce assez savoureuse.
Elie Benarous, écrivain talentueux mais méconnu, vivotant grâce à une galerie spécialisée dans l'Art brut, se retrouve harcelé par un admirateur richissime et grotesque, un dénommé Bernard Cisse, créateur d"un empire alimentaire démarré à partir d'un pâté en conserve immonde. Le puissant industriel, veut diversifier son activité en créant une nouvelle maison d"édition et nomme à sa tête notre pauvre écrivain. Habitué à diriger tout, à ce qu'on lui obéisse au doigt et à l'oeil, il va faire appliquer ses méthodes de nouveau riche et ses goûts de beauf dans le milieu ultra codé du monde de l'édition. Installé avenue Foch dans un luxueux appartement clinquant et entouré d'une bande improbable de directeurs littéraires ou financiers, le pauvre Elie va vivre deux années absolument insupportables...
Visiblement Emile Brami connaît bien ce qu'il décrit ayant lui même participé à la création d'une maison d'édition. La caricature est savoureuse, drôle et bien vue et bourrée sans doute de souvenirs personnels.  Par curiosité, j'ai navigué sur le site de la maison d'édition de "L'éditeur" chez qui il fut directeur éditorial. Je n'y ai pas trouvé des titres aussi ringards que "Emile verra Rennes" ou "Quatre balles dans le Dubuffet".... Par contre, il semblerait que les magnifiques bureaux aux tentures rouges décrits dans le roman viennent bien de là et il y a bien eu quelqu'un pour demander haut et fort le jour de la fête de lancement si c'était une maison d'édition ou un lupanar (Eric Naulleau, pour ne pas le citer). 
Bien troussé, agréable à lire, "Editeur!" est une jolie friandise qui saura vous détendre entre deux romans plus plombants. Cependant, avant d'en terminer, je voudrai citer quelques lignes de ce roman. Emile Brami, qui brosse vraiment un sacré portrait de l'édition d'aujourd'hui, n'épargne personne dans son jeu de massacre, y compris les blogueurs qui sont présentés ainsi (page 58 ) : " ...blogueurs, ces jeunes gens aux dents longues, critiques autoproclamés aux lectures incertaines, à la grammaire et à l'orthographe approximatives, qui pullulent sur le Net et prétendent désormais modeler l'opinion." et plus loin (page 119) : "...les blogueurs, sans autre légitimité que celles s'arrogent , dont la parole ne vaut ni plus ni moins que celle du consommateur qui donne son avis accoudé au comptoir, fabriquent de la monnaie de singe avec l'espoir de la voir convertir en espèces sonnantes et trébuchantes.Il rêvent d'échapper dès que possible à l'espace virtuel qui les aura fait connaître pour revenir à la réalité, d'être enfin imprimés sur du bon vieux papier, que les billets de Monopoly accumulés sur la Toile se transmutent, même à perte, en euros."
La caricature est juste et bien vue, mais pourquoi alors, moi, blogueur, ai-je reçu ce roman, dédicacé,  en avant-première ? Je sais !!! Pour prendre un leçon d'écriture ! (parce que oui, Emile Brami est un bon écrivain, lui !). 

samedi 4 janvier 2014

Histoire de ma sexualité d'Arthur Dreyfus


Sous ce titre très vendeur, se cache un livre assez déroutant qui navigue entre expérience littéraire, fragments du discours amoureux, autobiographie romancée et journal intime. On pourrait penser que l'auteur raconte sans fard sa vie sexuelle à la façon crue d'une Christine Angot ou comme un Pennac qui n'aurait retenu de son corps que son sexe et son cerveau. Mais pas du tout ou pas complètement. C'est en fait tout autre chose qui nous est proposé ici, comme d'ailleurs nous laisse entrevoir le bandeau rouge qui accompagne le livre et qui reprend la dernière phrase du livre : " J'ai voulu tout dire pour qu'il ne reste que les secrets".
C"est sur cet aphorisme qu'est bâti ce roman, parce que malgré la forme un peu particulière qu'il prend, c'est bien d'un roman qu'il s'agit. Et de là découlent la surprise, l'intérêt, le rire, l'agacement mais jamais l'indifférence.
Pour situer l'objet, Arthur Dreyfus parle de son enfance en soixante-trois petits chapitres, comme autant de moments balisant son avancée dans le monde troublant du sexe. Entre chaque souvenir, sont intercalés des citations de ses amis ou amants ou connaissances, des morceaux de ses auteurs de prédilection, des remarques personnelles, toutes tournant autour du sexe mais aussi du roman en train de s'écrire. Pas forcément en relation avec les propos précédents, elles semblent être placées là, à la fois comme une respiration dans l'évocation d'un passé un peu étouffant mais aussi pour justifier la forme particulière que prend le roman voire tracer en creux le portrait actuel de l'auteur.
En tant que lecteur, il m'a fallu bien vite oublier la parfaite maîtrise de son roman précédent pour me plonger dans ce carnet de croquis et de notes. Les chapitres sur l'enfance, qui ont une vraie forme romanesque, sont pour moi les plus intéressants car d'un accès immédiat, mais ont surtout comme projet de nous parler de la sexualité des enfants, sujet casse-gueule parce jugé ambiguë dans notre époque de frilosité. Là, Arthur Dreyfus fait preuve d'un vrai regard de romancier et décrit les pulsions enfantines, les peurs, les découvertes, les envies avec une précision jamais voyeuse. Que l'on soit hétéro ou gay, quand on est un garçon, les approches de la sexualité ont le même goût d'interdit et d'ignorance, les expériences sans être similaires sont de même nature, mélange de curiosité, d'attirance et de débat intérieur. Tous ses souvenirs, vraisemblablement passés par le filtre du roman, sont drôles, gonflés aussi. Il brosse un monde où famille et relations amicales façonnent petit à petit cet adulte en devenir, l'une dans l'aveuglement tranquille d'une vie balisée et les autres comme inspirateurs d'expériences anatomico/sensuelles.
L'autre partie, cette succession de petites phrases, de citations m'est apparue tout d'abord un peu agaçante. Ca sent le copinage, le réseau gay parisien intello. On a l"impression que c'est écrit pour quelques initiés, quelques amis à qui on adresse un discret clin d'oeil parce qu'ils font partie du réseau "Arthur Dreyfus". Certains ont même droit à un hommage un peu plus appuyé en les faisant apparaître sous un surnom assez évocateur (J'ai la naïveté de croire qu'il y a moins de fiction dans cette partie là...). Et puis, entre une remarque sur le fist-fucking et une sentence perfide d'un vieux travesti, surgissent les interrogations de l'auteur sur ce qu'il est en train d'écrire. Est-ce bien raisonnable de casser son image de jeune prodige idéal en parlant de son homosexualité ? Et que vont penser mes parents de tout ce déballage ? Et en fait que pense-t-on de moi ? Suis-je bien cet écrivain froid, se vendant au mainstream, profiteur et satisfait comme le décrit un ami ? La réponse est oui mais pas que... car au fil des pages, le portrait se nuance. De ce jeune homme en apparence très fier de ce qu'il est, les doutes affleurent, quelques fêlures aussi qui laissent suinter la tendresse, le doute. Le lecteur trie comme il peut les informations distillées dans cette avalanche de bons mots (enfin pas tous...). Il se créé ainsi le portrait encore un peu flou de ce personnage qui joue au chat et à la souris avec nous et qui essaie  de désamorcer quelques mauvaises pensées que son texte laisse entrevoir (le nombrilisme, le mercantilisme, le soupçon de pédophilie) voulant se dévoiler mais n'osant pas aller jusqu'au bout en se camouflant pudiquement derrière les pensées supposées de quelques autres. C'est agréable si l'on aime jouer avec les auteurs, mais je ne suis pas sûr que ce soit bien grand public.
Quoiqu'il en soit, cette "Histoire de ma sexualité" parle bien de la rencontre d'un personnage qui est peut être Arthur Dreyfus avec cet obscur objet du désir. Je dis peut être car ce livre, en plus d'être une évocation très réussie des mystères du sexe lorsque l'on est enfant, est aussi un jeu, tout aussi cérébral, autour du roman et de la fiction, dont la mise en forme évite de justesse le clivage. Après "Belle famille", roman très réussi, j'avoue avoir été surpris mais, hélas, pas totalement convaincu par celui-ci. Peut être pas assez direct vu le sujet et le titre.... Cela reste toutefois un roman loin de laisser indifférent le lecteur et c'est déjà beaucoup.




vendredi 3 janvier 2014

Réparer les vivants de Maylis de Kérangal


Une bande de jeunes garçons, 20 ans, surfent dans l'aube naissante d'un matin de février. Retour vers la ville les yeux remplis de vagues, la fatigue, l'accident. Simon est dans le coma, hémorragie cérébrale, pronostic vital engagé. Mère affolée, père tétanisée, équipe médicale se préparant au pire. La mort est là, seulement suspendue à une machine qui ne sera débranchée qu'après avoir essayé auprès de la famille de Simon l'autorisation d'obtenir certains organes...  La vie, la mort, la vie, tout ça sur une journée, tourbillon d'émotions, de drames, d'hommes et de femmes anéantis ou prêts à aider l'autre. A la télévision cela s'appellerait "24h chrono", en littérature "Réparer les vivants" parce que l'on ne fait pas dans le clinquant ou le tape à l'oeil, mais dans l'humain.
Maylis de Kérangal est une styliste du roman. Sur sa trame simple, elle insuffle son regard de grand écrivain, fouille les âmes, les cerveaux, les comportements. Elle donne corps à n'importe quelle situation, éclairant le moindre ressenti intime avec des mots que seul un grand observateur sensible peut écrire. On se retrouve tour à tour accro au surf, mère en souffrance, médecin de réanimation, malade cardiaque, infirmier spécialisé, avec doutes, tourments, désirs. C'est d'une précision redoutable, d'une intelligence époustouflante. Elle arrive à nous faire éprouver des sentiments, des sensations que bien souvent il nous est impossible de mettre en mots. De l'attente énervante d'un SMS à la posture de maîtrise absolue d'un chirurgien face à une transplantation cardiaque, rien n'échappe à son oeil et à sa plume d'écrivain d'aujourd'hui. Car, bien au-delà des personnages, c'est toute une société qui vit, qui bouge, qui souffre, qui aime, qui travaille, qui s'entraide qu'elle nous dépeint, mais aussi son décor, son habitat, sa place dans une histoire collective. C'est toute la dureté de la vie et le formidable élan que la passion de quelques uns apporte à l'humanité qui se trouvent ici réunis pour former un des romans les plus forts de l'année. Sans une once de mièvrerie, mais sans pour autant ériger des statues, l'auteure de "Naissance d'un pont" et " Tangente vers l'Est " nous offre ici un récit captivant et sensible.
Cependant, comme j'aime beaucoup, je vais quand même donner un petit, tout petit, ressenti négatif. Ce roman est exigeant, pas facile d'accès. Cette plongée constante dans l'intime des personnages est quelquefois tellement précise que le vocabulaire employé, mais plus souvent la longueur des phrases utilisées, peuvent dérouter un lectorat habitué à moins de descriptions aussi pointues. Et quelquefois, alors que le timing de cette histoire est quand même haletant, Maylis de Kérangal m'a semblé un peu pêcher par orgueil. Des références, souvent historiques ( Les Bronté, Rembrandt, ....) viennent  ralentir, subrepticement,  le texte, comme si à l'impeccable rendu des sentiments ou des techniques, elle voulait aussi prouver la possession d'une grande culture.
Mais qu'importe ces broutilles, "Réparer les vivants" est de toute évidence un des grands romans de cette rentrée, un véritable coup de poing littéraire dont on ne peut qu'admirer le talent d'écriture, le souffle extraordinaire et l'humanité vivifiante qu'il dégage. 

jeudi 2 janvier 2014

Nymph()maniac, part 1 de Lars Von Trier





Amateurs de porno, passez votre chemin , Lars Von Trier vous a bien eu, il n'y a rien pour vous dans son film. En sale gosse roublard et joueur, il vous a fait croire, grâce à internet, que son film regorgerait d'actes sexuels non simulés, interprétés par des stars. Il a joué la promo à fond, flattant les bas instincts, multipliant les annonces de censure, plaquant sur son affiche ses acteurs photographiés en plein orgasme. Arrivés dans la salle, apparaît tout de suite un carton annonçant que la version que nous verrons est en partie expurgée, censurée.... Exit donc les plans gynécologiques et autres pénétrations. Faux ? Vrai ? Est-on encore dans le jeu ? Peut être... Tout de suite après le titre du film, un écran noir, durant une bonne minute, avec juste un petit bruit en fond, comme pour se laver la tête et les yeux de cette promo infernale, comme une page blanche sur lequel le vrai film va pouvoir enfin s'écrire.
Un homme un peu âgé, trouve dans une arrière-cour sombre  une femme au visage constellé de coups. Il la ramène chez lui, appartement miteux et austère et s'occupe d'elle. Un dialogue s'instaure entre eux. Elle se dit nymphomane donc mauvaise et lui raconte vers où sa maladie l'emporte. Lui positive , ne voyant dans cette course au sexe qu'un parallèle entre son goût pour la pêche ou pour les oeuvres polyphoniques de Bach.
Cette première partie, divisée en cinq chapitres est tout simplement ébouriffante et stimulante pour tout spectateur qui aime se faire bousculer un petit peu et pas seulement se laisser conter une histoire. C'est foisonnant, dérangeant, agaçant, passionnant, vibrant, bandant (seulement intellectuellement), vivant. On a l'impression que Lars Von Trier est dans son laboratoire et cherche encore à inventer un nouveau cinéma. Il expérimente des formes narratives, les mixe en ajoutant des références aussi diverses qu'un traité de pêche à la mouche du 17 éme ou la musique d'un groupe de métalleux allemands peu recommandables. Il théorise (quelque fois de façon fumeuse), il agace (avec des redondance aux images trop illustratives), mais surtout il passionne par cette exubérance à filmer comme personne, se moquant des bien-pensants, des donneurs de leçons, des apôtres du bon goût. Oui, il est question constamment de sexe, sous un jour pas des plus aimables,  mais ce que l'on retiendra surtout de cette première partie ce sont les échanges empreints de douceurs entre Charlotte Gainsbourg et Stellan Skarsgärd (impeccables) et surtout deux chapitres absolument fascinants : la mort du père et celui intitulé "Madame H" avec une Uma Thurman sublime dans une espèce de vaudeville cruel et grinçant.
On sort des  deux heures de projection la tête pleine d'images et surtout d'interrogations. C'est tellement foisonnant, tellement bourré de références, tellement original dans les décors, la mise en scène, que l'on est parti pour des heures de discussions intenses. Du titre, avec les deux parenthèses en forme de vulve,  à la dernière scène, qui, comme dans le meilleur des feuilletons nous donne envie de voir la suite, Lars Von Trier prouve encore une fois qu'il est le réalisateur de tous les excès, mais avec ce petit plus qui fait qu'il nous passionne : le talent d'un sale gosse qui ose regarder le monde comme peu de cinéastes actuellement.




mercredi 1 janvier 2014

Que vais-je garder de 2013 ?

A tous ceux qui tombent par hasard sur cette page et surtout à tous ceux qui viennent de temps en temps se promener gentiment sur mon blog, je souhaite bien sûr une excellente année 2014 pleine de belles choses, de celles qui embellissent la vie de tous les jours. 

Comme je l'ai fait l'an dernier à la même époque et parce qu'aussi c'est un peu la tradition, je fais le tri dans tout ce que j'ai pu lire, voir, écouter et je ne garde sur mes étagères que ce qui m'a vraiment emballé, transporté, fait vibrer en 2013. (Si c'était vrai, je vivrai alors dans un petit deux pièces plutôt que dans une grande maison...). Ce choix est totalement personnel et fait parmi le peu de choses que j'ai lu, vu, entendu l'an dernier, au milieu d'une production foisonnante. 

CINEMA

En lisant les bilans de mes journaux préférés, je m'aperçois qu'il y a au moins deux films français qui tirent leur épingle du jeu alors qu'au moment de leur sortie je n'aurai pas parié deux kopecks sur leur soi-disant importance. Non, il ne s'agit pas de "La vie d'Adèle" ou de "L'inconnu du lac", les deux incontournables selon la critique, mais de "La bataille de Solférino " de Justine Triet et "La fille du 14 juillet " d'Antonin  Peretjatko.... Je ne les ai pas vus (à mon grand désespoir) et il va falloir donc que je me fasse une séance de rattrapage avec les DVD....

Mes trois incontournables pour 2013 sont : 

A touch of sin de Jia Zhang-ké dont l'esthétique, alliée à une description terrible de la Chine fait de ce film un véritable choc visuel et culturel et surtout  du grand cinéma comme on en voit rarement!

Django unchained de Quentin Tarantino qui m'a scotché sur mon siège. C'est le film brillantissime d'un adorateur du cinéma qui joue de tous les codes de la narration avec une virtuosité démoniaque. 



L'inconnu du lac d'Alain Guiraudie ou comment avec peu de moyens, du talent, un petite dose de provoc et surtout un vrai regard de cinéaste proposer un discours universel sur l'amour, la vie.



LIVRES

Je ne sais pas si c'est parce que c'est un hasard ou de la chance mais je n'ai pas lu trop de daubes... Mais je n'ai pas non plus été énormément enthousiasmé par ceux qui me sont passés par les mains. Les quelques ouvrages encensés par la critique (Ladivine, L'histoire d'un mariage, ....) ne m'ont pas emballé plus que ça. C'est peut être parce qu'au mois de janvier dernier que j'ai eu mes deux gros coups de coeur, que par la suite tout m'a semblé un peu fade...

Les trois livres que je conserverai jalousement dans ma bibliothèque (et que j'offrirai, ferai lire autour de moi) sont : 

Tout s'est bien passé d'Emmanuèle Bernheim
L'écriture précise et concise, le propos sans doute mais surtout le regard unique que l'auteur porte sur sa vie et sur la fin de son père, ont fait que j'ai éprouvé une émotion comme rarement en lisant un roman. C'est sûrement très personnel mais il m'est impossible de ne pas mettre ce livre sur mon podium. Ceci dit, tous les précédents romans d'Emanuèle Bernheim m'avaient emballé...





Un petit roman (par la taille) qui recèle des trésors de beauté et de sensibilité, une âpre histoire d'amour islandaise qui touche les coeurs et qui, mine de rien, aborde tous les grands thèmes de la société d'aujourd'hui. Un vrai travail d'orfèvre de la littérature. 



Celui là, vous ne le trouverez pas en librairie (mais qu'attendent les grands éditeurs pour aller y jeter un oeil ? ) et pourtant, il restera comme le vrai coup de poing de 2013. Tout est ambitieux dans ce livre,  la narration, le propos, les références, le désir de bousculer le lecteur tout en restant passionnant. Il y a quelques petites choses à élaguer mais quelle énergie, quelle écriture, quel regard ! C'est parfois inconfortable, ça fait réagir, ça retourne... Peu d'écrivains publiés aujourd'hui peuvent se vanter de faire naître autant de sentiments à leurs lecteurs ! N'hésitez donc pas à jeter un oeil à ce roman gonflé ! Je l'ai fait lire autour de moi et je n'ai eu que des bons retours...
Vous trouverez ce livre ici : 
Pour 4.94 euros (en version ibook) vous aurez un vrai roman contemporain qui ne vous laissera pas indifférent !( Beaucoup moins cher qu'un poche de Mr Lévy, Musso ou Schmitt)
Je reprécise que je ne connais pas l'auteur (même si, depuis ma critique enthousiaste, il laisse sur mon blog des commentaires toujours très pointus ...)

BANDES DESSINEES

Si le roman classique ne m'a pas apporté mon lot de surprises et de découvertes, ce n'est pas le cas en bande dessinées (ou en roman graphique pour ce qui me concerne) qui a été très riche en 2013. Beaucoup d'albums originaux ont été publiés montrant une diversité et des sources d'inspiration infinies. le choix de trois titres n'a pas été facile...

Mauvais genre de Chloé Cruchaudet



Ce roman graphique est une évidence pour tout le monde : une réussite totale tant au niveau dessin, qu'au niveau scénario. Je ne suis pas original dans mon choix, simplement totalement admiratif pour l'auteur de ce chef d'oeuvre.


Orignal de Max de Radiguès



Un récit terrible et troublant sur l'adolescence, un de ceux qui met mal à l'aise mais dont on ne ressort pas indemne...


Ainsi soit Benoîte Groult de Catel



Parce que quand le portrait d'une grande féministe rencontre le talent d'une auteure tout aussi féministe, cela donne un roman graphique étourdissant de brio, de légèreté et d'intelligence !

DISQUES

Dans cette rubrique je vais vous donner les trois disques qui m'ont accompagné durant l'année (ou qui m'accompagnent encore). Je ne suis pas musicien, juste un consommateur lambda. Je télécharge (légalement) pas mal d'albums (surtout de la chanson française) et je m'aperçois que, malgré plein de qualités,certains disques tombent assez vite dans le silence de ma bibliothèque itunes... Il n'y en a que quelques uns qui reviennent inlassablement dans mon ipod ou dans ma voiture... Les trois albums qui suivent ne sont bien sûr pas les meilleurs de l'année (surtout en regard des 100 meilleurs des Inrocks, c'est même pitoyable) mais ceux dont l'écoute à bercer mes journées, mes voyages en 2013.

Rouge ardent d'Axelle Red



Grand retour de la chanteuse belge qui a bercé mon oreille toute l'année parce qu'elle s'est bornée à faire ce qu'elle sait faire de mieux : la chanson tendre. Très inspirée par le film de Sean Penn "Into the wild", un bijou gracieux d'émotion. 


(Pas de chance, c'est le seul titre rythmé de l'album, mais très bon quand même !)





Ce Suisse a un talent de mélodiste hors pair. Son précédent album avait attiré mon oreille, celui-ci confirme qu'il a tout d'un grand et contient le plus beau duo de l'année "Le fil du jour " avec Jeanne Cherhal, hélas pas disponible sur you tube...


The golden age de Woodkid


Je n'en ai pas parlé sur le blog mais il est certain que sa musique aux multiples inspirations m'a enchanté les oreilles ....et les yeux car ses clips sont tout aussi enthousiasmants. 



I love you, version album
Ilove you, version quintet....



Run boy run