dimanche 19 janvier 2014

L'enfer en bouteille de Suehiro Maruo


Dans la collection "Sakka auteurs", paraît ces jours-ci un recueil de nouvelles de Suehiro Maruo qui est, si j'en crois la présentation de l'éditeur "le maître de l'éro-guro",  en français l'érotisme grotesque...
Cette classification vraiment nippone m'a laissé perplexe. Si le terme érotisme ne m'est pas inconnu, associé à grotesque, il m'engageait à penser à des histoires mêlant hardiment farce et sexe... Après la lecture de "L'enfer en bouteille", je pense qu'il ne fallait pas prendre "grotesque" dans le vrai sens du terme mais plus dans celui d'incroyable...
Sous une très belle couverture édénique et après une préface de Moebius, le lecteur sait qu'il va avoir affaire à une pointure du manga, pas un de ces auteurs produisant à la chaîne des oeuvrettes avec des nymphettes sans culotte et des damoiseaux excités. Effectivement, les quatre nouvelles (dont trois sont issues de textes du patrimoine japonais) développent toutes un thème sensible (l'inceste, la tentation (sexuelle) chez un moine, l'argent et la mort, la prostitution et le handicap). Il y a un zeste de sexe hard, un peu de gore mais surtout une manière très personnelle de les mêler à un récit proche du conte ou de la fable. Le point fort de ce recueil est sans aucun doute l'illustration, absolument magnifique, avec un trait d'une finesse toute sensuelle et très précis. On sent que le mangaka est inspiré par de nombreux peintres aussi japonais (l'Hokusaï du rêve de la femme du pêcheur) ou des artistes européens (Gauguin dans la première nouvelle, mais aussi Dali et pas mal de peintres surréalistes). Et si souvent les cases font irrémédiablement penser aux estampes japonaises, le mélange de toutes ces influences créent un ensemble très original surtout pour un manga.
Jouant volontiers avec la transgression, mais avec un esprit japonais toujours étonnant pour nous lecteurs européens, "L'enfer en bouteille" a été  pour moi l'occasion de découvrir un illustrateur hors pair (bien plus inspiré qu'un Taniguchi par exemple) et de pénétrer un moment dans un univers étrange, un peu dérangeant et tellement nippon !



L'enfer en bouteille de Suehiro Maruo (morceau un peu coupé pour ne pas choquer)

Le rêve de la femme du pêcheur d'Hokusaï


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