mardi 28 septembre 2021
La Voix d'Aida de Jasmila Zbanic
Tout s'est bien passé de François Ozon
jeudi 23 septembre 2021
La troisième guerre de Giovanni Aloi
Faire un film sur ces hommes que nous voyons déambuler dans nos villes engoncés dans une tenue qui rappelle quelque cuirasse d'antiques guerriers ( revisitée du seyant motif camouflage ... étrange pour un environnement fait de béton et de boutiques bariolées) relève de la gageure, surtout pour un premier film. Giovanni Aloi a eu la bonne idée d'axer son film sur le point de vue de l'un de ces hommes des forces sentinelles, une jeune recrue ( Anthony Bajon) fraîchement débarquée de sa campagne natale puis du centre d'instruction. Cela aurait pu être intéressant, mais le scénario s'empêtre dans plusieurs directions jamais creusées, trop survolées ou clichés ( le final en film d'action peu inspiré).
La démarche des trois acteurs principaux, lourdement habillés, déambulant tels des robots qui ne risquent pas de courser le moindre terroriste ( mais bon, ils ont des mitraillettes), donne le rythme du film. Assez lent, peu palpitant car visant surtout à nous montrer le peu d'intérêt dramatique que recèle ces longues marches sur les trottoirs, cette troisième guerre reste plus psychologique qu'aventureuse. Pour donner un peu de peps à tout cela, l'histoire s'intéresse aussi à la vie de caserne de ces hommes et n'évite hélas pas les personnages secondaires un peu clichés. Et à trop montrer ces jeunes adultes jonglant avec tous les travers de l'époque ( petit deal, inculture crasse, amateurs de fake news, ...), le film finit par être un poil ambigüe, ce qui pourrait lui donner un certain relief sauf que l'impression que tout cela reste plus maladroit que volontaire s'insinue très vite. On essaie, en vain, de se passionner pour les acteurs ... qui font le job ...mais caparaçonnés dans leur tenue et dans un scénario et des dialogues réduits au minimum, ils n'ont guère de possibilités de jeu.
Si pour un premier film, le thème choisi est original, le résultat reste quand même assez décevant et peu passionnant, comme sans doute de déambuler dans Paris toute une journée en slalomant en les papys promenant leur chien et les hommes au foyer traînant leur charrette de course.
vendredi 17 septembre 2021
La fille qu'on appelle de Tanguy Viel
jeudi 16 septembre 2021
L'Affaire collective d'Alexander Nanau
Il y a des films qui prennent le spectateur aux tripes pour lui faire ressentir ce qu'il peut avoir de meilleur en lui, lui ouvrir les yeux, le faire réfléchir en lui montrant et le pire et la lumière possible qui peut parfois vaincre l'abjection. L'Affaire collective est l'un de ceux-là.
Ce documentaire roumain revient sur un fait divers local, l'incendie d'une boîte de nuit à Bucarest qui fit beaucoup de victimes. Ce qui retient toutefois l'attention d'une équipe de journaliste, c'est le nombreux de blessés morts à l'hôpital alors que leurs blessures auraient dû guérir sans problème. On suit l'enquête de terrain d'une équipe de presse ( pourtant spécialisée dans le sport) qui, en Roumanie, se révèle autrement plus dangereuse que chez nous. Si découvrir que le milieu hospitalier est totalement corrompu n'étonnera personne, le porter à la connaissance de tous, au grand jour, demeure un acte citoyen nettement plus courageux qui, s'il entraîne quelques démissions, génère aussi des disparitions humaines plus inquiétantes.
Le film serait au final un habituel plaidoyer pour une presse courageuse et nécessaire, s'il ne se doublait d'une deuxième partie plus politique avec l'arrivée au poste de ministère de la santé d'un jeune technocrate revenu d'Autriche et bien décidé à nettoyer le système roumain de la santé. Là aussi courage et détermination sont de mise. On peut s'étonner que les caméras soient autorisées à le suivre dans tous ses déplacements et réunions ministérielles, mais l'on retiendra au final que parfois, avec opiniâtreté ( et forcément hardiesse), un politique peut donner un bon coup de pied dans cette fourmilière.
On ressort du film, à la fois terrifié par le degré de corruption qui gangrène ( entre autre) la Roumanie, inquiet que ce système, pur produit d'un capitalisme qui valorise surtout l'égoïsme, donc l'appât du gain, ne déboule complètement dans notre système hospitalier français, mais avec l'envie de résister puisque l'on sait que l'on peut encore compter sur quelques hommes de bonne volonté, parfois chez les journalistes et parfois chez les politiques. Tout n'est pas totalement perdu.
L'Affaire collective aussi passionnant que véridique, semble être cette semaine le film à ne pas rater, surtout en ces temps de future élection où les discours les plus démagogiques et minables fleurissent partout ....comme en Roumanie.
mercredi 15 septembre 2021
L'origine du monde de Laurent Lafitte
Le point de départ du film frise l'absurde. Un homme dont le coeur s'est arrêté de battre continue de vivre. Seulement, selon une gourou, s'il ne prend pas en photo le sexe de sa mère d'ici 48 h, il meurt. Le petit bourgeois interprété par Laurent Lafitte, accompagné de son meilleur ami un peu benêt ( Vincent Macaigne) et de sa femme forcément un poil autoritaire ( Karin Viard) va donc déployer des trésors d'énergie pour arriver à ses fins auprès d'une mère ( Hélène Vincent) avec qui il entretient pourtant des rapports très distants.
C'est une évidence que le film va pas mal voler au dessous de la ceinture et va même s'y complaire jusqu'à l'absurde. Selon son humeur, on y verra une comédie française qui n'hésite pas à sombrer dans une vulgarité crasse ( et qui l'assume) ou bien un véritable dynamitage d'une petite bourgeoisie qui entre complexe d'Oedipe et mal être existentiel vole en éclat.
La meilleure façon de recevoir ce film est de se laisser aller face à cette mécanique hyper bien huilée ( issue du théâtre dont c'est une adaptation ) car porté par quatre comédiens au sommet de leur art. Leur verve et leur culot sont remarquablement bien mis en valeur par le réalisateur Laurent Lafitte. Ce n'est pas léger léger, mais qu'est-ce que c'est drôle ! La mise en scène essaye de mettre un peu perfidie ici ou là, dans des détails du décor ou des dialogues évitant ainsi, en regardant bien dans les coins, à "L'origine du monde" de n'être qu'un film (dé)culotté et salace mais bien une comédie vraiment drôle plus finaude qu'il n'y paraît.
mardi 14 septembre 2021
Boîte Noire de Yann Goslan
dimanche 12 septembre 2021
Serre moi fort de Mathieu Amalric
"Ça semble être l'histoire d'une femme qui s'en va." nous raconte le pitch officiel du film.
vendredi 10 septembre 2021
Animal Social Club de Hervé Bourhis
Se moquer du milieu du cinéma, cible facile mais ô combien propice à la satire, n'est pas un sujet original. En racontant la production d'un film, Hervé Bourhis aborde le sujet par une porte détournée. Nous suivons un couple mal assorti, tous deux scénariste, forcément branchés mais dont on peut douter du talent. Mais la qualité importe pourvu que l'on trouve par n'importe quel moyen du flouze pour produire un film évidemment présenté comme bankable. Ils démarchent différents guichets provinciaux ( les conseils régionaux aiment à apparaître aux génériques des films), flattent du vieux réalisateur mythique, essaient de cajoler de la vieille actrice comme du youtubeur ou de la jeune chanteuse à succès.
Rien de franchement original dans cette histoire que l'on suit toutefois sans déplaisir. Le trait sec et nerveux accentue la caricature et l'on se prend au jeu à essayer de trouver les sources d'inspiration ( Godard ? Deneuve ? Pomme ? ...). La dernière partie voit apparaître un élément scénaristique qui semble destiné à perdurer et que l'on commence à retrouver un peu partout : l'épidémie ( de Covid ou autre), ici, permettant un final plutôt cocasse, virant presque vers le fantastique.
"Animal Social Club" permet de passer un agréable petit moment sans que jamais on se dise que l'on tient là le pamphlet ultime sur le cinéma. Mais tel qu'il est , il peut plaire...
jeudi 9 septembre 2021
Supernova de Harry Macqueen
Que les amateurs d'astronomie ne s'agitent pas trop, il ne sera question d'étoiles dans ce film que d'un point de vue symbolique voire poétique ( lorsqu'elles meurent elles deviennent qui brillent encore plus avant de s'éteindre assez vite). Un plan de ciel étoilé ouvre et conclue le film...
Entre ces deux images, une histoire de couple dont l'un des deux est atteint d'Alzheimer ( jamais nommé dans le film). Tusker n'en est qu'au début mais refuse la déchéance et veut se donner la mort avant cette lente marche qui le conduira vers un néant qu'il refuse et qui verra sa moitié tant aimée se transformer en garde-malade. Le couple entreprend un petit road-movie dans une Grande-Bretagne automnale à bord, pépères, d'un camping-car.
Avec un sujet pareil c'est certain, on ne rigole pas, mais on ne pleure pas non plus, tant le film reste sur une ligne narrative qui ne verse jamais dans le pathos, ce dont on lui est reconnaissant. Nous sommes dans l'émotion douce et un tantinet mièvre, une sorte de mélo qui n'accentue jamais les effets sensés nous émouvoir. Il est aidé ( ?) en cela par une mise en scène assez plate, sans grande inventivité, qui lisse pas mal le propos. Le couple n'échappe pas aux clichés, vit dans l'aisance ( lui est auteur reconnu et lui pianiste/concertiste) et s'aime d'un amour vrai et intense sans aucune ombre au tableau. Ils ont une famille formidable, des amis tout aussi sympathiques. Tout pour être heureux sauf donc cette satané maladie qui rompt cette harmonie.
Le seul intérêt du film reste le duo d'acteurs, sobre, juste et capable d'émouvoir une colonie de militants du mariage pour tous ( si elle s'égare dans une salle de cinéma projetant le film ce qui peut apparaître comme plus qu'improbable). Sinon, pour amateur de mélo soft...
mercredi 8 septembre 2021
La définition du bonheur de Catherine Cusset
Chez Catherine Cusset, il y a deux veines, la merveilleuse ("Vie et mort de Davis Hockney" pour ne citer que le dernier) et celle plus insipide ( "Indigo"). Manque de chance pour cette rentrée, sa nouvelle parution se range hélas dans la deuxième veine.
Derrière ce titre très dans le vent ( du commerce), propre à attirer tout ce public en recherche de bien être, et de quelconque félicité, que se cache-t-il réellement ? Certainement pas une définition du bonheur. Dans ce récit entrecroisé de deux femmes, on a un peu l'impression que Catherine Cusset essaie de dresser une sorte d'état de la femme à travers le parcours de Clarisse et d'Eve, deux françaises qui n'ont ( à priori) rien en commun. Leur vie assez banale au demeurant ( même si l'une d'elle vivra aux USA) sera alternativement racontée de l'adolescence jusqu'à la soixantaine. Les deux tiers du livre nous offrent un condensé assez cliché de la condition de femme qui peut se résumer ainsi : à l'adolescence on vit dans la crainte de l'agression ou du viol. La vingtaine c'est l'âge des voyages, des rencontres. A la trentaine on se case, on fait des enfants, on bosse ( et pas qu'à la maison). A quarante ans on découvre l'adultère ( le conjoint aussi ), à cinquante ans on attrape un cancer du sein et quand arrive la soixantaine, on dresse un bilan en se retournant ( déjà) sur le passé. Même si l'une des héroïnes sort parfois de ce chemin bien formaté, le récit reste somme toute banal. Le problème du livre, est que Catherine Cusset, pourtant souvent habile écrivaine, ne fait rien de cette banalité, n'arrive jamais à la transcender et à la tirer vers quelque chose de littérairement passionnant ( comme ce printemps Claire Lombardo avec l'excellent "Tout le bonheur du monde" chez Rivages). Et quand arrive enfin le rebondissement que l'on devine depuis le début, l'intérêt n'est guère plus titillé surtout que soudain l'histoire s'embringue dans un cocktail covid/femmes battues qui fleure franchement le concept marketing ( merci Karina Hocine, la nouvelle prêtresse littéraire de chez Gallimard ? ).
On ferme la dernière page en ayant la désagréable impression d'avoir passé beaucoup de temps avec un livre qui ne vaut pas tripette tant la banalité, autant du style que de l'inspiration, saute au yeux. Un roman que l'on oubliera vite...
mardi 7 septembre 2021
Les fruits tombent des arbres de Florent Oiseau
Il n'y a pas que le titre qui lui donne un air de feel good littérature, il y a aussi le contenu. Mais là où d'autres vous consternent, la lecture du quatrième roman de Florent Oiseau vous laisse le sentiment d'avoir passé un moment extrêmement agréable en compagnie d'un jeune écrivain drôle, profond malgré des allures légères et surtout qui sait écrire.
L'idéal est de ne pas raconter grand chose de ce roman qui suit les pas d'un quarantenaire divorcé, sans trop de libido, qui déambule dans un Paris d'aujourd'hui ( décrit très finement) à la recherche de ces hasards absurdes ou minuscules qui font le sel de la vie pour qui sait regarder et écouter. Et sous la plume aussi délicate qu'inspirée, ce petit périple aux allures d'inutile, devient une odyssée personnelle, véritable miroir de nos existences urbaines malmenées. On a tous quelque chose de ce Pierre, on admire la tendresse avec laquelle il aborde les choses toujours avec une grande philosophie teintée d'ironie, d'humour et de dérision. Sous la plume d'autres auteurs s'essayant à ce genre assez prisé en ce moment de cette littérature de l'ordinaire mais "qui fait du bien", cela s'enfonce dans le gnangan, le forcé, l'écoeurant à cause d'un trop plein de guimauve, de clichés. Chez Florent Oiseau, véritable funambule littéraire, nous sommes sur un fil, prêt à basculer à chaque seconde dans les travers décrits plus haut, mais jamais, il ne dévie de sa trajectoire, ne tombant jamais de son fil narratif, tenu jusqu'au bout avec un talent rare. Ca ressemble à un roman léger mais très vite le goût diffère et ça devient un roman réussi, habile, quasi jubilatoire, qu'on l'a envie de partager, de faire déguster comme une friandise délicieuse qui ne pourra qu'ensoleiller nos vies parfois un peu moroses.
Pas encore sous les radars des critiques harnachés ( acharnés ?) à promouvoir toujours les mêmes plumes répétitives et pas toujours talentueuses ou passionnantes, sortez des sentiers battus et cueillez ces "fruits qui tombent des arbres", véritable roman goûteux de cet automne.
dimanche 5 septembre 2021
Mamers en mars 2021
Alors que certains prennent un bol d'air iodé et franchement mondain tout en foulant un tapis rouge à la suite de Johnny Depp et avec l'espoir que la sélection annuelle de films américains soit meilleure que l'an passé, d'autres, en région ( comme on dit poliment dans notre capitale), jouissent des vraies joies du bon cinéma populaire et exigeant. Ils ont passé le week-end dans un de ces multiples festivals que des cinéphiles organisent avec passion et, notamment, ces trois derniers jours à Mamers, petite sous-préfecture du nord de la Sarthe. Il s'agit de "Mamers en mars "( mais en septembre à cause du covid ) qui fête cette année sa 31ème édition. Cette longévité marque des signes de qualité autant que de confiance de la part des professionnels.
Un temps estival, n'a empêché nullement les spectateurs de venir relativement nombreux découvrir une sélection attrayante et finement choisie. Mention toute particulière, à la sélection de courts métrages, aussi intéressante qu'éclectique, balayant beaucoup de genres et de thèmes actuels. Le jury a du avoir du mal à les départager. Leur prix est allé au plus cinématographique mais aussi le plus exigeant de cette sélection, "Noshtna Smyana" ( "Night Shift") du duo belgo bulgare Yordan Petkov/ Eddy Schwartz avec une mention pour le très rafraîchissant "Candice à la fac" de François Labarthe, parodie très réussie des sitcoms AB productions des années 90. Le public, lui, a craqué pour le très réussi " Charon" de Yannick Karcher, film bluffant sur la fin de vie et sur le plus consensuel mais très maîtrisé "12h20" de Gabriel Kaluszynski.
Dans la catégorie longs-métrages européens, le choix était évident ( prix du jury et du public), tant le nouveau film de Jasmila Zbanic ( après "Sarajevo, mon amour " il y a 15 ans) " La voix d'Aïda" survolait la compétition ou quand l'histoire d'une famille presque lambda côtoie la grande et permet à une réalisatrice inspirée de faire oeuvre de mémoire ( le génocide de Srebenica), le tout avec une actrice formidable ( Jasna Djuricic) et un sens de la mise en scène aussi spectaculaire que prenant. Ne le ratez pas, il sort en salle le 22 septembre prochain.
L'autre sensation de ce festival, fut sans doute aussi, dans un genre vraiment différent, "Music Hole" de Gaëtan Liekens et David Mutzenmacher, comédie ultra déjantée au scénario bluffant et à la mise en scène délirante qui se plaît à nous faire découvrir une brochettes d'acteurs tous plus formidables les uns que les autres. Hélas, malgré un coup de main de Luc Besson pour la distribution ( il a été comme nous séduit par cet ovni ), le film n'a pas encore de date de sortie en France ( mais est visible en Belgique depuis 4 semaines). ( le jury lui a donné une mention spéciale). ( la bande annonce qui suit, ne reflète que très peu l'esprit fou et la mécanique de précision très maîtrisée du film)
On peut par contre être un peu plus sceptique quant au coup de coeur accordé au film finnois " Games People Play" de Jenni Toivoniemi, certes formidablement joué, mais ne dérogeant pas d'un certain cinéma scandinave, mélange de Lars Von Trier et de Thomas Vinterberg, caméra à l'épaule et réunion entre amis qui tourne mal, sans parvenir à être un tant soit peu original ou vraiment pertinent. On notera un prix d'interprétation pour l'acteur allemand Lars Eildinger ( vu chez Assayas ou chez Alice Winocour) , histoire de mentionner "Les Leçons Persanes" qui a laissé tout le monde en larmes après plus deux heures de projection, même si l'autre premier rôle du film, Nahuel Perez Biscayart, le méritait tout autant. Cette coproduction européenne sortira début 2O22.
Le reste de la sélection, de bonne facture, n'arrivait pas à la hauteur de ces trois films là, aux sujets forts et ultra bien scénarisés. Et c'est là que l'on se rend compte, que les petits festivals, grâce à leurs équipes dynamiques et passionnés ( et jeunes pour l'équipe de Mamers) peuvent offrir aux spectateurs une programmation exigeante et cinéphile, et ainsi continuer à faire brûler le désir de découvertes dans leur région, donnant ainsi une formidable image du cinéma en ayant qu'un seul objectif: travailler pour le public avant tout. Pour la formidable équipe de Mamers, qui allie accueil et professionnalisme, c'est mission doublement accomplie et c'est avec grand plaisir que l'on s'y rendra à nouveau l'an prochain ...et en Mars ( les 25/26/27 mars 2022).
jeudi 2 septembre 2021
Une histoire d'amour et de désir de Leyla Bouzid
Dès les premières images du générique, l'oeil est attiré. Une caméra remonte doucement sur une surface vitrée avec quelque chose derrière que l'on ne devine pas au premier abord. Puis on comprend qu'il s'agit d'un corps nu prenant une douche. Fille ? Garçon ? Garçon, dont le corps sensualisé amoureusement par la caméra nous sera révélé s'essuyant... Puis, le film démarre par des scènes d'un jeune homme quittant son domicile vraisemblablement en banlieue populaire pour se rendre à la fac. C'est son premier jour et la fac est la Sorbonne. En quelques scènes quasi muettes, la réalisatrice plante le décor et dresse un portrait précis d'Ahmed, le désormais sorbonnard. C'est fluide, quasi magistral. On se dit qu'on tient là un sacré film ou tout du moins une sacrée réalisatrice.
On ne sera pas déçu par la suite. Si le pitch du film est simple, basique (Ahmed finira-t-il à faire l'amour avec Farah, jeune tunisienne fraîchement débarquée à Paris et qui suit les mêmes cours que lui ?), le développement de cette histoire simple, prendra, grâce à un scénario de dentellière et à un vrai parti-pris de réalisation, une tonalité d'une épatante intelligence.
Loin, très loin, des films sur le dépucelage d'ados ou des clichés de maghrébins vivant en banlieue, le deuxième long-métrage de Leyla Bouzid, mêle avec brio et surtout une grande subtilité, tout un panel de thématiques actuelles ( la liberté des filles, la machisme des garçons, la vie dans les quartiers sensibles, le fossé social au sein d'une université d'élite) sans que ce soit ni appuyé , ni démonstratif, ni démagogique. La caméra filme avec douceur et sensualité les visages, la peau, les regards de ses deux jeunes interprètes ( Sami Outalbali et Zbeida Belhajamor tous les deux formidables ) dont le désir s'affiche sans complexe chez la fille et avec une grande timidité chez le garçon qui se trouve bouleversé par ses sentiments, par la liberté inhabituelle des filles et par sa vie qui s'éloigne des codes habituels . Au passage, on y apprend beaucoup de choses sur la littérature érotique arabe ( et sur une culture beaucoup plus ouverte sur le désir et le plaisir dans les siècles passés), sujet de l'un des cours que suivent les deux jeunes gens sous la houlette d'une professeur aussi érudite que pragmatique ( formidable Aurélia Petit). Bien sûr ces mots, cette poésie ouvertement sensuelle joueront un rôle sur les sentiments des deux protagonistes tout comme sur la réalisation qui viendra magnifier ces premiers émois.
Sélectionné pour la clôture de la semaine de la critique à Cannes en juillet dernier, "Une histoire d'amour et de désir" confirme l'immense talent da réalisatrice Leyla Bouzid, révèle ses deux jeunes acteurs et offre aux spectateurs, une très beau film qui prend le temps de s'intéresser à ses personnages, à leur vie, à leurs sentiments, le tout nimbé dans une sensualité à fleur de peau. Magnifique !
mercredi 1 septembre 2021
Corto Maltese /Océan Noir de Martin Quenehen, Bastien Vives d'après l'oeuvre d'Hugo Pratt
Son créateur, Hugo Pratt, n'était pas contre, son éditeur historique l'a fait ! Corto Maltese revient dans de nouvelles aventures, avec au crayon ( tablette graphique ?) le très talentueux Bastien Vivès. Ca sent la machine à cash espérant un flot d'acheteurs chez les nostalgiques du célèbre pirate.... et chez les fans du dessinateur.
Si au niveau dessin, le choix s'avère judicieux tant le trait original, noir et blanc de Bastien Vivès paraît le parfait compromis entre respect et modernité ( sans compter qu'en plus d'être déjà dans l'écurie Casterman, l'auteur, est, semble-t-il, un fan absolu du marin voyageur), on peut penser que le récit d'aventures s'éloigne énormément de son univers habituel, plus psychologique. C'est sans doute pour cela qu'un scénariste se soit chargé de cette histoire.
Le résultat, pour moi pas vraiment fan de Corto Maltese découvert à 10 ans dans Pif Gadget en 1969 ( et alors plutôt décontenancé par ce style radicalement différent face à Pifou ou Placid et Muzo) mais admirateur des albums de Bastien Vivès, reste mitigé. Le récit d'aventures et d'actions, rapide, avec un héros qui se retrouve toutes les 10 pages en grand danger et qui s'en sort toujours avec des facilités de scénario inhérentes au genre, sans grande psychologie évidemment, ne m'emballe guère ( même en essayant de redevenir l'enfant que je ne suis plus). L'histoire mêlant quête d'un objet mythique inaccessible ( ici une tête en or péruvienne), services secrets divers ( Japonais et américains), retrouvailles avec quelques figures récurrentes de la série ( Raspoutine), voyage évidemment et cet humour froid distillé par le héros toujours un peu mystérieux plaira sans nul doute aux fans du héros qui ne seront bousculés que par l'époque puisque dorénavant, sans prendre une ride, Corto vit au début du 20 ème siècle. Le dessin de Bastien Vivès, plus détaillé que d'habitude, fait parfaitement le job et donne une jolie ambiance à l'ensemble. Cependant, 50 ans plus tard, on ne lit plus de la BD de la même façon ( surtout si l'on se réfère aux précédents albums solos du dessinateur). "Océan Noir" plonge plus dans l'action facile.... On peut aimer ou trouver cela un peu daté. Reste le dessin de maître Vivès... C'est toujours un plaisir visuel...