vendredi 26 novembre 2021

De son vivant de Emmanuelle Bercot

 



Emmanuelle Bercot a, jusqu’à présent, une filmographie plutôt intéressante. Force est de constater que son nouveau film se logera dans la case « film raté » et vite oubliable.

Reconnaissons à la réalisatrice de s’attaquer avec beaucoup d’empathie à un sujet pas facile et certainement pas vraiment attrayant pour le spectateur : la fin de vie, ici d’un quarantenaire. Elle essaie d’y mettre autant de sensibilité que de bienveillance mais un scénario plus que bancal et bourré de ficelles parfois ineptes, ôte tout pouvoir émotionnel aux spectateurs ( ou alors aveugles aux grosses ficelles, ça existe!)

Tout d’abord, il y a eu cette idée de mettre en avant les techniques pleine d’empathie du professeur Sara ( dans son propre rôle), pas bien originales ( sauf peut être dans leur partie musicale ) mais totalement anéanties par la présence de son assistante infirmière ( et Cécile de France n’est pas en cause, elle fait ce qu’elle peut la pauvre), qui n’a l’air de rien foutre de sa journée, sorte de potiche que la réalisatrice place  dans le décor à regarder voler les mouches ( dans un hôpital, on a du mal à y croire) et qui, encore plus improbable, tombe  amoureuse de son patient ( certes Benoît Magimel), ce qui semble être la seule activité que lui offre les scénaristes. A cela, se greffent deux ou trois sous intrigues assez banales qui alourdissent le propos. Si Benoît Magimel est très bien dans son rôle ( mais est ce le même acteur vu la semaine dernière dans «  Amants ?) Catherine Deneuve, erre de chambre en couloirs, la lippe boudeuse pour signifier qu’elle souffre et dont le prénom de Cristal lui va aussi bien que les horribles chemisiers qu’une costumière démoniaque l’a affublée. Emmanuelle Bercot joue de la caméra parfois avec brio pour éviter de tomber dans l’émotion facile tout en cherchant quand même à alléger le propos avec des scènes drôles ou pittoresques mais qu’on a du mal à penser possibles dans un hôpital ou parfois pas crédibles comme celle, certes charmante du vieux monsieur qui danse et joue des maracas mais pas raccord avec le reste du film ( Benoit Magimel pour les besoins de la scène a un voisin de lit alors que tout le reste du film il est en chambre individuelle) . Ah j'oubliais ! Le pompon ! On entend Catherine Deneuve dire qu'elle a été obligée de casser son PEL pour payer les frais d'hospitalisation, réplique un peu risible dans la bouche de notre star mais surtout plus qu'inepte puisque, la caméra n'arrête pas de bien signifier que nous sommes dans un hôpital public ( donc pas dans une clinique huppée pour stars ou peu nécessiteux). A cela se rajoute un plan de cette mère, sensée tirée le diable par la queue, effondrée dans un magnifique salon dont une immense baie vitrée révèle une somptueuse piscine gracieusement éclairée. 

Entre grosses facilités scénaristiques pour rendre le film pas trop sombre et surtout étoffer l’intrigue dont on connaît forcément l’issue, «  De son vivant » rate sa cible et plonge dans le gnangnan complètement hors sol.  




 

jeudi 11 novembre 2021

A Good Man de Marie-Castille Mention-Schaar


Aude et Benjamin vivent en couple, s'aiment et désirent un enfant. Fatalité ! Aude est stérile. Ce sera donc Benjamin son mari, en pleine transition, qui portera l'enfant. Sur un pareil postulat, le film pourrait partir fournir un prétexte  à un futur débat télévisé sur un fait de société ou prendre un parti-pris plus militant pour lutter contre la transphobie. Marie-Castille Mention-Schaar choisit une voie à la fois plus douce et sans doute moins évidente : raconter une histoire de couple qui désire concrétiser leur amour en mettant au monde un enfant. Banaliser un récit peu habituel en somme. Du coup, les militants LGBTQ+ lui tombent à bras raccourci dessus parce que lissant quasi totalement les discriminations que subissent les personnes trans en situant le film dans une petite île bretonne et surtout parce qu'ayant donné le rôle masculin à une comédienne cis ... polémique un peu idiote, car c'est bien le job des acteurs de pouvoir tout jouer, comme d'ailleurs le comédien trans Jonas Ben Ahmed qui joue, dans le film, un rôle cis ( j'espère que vous suivez).
"A Good Man" narre donc le parcours émotionnel de ce couple dans son désir d'enfant, entre eux et avec leur famille évidemment pas toujours dans l'empathie. Le film déroule donc une trame classique, voire banale pour une histoire qui ne l'est pas encore, sans grands effets scénaristiques, préférant parfois tomber dans le lacrymal de bon ton. Si l'ensemble fonctionne et émeut, c'est en très grande partie grâce aux deux comédiennes, Soko, débarrassée de son image d'actrice branchée, convainc totalement avec son humanité à fleur de peau et surtout Noémie Merlant, absolument bluffante dans le rôle de Benjamin, qui prouve une fois de plus son immense talent mais qui cette fois-ci se pose comme sans doute la comédienne tout-terrain qui brillera bientôt au firmament du cinéma français.
Rien que pour ce duo d'actrices  on doit aller voir "A Good Man" , peut être un peu trop planplan dans sa forme mais qui a le mérite d'aborder un sujet original qui ne peut que questionner le spectateur. 





mercredi 10 novembre 2021

Aline de Valérie Lemercier

 


Saoulés par la présence envahissante de Valérie Lemercier venue dans tous les médias défendre ce qui paraît être une des plus grosses productions françaises de l'année, vous vous dites que cette fois-ci vous ne vous ferez pas avoir par cette promo infernale, car après tout Céline Dion, ce n'est pas votre came. Nous sommes en novembre, mois d'une tristesse absolue et il serait idiot de bouder ce film grand spectacle de plus de deux heures, avec de la musique, des paillettes, de l'humour, de la passion et qui passe en un éclair. 
Aline, c'est Valérie Lemercier, chanteuse québécoise devenant, grâce à l'amour de son manager beaucoup plus âgé, une star internationale. Doublée au niveau chant par Victoria Sio, on reconnaît quelques chansons qui font désormais partie du patrimoine culturel de la variété francophone et puis cette destinée, ces  anecdotes nous disent quelque chose... peut être grâce au Paris Match feuilleté chez le coiffeur. 
Rien de bien emballant me direz-vous, ce biopic semble ressembler à mille autres. C'est sans compter avec le dynamisme, la folie, le talent de la réalisatrice, scénariste, comédienne Valérie Lemercier. Parce qu'au-delà de cette évocation d'une chanteuse canadienne, il y a la performance d'actrice, méli-mélo de deux personnalités au parcours pas si dissemblable, mais à l'écran bluffant, et une narration se déroulant sur plusieurs décennies qui coule sans aucune aspérité et sans ennuyer une seule seconde. 
Sans être un chef d'oeuvre absolu, mais sans doute le meilleur film de Valérie Lemercier, "Aline" répond parfaitement, et avec talent, aux canons du grand film populaire, bien fait, joliment tendre et humoristique, qui ne tombe jamais dans les clichés facile. Du grand et du bon divertissement !








mardi 9 novembre 2021

Compartiment n°6 de


Ce voyage en train en Russie d'une finlandaise curieuse de peintures rupestres déroule une intrigue assez lente, plutôt sympa mais prévisible et surtout coche toutes les cases du film de festival qui veut être primé ( et réussit à l'être, Grand prix à Cannes). Toutes ? Vraiment ? Pas certain ...
"Compartiment n°6" se déroule comme on peut le comprendre à bord d'un train allant de Moscou à Mourmansk ( proche de la frontière finlandaise). Voyage exotique pour nous et qui consolide tous les clichés que l'on a sur la Russie. On aura donc droit aux litres d'alcool ingurgités, aux gros cornichons en pot, à la babouchka, à la solide contrôleuse peu aimable ( mais incorruptible), au caviar et même au mauvais champagne ( sans doute local). Pas certain que l'office de tourisme russe ait sponsorisé le film car, un grain d'image assez prononcé renforce le côté triste voire sinistre et sale du pays. 
Cependant, se déroule une histoire vieille comme le monde : ils n'ont rien en commun, le premier regard échangé confirmera qu'ils se détestent d'emblée mais, apprendront à se découvrir petit à petit à s'apprivoiser, à s'aimer ( ai-je vraiment spoilé la fin de ce film si prévisible?). Le film prend donc les rails d'une histoire humaniste, alliant rapprochement des classes sociales et beauté de la naissance d'un amour. C'est filmé presque comme un documentaire mais avec de jolies scènes de comédie attrapant des moments d'une grande sensibilité où l'on peut lire sur les visages les petits changements en train de s'opérer dans la tête des protagonistes. Ce n'est pas novateur, ni original, mais peut toucher par moments.
Revers de la médaille, le film n'avance pas très vite, sans doute au rythme de ce train qui s'arrête très longuement dans les gares desservies. Et du coup on a le temps de laisser l'esprit gamberger et de ce demander si ce film, dans lequel le ministère de la culture russe a injecté quelques sous, n'est pas, insidieusement, un film de propagande, une sorte de double thérapie de conversion qui ne dit pas son nom. La lesbienne européenne ramenée dans le droit chemin sexuel et politique par un rude, courageux et viril russe ... Et ce n'est pas la dernière scène, à double , voire triple, lecture qui permet d'effacer ce doute... 
Alors "Voyage, Voyage" (  Desireless, décidément une chanson que l'on retrouve beaucoup dans les B O des films en ce moment ) mais dans quel pays ? Celui des films arts et essais formatés assez moches et lents pour plaire aux jurys esthètes des festivals ? Ou celui d'un pays essayant de préserver des archaïsmes d'un autre âge ? "Compartiment n°6" balance entre les deux et c'est dommage. 



jeudi 4 novembre 2021

Les Olympiades de Jacques Audiard

 

Si l'on compare ce nouvel film avec les précédentes productions de Jacques Audiard, il n'a rien à voir avec le côté viriliste des "Frères Sister" et du plus dérangeant et équivoque "Dheepan". Cette immersion au coeur du 13 ème arrondissement et surtout dans la vie de quatre trentenaires dont trois jeunes femmes, montre un côté plus sensible et bien plus sympathique du réalisateur. 
Avec un noir et blanc magnifique ( mais a-t-on déjà vu un film récent avec un noir et blanc moche ou quelconque ?) et son habituelle virtuosité de mise en scène, Jacques Audiard parvient, sans doute aidé par  ses deux scénaristes Céline Sciamma et Léa Mysius, à saisir le quotidien d'une génération nourrie aux raisons sociaux, au questionnement sur la société et les traditions et au désenchantement. Sans jamais appuyer les effets, il parvient à brosser les errances et les interrogations d'une jeunesse qui refuse certains codes et navigue au gré de ses envies avec cette fluidité désormais acquise par beaucoup. Noémie Merlant et Jenny Beth, parfaites et même plus comme habituellement, sont accompagnées par deux vraies révélations Lucie Zhang, tour à tour franchement agaçante ou émouvante, jouant constamment au grand écart que ce soit avec ses amours qu'avec les traditions familiales et Makita Samba, magnifique et magnétique, lui aussi essayant de se libérer à sa façon des carcans de l'Education Nationale ou de sa famille. Tous s'essaient à éviter cette solitude urbaine qui pourrait les anéantir. 
On ressort du film les yeux éblouis par ces images, les oreilles enchantées des nappes musicales de Rone et la tête pleine de questions, de réflexions, réveillées par un film qui suggère énormément.  et laisse beaucoup de place au spectateur. Du Jacques  Audiard de cette trempe, j'en redemande ! 





 

mardi 2 novembre 2021

The French Dispatch de Wes Anderson


 Wes Anderson est un grand réalisateur, qui plaît et qui n'a aucun problème pour produire ses films. Il a un univers singulier, pas mal tourné vers le passé, transcendé par une virtuosité sans égale niveau mise en images. "The French Dispatch" pourrait être un sommet cinématographique sauf que la machine, très bien huilée, tourne au final un peu à vide.

Côté intentions, le panier est plein. Il a voulu recréé, en version cinéma, les articles d'un journal style "The NewYorker" et au-delà porter très haut un genre souvent mal fichu : le film à sketches. Là dedans, il s'est piqué d'y introduire une foultitude de stars ( les habituelles Owen Wilson, Tilda Swinton, Bill Murray, ... et un tas d'autres) tout en faisant ce qu'il avait envie niveau format, décors, genre, narration, couleurs, noir et blanc. Comme si cela ne suffisait pas, il a voulu rendre un hommage appuyé au cinéma, français principalement, en multipliant les références  ( Tati, Duvivier, Godard, ...) ainsi que d'introduire quelques pensées bien de notre époque ( sur les révoltes adolescentes, sur les violences policières, sur le monde de l'art, ...). 

A l'écran, même si on a du mal à savoir où poser l'oeil tellement tout est foisonnant, on est épaté par tant d'inventivité, de folie maîtrisée. Ca rappelle "Grand Budapest Hôtel" mais version plus plus. Sauf que cette épate  dure en gros vingt minutes. Passé ce cap, on commence à saturer, on se prend à regretter de ne pas pouvoir déguster mieux une image avec sans doute plein de clins d'oeil. Le montage ultra rapide ne nous laisse même pas le temps de reconnaître, certes malicieusement grimés, certains acteurs ( Ah, y'avait Cécile de France? Pas vu !). Du coup, on essaie de passer outre cette hystérie visuelle, on se concentre sur les histoires contées et l'on s'aperçoit bien vite qu'au-delà des décors qui coulissent, des travellings avants, arrières, latéraux, des caméos de stars déguisées, elles ne sont guère passionnantes ces historiettes, frisant la facilité et l'anecdotique. On perçoit le creux de l'ensemble et le temps commence à devenir long, surtout que bien vite les effets se répètent jusqu'à la nausée ( de l'oeil). 

Wes Anderson a situé son film en France dans la ville imaginaire de Ennui-sur-Blasé. Il est peut-être facile de dire que cela résume bien l'ensemble, mais hélas, tellement proche du ressenti spectateur qui passe de l'émerveillement à l'ennui en même pas deux heures ! Une prouesse ? 



lundi 1 novembre 2021

L'enterrement de Serge de Stéphane Carlier

 


Quand on cherche un roman de détente, le mot "enterrement" n'est pas forcément vendeur, même emballé avec quelques fleurs japonisantes autour. La quatrième de couverture du septième opus de Stéphane Carlier précise toutefois : "Cet enterrement-là vous rendra heureux !". Effectivement, les péripéties nombreuses de cette histoire et le happy end final raviront sans doute les amateurs de littérature légère avec de bons sentiments ....de là à nous rendre heureux...c'est un pas que franchit allègrement l'éditeur car ayant un but commercial,  pour le lecteur, c'est peut être moins évident.

Imaginons un instant un lecteur cherchant un moment de détente et qui se plonge dans ce roman. Il aura donc passé outre le décor principal ( église, cercueil, cimetière) . Peut être est-il amateur d'un humour un peu noir ? Il n'en trouvera pas vraiment, mais se plongera au coeur d'une histoire, banale au départ, qui, petit à petit se transformera en une sorte de vaudeville vaguement grivois par moments et qui essaie de jouer l'effet boule de neige ( cette boule lancée du haut de la montagne qui devient gigantesque) avant de terminer dans un déluge de jolis et gentils sentiments sensés réchauffer les coeurs. Ce n'est pas toujours exempt de clichés, de facilités ( surtout vers la fin) mais cela reste agréable à lire si l'on cherche un moment détente simple. 

Sans donner ma bénédiction cinq étoiles à ce roman, il comblera sans doute tous les amateurs de comédie pas vraiment noire et encourageons Stéphane Carlier pour son obstination à écrire des romans sensés nous détendre en souriant, ils sont peu nombreux dans ce créneau là.