mardi 30 décembre 2014

Que garder de 2014 ?

Comme d'habitude, de retour avec les bêtisiers et les listes des meilleurs sportifs, films, romans ou chats sur You Tube, je vais dresser la liste de toutes ces choses qui ont enchanté mon année. Comme je suis très très loin d'avoir tout lu, tout entendu, tout vu, tout cela reste bien entendu très subjectif. Une chose est certaine, tout ce qui suit m'a enthousiasmer au point de saouler mon entourage jusqu'à lecture ou écoute ou vision du coup de coeur. Les amis aussi n'y ont pas échappé puisqu'ils se se vont offrir certaines BD ou romans avec obligation non pas d'aimer mais de donner très vite un avis (si possible positif, dans l'espoir qu'ils aient passé un excellent moment).

En musique (oui je sais, je ne suis pas un spécialiste , n'est-ce pas Yann ? ) mon énorme coup de coeur, c'est elle :


CHRISTINE AND THE QUEENS

Je ne suis pas original, puisqu'elle semble faire l'unanimité, mais ce fut un vrai coup de coeur à la fois musical et scénique. Le disque a accompagné mon été, mon automne et maintenant mon hiver. Son spectacle fut un pur moment de bonheur et toutes ses interviews sont un régal. Enfin on tient quelqu'un d'intelligent, un poil provocatrice, talentueuse (auteur, compositeur, interprète, chorégraphe, ...) et ayant une présence comme peu de chanteuses l'ont en France. Sa carrière, qui semble très pensée, marketée au millimètre, s'engage sur de très bons rails malgré des paroles de chansons loin d'être évidentes ou populaires...

Pour le cinéma, j'ai vu beaucoup de bons films : Mommy, Winter sleep, Timbuktu, mais j'en retiendrai deux qui m'ont emballé pour des raisons totalement opposées.


The Grand Budapest Hôtel

Wes Anderson nous a fait cette année une proposition de cinéma ultra gourmande. Une histoire à la Tintin aux multiples rebondissements, permettant de retrouver des joies toutes enfantines mais étant également une réflexion sur le temps qui passe, la dictature. Une réalisation ultra sophistiquée, avec des plans d'une beauté à couper le souffle, jouant avec le cadre, la symétrie, le carton pâte, le numérique, sans jamais être lourdingue ou pouvant être traité de simplement décoratif. Une pléiade de stars venues faire une apparition ou jouer un petit rôle, sans qu'on les reconnaisse vraiment tellement elles sont grimées, prouve que quelquefois le cinéma est un vrai spectacle. Le cinéma dans toute sa splendeur !


Les combattants

Attention, le premier film de Thomas Cailley n'est pas le chef d'oeuvre de l'année, il est seulement pour moi emblématique du jeune cinéma français actuel : un scénario sortant des sentiers battus offrant un rôle féminin loin des clichés habituels, mélangeant humour et poésie, des personnages forts ou décalés ou simplement humains, un sens du rythme et un art déjà précis pour passer de la scène comique à une scène de presque science fiction. Mais ce film là marque aussi l'explosion d'une comédienne extraordinaire, qui ne devrait pas tarder à truster le haut de l'affiche : Adèle Haenel. Elle justifie à elle seule la vison multiple de ces combattants qui permet de penser que le  cinéma français à encore de beaux jours devant lui. 

Au niveau livres, j'ai dû passer à côté de beaucoup de chefs d'oeuvre, mais dans ce domaine, on peut toujours rattraper les oublis. Pour 2014, je retiendrai un roman et une bande dessinée; une consécration et une découverte 

La consécration, c'est Maylis de Kerangal.


Avec "réparer les vivants ", elle a ouvert en fanfare l'année 2014 et je n'ai pas eu durant l'année un tel coup de coeur. Virtuosité du style, ampleur et humanisme du propos, son roman est une ode à la vie et à l'espoir. Les bons jurys du printemps ne se sont pas trompés (France Culture et Orange) et ont couronné ce qui restera LE roman de l'année. A noter que c'est souvent lors de la rentrée littéraire de janvier que sont publiés bien souvent les romans les plus intéressants. 

La découverte, c'est Jérémie Moreau


 

On l'avait découvert au dessin l'an passé avec l'excellent "Singe d'Hartlepool". Il était accompagné au scénario par le talentueux Wilfrid Lupano. Avec ce diptyque autour d'un joueur de tennis de génie, il a proposé une histoire ( scénario et dessin) absolument intense et originale, un véritable suspens dans un univers de folie. C'est hallucinant de maîtrise scénaristique et de créativité. Un coup de maître ...et il n'a que 27 ans ! Vivement le prochain !


Et je souhaite une belle et heureuse année à tous les lecteurs qui tomberont sur ce billet et à tous les autres qui viennent régulièrement ou occasionnellement. 


lundi 29 décembre 2014

Fidelio de Lucie Borleteau


Qui a dit que le cinéma français était formaté? Si l'on regarde en marge des grosses productions, il existe des petits bijoux qui ne demandent qu'à être vus et appréciés. Bien sûr cela peut être raté comme "Tiens toi droite" ou " Gaby baby doll" ces dernières semaines, ces deux naufrages surfant sensiblement sur une même thématique que "Fidelio".
Alice est une jeune femme d'aujourd'hui et exerce la profession de mécanicienne de la Marine Marchande. Elle embarque pour une mission d'un mois sur le "Fidelio", laissant à terre son amant, dessinateur de BD norvégien. Déterminée, professionnelle, elle remplace sans mal un mécanicien qui s'est suicidé. Seule femme sur le bateau, elle sait s'imposer et participer pleinement à la vie à bord. Le seul bémol est qu'elle retrouve en la personne du commandant, un ancien amant, connu lors de son apprentissage. Mais "comme ce qu'il se passe en mer, reste en mer", elle va renouer avec lui, cédant sans peine à son désir. Tout le contraire d'une Pénélope, Alice va vivre sa vie de femme, sans culpabilité, tout en sachant que des amours au pluriel ne sont pas choses faciles.
Le scénario peut sembler mince mais il est irrigué par des notations secondaires sur les rapports entre les hommes du bateau, tous se baladant avec des histoires où se mêlent amour et solitude, mais aussi sur les conditions de travail dans un navire marchand et du sous prolétariat philippin à qui incombent les basses besognes. Alternant des scènes quasi documentaires avec d'autres beaucoup plus intimistes, le film déploie son charme doucement et surement. On s'attache à Ariane, on sent ses hésitations tout comme ses fureurs, ses chagrins car elle est magnifiquement interprétée par Ariane Labed, pour moi une vraie découverte. Elle porte sans mal le film sur ses frêles épaules. Elle est aussi crédible en combinaison de mécano qu'en femme amoureuse ou troublée.
En imposant son héroïne loin des stéréotypes habituels dévolus aux personnages féminins, le film est sans doute féministe mais de la façon la plus subtile qui soit : la réalisatrice pose un regard de normalité totale et évite toute lourdeur, tout militantisme ostentatoire. C'est un bien joli cadeau que nous offre le cinéma en cette fin d'année. Un film réussi et porteur de belles promesses ! On en redemande !


dimanche 28 décembre 2014

Poussy, l'intégrale par Peyo


Poussy est loin d'avoir connu le succès des Schtroumpfs et pourtant il tient une place particulière dans mes souvenirs. En achetant cette intégrale, c'est toute une bouffée de mon enfance qui est remontée. Lecteur du magazine Spirou depuis l'âge de sept ans, aimant beaucoup les chats, Poussy, série bouche-trou, a accompagné ma découverte et mon goût pour la bande dessinée.
Bien sûr cette série de gags en quatre dessins n'est pas à bonnement parlé un chef d'oeuvre, Elle relève plutôt de la madeleine de Proust. Nous sommes au pays du gag bon enfant, où abondent les clichés d'une époque et d'un comique aujourd'hui révolus. C'était un temps où il existait des boucheries, des poissonneries, où les souris envahissaient les maisons pourtant coquettes, où les dames portaient chapeaux et visons et cuisinaient les poissons avec arêtes. C'était un temps où les somnambules marchant sur les toits étaient source de gags hilarants et où les nuits les dormeurs envoyaient leurs chaussures dans la rue pour faire taire les chats.
Tout cela est donc bien daté et ne devrait intéresser que quelques nostalgiques comme moi. Toutefois, en plus d'une iconographie parfaite et une très jolie petite biographie de Peyo, il est attendrissant de regarder le travail particulièrement soigné de ce dernier (et des assistants de son studio) sur la représentation de son héros de chat. Il a du beaucoup observer les félins cet homme là, tellement les postures, les attitudes sont méticuleusement rendues. S'il y a bien quelque chose qui n'a pas changé depuis les années 60, c'est bien la roublardise, la fausse innocence et le caractère joueur du chat, représentés dans cette série avec la simplicité percutante d'un grand dessinateur. Franquin, à la même époque faisait évoluer l'inénarrable  chat de Gaston vers le cartoon déjanté, Poussy lui, reste le chat commun domestique, dans sa plus parfaite, mais ô combien rassurante banalité.
Cette intégrale est l'occasion de se replonger dans une époque mythique de la bande dessinée et le côté marginal de Poussy est aussi le témoignage ému à un créateur illustre qui savait aussi rester simple.






mercredi 24 décembre 2014

La passion de Dodin-Bouffant de Mathieu Burniat



Dodin-Bouffant a été un gastronome célèbre en son temps au 19ème siècle. Véritable abbé du plaisir de la table (il refusait les plaisirs charnels de peur de dénaturer ceux pris autour d'un repas), il vécu par et pour la grande cuisine.
Mathieu Burnat, dans une splendide édition rouge et or, nous propose de retrouver cette figure du plat de terroir sublimé, dans quelques épisodes cocasses de sa vie. Il perdra tout d'abord sa merveilleuse cuisinière  Eugénie, cherchera une remplaçante. Il trouvera Adèle, gironde et assez sexy, enfin présentée avec de grands décolletés et une épaule toujours à l'air libre, qui se révélera un trésor de créativité. Elle lui permettra de gagner une sorte de pari culinaire avec un prince d'Eurasie qui n'aura de cesse de lui piquer son joyau si talentueux.
Si l'histoire de désir entre les deux personnages est peu banale, cet album a le mérite de nous faire revivre un époque totalement révolue, où les repas étaient une succession de plats plus riches les uns que les autres et où la lecture des menus prenait autant de temps qu'un roman de Marc Lévy (le plaisir en plus). C'était l'époque où l'on cuisait un pigeon fourré avec une truffe entière et un foie gras entier glissé délicatement sous sa peau du volatile. C'était une époque où plus on était riche, plus on était gras donc beau. C'était un siècle où l'on ne pouvait imaginer la nourriture light.
C'est simple, joyeux, gourmand. Un roman graphique réussi que l'on peut offrir à tous les gourmands de la terre et à tous ceux qui croquent une carotte bio dans un yaourt 0%.




lundi 22 décembre 2014

Arsène Lupin / Les origines / Les disparus de Benoît Abey, Pierre Deschodt, Christophe Gaultier, Marie Galopin


J'avoue ne plus avoir beaucoup de souvenirs des aventures d'Arsène Lupin pourtant dévorées en intégralité à l'adolescence. Une chose est certaine, il ne me reste que le souvenir d'aventures pétillantes aux situations rocambolesques ( glisser Rouletabille, autre héros sensiblement de la même époque me sera difficile).A moins que ne soit présente à mon esprit la série télévisée à succès avec Georges Descrières... Bref, la lecture de cet album, présentant les jeunes années du gentleman cambrioleur  m'a un peu surpris par le traitement choisi.
Nous sommes fin 19ème, dans une maison de correction sinistre, à Belle Ile, où est enfermé tout un ramassis de délinquants dont un jeune Arsène, arrêté pour avoir assisté au meurtre d'un moniteur de savate. Il se liera d'amitié avec un dénommé Jacob et le fait d'avoir des yeux vairons lui portera chance. Il sera adopté par le comte de la Marche, dont le fils décédé avait la même particularité. Arsène recevra la meilleure éducation et on lui inculquera au passage le combat de toute une vie de cette noble famille : éradiquer la sinistre confrérie des lombards, un genre de mafia.
La quatrième de couverture promet aventures, humour et panache, comme dans l'oeuvre de Maurice Leblanc... je ne l'ai pas vraiment éprouvé en le lisant. L'histoire avance certes, presque chapitrée, mais cela reste un album d'exposition, Il met en place l'intrigue, les personnages, qui devraient prendre de l'ampleur par la suite. C'est bien fichu, un peu touffu parfois. Le dessin est au diapason de l'histoire, plutôt charbonneux. Il m'a rappelé par moment les tableaux de Bernard Buffet, peintre aujourd'hui déconsidéré, Cette noirceur de trait rend le récit finalement très sombre, inquiétant.
Difficile d'être emballé par cet album qui n'est que la mise en bouche d'une série qui pourrait promettre beaucoup comme le montre une magnifique dernière planche, donnant soudain envie de connaître la suite. Il y a donc des chances que je me plonge dans le numéro 2 de ces nouvelles aventures d'Arsène Lupin...




Album lu dans le cadre de "Masse critique " du site Babelio.






samedi 20 décembre 2014

Dernier désir d'Olivier Bordaçarre


L'intrigue de départ est des plus banales, de celles qui ont déjà été beaucoup exploitées. Un couple lambda, voit s'installer dans la maison voisine longtemps inoccupée, un inconnu. Assez liant bien qu'un peu froid, il va petit à petit gagner l'amitié du couple.
Malgré ce début pas vraiment original, Olivier Bordaçarre arrive à nous happer. Le nouveau voisin est empreint de mystère, assez séduisant. Il installe de plus une certaine sensualité due à la chaleur étouffante qui anéantit les corps et l'esprit. Mais il introduit un élément plus subtil, ce voisin a de l'argent, beaucoup d'argent et il va petit à petit l'utiliser pour déstabiliser ce couple qui avait choisi une vie plutôt portée sur la déconsommation.
Ca se lit comme un polar, un thriller psychologique ... et c'est peut être son grand défaut... car c'est intense jusqu'au bout avec une fin qui laisse sur sa faim. J'ai peut être mal lu ou me suis laissé emporter par cette intrigue un peu policière alors que l'auteur a voulu écrire une fable...mais ça je m'en suis aperçu une fois le livre terminé... Je n'ai pas su voir les indices disséminés au fil des chapitres, tellement j'ai tourné les pages avec avidité. Et forcément, le final, m'a déçu. Mais le livre continue de s'insinuer en nous une fois refermé. Et apparaît alors ce formidable récit de l'argent encore et toujours plus fort que les plus idéaux, l'argent qui corrompt tout mais qui n'apporte pas le bonheur, loin de là.
"Dernier désir" est un conte cruel et bien mené qu'il faut lire comme un instantané de notre temps. Implacable et noir, il distille une musique entraînante à laquelle il ne faut pas se fier ... Un bon roman qui mérite son bandeau "coup de coeur des libraires " (mais ça sort d'où ça ? ) 

jeudi 18 décembre 2014

Gaby Baby Doll de Sophie Letourneur


J'aime aller voir les petits films, distribués petitement dans des petites salles par un petit distributeur. Même si dans "Gaby Baby Doll" il y a un grand chanteur et la fille d'une grande actrice en tête d'affiche, cela reste un film fragile qu'à priori il faut défendre, car c'est dans ces zones de petites productions que se trouvent les grands artistes de demain.
Gaby dans le film est une jeune femme un peu névrosée. Elle ne peut pas rester seule une minute. Et lorsque son médecin lui prête une maison dans une campagne profonde, c'est avec un troupeau d'amis qu'elle s'y rend et accessoirement avec un genre de fiancé. Mais quand tout le monde la laissera, y compris son amoureux qui a bien vite compris qu'elle allait lui rendre la vie impossible, Gaby, va chercher de la compagnie coûte que coûte pour meubler sa solitude. Le bar du coin est un repère à célibataires, certes un peu imbibés, mais gentils... Mais celui vers qui elle s'aimantera irrésistiblement, est une sorte d'ermite barbu et au jogging crasseux qui habite dans une cabane non loin de chez elle.
Oui, on est dans un conte, mais un conte un peu déglingue. La jeune fille, bergère des villes, trouvera -t-elle son prince charmant ?  C'est le suspens du film surtout que la bergère est sérieusement compliquée et, à l'image, guère glamour. Si l'on devait décerner un prix à ce film (qui aura du mal à en avoir), c'est celui où une actrice fait le plus souvent pipi à l'écran. Oui, elle est chieuse et a donc tout le temps envie d'uriner ! Face à elle, l'ermite est Benjamin Biolay, taciturne à souhait, et ayant assorti sa tignasse grasse avec un pantalon de jogging informe et crasseux. Tous les deux vont apprendre à se connaître malgré leurs objectifs bien différents...en arpentant inlassablement les mêmes promenades dans la campagne.
Oui, c'est très répétitif, pas passionnant pour deux sous. Oui cela rappelle le cinéma de Hong Sang-soo et...dommage pour moi, je n'ai jamais adhéré aux films du cinéaste coréen. Oui cela n'a pas réellement d'intérêt, on ne voit pas trop où la cinéaste veut en venir. Oui, j'ai été le seul des cinq spectateurs présents dans la salle à être resté jusqu'au bout ! Et j'ai bien fait, le duo chanté du générique de fin Lolita Chammah / Benjamin Biolay est charmant ! Mais pas sûr que cela suffise à faire venir les spectateurs. Il y a des jours où l'on voudrait bien défendre les petits films...


mercredi 17 décembre 2014

La famille Bélier d'Eric Lartigau



Le buzz qu'il y a autour de ce film est assez incroyable. Des professionnels aux journalistes, tout le monde pense, dit, que ça va être le succès de cette fin d'année, le film fédérateur que toute la famille ira voir durant la période de Noël.
Alors, pour ceux qui auraient échappé à la promotion tous azimuts, rappelons que cette famille Bélier vit en Mayenne dans une exploitation agricole qui produit du fromage. Leur particularité est qu'ils sont sourds : le père, la mère, le fils mais pas la fille aînée qui sert ainsi de relais avec le monde alentours. La vie s'écoule pas si paisible que cela. Les enfants ados ont des poussées de sève, le père des envies de combat politique en visant la mairie du village. Et puis, la fille aînée va faire découvrir sa belle voix au prof de musique de son lycée qui n'aura de cesse de la faire travailler pour passer le concours d'entrée à la maîtrise de Radio France. Le dilemme sera cruel pour la jeune fille : en quittant ses parents elle les abandonne à leur sort pour un art qu'ils sont incapables d'apprécier.
Oui, c'est un scénario de téléfilm pour France3 et si vous y rajoutez que le concours pour aller dans ce haut lieu musical qu'est la maîtrise de Radio France se préparera avec des chansons de Michel Sardou, vous flairez sans doute qu'il y a arnaque sous promotion. Vous sentez à cent lieues à la ronde, la dose dégoulinante de bons sentiments qui va vous déferler dessus durant une heure et demie. Vous n'aurez pas tout à fait tort mais, aller je crache le morceau, contrairement à toute attente, malgré tous les poncifs du genre accumulés les uns après les autres, j'ai craqué ! J'ai fini la séance en larmes !
C'est donc que le film fonctionne.
 Malgré Sardou, les grosses ficelles, il y a dans ce film quelque chose de chaleureux et de sensible que je ne saurai expliquer. Je me suis laissé aller. Karin Viard, en belle des champs supra sexy, est, comme d'habitude formidable et signe avec talent, toujours aussi énergique. Elle fait la clown comme jamais et impose un personnage pas évident au départ. Les mecs sont au diapason (Elsmonino et Damiens) et la jeune Louane Emera, pour un premier grand rôle, porte avec justesse le film sur ses jeunes épaules. ( A noter Roxane Duran, épatante en meilleure copine, rôle dont elle semble avoir la spécialité en ce moment). On supporte sans mal le répertoire de Sardou revisité façon chorale, les chansons retenues étant les classiques, quasi des oeuvres du patrimoine. Le film coule simplement, entre comédie et bons sentiments.
 Ce n'est pas un chef d'oeuvre, juste la conjonction miraculeuse d'éléments simples, pas forcément originaux mais qui ici, par la magie de bons comédiens et d'un réalisateur qui a su trouver le bon timing et la bonne distance, propose ce qui devrait être un succès populaire dont on n'a pas à rougir.


dimanche 14 décembre 2014

Le manteau de Greta Garbo de Nelly Kaprièlan


Le point de départ du livre est l'achat d'un manteau rouge ayant appartenu à Greta Garbo lors d'une vente aux enchères à Los Angeles. L'acquéreuse (l'auteur elle-même ? ) est à une période charnière de sa vie. Elle a été quittée par un homme qu'elle aimait et s'enroule dans ce manteau comme pour se protéger du monde. Cette femme est  une intellectuelle, elle réfléchit énormément sur le signifiant du vêtement en général dans la vie et le comportement des êtres humains. Elle amplifie son propos en s'interrogeant sur l'image que chacun peut véhiculer et les identités qu'elle peut dévoiler. Accessoirement aussi, elle revient sur la vie de Greta Garbo, divine évidemment, mais à, la complexité mystérieuse.
Je ne saurai dire si c'est un roman sur deux femme issues du peuple  et qui ont toutes deux maille à partir avec leur identité ou un documentaire déguisé sur la troublante Greta Garbo, un essai sur les difficultés de vivre avec l'image que l'on dégage, que l'on veut montrer, ou une thèse sur l'importance du vêtement comme seconde peau.
Tout cela est un peu foutraque mais remarquablement documenté. Les références classieuses abondent, Fitzgerald, Huysmans, Oscar Wilde, ..., les considérations sociologiques sont de haute tenue, valsant du massacre arménien aux révolutions vestimentaires. On y parle politique aussi bien que de cinéma, de littérature. On y trouve des anecdotes croustillantes, des interviews de gens branchés comme Jean Jacques Schuhl ou Azzedine Alaïa, des extraits de romans ou de carnets qui s'entrecroisent avec une évocation du mystère Garbo mais aussi sur les problèmes intérieur de la narratrice, l'auteur vraisemblablement.
Autant toutes les circonvolutions autour des stars du cinéma, de la littérature ou de la mode s'avèrent pertinentes autant la partie autobiographique m'a semblé un poil plus irritante. Nelly Kaprièlan se décrit sans fioriture mais surtout sans recul. On sent bien qu'elle évolue dans un monde à part, artistique et bourré de fric. Ses amants, qu'elle retrouve à Londres ou à New York, dans des chambres d'hôtel de luxe, qui lui font confectionner des tailleurs sur mesure chez d'excellents tailleurs à Savile Row projettent sur elle une image de poupée de luxe un peu déplaisante. Du coup ses considérations autour du vêtements apparaissent un peu comme un sport intellectuel pour personnes favorisées, clivant le propos à l'extrême. C'est un peu la bobo parle aux bobos.
Alors quand on est un pauvre provincial qui n'a pas la chance de prendre le thé avec Dita Von Teese au bar du Ritz, on grappille un peu de cette prose intelligente, on slalome entre toutes ces interrogations pertinentes et vitales pour ceux qui zonent dans un cercle où l'on croise Brett Easton Ellis ou Sofia Coppola mais l'on reste un peu en retrait.
Nelly Kaprièlan écrit bien, réfléchit avec grâce, glose avec dextérité autour du vêtement, peau de rechange, miroir déformant ou surinformant de notre personnalité. C'est brillant comme un feu d'artifice éclatant dans tous les sens. J'en ai eu plein les mirettes et le cerveau malgré cette suranbondance désordonnée. J'ai surligné des passages, relu d'autres et je conserverai ce livre car il est bourré de références.
Vraiment passionnée par l'habit, fashion victim sans doute, l'auteure écrit page 200, parlant de la fin des années 80 : " La mode se faisait le bras armé d'une société pour retourner la peau de tout mouvement contestataire, pour n'en garder qu'une enveloppe vide à vendre au plus offrant."
Avec un tel constat, si pertinent, je lui propose un acte vraiment ultime qui pourrait la défaire de toutes ses névroses. Chère Nelly, videz au maximum vos nombreux dressings et faites un pas pour retrouver la vérité de votre peau, naturelle, sans aucun fard, sans aucun artifice, jetez par vos balcons tailleurs griffés et escarpins Louboutin et tentez l'expérience du naturisme. Une vie avec pour seul vêtement le souffle du vent et les rayons du soleil, n'est-ce pas une bonne thérapie pour oublier tout ce monde de vitrine et d'image ?( Oui, ok, uniquement à l'île Maurice ou aux Maldives...mais je n'avais pas besoin de le préciser)

jeudi 11 décembre 2014

Timbuktu d'Abderrahmane Sissako


On ne peut pas éviter la promotion autour de ce film. Et reviennent toujours les mêmes mots : djihadistes, combat des femmes, lapidation, armes, ... Pourtant, il faut le dire, "Timbuktu" n'est absolument pas un reportage à sensation conçu pour "Envoyé spécial", ni une sombre fiction pauvrette, parce qu'africaine, autour de la terrible situation au Mali. C'est, tout au contraire, une vraie oeuvre cinématographique, avec un vrai regard, un vrai parti-pris et une profonde réflexion d'artiste.
C'est un film choral. Le réalisateur suit sur quelques jours la trajectoire d'un couple d'éleveurs de vaches et de leurs deux enfants, d'un couple plus urbain, d'un leader djihadiste en proie à quelques doutes  mais aussi, accessoirement, d'une sorte de sorcière sur qui les innombrables interdits de la loi islamique  n'ont aucune prise.
C'est grâce à l'écriture douce et poétique d'Abderrahmane Sissako, un magnifique plaidoyer sur un éden perdu, où les populations vivaient paisiblement au rythme du soleil, du vent, des chants et de la présence des animaux. L'absurdité des djihadistes, soldats fantoches, souvent illettrés, venant de contrées lointaines aux idiomes inconnus, y est montrée avec précision, force mais aussi drôlerie. Haranguant la foule au mégaphone, crachant de l'interdit au kilomètre jusqu'au délire, s'interdisant même ce qui leur plaît le plus au monde ( ici le football), ils appliquent une loi et une justice infernales. Les femmes en sont bien sûr les premières victimes, mais les armes aidant les plus timorés, tout le monde a droit à un traitement implacable sous la bénédiction d'un dogme interprété avec ferveur.
La lecture du scénario pourrait laisser penser que le film développe un certain manichéisme, les bons d'un côté, beaux et simples et les méchants de l'autre, moches et imbéciles. Là encore il n'en est rien. Le réalisateur arrive à avoir rendre ses personnages plus complexes qu'il n'y paraît. Le bon éleveur réfléchi et humaniste devient assassin par accident et le leader islamiste est rongé par des doutes intérieurs intenses qui, hélas, ne suffisent pas à lui ouvrir l'esprit.
A l'écran cela donne des plans d'une imposante beauté. Le sable, les maisons d'argile, les vêtements de cotons colorés légèrement froissés, la puissance des regards, envahissent le cadre, essayant d'éclipser cet envahisseur sans jamais y parvenir. Cela offre aussi des scènes inoubliables, poétiques comme la partie de foot sans ballon traversée par une vache ou effroyables comme la lapidation, scène magistrale par sa brièveté démontrant au passage qu'il est inutile d'en rajouter pour que l'impact sur le spectateur soit fulgurant.
Bien sûr on pourra trouver çà et là une certaine lenteur, parfois une esthétique publicitaire qui s'agence mal avec le propos mais ce ne sont que des broutilles par rapport à l'écho que suscite le film en nous. Nous sommes en présence d'une vraie oeuvre forte et belle qui ne renonce ni à la dénonciation, ni à ses codes et qui grâce à sa subtilité et son humanité arrive à être lisible au quatre coins du globe.
Cerise sur le gâteau, la musique qui enveloppe l'ensemble est de toute beauté et plutôt que de vous coller, comme je le fais d'habitude, la bande annonce, écoutez Fatoumata Diawara (qui joue dans le film) interprétant "Timbuktu fasso"... ( Une pierre (précieuse), deux coups, le clip propose des images du film).



mardi 9 décembre 2014

Boucle d'ours de Stéphane Servant et Laetitia Le Saux



Franchement si j'étais Jean François Copé ou quelques grandes gueules ringardes de la manif pour tous, je demanderai l'interdiction de cet album dans les écoles de France ! Ce serait le meilleur moyen qu'il obtienne un grand succès, comme "Tous à poil !" l'excellent album des éditions du Rouergue car "Boucle d'ours " mériterait de devenir un classique, il en a toutes les qualités.
Il y a d'abord l'histoire toute simple des trois ours ( ceux de Boucle d'or ) qui vont au carnaval de la forêt. L'ambiance est à la fête. Papa ours prépare son déguisement de grand méchant loup, maman celui de la belle au bois dormant et petit ours, lui, il veut se déguiser en quoi ? GLOUPS, en Boucle d'ours ??!!!? Ca ne va pas la tête non ? Papa ours est très fâché, c'est impossible un petit ours avec des couettes et une  jupette ! C'est pour les hommelettes ! (Il ne dit pas "tapette" mais il le pense si fort ...).Un monde de stéréotypes s'ouvre devant nous. Papa ours essaie de convaincre son fils d'opter pour un déguisement plus masculin comme chevalier, ogre ou même un cochon maçon ( celui qui construit les maisons solides, pas un des deux autres niais pas fichus de dresser un logis solide, les tap... ! ) Même la maman, au début, est d'accord avec le grand mâle de la maison. Mais soudain, un autre personnage va entrer en scène et bouleverser ce raisonnement sexiste... Je n'en dis pas plus, je laisse à ceux qui ne connaissent pas encore le dénouement, le plaisir de le découvrir.
Le texte, simple et percutant, les illustrations pétillantes et joliment distanciées fonctionnent à merveille, jouant à la fois avec les personnages des contes traditionnels et surtout mettant les pieds dans le plat dans le  débat autour de la théorie du genre qui fit rage au printemps dernier, moment de sortie de cet album.
Je sais que les enseignants en classes maternelles sont toujours en recherche d'albums sur le thème du carnaval. Il en existe très peu de vraiment intéressants. Voilà que ce manque est grandement comblé avec "Boucle d'ours". Celui-ci leur permettra d'aborder de multiples thèmes et aussi de soulever le débat dans leurs classes comme je l'ai fait aujourd'hui avec un groupe d'enfants de 5/6 ans, enfants vivant dans des classes plutôt privilégiées. Et c'est cette lecture qui m'a incité à faire ce billet...
J'ai donc lu cet album à une douzaine de garçons et de filles. Durant la première partie de l'histoire, ils étaient en monde connu, prenant fait et cause pour le papa ours, trouvant l'idée de petit ours vraiment bizarre. Mais quand, dans la deuxième partie, le récit bascule dans l'acceptation de ce déguisement de fille pour un garçon (je ne dis pas pourquoi et comment), j'ai tout de suite senti un trouble envahir le groupe. Le silence était total. J'ai senti une petite incompréhension. Le livre refermé j'ai laissé les enfants réagir comme ils l'entendaient. en voici un résumé rapide qui donne un peu le ton...
" Elle est bizarre ton histoire !
- Ah bon ? 
- Ben oui, c'est pas bien !
- Pas bien ? Pourquoi ?
- Les garçons ça se déguisent pas en princesse !
- C'est pour les filles !
- Ca se peut pas les garçons en Boucle d'or !
Et les filles,elles peuvent se déguiser en Spiderman ? En ogre ?
- Ah non ! Elles peuvent pas !  En princesses oui !
- Ou en fleur !
....
- Angélique ( une ATSEM de l'école),l'an dernier, elle était en pirate !
- OUI !!!  C'est vrai !
- Elle était rigolote, on s'est battue avec elle ! Elle avait une épée !
- Ah, vous voyez !  C'est possible ! Alors moi (je suis un garçon je le rappelle pour les étourdis ), pour le prochain carnaval, je me déguiserai en princesse.
- AH non tu ne peux pas !
- T'es un garçon !
- Ben, si j'ai envie ?
- NON ! t'es le directeur !
- Angélique était bien en pirate l'an dernier, alors pourquoi moi je ne pourrai pas être princesse cette année ? 
- ???... Pour une fille ça va ! Mais les garçons en princesse, c'est pas possible ! Ca serait bizarre !
- C'est PAS POSSIBLE, T'ES UN GARCON !!!
Voilà en gros la teneur de la discussion. Si j'étais adepte de la manif pour tous, je rangerai mes chaussures de pèlerinage, les stéréotypes ont encore de beaux jours devant eux puisque  dès le plus jeune âge, ils sont bien ancrés.
Loin de moi l'idée de vouloir imposer quoique ce soit et encore moins un déguisement à un jeune enfant. Mais tant que l'on pensera qu'être déguisé en femme est dévalorisant (voire un chemin vers une sexualité prétendue par certains non conforme), tant que la société segmentera de manière hystérique les jeux des enfants (promenez-vous dans le rayon jouets en ce moment), tant que l'on sexualisera les taches domestiques, les métiers ( on dit bien que si un métier se féminise, il perd de son prestige), on peut se dire que l'on est pas prêt à vivre dans un monde d'égalité .
Donc, merci aux deux auteurs, Stéphane Servant (un garçon) et Laetitia Le Saux (une fille) pour cet album qui devrait être présent dans tous les endroits accueillant des enfants.
Le billet ne dit pas si je serai déguisé en princesse pour carnaval... Normal, c'est en février !
(A suivre)







dimanche 7 décembre 2014

Le chevalier de Ventre-à-Terre de Gilles Bachelet

Un nouvel album de Gilles Bachelet est toujours un régal et ce chevalier de Ventre-à Terre ne faillit pas à la tradition : c'est toujours aussi savoureux ...pour les adultes.
Quand un plus de 18 ans ouvre un album de l'auteur de " Mon chat le plus bête du monde", l'enchantement est instantané. La beauté du dessin alliée à un humour gentiment décalé agissent comme un puissant déclencheur à sourires et même à rires. On aime l'ironie du texte, les multiples clins d'oeil d'un dessin dans lequel le regard aime chercher, se perdre et admirer la finesse des détails.
L'histoire est simple. C'est un chevalier qui se lève le matin, pressé d'aller mener bataille. Il enfile son armure, dit au revoir à sa femme et ses enfants et pfuittt le voilà parti, plein de bravoure, faire la guerre. Sauf que ce chevalier est un escargot et que quand on est un gastéropode, la vitesse n'est pas une alliée... C'est drôle, remarquablement mis en images, le foisonnement de détails étant bien mis en valeur par le grand format de l'ouvrage.
Cet album est sensé s'adresser à un public enfantin... et les enfants sur lesquels je l'ai testé n'ont guère été sensibles à tout cela. Ils avaient entre 5 et 6 ans ... ils aiment les escargots, les garçons sont fous de chevaliers, les filles moins parce que leur éducation les a orientées vers des imageries plus maternantes. Tous ont eu du mal avec le texte, bien écrit certes, mais pour des adultes. Les tournures de phrase gentiment ironiques leur échappent complètement surtout qu'ici elles sont assorties avec un vocabulaire soutenu qu'il faut parfois expliquer. Et puis cet éloge de la lenteur et de la procrastination, à un âge et une époque où tout se fait vite, leur passe vraiment au-dessus de la tête. Seule la dernière image a retenu leur attention. On y voit le couple d'escargot (le chevalier et sa femme ) s'embrasser et donc englués dans de multiples filets de bave. Cela les a beaucoup fait rire et mit tout de suite un semblant de réalité sur l'expression "bisou baveux".
Alors que faire avec cette magnifique publication ? Mettons que vous ayez un enfant de 5 ans . Sachant que les albums sont achetés, en règle générale,  par les parents (sauf crise hystérique dans la librairie du genre "JE VEEEUUUXXX CAAAAARRRS!!!!!! "), il est certain que si on vous met dans les mains ce chevalier de Ventre-à-Terre, il n'y aura pas photo. Plutôt que la dernière publication d'un auteur aux illustrations minimales, vous lui préférerez sans hésiter le dessin "chiadé " et délirant de Gilles Bachelet. Et quelque part vous aurez raison. Il vaut mieux acheter un album coup de coeur comme celui-ci, bien fait, même si seulement adapté à mon avis à partir de 8 ans . Vous saurez mieux le faire partager, découvrir. Et il faut vous dire que vous investissez pour l'avenir car c'est un album dont on ne se séparera pas. Chaque fois que vous y tomberez dessus (ou votre enfant qui aura grandit), vous consacrerez quelques minutes pour vous y replonger dedans et reprendrez chaque fois le même plaisir à vous délecter de cet humour léger que diffusent ces pages admirablement ouvragées.
Vous l'aurez compris, cet album est pour les petits de 7 mais surtout jusqu'à 77 ans. Vous en connaissez beaucoup d'ouvrages pour enfants qui défient ainsi la pyramide des âges ?






mercredi 3 décembre 2014

White god de Kornél Mundruczo


Partant pour trois mois en Australie, une femme laisse sa préado de fille et son chien chez son père. Les rapports filiaux sont assez tendus surtout que le père (et son voisinage) ne tolère guère la présence d'Hagen, le fidèle compagnon à 4 pattes. Il finira par l'abandonner au bord d'une route. L'adolescente recherchera son chien. Le chien vivra, perdu dans la ville, de multiples aventures...
Raconté comme cela, vous penserez que nous sommes dans un remake de " Lassie, chien fidèle". Mais nous sommes à Budapest, capitale abritant en ce moment un régime franchement conservateur, et les chiens qui ne sont pas de pures races, sont taxés ou envoyés en fourrière pour être vendus ou carrément supprimés. La métaphore est évidente et irrigue le film. Il est évident que marteler un discours contre la xénophobie actuelle est toujours bon à prendre, même si parfois asséné de façon un peu lourde. Cependant "White god" (j'allais écrire dog ) ne se résume pas qu'à cela. Si la première partie mixe le film animalier larmoyant façon Disney avec une chronique sur le passage à l'adolescence et les rapports tumultueux avec le père, il prend, dans sa seconde partie, un virage horrifique. Là aussi, le film hésite entre le film d'horreur de série B et le conte fantastique ( avec un clin d'oeil façon "Joueur de flûte d'Hamelin" ). Force est de reconnaître, que malgré un scénario à grosses ficelles (oui, je sais, c'est un conte quelque part) et une dénouement un peu gnangan, cette dernière partie est prenante. Les plans de la meute de chiens assoiffés de vengeance sont particulièrement convaincants et sont, à eux seuls, une excellente raison d'aller voir le film.
"White god" est une oeuvre cinématographique gonflée. Si l'on peut être réservé sur le traitement symbolico/politique assez lourdingue ou cette façon de tomber dans les clichés du film de genre ( oui, certains plans du regard du chien sont faits pour nous émouvoir), le film possède une force visuelle étonnante et captivante. C'est ce regard et cette imagination que je finis par retenir, emportant au final mon adhésion pour ce qui reste sûrement le long métrage le plus original du mois.


mardi 2 décembre 2014

Qui c'est ? de Cédric Ramadier et Vincent Bourgeau



Je ne sais si cet album est une commande d'éditeur du genre : "Bon les cocos, il faut nous pondre un album pour Noël, pour les 2/4 ans, quelque chose de rigolo et  ludique ! Vous avez un mois pour me présenter quelque chose, on est en juillet, faut que ça sorte en octobre ! " Une chose est sûre, c'est qu'en faisant appel au duo Ramadier et Bourgeau déjà auteurs de pas mal de réussites, l'Ecole des Loisirs frappait à la bonne porte. Cependant, réussir un album de Noël qui ne soit ni gnangnan,ni ridiculement démonstratif ni ne jouant sur la corde lacrymale ou moralisatrice de l'enfant sage relève de l'exploit.
Pinpin est un petit chien. Tout seul dans sa maison perdue dans la montagne enneigée, il attend ses amis pour fêter Noël, mais surtout le Père-Noël. A chaque fois que l'on frappera à sa porte, il pensera qu'enfin il est là,, le vieux bonhomme en rouge porteur de cadeaux ! ( surtout que l'imposte laisse entrevoir un indice qui laisse supposer que c'est bien lui... ) Mais , non ce sont bien des cadeaux mais apportés par les amis venus réveillonner.  Et soudain, alors que tout le monde est endormi... Non, je ne divulguerai pas la fin de cet horrible suspens. Passera ? Passera pas ? Chut, je n'en dirai pas plus.
Encore une fois, les deux auteurs réussissent leur coup tout en finesse. L'histoire, tout comme le procédé des caches, sont d'une banalité absolue. Cependant, et c'est la grande force de cet album, ils jouent très habilement avec l'image du Père-Noël, ce personnage dont on parle beaucoup mais qu'on ne voit guère, tout du moins la nuit de Noël. Il n'apparaît jamais complètement dans cet album, insinuant quelque part, que, peut être, cette figure emblématique hivernale de l'enfance est à ranger dans les mythes et légendes.
Les enfants d'ailleurs ne s'y trompent pas, posant quand même la terrible question : "Mais pourquoi on le voit pas le Père-Noël ? " A l'adulte de se débrouiller pour répondre ... Et la question reviendra souvent car cet album, au mois de décembre, est purement addictif pour les petits de 2 à 4 ans, vous le faisant lire et relire, encore et encore... C'est à la fois la magie de Noël qui opère mais surtout le talent de ces deux auteurs qui se révèle être au final, le plus beau des cadeaux.

lundi 1 décembre 2014

Je reviens à 19h de Pierrick Sorin



Quand on fait du tourisme culturel à Paris, on se rue sur les expos du moment, vous savez celles dont tous les journaux ont parlé, celles qui ont eu droit à un documentaire sur Arte, voire un hors série de Télérama. Du coup, on fait la queue des plombes sous la pluie, dans le froid ou sous un soleil de plomb pour accéder enfin à l'expo au milieu de centaines d'autres visiteurs, jouant des coudes pour apercevoir une oeuvre qui vous apparaît par morceaux derrière un molosse acariâtre ou une dame baraquée. Et porté par une foule de plus en plus dense, vous avancez de salle en salle, tel un wagonnet bien arrimé sur les rails d'une culture de masse, l'envie d'admirer des chefs d'oeuvre se trouvant anéantie par ce flot dense de visiteurs.
Aux curieux de l'art contemporain, il reste une solution bien plus confortable, gratuite, à laquelle on ne pense pas toujours, les galeries d'art ! N'êtes-vous jamais passé rue de Seine ou rue Mazarine à Paris devant ces échoppes silencieuses, toujours vides, où l'art d'aujourd'hui s'expose sur des murs invariablement blancs ? Longtemps, je n'ai jamais osé poussé la porte de ces officines, pensant que je n'avais pas la tête (et encore moins le portefeuille) d'un éventuel acheteur. Les tenancières de ces lieux, invariablement habillées en noir, dont un oeil peu amène vous scrute dès lors vous avez l'impudence de vous arrêter devant leur vitrine, ressemblent trop à des cerbères. Mais qu'importe, il faut oser franchir le seuil de ces hauts lieux du négoce de l'art et, vous verrez, vous en ressortirez vivant. Quelquefois, il vous faudra affronter le  regard d'une créature aussi noir que sa veste, mais bien souvent l'accueil est agréable et sympathique...Comme ce fut le cas dans la galerie Pièce Unique où sont exposées les dernières créations du vidéaste et plasticien Pierrick Sorin.
Pierrick Sorin, pour résumer, aime se mettre en scène, comme beaucoup de vidéastes d'ailleurs.Mais, contrairement à beaucoup de ses confrères, il est drôle, aimant l'auto dérision et distillant une certaine poésie à la Tati dont il possède aussi le regard aigu sur son époque.
Les quelques installations qu'il offre à notre sagacité sont  des petites vitrines magiques qui font cohabiter des objets réels avec des personnages « holographiques » en utilisant un miroir sans tain incliné à 45°, créant ainsi une illusion d'optique . Cela a souvent la forme d'aquariums. Au premier plan les éléments d'une pièce de maison, une salle de bain par exemple, et au second plan apparaît Pierrick Sorin glissant, patinant sur la savonnette posée là. C'est drôle, créatif,  aussi rigolo, sinon plus que les vitrines de Noël du Bon Marché et surtout un poil plus provocateur. Et qui dit provocation, dit réflexion du visiteur. Car l'utilisation d'un vieux tourne-disque sur lequel est posé un disque de Dario Moreno ou des compagnons de la chanson, associé à la modernité de l'hologramme et à l'humour de l'auteur qui marche inlassablement sur le disque, nous invite à un moment de poésie burlesque tout autant qu'à regarder la sublimation de la banalité de nos vies. Il nous intrigue avec cette femme à barbe dans le fond d'un aquarium avec de vrais poissons, ou de cette créature légèrement vêtue, qui semble attendre un client, un(e) ami(e) en envoyant des sms dans un intérieur aux tons chauds et au mobilier vaguement phallique. En quelques vitrines, c'est tout un petit monde créatif qui s'offre à nous dont les miroirs utilisés pour l'illusion nous renvoient avec humour et mordant un peu de notre ordinaire réalité.
Il faut noter qu'il y a dans la galerie une installation  un peu plus conséquente ( pas une vitrine magique ), composée d'un ventilateur sur lequel est projeté un visage animé, lui même projeté au mur. Le ventilo est précédé d'une brochette sur laquelle sont enfilés une crevette et un morceau de camembert et devant un tube noirâtre en forme d'inhalateur. Voyant mon air un peu perplexe, une charmante personne s'approcha et me dit : " Cela s'intitule "Woody Allen"... vous voyez, l'air, la crevette, le fromage ... "... Heu non,je ne voyais pas ...Je réfléchis très vite, passant vite fait en revue toute la cinématographie du réalisateur, cherchant à raccorder la crevette et le fromage dans son oeuvre... Voyant toujours ma perplexité et devinant que j'étais sur une fausse piste, elle me précisa avec un joli accent (espagnol ? ) : "C'est un jeu de mot Allen/haleine..." ... et aussi un pied de nez au célébrissime cinéaste, c'est bien d'égratigner ces monstres sacrés que tout le monde adule...
En plus d'avoir passé un très intéressant moment à admirer les nouvelles créations de Pierrick Sorin, je tiens à préciser que j'ai vraiment apprécié l'accueil des deux personnes présentes dans la galerie qui ont su faire partager leur coup de coeur pour cet artiste et m'expliquer son travail. Un tel professionnalisme est à souligner deux fois ! Comme quoi, on peut voir des oeuvres sans être bousculé, sans rien débourser et avec en plus des commentaires explicatifs personnalisés. Un must...Dommage que je ne sois pas plus fortuné, car vraiment ces petites vitrines .... sont très tentantes... ( Bravo au vidéaste qui a su trouver une forme vendable ET esthétique à ses créations)

Galerie Pièce Unique , 26 rue Mazarine, Paris 6ème, jusqu'au 28 février 2015.