mercredi 28 juillet 2021

Kaamelott de Alexandre Astier

 


Quand on n'est pas fan de la série et qu'en plus on n'en a aperçu qu'une ou deux scènettes durant sa vie de téléspectateur,  comment reçoit-on le film ? La réponse fleure bon l'étonnement et un peu de circonspection devant cette production que l'on devine ambitieuse. 

Que voit-on à l'écran dans cette version décalée des chevaliers de la Table Ronde ? Une série de vignettes sensées être comiques ( et qui atteignent parfois leur but), parfois dramatiques mais qui ne fonctionnent pas du tout tant le mélange des deux, handicapé par une mise en scène et un montage en roue libre, n'arrive jamais à être prises comme telles. Alors, on laisse tomber l'histoire et ses très nombreux personnages jamais trop caractérisés ( Lancelot, qui est sensé être une affreux méchant, reste une sorte de fade bonhomme déguisé en lézard) et on se laisse entraîner par cette avalanche de sketches, diversement appréciés. On note des costumes hallucinants portés par une bande d'acteurs tous épatants ( mention à Guillaume Gallienne qui n'apparaît hélas qu'au début mais pas à Sting ( oui, le chanteur) qui ânonne quelques phrases apprises en phonétique), des dialogues bien écrits, des trucages numériques un peu trop voyants, des flash-backs étrangement ennuyeux.

Sans doute que les fans de la série seront contents de retrouver les personnages qu'ils ont adoré dans cette resucée pas très réussie, les autres, y verront une production originale, baroque, une camelote plus clinquante et aguichante que convaincante. 



mardi 27 juillet 2021

Old de M. Night Shyamalan


 Ne vous attendez pas à être terrassé par un twist final avec le nouveau Shyamalan, il n'y en pas ( ou alors,  vous n'avez jamais vu ou lu un quelconque roman ou film fantastique). Avec les années, il devient de plus en plus dur de surprendre le spectateur. 

Cependant, même si "Old" est loin d'être le meilleur film de l'auteur, on peut toutefois passer un moment plutôt divertissant. La situation de départ est originale : un groupe de touristes ayant acheté un séjour à prix très attrayant ( on devrait se méfier un peu plus des petits prix sur internet, ça cache toujours quelque chose) se retrouve enfermé sur une plage, certes paradisiaque, mais où ils vont s'apercevoir assez vite qu'ils vieillissent d'une année touts les demi-heures. Peur, paranoïa, folie, vont emplir les quelques instants qui leur reste à vivre... 

Nous sommes au cinéma, qui plus est dans une production étatsunienne et je rassure les fans de Gael Garcia Bernal, s'il vieillit bien à l'écran avec des ajouts de rides, sa barbe ne pousse pas, ses cheveux ne tombent ni ne blanchissent, continuant ainsi à le garder séduisant jusqu'au bout. Du fantastique OK, mais pas au prix à gâcher le sex-appeal d'une star ! On retrouve Vicky Krieps qui après "Bergman Island" semble aimer les atmosphères estivales mais continue à choisir des films qui ne la mettent pas en valeur ( difficile de trouver de bons rôles après " Phantom Thread"). Si "Old" arrive à ne pas ennuyer le spectateur, c'est uniquement parce que scénaristiquement le cahier des charges est au top : une rebondissement toutes les deux minutes. du coup, on peut ne pas se laisser aller à trouver les dialogues un peu lourdingues ou surlignant inutilement l'action ( Horreur, et si le spectateur ne comprenait pas ?), la musique redondante et un tantinet envahissante et la caméra multipliant les décadrages et les pirouettes sans doute pour bien spécifier que nous sommes dans un film fantastique. Comme le film hésite à être trop gore ( on n'est pas du tout dans "Titane"), lorgne aussi parfois vers la comédie ou le clin d'oeil grandguignolesque délirant ( la mort de Crystal), difficile de prendre tout ça au sérieux et d'être tout à fait ou horrifié ou impliqué. 





dimanche 25 juillet 2021

Onoda de Arthur Harari


 Un film français, en japonais, sur le dernier guerrier nippon, seul sur une île des Philippines et ayant cru jusqu'en 1974 que la deuxième guerre mondiale continuait, le tout sur 2h47,  ce n'est pas courant. Présenté en ouverture de la section "Un certain regard" à Cannes, on pourrait être tenté de caser ce long-métrage dans la case "film d'auteur rasoir", tant la longueur et le thème suppose un récit lent et contemplatif. Détrompez-vous, c'est une grand film d'aventures que nous propose Arthur Harari. 

Une fois l'histoire installée, et c'est peut être la partie qui manque un peu de nerf, ayant de mal à placer le récit dans le réel contexte historique seulement évoqué par des dialogues, le film démarre sans faiblir jusqu'à la fin. Sans rien dévoiler de l'histoire, au départ, le lieutenant Onoda, n'est pas seul car accompagné de quelques autres soldats. Et si vous vous figurez que l'île qu'on leur ordonne de défendre ressemble à celle de Robinson Crusoé, deuxième méprise, elle est grande, possède une population autochtone qui vit des ressources des plaines et des forêts de l'endroit.  Plein d'ingrédients pour donner de l'action à ses 10 000 nuits passées loin de tout et dans un état perpétuel de surveillance.  C'est donc une sorte de "survival" ....à l'américaine car on y sent toute l'influence de films étatsuniens, des westerns de John Ford ou  de Raoul Walsh mais aussi de la lumière de pas mal de films sur la guerre du Viêt-Nam. Pour accompagner les nombreux soubresauts de cette histoire, Arthur Harari déploie une mise en scène magnifique, d'une grande élégance, composant des scènes toutes plus parlantes les unes que les autres. Les acteurs sont au diapason, formidablement intenses. Les 2h47 passent très vite et se paient le luxe d'entrer en résonance avec notre époque où nous voyons sous nos yeux de spectateurs comment s'alimente la théorie du complot si à la mode ces derniers mois en 2021. 

Donc, pour résumer, "Onoda" est un film français ambitieux, très réussi, qui plaira à tout amateur de grand film d'aventures et qui, en ne sombrant jamais dans la facilité, passionnera aussi un spectateur plus exigeant. On dirait qu'Arthur Harari a trouvé la formule magique pour rallier tous les suffrages. 




jeudi 22 juillet 2021

Un jour ce sera vide de Hugo Linderberg


 Trois questions sur le prix Livre Inter 2021

Alors, il est comment cette année le prix du Livre Inter ? 

Vous avez peut être souvenir de prix du Livre Inter un peu déroutants ( "Supplément à la vie de Barbara Loden de Nathalie Léger" en 2012) ou vite oubliés car assez quelconques ( "Sombres dimanches" de Alice Zeniter en 2013) et depuis vous regardez ce prix avec un oeil critique pensant que les auditeurs/lecteurs de la radio française la plus écoutée ne sont en fait que d'abominables bobos intellos. Pourtant ces dernières années, la pioche des jurés fut vraiment très bonne avec Emmanuelle Bayamack-Tam  en 2019 et Anne Pauly  en 2020. Cette année, et dans un genre encore très différent, reconnaissons que  le choix est encore très bon et que ce serait étonnant, si vous n'êtes pas des fans absolus de la soupe Grimaldi ou Valognes, que vous soyez déçus. 

Franchement, les méduses en couverture, quelle horreur ! Ça ne parle vraiment que de méduses ? 

Si le roman débute effectivement par un garçon de 10 ans jouant avec une méduse échouée sur une plage normande, et si cet animal marin, repoussant pour beaucoup, occupe une fonction importante dans la rencontre du narrateur avec un autre garçon de son âge, leur présence en couverture n'est due qu'à leur grâce ondulante, quelque part la symbolique marine de l'état d'âme du petit garçon qui livre ses sentiments piquants de naïveté et d'interrogations torturées. 

Encore un roman où l'on ne va pas beaucoup rire ?

Effectivement, nous ne sommes pas chez Emmanuelle Bayamack-Tam dont le "Arcadie" nous a fait bien rire, mais "Un jour ce sera vide" ( avec un titre pareil, il n'y a aucune tromperie sur la marchandise) va plutôt nous plonger dans le monde de l'enfance, une enfance solitaire, d'un orphelin juif, élevé par sa grand-mère, et vivant chichement. On y trouvera magnifiquement écrit, et sans qu'une seconde on ne pense à l'adulte qui prend la plume mais bien à cet enfant torturé par la honte, le mal-être et le sentiment de faiblesse qui l'étreint. Cette plongée dans les pensées de ce jeune garçon nous fait revivre ce que tout un chacun à pu ressentir en lui dans ces années d'apprentissage de la vie, sans doute pas tout à la fois ( car le pauvre garçon cumule un peu), mais certainement cette façon que l'on a enfant d'exagérer le monde autour de soi, de le ressentir plus sombre, plus monstrueux, plus inquiétant qu'il ne l'est. C'est également un roman qui nous parle subtilement de genre, d'un petit garçon qui sent bien que les codes de la virilité lui échappent et aussi d'une amitié qui déjà frise la sensualité.  Ce roman possède la beauté de la tristesse des gens trop sensibles et ne laissera personne indifférent surtout si comme le narrateur, vous avez connu cet ennui si typique de cette période que résume cette simple phrase : " Devant moi s'étalent les rares jouets avec lesquels je tente parfois de faire avancer le temps." 



dimanche 18 juillet 2021

Cannes confidentiel de Xavier Monnier


 

L'éditeur Robert Laffont a fait enfiler à l'essai de Xavier Monnier une couverture aguicheuse, un peu comme les tenues des starlettes ou égéries de marques de cosmétiques défilant sur le tapis rouge cannois. En sous titrant "Sexe, drogue et cinéma", il habille le livre de façon trompeuse car si l'on parle bien de cinéma ( dans le sens très large du terme), il est au final peu question de drogue et de sexe ( quelques vagues évocations de ci, de là ). Les amateurs de croustillant en seront pour leur frais et il est bon de rappeler la maxime qui entoure le plus grand festival de cinéma au monde et que rares sont ceux qui en dérogent : "Ce qui se passe à Cannes reste à Cannes". Donc, les bruits de couloir, les anecdotes sur nos stars, les fêtes supposées orgiaques, ne font pas partie du programme. 

Par contre, vous y trouverez un historique détaillé du festival depuis sa création avortée en 1939, avec tous les ressorts politico-diplomatiques ( la fameuse concurrence avec le festival de Venise), jusqu'aux luttes intérieures de pouvoir qui circulent au sein de l'AFFIF ( Association Française du Festival International du Film)  grande organisatrice de ce rendez-vous professionnel incontournable dont Pierre Lescure ( président) et Thierry Frémaux ( Délégué Général) sont les figures de proue. Vous saurez tout sur le financement de l'événement, les arrivées des sponsors et leur importance en terme d'image mais surtout de rentrées de deniers. 

Vous entrerez aussi de plain-pied dans le système sophistiqué de coterie qui sévit au sein de ce conglomérat de professionnels et que les membres ( journalistes et professionnels) manipulent avec une attention soutenue. En gros toutes les jolies embrassades, les beaux sourires face à nos deux grands ordonnateurs du cinéma mondial lors d'une montée des marches ou conférence de presse camouflent un état de servitude énorme. Vous saurez tout sur le rôle de certains distributeurs, producteurs ou argentiers tout comme, MeToo oblige, sur l'affaire Weinstein maintenant qu'il est mis au banc de la société. 

L'enquête apparaît bien menée mais on sent bien que le journaliste a eu du mal à obtenir des interviews pour nourrir son livre tant les gens du métier craignent pour leur place au sein de ce système bien huilé et dont être écarté serait ressenti comme une réelle descente aux enfers. Malgré tout, cet essai passionnera ceux qui aiment voir la réalité des choses sous un autre angle, éclairé par son passé ici longuement raconté autant que par son présent dont seulement un pan de voile est soulevé. 

jeudi 15 juillet 2021

Titane de Julia Ducournau


 Titre à double sens,  "Titane" n'est pas seulement la plaque de titane greffée dans le cerveau d'Alexia après une accident de la route, mais aussi le féminin de "titan", qui la déclare héroïne hors norme dans un temps( futur?) où les regards, et donc les comportements, sur le genre auront changé. 

Après le choc "Grave", Julia Ducournau devait, pour son deuxième film, frapper fort et surtout confirmer l'attente qu'elle avait créée. La présentation en sélection officielle à Cannes lui apporte un sacré coup de projo, une presse partagée et donc un buzz qui devrait lui assurer un bon petit succès. La vision de "Titane" laisse toutefois un petit goût de film moins abouti que son précédent, sans doute dû à un trop plein d'ambitions. 

Aucun doute sur la mise en scène qui confirme un réel univers, avec une mise en images impressionnante, une bande son au diapason, une direction d'acteurs au cordeau, un travail énorme sur les éclairages, tantôt froids et métalliques, tantôt adoucis par des roses ou des mauves, mais souvent crépusculairement modernes. Aucun doute non plus sur l'envie de la réalisatrice de donner son sentiment sur le féminisme, le genre, l'amour, les corps, la déshumanisation d'une société envahie de machine ( ici surtout des voitures), le film regorge de plans signifiants et d'un sous-texte extrêmement dense qui permet à tout un chacun d'y puiser de quoi réfléchir, fantasmer, éructer, ressentir. Le petit hiatus vient justement de ce trop plein que le scénario ne peut endiguer sans quelques facilités ou ficelles qui nuisent à rendre son propos vraiment enthousiasmant ( sans rien dévoiler, les scènes de bandage, entre autres, sont un peu dures à avaler). Heureusement, cela est en partie compensé par les directions originales que prend souvent le récit ( notamment les deux scènes avec danses), par l'interprétation étonnante et qui plus est quasi muette d' Agathe Rousselle et surtout par cette rage de la réalisatrice à empoigner un sujet qui explose le cinéma de genre dans lequel on veut trop facilement la ranger. 

D'ailleurs, passé une première demi-heure assez violente faut le reconnaître, histoire sans doute de rester dans l'imagerie film gore, mais mâtinée d'un mix référentiel mêlant John Carpenter ( "Christine"), David Cronenberg ("Crash") et Quentin Tarantino ( " Kill Bill"), le film prend une tonalité vraiment différente, plus psychologique tout en gardant quand même un climat de violence latent. C'est là que se déploie toute cette charge politique autour des corps, de leur image et de leur devenir avec une conclusion qui renvoie   évidemment à un chef d'oeuvre du genre ( que je ne citerai pas pour ne rien divulgacher, mais oeuvre d'un roman d'abord et surtout d'un réalisateur aujourd'hui fort controversé) dans une version, une vision  bien plus (im)pertinente voire dérangeante.   Et c'est cette fin qui finit par faire basculer le film dans ce qu'il a de fort et d'original. 

Peut être moins bien troussé que "Grave" mais dans une même logique et intelligence quant à la vision qu'elle veut donner des hommes et des femmes et de leurs corps, Julia Ducournau, dans une surenchère de motifs confirme qu'elle est une grande réalisatrice. Nul doute que "Titane" dérangera, agacera, bouleversera et fera débat. C'est tant mieux,  c'est ainsi que vivra le cinéma !

PS ( du 17 juillet 2021) : "Titane" vient d'obtenir la palme d'or à Cannes et ce n'est que justice. Le jury couronne une cinéaste qui déroule une pensée affirmée et un cinéma pensé, habité. Sa proposition , sans doute la plus radicale de ce festival ( avec celle de Apichatpong Weerasethakul, mais déjà palmé) mérite amplement cette récompense même si, comme le soulignait la réalisatrice très émue, son film n'est sans doute pas parfait. On peut considérer son film, malgré une imagerie inspirée du cinéma gore et une mise en scène détonante,  comme un manifeste imparable pour une plus grande fluidité entre genres humains. Un seul mot : BRAVO ! ( et ravi pour elle). 



mardi 13 juillet 2021

Bergman Island de Mia Hansen-Love


 "Bergman Island" est l'archétype du film qui va engendrer des critiques formidables, du genre de celles qui encensent des détails d'un film pour mieux cacher la vacuité du propos et qui, si vous vous risquez à foncer dans une salle qui le projette, vous laissera le goût amer de la déception. 

Mais pourquoi cet engouement pour un film à l'intérêt dramatique tellement diffus qu'un plan de moulin suédois devient presque passionnant ? Il faut chercher dans la biographie de la réalisatrice qui semble transposer un peu de sa vie personnelle avec un réalisateur ( le très surestimé mais adoré des critiques Olivier Assayas) dans le récit de ce couple de cinéastes allant chercher l'inspiration à Faro, l'île où Ingmar Bergman vécut et tourna nombre de ses films. En gros, les gens de cinéma parlent aux gens de cinéma... 

Au départ, on peut penser que le fait que notre couple de héros dorme dans le lit qui servit au tournage de "Scènes de la vie conjugale", film" qui fit divorcer des millions de gens" , allait nous entraîner dans une sorte de resucée bergmanienne version 2021. Rassurez-vous pas du tout. Ces deux là, cherchent l'inspiration dans cet été suédois joliment filmé. Ils ne s'engueuleront pas, ils feront du vélo, iront à la plage, visiteront leur lieu de vacances, échangeront deux trois phrases ordinaires, ne s'écouteront pas beaucoup, s'ennuieront sans doute un peu ( mais moins que le spectateur qui commence à les trouver bien fades voire antipathiques). On cherche à deviner quelques non-dits qui donneraient un peu d'attrait à ce couple, mais c'est tellement diffus et banal que l'on s'intéresse soudain beaucoup plus au design des bicyclettes appuyées contre le mur de leur maison qu'à leur travail même si, elle, rame à trouver quelques idées. Et puis soudain, au bout d'une heure le film s'emballe ...heu... disons qu'il y a une autre histoire, celle du film qu'essaie d'écrire celle dont nous voyons l'histoire à l'écran. Chouette, apparaissent Mia Wasikowska et Anders Danielsen Lie... hélas dans une histoire tout aussi gnangnan et fade, laissant douter du talent de scénariste de la cinéaste ( celle du film...mais comme elle peut être la réalisatrice elle-même...). Seul avantage de la deuxième histoire, les deux jeunes et beaux acteurs sont parfois dénudés, ça met un peu de sel dans cette histoire d'amour contrariée totalement inintéressante. Bien sûr, plus tard, on apprendra que c'est aussi celle sans doute de l'héroïne scénariste ( woaw, c'est vachement original, on ne l'avait pas vu venir !). Et comble du talent au cinéma, nous aurons même droit à une mise en abyme dans la mise en abyme qui nous laisse totalement ...de marbre, tellement on n'en a vraiment plus rien à faire de ces atermoiements de pseudos intellos. On peut y voir un vague récit d'émancipation des deux héroïnes, mais cela a été mille fois mieux raconté ailleurs... 

Que retenir de cette résidence estivale de deux cinéastes ? Que sans doute le film a été produit par l'office de tourisme de Faro, qui nous montre l'île sous toutes les coutures, avec, faut le reconnaître de très beaux plans, dont certains faisant référence à Bergman (inévitable) et avec une montée en puissance se finissant par le saint du saint, la bibliothèque du maître ! Le ministère du tourisme suédois a dû y mettre aussi quelques couronnes puisque nous avons droit à tout ce qui fait la belle image du pays : les saunas, Abba, ...ne manquent que les boulettes Ikéa mais aussi, surtout, un scénario moins nombriliste conçu au final pour n'intéresser que les amis ( vraisemblablement fort nombreux ) de la cinéaste. 





lundi 12 juillet 2021

Je préfère les génies aux abrutis de Anémone et Laurent Brémond


 Ce livre posthume, signé par l'actrice ( et Laurent Brémont devenu son biographe par le hasard d'une rencontre dans un village du Poitou) n'est pas réellement une biographie, ni un livre de souvenirs mais un concentré des deux auxquels viennent se rajouter les émotions de l'auteur et les pensées militantes de la comédienne. 

Sur les pas de Laurent Brémont, nous rencontrons Anémone alors qu'elle a mis sa carrière en stand by, isolée dans sa campagne et sentant, sans se l'avouer, que la maladie ( un cancer du poumon) est en train de la grignoter. Une amitié naîtra avec l'objectif pour l'actrice de livrer face caméra ses souvenirs qui donneront sans doute un futur documentaire mais d'ors et déjà ce livre. On y trouvera donc le récit de cette amitié, les derniers jours de l'actrice mais aussi un résumé des séances des confidences filmées. 

Simplement écrit, le livre démarre gentiment, récit d'une amitié en construction puis des débuts d'Anémone où comment une amitié avec une bande de copains lycéens parisiens( dont le fils de Marguerite Duras) traînant dans les bons endroits l'ont conduit très vite à tourner le premier film plus qu'expérimental de Philippe Garrel à 17 ans. La suite, on la connaît moins. Le livre reste très, trop  pudique tellement cette partie  aurait mérité un plus grand développement, tellement Anémone avait déjà une très forte personnalité et a mené sa vie comme elle l'entendait, librement, follement, acceptant peu de liens et surtout de compromissions. Quand, dans les années 80, elle est rattrapée par le succès,  celui-ci ne durera que peu de temps, en gros de 1981( "Viens chez moi, j'habite chez une copine") à 1987 ("Le grand chemin"), car elle enverra très vite balader cette notoriété trop encombrante, la liant au milieu cinématographique qu'elle juge bourré de vulgarité et de gens aussi méprisants qu'inintéressants. 

Toute sa carrière sera rapidement survolée. Ne comptez pas trouver des anecdotes, des potins, ce n'est ni l'envie de l'auteur, ni d'Anémone qui préfère en dire plus sur ses convictions écologiques et anti libérales. Et soudain le livre prend une petite ampleur qu'il n"avait pas, rendant la comédienne diablement attachante, dont le sans compromission la place soudain dans une posture courageuse et diablement éclairante. Une femme libre, défendant de vraies valeurs et qui a mis en pratique ses pensées, envoyant balader strass, paillettes et argent pour une vie plus simple. Et quand arrivent ses derniers moments et ces rendez-vous manqués des deux amis, une émotion gagne le lecteur, ce qui, il faut l'avouer arrive rarement dans les biographies des gens célèbres. 

Ces confidences autour d'une actrice populaire , écrites simplement, donnent envie d'en savoir un peu plus sur cette comédienne qui fut, dès 1968 une femme de caractère libre, très libre et engagée. On a hâte de voir le documentaire qui devrait voir le jour bientôt. 

samedi 10 juillet 2021

Benedetta de Paul Verhoeven


 Et l'esprit saint...heu non, l'esprit Netflix est tombé sur le cinéma ! "Benedetta" en est la preuve bien réelle, ses producteurs ont trouvé l'équation idéale pour arracher les spectateurs de devant leurs téléviseurs, un film distrayant mais avec plus de violence, de sexe voire de transgression que ne le permettent les séries des plateformes de streaming toujours un peu timorées quand il s'agit de heurter un public à visée internationale. 

Le spectacle proposé par Paul Verhoeven, bien plus réussi que le très surestimé "Elle", a intégré les codes des récits actuels : un rebondissement toutes les cinq minutes car le spectateur risque de s'ennuyer et, pour  donner un cachet moins planplan qu'à la télé pimenter régulièrement de scènes de sexe où l'on ne cache rien ou d'un truc bien violent ou gore, genre torture, jet de sang, sadisme... 

Tout le reste n'est qu'un habillage de cinéma, avec un 17ème siècle italien qui ressemble plus à une sorte de Moyen-âge vite reconstitué sur une seule et même place ( donc avec tous les clichés cinéma, les baladins, les marchands de fruits,...) et des personnages principaux aux allures très contemporaines. La nonne Efira, avec ses mèches blondes toutes droits sorties d'un grand coiffeur, une gestuelle ou un franc-parler très actuels, font que déjà, on se détache du pensum intello historique et que ce film n'est qu'une fiction faite pour plaire. On adorera aussi les belles chemises de nuit en lin , avec une longue ouverture sur l'avant qui sont portées à même le corps par toutes ces nonnes décidément très libres ( bien plus qu'aujourd'hui!). 

Le petit plus de "Benedetta" est sans doute le fait que ce soit Paul Verhoeven qui soit au scénario et derrière la caméra. On peut y trouver donc ce qui fait son charme vaguement sulfureux : oser les sujets à scandale. En s'octroyant toute la bimbeloterie de la chrétienté, tous les faux-semblants, les duperies des religieux, en les montrant sous un jour plutôt caustique, le réalisateur ne choquera pas pourtant grand monde tellement tout cela a déjà été maintes fois montré à l'écran. Et ce n'est pas la fameuse statuette de la vierge transformée en godemichet qui mettra les foules catholiques en colère, elles en ont vu d'autres ...  On se distraira plutôt de la façon dont il malaxe toute cette imagerie religieuse, transformant Jésus en une sorte de super-héros ( moments comiques du film) , les nonces et autres dirigeants en de sacrés jouisseurs ou d'infâmes commerçants. Là encore ce n'est pas nouveau, mais grâce à de savoureux dialogues et d'excellents comédiens, on se laisse séduire. On peut par contre être un peu plus agacé par le côté monomaniaque de Paul Verhoeven dont on vante le côté féministe car présentant des femmes fortes libres de leurs désirs, ne peut s'empêcher de les dénuder toutes, assez complaisamment, de Virginie Efira à Guilaine Londez, seule Charlotte Rampling y échappe et évidemment tous les hommes du film ( alors que Lambert Wilson a une scène qui aurait pu tout à fait justifier qu'il puisse lui aussi exhiber son anatomie). 

"Benedetta",  film survendu par une promo qui frise le délire mystique ( "Faut qu'on l'amortisse, coco, les films en costume avec des stars ça coûte bonbon!"), n'est au final qu'un (bon) film distrayant, bien fichu scénaristiquement, mais qui n'atteint aucun des sommets cinématographiques promis. Le miracle dans ce bric à brac religio/sexy est que les acteurs s'en tirent à merveille, Virginie Efira en tête ... malgré les excès et les anachronismes. 



vendredi 9 juillet 2021

Pietà de Daniel Cole


 Un bandeau posé très utilement sur la couverture du nouveau roman de Daniel Cole nous rappelle combien "Ragdoll" était un bon thriller ... ( suivi de deux autres, complétant ce qui est devenu une trilogie). Avec "Pietà" , voici un nouveau personnage, le sergent Benjamin Chambers confronté à un premier meurtre aussi macabre qu'original mais qui marque un net manque d'inspiration de l'auteur. 

Reconnaissons à Daniel Cole de l'imagination pour appâter le lecteur en mettant en scène un sérial killer perpétrant des crimes hallucinants. Ici, un amateur d'art reconstituant avec ses cadavres des sculptures célèbres ( Le penseur de Rodin, La Pietà de Michel Ange, la Vénus de Milo, ...). Seulement, un "bon" crime original ( comme dans "Ragdoll") ne fait pas un bon roman, loin de là. Dans la première partie, hormis ces découvertes macabres, rien ne fonctionne vraiment. L'auteur peine à créer une atmosphère prenante, les personnages principaux sont mal esquissés, n'ont guère de caractère et échangent des propos d'une banalité confondante. Heureusement,  ce n'est qu'une ouverture puisque l'intrigue principale se déroulera 7 ans plus tard. 

L'arrivée de la tatouée Marshall, dans la deuxième partie relance un peu l'intérêt du roman, qui, hélas va vite patauger malgré la reprise des crimes artistiques d'un tueur dont on connaît très vite l'identité. Le roman hésite constamment entre le récit à suspens des crimes prévus à l'avance et l'idée de les empêcher, (ce qui avait fait le sel de son premier opus) mais en cherchant vaguement à s'en détacher, et le polar à énigme ( le pourquoi cette obsession sculpturale). Du coup, en y rajoutant une pincée du classique tueur caméléon qui se déguise et donc change d'apparence constamment, l'intrigue brinquebale sans jamais prendre une réelle direction, toujours accompagnée par les dialogues plats des enquêteurs peu empathiques faute de caractère. On s'y ennuie ferme, et plus on approche de la fin, plus l'intérêt tombe. 

"Pietà" est une grosse déception. Mal ficelé, en panne d'imagination ( sauf pour les crimes) mais surtout écrit à l'arrache, pas certain que le succès soit au rendez-vous ...peut être pour qui n'aurait jamais lu Daniel Cole, ni de polars? 

mercredi 7 juillet 2021

Annette de Léos Carax


 5 questions que l'on peut se poser avant d'aller voir "Annette". 

"Annette" est-il le très grand film annoncé partout? 

Incontestablement OUI. C'est un maelström continu qui raconte autant de l'amour du cinéma que porte en lui Léos Carax que de sa formidable énergie créatrice qui irriguent ces 2h20 d'un spectacle ambitieux. La beauté des images, la puissance de la mise en scène font oublier un scénario assez quelconque , basique ( comme dans beaucoup de livrets d'opéra) : Ils sont stars, s'aiment, font un enfant puis vient la séparation flirtant avec la mort. Mais cette trame est transcendée par une poésie visuelle portée à son paroxysme et qu'accompagnent deux acteurs parfaits. 

Mais "Annette" est une comédie musicale et moi les comédies musicales...

Non, ce n'est pas une comédie musicale à proprement parler. Même si la plupart des dialogues sont chantés ( mais souvent assez courts et avec des chansons aux paroles très répétitives), cela ne ressemble en rien à du Jacques Demy sauf pour le soin apporté au visuel ici en version assez sombre. Ce n'est pas non plus niais comme "Lalaland" car la mort rôde partout et l'on ne trouve pas de passages dansés non plus ( ou à la marge des déplacements vaguement chorégraphiés). Le terme le plus adéquat pour décrire le film serait "opéra pop", la musique des Sparks ( et ses sonorités un peu datées) y invite assurément, sachant qu'il est aussi beaucoup question d'opéra classique dans cette histoire. 

"Annette" n'est-il pas un film intello, à message et/ou pour cinéphile ? 

Pas de souci de ce côté là, le film mélange évidemment Eros et Thanatos, mais sans que cela soit rende le film obscur. Sa thématique principale surfe sur le monde du spectacle et l'emprise qu'il créé sur les êtres ( artistes comme spectateurs) jusqu'à ses limites mais nous ne sommes quand même pas chez Guy Debord. Les cinéphiles sur 2h20 y trouveront forcément des références avec, entre autre, de multiples références à la mort idiote dans le Batman de Christopher Nolan ...Avouez que ce cela s'adresse quand même à un grand public. Pour les cinéphiles purs et durs, on trouvera le plein des figures habituelles du réalisateur ( la moto qui roule dans la nuit, le vert, ...) ou d'autres nichées au fil des scènes ( les pommes, l'angiome d'Adam Driver qui grandit, ...) pour gloser entre fans mais qui n'encombrent jamais le récit. 

Y'a-t-il d'autres choses à connaître avant de se décider à aller voir "Annette"

Calmons tout de suite la frénésie des adorateurs d'une certaine chanteuse belge, Angèle n'apparaît que furtivement dans une scène collective de femmes en colère et chante deux lignes de couplets... Pas de quoi entraîner une ruée de fans au cinéma ni de lui demander ( comme sur les marches de Cannes où elle faisait partie de l'équipe du film) comment c'était de tourner avec Léos Carax... ( qui apparaît lui-même dans le film, comme les Sparks d'ailleurs. Petit détail supplémentaire, si vous êtes de ceux qui se lèvent dès qu'apparaît le premier nom du générique de fin, patientez, le film se conclut un peu plus loin et d'une jolie manière ...

Mais pourquoi aller voir un film au scénario banal, à la musique pas hyper emballante et au message mainstream ? 

Tout simplement, malgré un livret banal ( c'est une sorte d'opéra rappelons-le), il y a un génie de réalisateur à la mise en scène, qui dès les premières minutes vous emporte dans un univers de cinéma comme cela arrive rarement, jouant de tous les codes, de tous les rêves, de tous les fantasmes. La caméra virevolte, ouvre des espaces inattendus, capte l'indicible comme le merveilleux, joue de tous les genres pour mieux nous surprendre, nous faire frémir, nous émerveiller. Cela peut paraître pompeux, pompier, c'est juste magique, imaginatif, sensible, accrocheur, jouissif. Du pur, du grand cinéma de divertissement ...pour peu que l'on se laisse aller à la magie et à la poésie d'un cinéaste vraiment inspiré. 





mardi 6 juillet 2021

Teddy de Ludovic et Zoran Boukherma


 Oui "Teddy" est un film de genre avec loup- garou et donc sang et spectateurs un rien coincés sur leurs sièges. Mais "Teddy", bien plus qu'un petit film d'horreur, s'affiche comme un formidable concentré non pas de tomate ( qui gicle de temps en temps) mais de talent. 

La scène inaugurale, simple, naturaliste, avec un joli déplacement de caméra et son jet ( de concentré de tomate) final, place tout de suite le film dans une catégorie "roi de la bricole", mais un roi qui a le sens du cadre, de la direction d'acteurs. Avec trois bouts de ficelle, un ongle, un long poil, un scénario bien écrit, des acteurs bien choisis et bien dirigés, "Teddy" arrive à convaincre même un non amateur du genre ( par contre les fanas d'horreur risquent de le trouver pas si horrifique que ça car au final trop décalé ). 

"Teddy", avec son jeune héros un peu brut de pomme, joue sur plusieurs tableaux et donc permet une lecture multiple. Les cinéphiles y verront un petit hommage au cinéma de Bruno Dumont. Anthony Bajon ( excellent) et la paire de flics, mais aussi cette façon de filmer la province, rappellent "P'tit quinquin". Les amateurs de social pourront y voir une lecture biaisée mais bien réelle sur les clivages sociaux d'une société à la dérive, les différences de classe comme le handicap qui séparent les humains pour mieux les dominer, sans oublier la charge symbolique du personnage de Teddy, loup blessé parmi les siens. Et le spectateur lambda, verra un film sympa, bourré d'humour, jouant parfaitement le hors cadre pour faire ( un peu) peur, attirant l'oeil avec des cadrages biscornus mais jamais gratuits et finissant même par émouvoir ( avec un final porté par Ludovic Torrent absolument magistral). 

"Teddy", malgré le discours un peu sombre, laisse l'agréable impression que de jeunes talents bousculent enfin un cinéma français souvent planplan, savent épater le spectateur par leur créativité, leur sens de la bricole et une écriture plus complexe qu'il n'y paraît. On imagine bien ces deux frères comme de futurs grands réalisateurs... C'est tout le mal qu'on leur souhaite ! Foncez voir "Teddy" tant qu'il est à l'affiche. 




lundi 5 juillet 2021

De l'or pour les chiens de Anna Cazenave Cambet


 C'est le film de tous les contrastes. Tout en gardant un rythme très art et essai ( qui prend donc le temps) avec peu de dialogues, " De l'or pour les chiens" surprend toutefois en faisant cohabiter dans un énième récit d'initiation adolescente  sexualité crue et vie monastique. Attention, nous ne sommes pas dans " La nonne perverse" ou autre joyeuseté vaguement scandaleuse, ici ces deux thèmes se succèdent et permettent à l'héroïne de progresser dans son cheminement pour le moins erratique. 

Esther, 17 ans, un physique de fille que les garçons ne regardent pas forcément mais qu'ils vont aller trouver en fin de soirée, histoire de s'alléger d'un trop plein de fluide, s'amourache malgré une certaine froideur de l'un d'eux. ( Scène d'ouverture du couple faisant l'amour dans une dune, plan fixe des deux corps nus en mouvement, à la bonne distance, assez frontal pour ne rien cacher, assez éloigné pour que ça reste cinématographiquement beau). Evidemment quand on est une taiseuse et qu'aux yeux du jeune gars juste un coup, l'histoire est mal emmanchée. Esther va s'en apercevoir bien vite, ajoutant un coup de plus en sa désillusion en la nature humaine ( famille assez dysfonctionnelle). Et c'est dans un univers où l'on ne parle pas ou très peu (le couvent), que cette jeune fille qui a du mal avec la communication orale, va obtenir des réponses à des questions qu'elle ne se posait pas ( notamment sur sa sexualité et l'image de la femme). C'est  la rencontre de ces deux espaces très antinomiques ( les plages des landes en été, un couvent) qui prend le spectateur à rebrousse-poil. On suit Esther tour à tour boudeuse, enfantine, jolie ou ingrate, incarnée par Tallulah Cassavetti qui enflamme l'écran mais qui, lorsque les dialogues se font plus longs ou dépassent la petite phrase, montre encore ses limites de comédienne. 
Au final, un film qui joue deux musiques assez différentes pour montrer l'ambigüité de la vie et comment celles-ci peuvent parfois se rencontrer pour donner un élan nouveau à une femme en devenir ainsi que de permettre à une jeune réalisatrice possédant un joli regard et un petit univers bien à elle de pointer le bout de son nez dans le cinéma français. Un premier film à découvrir...