Il faut bien qu'il y ait un début pour moi, je n'avait encore jamais plongé le nez dans l'oeuvre de Franck Thilliez pourtant fort d'une bibliographie déjà bien fournie puisque le rythme de parution est annuel depuis plus de dix ans.
Sans rien connaître de ses héros récurrents que sont Lucie Hennebelle et Franck Sharko, j'ai découvert ce maître du suspense à la française que l'on m'avait maintes fois recommandé... avec raison.
Ce nouvel opus démarre tambour battant avec un homme dévoré par des requins devant les yeux horrifiés des visiteurs de l'aquarium de Brest. Les squales ont plus vite digéré le plongeur que le lecteur cette mise en bouche gore, que la suite, en trois brefs chapitres, nous plonge, non pas dans un bassin chloré d'un quelconque Marineland mais dans une intrigue avec pour point de départ un assassinat maquillé car commis par l'héroïne de l'ouvrage, policière au 36 quai des Orfévres. Bien évidemment, une enquête s'ouvre et le lecteur, jolie originalité, voudrait bien qu'elle n'aboutisse pas, l'empathie avec la si sympathique épouse Sharko jouant à plein. Heureusement, le défunt, une ordure de la pire espèce, membre d'une secte peut être satanique, grand amateur de sang qu'il prend en boisson ou comme aphrodisiaque en s'en tartinant le corps, embarque les policiers dans des zones sombres, très sombres. En leur collant à leurs Rangers, nous découvrons les agissements particulièrement morbides d'une bande de tarés. Cependant, en parallèle, un policier suspicieux flaire l'anguille sous roche et, malgré une accumulation de victimes, s'approche de plus en plus de la vérité que l'on veut camoufler. Double suspens rondement et magistralement mené qui fait tourner les pages avec avidité.
Ecrit sans aucune fioriture ni prétention littéraire, recherchant uniquement l'efficacité, "Sharko" après une première partie haletante, s'oriente ensuite vers le thriller scientifique. Les personnes sensibles à la vue du sang en verront de toutes les couleurs, peut être jusqu'à la nausée car l'imagination de Franck ne s'embarrasse d'aucune limite. De son cerveau, que j'espère dans la réalité porté dans la réalisation de canevas de biches se désaltérant au soleil couchant, jaillissent des situations ébouriffantes à base de tortures et d'assassinats via des transfusion sanguines. Heureusement, cette franche noirceur, limite malsaine, est contrebalancée par une documentation sans faille sur le circuit mondial du sang. Il nous brosse un état des lieux de cette industrie de ce que l'on appelle désormais l'or rouge, parfaite illustration de ce que racontaient les époux Pinçon-Charlot dans leur dernier ouvrage (Les prédateurs au pouvoir ).
Aussi inquiétant que diaboliquement composé, aussi passionnant que remarquablement documenté, jouant avec nos peurs, "Sharko" entre dans la catégorie des bouquins que l'on ne lâche pas jusqu'à la dernière ligne. Et même si parfois l'on frissonne de dégoût, on reste scotché par les talents de conteur d'un virtuose de l'intrigue.