Cela est désormais habituel dans les (grands) festivals, les sections dites parallèles recueillent les petites pépites. Créée il y peu, la section "Diagonales" du festival Premiers Plans d'Angers a accueilli cette année les longs-métrages les plus intéressants, laissant à la compétition dérouler l'habituel cinéma psychologisant. Ainsi après l'envoûtant "Unrest", deux documentaires venus de l'Est ( mais produits par plein de pays européens ) nous ont enchantés. La salle était comble pour le documentaire ukrainien de Igor Ivanko "Fragile Memory", sans doute l'effet guerre ayant joué. Pourtant, le film n'allait pas vraiment vers une évocation de l'actualité ( ou à l'extrême marge) mais explorait de façon fort touchante le thème de la mémoire à travers le portrait du grand-père du réalisateur ancien grand chef opérateur de cinéma. A partir de pellicules endommagées retrouvées dans un hangar, le petit fils va partir à la recherche de tout ce que ce grand-père a filmé durant toute sa vie. Et quand l'un fait resurgir la mémoire du passé, celle du vieil homme s'estompe de plus en plus. Délicat, juste, passionnant, sans doute le film plus émouvant de ce festival.
Un peu plus à l'Est, en Russie donc, la réalisatrice Marusya Syroechkovskaya nous a proposé son "How to Save a Dead Friend" avec précaution. Exilée en Tchéquie et en Israël, fuyant le régime de Poutine, elle comprenait bien que, vues les circonstances, on n'avait peut être pas envie de nous apitoyer sur son personnage principal, moscovite de banlieue, drogué et dans l'autodestruction. Ce montage de vidéos prises durant toutes les années où la réalisatrice a vécu avec ce jeune homme dépressif ne va sans doute qu'accentuer les clichés que nous avons sur une jeunesse russe en plein désarroi et noyant son mal être dans l'alcool et la drogue. Cependant, avec ces scènes filmées à l'arrache, mais montées très efficacement, la réalisatrice nous plonge au coeur d'une vie russe sans aucun fard et parvient à rendre un très bel hommage à cet homme qu'un pays plongé dans la noirceur a poussé vers la mort.
Dans la compétition officielle, des films plus consensuels essayaient de défendre leur petite musique autour de thèmes rabâchés. "Tengo suenos electricos" de Valentina Maurel ( Belgique/France/Costa-Rica) nous narrait les affres d'une adolescente partagée entre ses parents divorcés et assez toxiques. Un peu répétitif, le film n'arrive jamais à s'extraire de son côté naturaliste, filmé comme un quasi documentaire, préférant allonger inutilement certaines scènes au détriment d'un réel point de vue. "Suro" de l'espagnol Mikel Gurrea, s'il bénéficie d'une belle mise en scène ample, hésite constamment entre le drame social voire le conte écologiste pour finir par choisir la beaucoup plus convenue crise du couple ou comment les épreuves vont peut être nous rabibocher. L'allemande Annika Pinske avec " Talking About the Weather", très inspirée d'Annie Ernaux, nous parle de honte sociale, de transfuge de classe, doublés en Allemagne par cette encore séparation entre Est/Ouest. C'est sensible, parsemé de petites scènes piquantes mais ne parvient pourtant pas à complètement emporter l'adhésion peut être à cause de cette volonté à vouloir faire à tout prix art et essai en prolongeant ( oui, ici encore) des séquences avec le sentiment qu'il faut qu'on lise le désarroi sur le visage de l'héroïne alors que tout était dit et bien reçu lors de la scène. "Tigru" du roumain Andréi Tanase s'essaie à l'originalité en mêlant une chasse au tigre dans les rues d'une ville roumaine et un couple en crise. Et qui emporte le morceau du thème le plus présent ? Le couple, hélas... Enfin, et c'est peut être le meilleur de cette dernière salve, "Chien de la casse" du français Jean-Baptiste Durand, a ému et enthousiasmé la salle. Partant pour être encore une histoire vue et revue autour d'une amitié très fraternelle entre deux jeunes un peu paumés, le film réussit très vite a sortir des sentiers battus avec un personnage principal surprenant et en distillant une jolie musique décalée. Le film tient surtout par la formidable interprétation de Raphaël Quenard à la fois drôle, agaçant et touchant qui a la chance d'avoir de bons dialogues à jouer.
Difficile de pronostiquer quelques résultats, mais Félix Moati ( membre du jury long-métrage) est remercié dans le générique de "Chien de la casse" ( qui ne démérite pas loin de là).... Sinon, comme d'habitude, le festival Premiers Plans continue à offrir aux cinéphiles et au public une remarquable programmation éclectique, apportant son lot de vedettes de Sandrine Kiberlain à.... François Hollande ( il accompagnait Julie Gayet) et son quota de belles découvertes. A l'année prochaine !
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