jeudi 27 septembre 2018

Capitaine de Adrien Bosc


La photo posée sur la couverture du "roman" d'Adrien Bosc donne envie. Des hommes et des femmes d'un temps révolu, sur un bateau... une impression de voyage ...ou d'exil ...car nous sommes en 1941 à bord d'un rafiot un peu pourri le Capitaine-Paul-Lemerle. Il part de Marseille, où, après un dédale aussi kafkaïen qu'éprouvant dans une administration aussi gourmande de paperasse que de suspicion, les passagers qui ont réussi à embarquer doivent gagner l'Amérique via les Antilles. A son bord, des migrants de toutes sortes, des juifs allemands ou d'autres contrées, des commerçants, quelques intellectuels, tous d'origine bourgeoise ( migrer oui, mais il faut de l'argent pour traverser l'océan).  La situation en rappelle une très actuelle et la référence est bienvenue.
Après un premier chapitre actuel, plutôt réussi, autour de la saveur de l'ananas que même un excellent  récit de voyageur ne peut transmettre, le roman nous transporte en 1941. Et là, très vite, la très nombreuse documentation accumulée par l'auteur autour de ce voyage nous tombe dessus. Le bateau part de Marseille à petite vitesse...le roman aussi. Tout d'abord, exit les passagers lambdas, l'auteur ne s'intéresse qu'à la crème intellectuelle à savoir André Breton, Claude Levi-Strauss ou Anna Seghers ( auteure allemande). A nous leurs petites biographies et tous leurs cheminements spirituels ...pas follement intéressants ( les courriers de Levi-Strauss à sa famille donnent un peu d'humanité au récit). Si l'idée était de transcrire l'ennui de tout ce petit monde et de le partager avec le lecteur, c'est parfaitement réussi ! On se rase pas mal ...alors qu'autour de Breton qui commente son rapport au surréalisme d'une façon très pontifiante, se recréé une micro société autour d'un marché noir ou des séparations du pont du bateau en quartier selon son rang ou sa religion. Adrien Bosc préfère rester dans l'entre-soi du Paris intello... 1941/2018 ...même combat!
Pour mieux vendre le roman, je lis et j'entends qu'il est également construit comme un calendrier de l'avent ... ?!?! Chaque chapitre va révéler au lecteur une petite surprise ...Mouais... si les chapitres sont effectivement tentateurs, " Un chat roux", "Dans la gueule du loup", " Il y a des vaches en Amérique?" ( des animaux donc... c'est si mignon !) la surprise, elle, ressemble plus à un bout de chocolat dont on sent  bien qu'il essaie d'être de belle qualité romanesque mais qui se révèle affreusement pompeux et donc pas très bon. Vers la fin du roman, on appelle à la rescousse un autre aventurier de l'époque, Tintin, mais rien n'y fait, on n'a qu'une envie c'est de débarquer enfin, de quitter ce bateau à bout de course mais terriblement snob.

dimanche 23 septembre 2018

Les riches au tribunal de Monique et Michel Pinçon-Charlot et Etienne Lécroart


Dans le monde des chercheurs divers et variés, Monique et Michel Pinçon-Charlot sont les représentants d'une espèce rare : les sociologues qui osent. Pendant 40 ans, ils se sont immergés dans la bourgeoisie pour en faire leur sujet d'étude privilégié. Autant dire qu'il la connaisse sur le bout de leurs doigts, avec ses valeurs ( avec un "v" ultra minuscule car derrière ce mot, il n'y a aucune morale), leurs réseaux nombreux ( rien à voir avec SFR, à part croiser son dirigeant lors d'un dîner au Jockey-Club) et surtout cette facilité à utiliser l'état pour s'enrichir toujours plus au détriment des plus pauvres.
Notre duo de choc préféré a décidé de continuer son travail sur les riches mais avec dorénavant cette grande liberté de parole et de ton que procure le fait d'être retraités. Ces jours-ci sort en librairie leur nouvel opus, qui apparaît, après lecture, comme un sommet de leur oeuvre.
A priori, sur le papier, relater l'affaire Chuzac ( oui, cet ex ministre de François Hollande, bien propre sur lui, le regard franc et droit, qui jurait qu'au grand jamais il n'avait planqué quelques sous en Suisse) n'a rien de fun.
Détrompez-vous ! Toujours vifs et impertinents, ils décident de passer par la BD pour narrer dans le détail ce qui représente au final la quintessence de leurs travaux. Associés à Etienne Lécroart, dont le trait incisif et l'humour caustique font des merveilles, le passage par le neuvième art, en plus d'ouvrir leurs recherches à un autre public, se révèle autant pédagogique ( attention, du pédagogique très très rigolo et créatif !) que franchement prêt à réveiller des instincts révolutionnaires.
Avec un ton piquant, nous plongeons dans les affaires financières de ce Mr Cahuzac ( et de ex Madame, qui n'avait pas son pareil pour faire monter des circuits opaques histoire de tromper le fisc), nous suivons également son procès, donné un peu pour l'exemple mais dont on nous explique comment il s'en est sorti pas si mal que ça grâce à ses amis riches qui n'ont pas lâché l'un des leurs dans l'adversité. C'est également une plongée dans un monde judiciaire taillé pour que les fortunés ne souffrent pas ( les pauvres ...!). Et cela reste toujours une parfaite illustration de tous leurs travaux sur nos riches pour qui la fraude fiscale ( 80 milliards d'euros par an, le montant de notre déficit !) n'est pas un sport mais juste une belle habitude que l'on se transmet de génération en génération, comme celle d'aller à la messe ou de lire les "Les échos" ( qui a détesté l'album y voyant une richophobie exaspérante et trop populiste ).
Loin de tout populisme car parfaitement documenté, argumenté, avec un ton décapant réjouissant qui arrive à nous faire rire alors qu'ils nous présentent un monde désespéramment pourri, Les Pinçon-Charlot frappent toujours et encore. La lecture de cet album est une véritable leçon de politique, leçon qui ressemble à une bombe ou tout du moins à des ingrédients pour commencer à la fabriquer. Donc, lecture indispensable, dans laquelle vous prendrez un plaisir fou ( autant jouissif qu'intellectuel).


mercredi 19 septembre 2018

Climax de Gaspar Noé


Si vous devez aller voir "Climax" autant ne pas en savoir grand chose, la surprise n'en sera que plus grande, mais, sans rien dire de l'intrigue ( ok, le film ne brille ni par son scénario, ni par ses dialogues), donner quelques éléments qui vous permettront de cerner cette nouvelle curiosité du cinéma français, nouvelle pierre étrange à la filmographie de Gaspar Noé ( après "Irréversible" ou "Love")  semble nécessaire.
Tout d'abord, le film débute par la dernière scène, suivie par le générique de fin. Le ton est donné, hors de question d'assister à quelque chose de lambda. La scène suivante pose encore mieux le film et annonce bien ce qui va suivre. Sur l'écran, une télévision passe des extraits d'un casting pour ce qui sera un spectacle de danse. Des jeunes gens parlent mais ne dansent pas. On les écoute mais l'oeil du spectateur est attiré par les rangements situés de part et d'autres de la petite lucarne. A droite des boîtiers vidéos de films comme "Possession" de Zulawski, "Salo" de Pasolini ou "Suspiria" d'Argento et à gauche, des livres sur le cinéma ( Murnau) mais aussi Sweig, Fritz Zorn et "Suicide mode d'emploi". Le message est clair, les sources d'inspiration ne vont pas nous mener vers un hommage à "La la land " ni aux " Les Tuche". Nous en serons bien loin !
Dans ce long-métrage au genre indéfini, on trouvera une scène de ballet magnifiquement filmée, la caméra semblant s'envoler avec les danseurs, glisser sur le parquet comme si elle dansait elle-même, mais aussi un générique de début au milieu du film, la musique de  Cerrone ou des Rolling Stones, souvent mélangée avec toutes sortes de cris humains, et puis, des couloirs, des couloirs, éclairés verdâtre ou rougeoyant comme dans " Irrésistible"  ou " Possession" ( à creuser cette obsession des couloirs chez le réalisateur...). Les sensibles de l'estomac pourront prévoir un cachet contre le mal de mer, la caméra virevoltant dans tous les sens, filmant en diagonale, à la verticale, cul par dessus tête. Parfois c'est un peu systématique, peut être gratuit, parfois ça donne des plans magnifiques et graphiquement bluffants notamment le plan presque final quand s'ouvre la porte au petit matin... Oui, c'est interdit aux moins de 16 ans, car, bien sûr il y a un violence certaine dans ce lieu clos où ces danseurs vont vivre une soirée plus proche du cauchemar que la fête d'anniversaire des 60 ans de l'oncle Jérôme.
Est-ce que c'est réussi ? Difficile à dire ...  C'est une curiosité, ça peut faire mal aux yeux ( bon moins que n'importe clip de rappeurs), dérouter, agacer, quelques scènes s'éternisent un peu mais avouons-le, Gaspar Noé reste quand même un sacré original qui ne laisse pas indifférent. On peut autant adorer que détester cette obsession un peu systématique à vouloir épater, créer du jamais vu ( si c'est possible).
Si vous êtes curieux, si pour vous le cinéma ce n'est pas forcément une bonne histoire avec de jolies images et de beaux acteurs, si être un peu dérangé, heurté par des scènes rudes et âpres fait forcément partie du plaisir de spectateur, risquez le voyage dans "Climax", il en restera forcément quelque chose.


mardi 18 septembre 2018

Asta de Jon Kalman Stefansson


Que peut être un grand roman en 2018 ? L'auteur islandais Jon Kalman Stefansson nous fait une proposition ultra convaincante tant le portrait éclaté mais totalement maîtrisé d'Asta, emporte le lecteur par son lyrisme et l'acuité du regard de son auteur sur le monde.
Nous sommes en Islande, île aux paysages sublimes qu'habitent des hommes et des femmes pas plus torturés qu'ailleurs mais que la rudesse du climat et sa situation géographique destinent à des vies plus romanesques. Derrière ce titre qui est un prénom, "Asta" va ausculter un famille contemporaine, plus précisément le parcours de la deuxième fille du couple formé un temps par Helga et Sigvaldi.
Sigvaldi exerce la profession de peintre en bâtiment et au début du livre on le retrouve écrasé au sol, suite à une chute de son échelle de chantier. Sentant sans doute que la mort le guette, il va laisser s'ouvrir dans son esprit la porte des souvenirs. Comme il est de coutume avec le cerveau, tout remontera de façon désordonnée. Va se dresser alors le portrait cubiste de cette jeune Asta.
 Faisant fi de la chronologie, éclairant puissamment certains moments, en laissant d'autres peut être essentiels dans l'ombre, laissant ainsi au lecteur le plaisir de combler les vides, le portrait va peu à peu apparaître. D'autres narrateurs interviendront, sans que l'on perçoive d'emblée qui ils sont, mais qui viendront apporter un supplément d'âme à ce tableau.
Ce parti pris romanesque, éclaté, sophistiqué, donnant une construction originale au livre n'est pas gratuit. Le lecteur devient parti prenante de cette évocation. Porté par une langue sublime ( bravo à Eric Boury le traducteur !) qui épouse à merveille tout autant  la beauté âpre des paysages de fjords que les aurores boréales, le roman nous emporte, irrigué par une grande réflexion sur l'humain. Jon Kalman Stefansson nous livre ses pensées, ses réflexions d'homme à l'écoute du monde sur les grands thèmes que sont la mort, le sexe, la féminité, la solitude, la passion mais aussi sur des sujets plus actuels puisque cela peut aller jusqu'à l'élection de Donald Trump. Habilement intégrés dans ce portrait sensible et sans concession, ces considérations aussi bien philosophiques que sociologiques, loin d'alourdir le texte, irriguent l'ensemble d'un regard humaniste. A la suite d'Asta, nous avons la sensation de découvrir, de lire, une oeuvre de grande portée, assurément, l'un des GRANDS romans de cette rentrée. 

lundi 17 septembre 2018

Carnaval noir de Metin Arditi


Pas de chance pour Donatella, son brillant cursus universitaire est brusquement interrompu par un groupe de chanteurs masqués qui la jettent dans les eaux passablement saumâtres d'un canal obscur de Venise après l'avoir mortellement tabassée. Pourquoi tant de Haine ? Apparemment ses recherches autour de certains événements dramatiques dans la cité des Doges en 1575 dérangent un groupe de catholiques extrémistes. Mais diable de quoi ont-ils peur ? Et pourquoi, veulent-ils  à tout prix mettre la main sur une lettre découverte par hasard par l'émérite professeur Bénédict, document assez obscur, tout du moins pour le lecteur lambda qui n'y voit ( après traduction du latin) qu'un texte bien banal ? Heureusement  Benedict, qui sent bien lui l'intérêt de ce bout de papier,  reste total intègre et ne cédera pas le précieux document, même après la mise à sac de son appartement et l'agression subie par sa bonne ( une habituée puisque, autrefois, le  père de Bénédict aimait à se réfugier, sans un mot, entre ses fesses), ni l'offre mirifique d'un riche pseudo collectionneur. Très vite on apprendra que les cathos hystériques, en plus de fomenter un attentat contre le pape jugé trop laxiste, faisant pour cela appel à des gars bien motivés, puisque djihadistes patentés et bien contents d'avoir une belle occasion pour aller au paradis, ils craignent que ce document ne révèle leurs agissements (!). S'ensuit une arrivée discontinue de personnages secondaires des plus baroques ( on est à Venise !), une professeure émérite qui drague une commissaire de police, une superbe noire qui rendra dingue le beau Benedict ( évidemment, cinquante ans, toute ses dents, un physique à couper le souffle, ça fait frémir les ovaires des femmes célibataires), un prêtre qui a fait un enfant à une servante, un autre sans doute avec des tendances homosexuelles ...à moins que ce ne soit le chef des cathos fondamentalistes ...au bout d'un moment on se mélange un peu... ( non pas prélat  de pédophile, ça aurait fait trop cliché sans doute !). Bref tout ce petit monde se démène dans une intrigue policière déjà beaucoup lu.
Un grosse touche historique tente de donner un côté érudit à la chose mais là, à moins d'avoir une maîtrise sur l'histoire de Venise entre janvier et avril 1765, je vois mal qui peut arriver à se retrouver dans cet entrelacs de textes obscurs qui mêlent peintres de l'époque, papauté, meurtres mystérieux et Coppernic et Galilée ( oui, pas la même époque, mais l'indifférence de l'église pour les travaux pourtant sulfureux du premier eurent une répercussion sur le deuxième). Evidemment, le passé éclairera les enquêteurs du présent ( fortiches les flics italiens, eux ils doivent avoir, au minima, un doctorat sur la confrérie de la scuola grande del San Sepulcro !), avec un rebondissement franchement tiré par les cheveux ( ici, plutôt tiré d'une colonne de marbre...).
Si l'ensemble se lit facilement grâce à de courts chapitres qui brossent à grands traits tout cela, on ne voit pas bien l'intérêt de ce roman. Peu convaincant dans sa partie historique trop fabriquée, pas plus avec sa trame policière banale,  "Carnaval noir" sombre lui aussi dans la lagune... 

dimanche 16 septembre 2018

Omar et Greg de François Beaune


"Omar et Greg" nous offre une plongée assez singulière dans la vie de deux hommes qui avaient peu de chance de se croiser. L'un est né dans une cité du genre qui fait peur aux bourgeois dans la banlieue de Reims et l'autre dans un univers semblable mais en périphérie de Lyon et se sont rencontrés à ... Marseille!
L'auteur, journaliste curieux et empathique, les fait parler sans filtre ( à part celui de celui de son choix de paroles) et retranscrit leurs propos dans un montage alterné qui relate toute leur vie.
Avec une même adolescence passée dans des cités HLM qui se dégradent au fil des ans, Omar, après un passage à casser du skinhead deviendra travailleur social à Bordeaux tout en militant au Parti Socialiste, tandis que Greg, lui, prendra tout de suite le chemin du FN, une autre façon de réagir au malaise des banlieues.
De fil en aiguille, de déménagements en prise de conscience que le monde ne tourne vraiment pas rond, ces deux hommes vont se trouver confrontés au militantisme politique partout pourvu d'oeillère ou de coups tordus. Omar aura un sacré parcours puisqu'il passera du PS tendance très gauche au FN, sans oublier un passage au RPR !
Nous suivons leurs deux chemins assez chaotiques et les explications qu'ils en donnent. Le texte est brut et nous laisse seul avec notre ressenti. Selon sa sensibilité, sa vision du monde, on peut être effaré de certains raccourcis idéologiques qu'ils prennent pour justifier leurs choix. Mais cette parole franche en dit finalement long sur notre société qui se débat comme elle peut pour sortir d'un certain marasme, surtout lorsque l'on se situe en bas de l'échelle ( pas le dernier de cordée, car dans une cordée tout le monde va au même rythme ce qui n'est pas le cas en ce moment) et qu'il ne reste parfois pour tenter de surnager que la violence, la religion, la haine ou le nihilisme.
Le constat peut apparaître effrayant, mais au final ces deux hommes qui ont une seule chose en commun, une patrie française drôlement chevillée dans la tête, continuent à espérer de changer le cours des choses. Après avoir éliminé beaucoup d'options dont certaines très rances, ils tentent encore de faire bouger les choses.
On peut remercier François Beaune de nous faire lire les paroles d'Omar et Greg, duo improbable mais sans doute représentatif de pensées pas mal partagées, qui brassent simplement quelques idées sombres de notre société. 

samedi 15 septembre 2018

Einstein, le sexe et moi de Olivier Liron


Plateau de "Questions pour un champion" . ( Seule différence avec l'émission actuelle, Julien Lepers fait son retour...

JULIEN LEPERS : Et voici, la dernière manche, le face à face ! Liliane va affronter notre Champion, Robert ! Robert ?... Combien de victoires déjà ? .... Deux...je crois... Alors place au jeu ! Question littérature. Que faites-vous Robert ?
ROBERT : Je prends la main !
JULIEN LEPERS : C'est parti ! Né en 1987, je suis l'auteur(e) d'un roman de 192 pages qui paraît en ce... BUZZZ !!!!... Oui Robert !
ROBERT : Amélie Nothomb !
JULIEN L : Amélie Nothomb ? C'est non ! Plus vieille et puis elle ne fait plus si long depuis bien longtemps. La main à Liliane... roman qui paraît en ce moment. Ayant réussi de brillantes études à Normale Sup... BUZZZ!!!! ... Oui Liliane ...
LILIANE : Maylis de Kerangal !
JULIEN L : Non Liliane, c'est bien tenté mais trop ampoulée ... Robert, vous reprenez la main.... C'est grâce à ma participation à la télévision qu'en 2012 je fais une première percée médiatique...BUZZ !!!
Robert( hurlant) : Jérôme Ferrari !
JULIEN L : Ferrari, c'est non ! Bien plus drôle !... On continue... Ma participation à l'émission "Questions pour un champion" me permettra de changer de vie en me tournant vers la littérature, le théâtre et la danse....BUZZZ!!!
LILIANE ( sûre d'elle) : Jean d'Ormesson !!!
JULIEN LEPERS ( se demandant si Liliane écoute bien ce qu'il dit) : ?!?! Heu non Liliane .... La main passe à Robert ! .... En septembre 2018, je publie un second roman fort réussi qui allie auto-portrait sans concession et un célèbre jeu télévisé... Je suis... Je suis... BUZZZ !!!! ...
ROBERT ( la voix incertaine) :Julien Lepers ?
JULIEN L : ????!!!!! Heu, j'en serai ravi...mais non, moi, c'est plutôt la chanson ... Non la réponse c'est Olivier Liron.
ROBERT et LILIANE ( déconfits, avec une tête de lecteurs d'encyclopédie au fin fond de leur club à l'effigie de l'animateur) : C'était difficile !
JULIEN L : Certes...mais quel roman tourne-pages ! Une des surprises de cette rentrée littéraire pourtant fort dense. Ou comment un brillant autiste Asperger prend une douce revanche sur la vie ( et les abrutis qu'il a pu rencontrer plus jeune) en devenant le plus grand champion d'un jeu télévisé basé sur la connaissance.
Avec une construction parfaite, mêlant habilement un passé pas toujours drôle avec les rouages de ce célèbre jeu, le roman, tout en emportant le lecteur, manie avec talent et virtuosité émotion et drôlerie ( parfois caustique). Cerise sur le gâteau, alors que l'on connaît la fin de l'histoire, Olivier Liron, parvient avec son écriture dynamique à créer un vrai suspens. Du grand art pour un roman qu'il ne faut en aucun cas bouder ( surtout sous le fallacieux prétexte que le jeu en question est soi-disant ringard).
Pour rappel, et pour ne pas ressembler à Robert et Liliane, "Einstein, le sexe et moi" d'Olivier Liron est un concentré de vie, d'émotions et de talent à se procurer vite fait. 

dimanche 9 septembre 2018

Les concontes de Nena et Witko


Parodier les contes traditionnels de notre enfance s'il est un genre en soi dans la littérature jeunesse, l'est aussi dans une moindre mesure dans la BD, tout le monde se souvenant de certains pastiches du génial Gotlib ( mais beaucoup d'autres confronté leur créativité à ces recréations).
Ce recueil de 10 contes revisités, sérieusement réservés aux adultes, joue un vrai décalage hilarant. Certes le gros des intrigues est respecté mais avec de sérieuses variantes. On retrouve bien le petit chaperon rouge mais ici en grosse pochetronne. Jack et son haricot magique hérite bien de graines qui font pousser une grosse tige du légumineuse mais, une fois avalées, provoquent un effet similaire au viagra. Le petit ours des trois ours se prénomme Jordan, possède un caractère de tête à claque sublimé par des parents totalement menés par le bout du nez. Barbe bleue en est réduit à s'essayer au speed dating dans la taverne du village pour trouver une huitième femme qui finira ...qui finira... à vous d'aller le découvrir ! Vous l'aurez compris, on ne fait pas dans la finesse, nous descendons souvent en dessous de la ceinture, mais qu'est-ce c'est drôle et inventif. ( le shooting au temps de Planche-Neige ( sic) ou le forfait voix pour la Petite Sirène).
Sachez que pour leur donner un air un peu vieillot, les couleurs adoptent des tons délavés souvent sépia et mettent en valeur un dessin très expressif. Mais ce qui se révèle une vraie réussite, ce sont les dialogues, nombreux, caustiques, crus mais diablement efficaces, qui fusent sans cesse.
Pour retrouver le plaisir de l'humour corrosif et passer au Karcher les contes de notre enfance ( et que l'on continue à distiller auprès de notre progéniture), plongez dans ces "concontes", cure de rire imparable. Le sourire de la rentrée !

samedi 8 septembre 2018

Nuit sur le neige de Laurence Cossé

Le nouveau court roman ( 142 pages) de Laurence Cossé surprend un peu le lecteur. Le texte, classique, avec une écriture parfaite et fluide, nous entraîne dans le sillage d'un jeune homme de la petite bourgeoisie parisienne qui intègre une classe de prépa dans un lycée tenu par des jésuites. Nous sommes en 1935. La France politique s'écharpe et file petit à petit vers le Front Populaire, Hitler se fait de plus en plus menaçant, faisant planer dans les esprits une sensation de guerre prochaine.
Robin, ce bon élève qui va trimer dur sous la férule des religieux, à 17 ans, est presque encore un enfant ( il n'y avait pas You Porn à l'époque). Surveillé amoureusement par une mère veuve, il n'a pas encore couper le cordon ombilical. C'est entre les murs sombres et peu entretenus de son lycée qu'il deviendra l'ami de Conrad, un peu plus âgé que lui, passionné de ski et sans doute bien plus déluré.
Nuit sur la neige" sera à la fois un  roman d'apprentissage ( surtout amoureux  et très délicat) mais aussi, en toile de fond, le joli récit de la naissance des sports d'hiver dont les futurs congés payés préfigureront l'essor dans la société de loisirs d'après guerre. Nous assistons à la naissance de Val D'Isère qui n'était à l'époque qu'un hameau perdu au bout d'un sentier pierreux accessible qu'à pied ( à dos d'âne?), bien loin du luxe d'aujourd'hui.
Parti sur les traces bien définies du roman un peu nostalgique, un séjour montagnard et hivernal  des protagonistes donnera un sacré coup de fouet à l'ensemble. Le final, cruel, sombre, très sombre même, rappellera aussi une actualité brûlante lorsque cette nuit, toute symbolique, tombera sur une neige trop immaculée pour ne pas cacher la noirceur de l'âme humaine.
Court, classique et glaçant, ce petit roman reste dans la tête. 

jeudi 6 septembre 2018

Janet de Michèle Fitoussi


Janet Flanner .... qui connaît aujourd'hui en France cette femme ? Sans doute quelques journalistes ou quelques lecteurs âgés du New-Yorker, vénérable journal US, .... et Michèle Fitoussi, qui n'est pas âgée, mais journaliste.
Janet Flanner fut une chroniqueuse assez renommée durant une période allant des années 20 aux années 70. On la donne comme la précurseuse du journalisme littéraire ( à noter que le féminin de précurseur est tellement peu employé, que l'ordinateur ne le reconnaît pas comme s'il n'était dévolu qu'aux hommes). Sans accéder au pouvoir ou à marquer de son empreinte le monde de la presse comme Françoise Giroud, elle connut néanmoins sur le tard, aux USA, et grâce à la télévision, une grande renommée. Fine, brillante, un peu lookée ( elle portait parfois un monocle), sa faconde et son sens de la répartie firent merveille lors de certains talks shows.
Tout cela suffit-il pour que paraisse aujourd'hui une biographie ? Des journalistes impertinentes et originales, il en a existé quand même un nombre certain nombre. Mais Janet Flanner possède quand même la petite originalité d'avoir vécu à Paris durant plus de 20 ans. Elle fut donc une observatrice affûtée de ce Paris cosmopolite des arts et des lettres, où l'on croisait du côté de Montparnasse, Ernest Hemingway ou Gertrud Stein, mais aussi su retranscrire de façon éclatante ces chamboulements que connaîtra toute l'Europe avec la montée en puissance d'Hitler.
Michèle Fitoussi, en suivant la trace de la journaliste, nous propose un joli résumé historique pas trop didactique de cette période trouble ( même si Janet, en bonne américaine capitaliste, ne s'est guère arrêtée sur les avancées du Front Populaire), ainsi qu'une peinture un poil nostalgique de ce Montparnasse électrisé par cette colonie américaine joyeusement installée dans ses rues.
Cependant, cette biographie ne se résume pas qu'au parcours historico/journalistique d'une reporter mais apparaît aussi comme le portrait d'une féministe ( non, ce n'est pas un gros mot!) qui a su se libérer de son éducation bien puritaine et traditionnelle  du fin fond d'Indianapolis pour vivre comme bon lui semblait. Certes elle fut pousser par sa mère à être une artiste( raté ! elle ne fut qu'une journaliste talentueuse) mais sûrement pas à devenir cette grande dévoreuse de femmes ( souvent étincelantes) vivant ses amours lesbiennes avec un appétit sans faille.
"Janet", au final, se révèle une biographie facile et agréable à lire, nous embarquant dans une balade historique auprès d'une femme affranchie. Cet esprit brillant et libre, méritait donc cette petite mise en lumière, montrant ainsi à la nouvelle génération que l'on peut se frayer un chemin dans la vie sans trop de compromis et en n'occultant jamais ses vrais désirs. 

dimanche 2 septembre 2018

Arcadie de Emmanuelle Bayamack-Tam


Il est heureux que cette rentrée littéraire fasse un très joli accueil au onzième roman d'Emmanuelle Bayamack-Tam. La presse qui compte a mis le paquet ( de Télérama le mettant en tête de gondole aux Inrocks avec un portrait de l'auteure) et déjà, le roman apparaît dans les premières listes des futurs prix. Ce n'est que justice, car loin des prêches lassants de Jérôme Ferrari ou des copies encyclopédiques pouffantes de Maylis de Kerangal, "Arcadie" décoiffera sérieusement le lecteur et lui prouvera que l'on peut formidablement bien écrire et raconter une histoire aussi inventive qu'impertinente.
Emmanuelle Bayamack-Tam, c'est d'abord une écriture, une vraie, nourrie de mille références que l'on peut ne pas remarquer, qui ne sont jamais mises en avant mais ajoutent une profondeur à un style par ailleurs sarcastique, infiniment drôle, qui cherche à nous déstabiliser et donc à nous faire réfléchir. La lecture de ses romans s'avère délicieuse comme un mojito à qui on a mis une bonne dose de rhum.... et je pourrai dire jouissive pour ce nouvel opus !
Emmanuelle Bayamack-Tam c'est aussi, encore et toujours, une narratrice adolescente ingrate physiquement mais à l'esprit exceptionnellement affûté. Farah, sa nouvelle trouvaille, possède un corps massif ingrat, qui hésite entre fille et garçon. Elevée librement à Liberty House, une grande propriété loin des ondes électromagnétiques et du wifi, donc quasi coupée de ce qui fait l'essentiel de la vie des ados d'aujourd'hui, à savoir Facebook, Whatsapp ou les jeux vidéos, elle attend avec ferveur le moment où elle perdra enfin sa virginité. Et pour elle rien de plus facile, même vivant dans un monde clos, l'amour physique est considéré par tous les habitants de sa drôle de résidence comme aussi simple, normal et libre que de manger un radis ou de boire un café. Avec un homme, avec une femme, avec un paraplégique, un vieillard, peu importe tant que cela est consenti librement. La première partie tournera donc autour de cet apprentissage et mettra aussi en évidence la troisième thématique récurrente de l'auteur : le corps.
En plus de vouloir se faire déflorer, Farah se débattra avec un corps ni fille, ni garçon et passera son temps à questionner sur la féminité ( et donc la masculinité). Avec son langage à la verdeur tonique, elle provoque autant le lecteur que les autres personnages qui l'entourent. Attention quand je dis "provoque", il faut le lire dans les trois sens du terme ... Farah sera donc la cause d'un défi incitateur qui suscitera bien des désirs et bien des plaisirs charnels pour elle. Pour nous lecteur, cela se résumera à un grand plaisir...de lecture.
Je ne dévoilerai pas plus de ce qui représente un des meilleurs romans de cette rentrée. On y parle aussi bien de naturisme, de la méthode de lecture Daniel et Valérie, de lesbiennes, de flux instinctif libre, de genre, de migrants, ... bref de tout un tas de sujets passés au regard décapant d'une ado qui lutte contre les diktats bien pensants et moralisateurs de la  société actuelle. Même si les cents dernières pages, confrontées à un réalité plus sombre, ont un peu de  mal à conserver un esprit vraiment caustique, "Arcadie" reste un grand roman mordant, politique et réjouissant qui comblera les lecteurs qui aiment être secoués.



samedi 1 septembre 2018

Guy de Alex Lutz


Quasiment un genre en soi, le faux documentaire au cinéma n'est pas une originalité, " Zelig", " Le projet Blair Witch", " Borat", en témoignent. Cependant, en cultivant un côté jusqu'au boutiste, "Guy" surprend dans la production française actuelle. Ni vraiment une parodie, ni vraiment une comédie, le film réussit le pari finalement audacieux d'emporter le spectateur dans une fausse réalité. Parviendra-t-il  pour autant à attirer en salle les spectateurs, à l'intéresser au portrait d'un chanteur en fin de carrière, qui a connu un petite gloire dans les seventies avec des chansonnettes ringardissimes ? On peut l'espérer, car il possède un atout de choix : la double performance de son acteur/ réalisateur (et co scénariste) Alex Lutz.
En Guy Jamet ( c'est le nom de ce mix entre Michel Sardou sans son passage chez un carrossier/visagiste et Herbert Léonard), il se révèle excellentissime ( mention spéciale aux maquilleurs( euses) ), incroyablement crédible. ( Comme à la télé en fait où il se fait totalement oublier dans son personnage de Catherine ). Alex Lutz a soixante quatorze ans sans problème !
En réalisateur, il ne faillit pas non plus. Tout apparaît véridique, des tournées un peu minables ( mais aux fans ménopausées ou andropausés hystériques) dans les salles polyvalentes Michel Colucci, aux tours de chants réglés pour réduire les déplacements mais mettre en  avant ses yeux bleus et sa crinière blanche, du plateau culcul la praline de Michel Drucker aux extraits d'émissions de variétés des années Maritie et Gilbert Carpentier, rien n'est laissé au hasard, chaque détail pensé et sans que cela évoque une seconde la reconstitution.
"Guy" serait donc un film parfait ? Presque... Car malgré cette excellence dans la mise en scène, cette belle mécanique ronronne un peu et le semblant d'histoire ( le réalisateur du documentaire est un fils dont le chanteur ne connaît pas l'existence) tout comme cette idée de réhabiliter ce personnage qu'une première partie nous avait fait apparaître comme un gros beauf imbus de lui-même, ne suffisent pas à empêcher une petite baisse d'intérêt passée la première moitié du film. Peut être aussi, qu'Alex Lutz a voulu se faire un peu trop plaisir, prouver qu'il savait aussi chanter ( pas plus mal que beaucoup) et du coup s'en donne un petit peu trop à coeur joie.
Cependant "Guy" , par sa parfaite illustration d'un certain show bizz mérite le détour  et prouve qu'après le sympathique "Le talent de mes amis", Alex Lutz passe vraiment le cran au-dessus.