Attention, " Le Poirier Sauvage" est un grand film dans beaucoup de sens du terme.
Grand tout d'abord par sa longueur. 3h08 ça pose son cinéaste ! Le format peut rebuter, surtout qu'aucun véhicule ne vole là-dedans ( pensez, on voit plein de R12 !), juste quelques mouettes lors de courtes scènes de bord de mer et qu'aucun combat ne vient donner du punch au film ( je mens, il y a bien à un moment le héros qui se frite avec un copain mais c'est de loin).
Par contre le film se révèle grand au sens intello du terme. La bagarre évoquée plus haut se déroule intérieurement et psychologiquement ( le personnage principal se débat dans une sorte de parcours initiatique et affronte un père détesté) et est nourrie de références ( le cheval de Troie, la neige, un puits, ...) mais aussi ponctuée de longs et profonds échanges autour de la création artistique ou de la religion. Même si l'humour pointe çà et là, nous ne sommes pas là pour rigoler, sinon le film se serait intitulé: "Ploucs et cie" , en référence au dédain qu'éprouve le héros pour sa région natale.
Le film est grand également par sa majestueuse mise en scène, où une photographie magnifique attrape toutes les couleurs automnales et où de longs plans dialogués, jamais réellement statiques, parviennent à ne pas plonger le spectateur dans la somnolence ( ceux qui ronflaient s'étaient trompés de salle, " Neuilly sa mère 2" c'était la 4!). Et pour donner une majesté supplémentaire à toute cette grandeur énumérée, le film, en filigrane, offre un portrait de la Turquie actuelle, coincée entre modernité et tradition. Toutefois, la sournoise politique actuelle du pays n'y fait guère d'incursion ( juste une évocation d'une guerre à l'Est et d'une mauvaise gestion des enseignants) ou alors symboliquement avec des plans de routes jonchées d'ordures et de décharges sauvages ou un plan somptueux du jeune héros déambulant recroquevillé par le froid au bord d'une mer déchaînée et inquiétante.
Toutefois, malgré toute cette grandeur, "Le Poirier Sauvage" ne surclasse pas à mes yeux "Winter Sleep" ( Palme d'or 2014) bien plus tenu et mieux scénarisé. Quelques péripéties un peu lourdes viennent ternir la belle et lente rythmique ( notamment les scènes autour du vol de l'argent dans le blouson ou aussi l'amorce très factice de la longue discussion religieuse avec les imams dans le pommier). Vous me direz que sur 3h08, ce ne sont que broutilles, mais si vous rajoutez un héros pas franchement sympathiques à qui on a envie de remettre les idées en place durant les deux premières heures peut être que vous ressentirez cette grandeur comme parfois un peu longuette.
Il reste cependant que Nuri Bilge Ceylan demeure le grand cinéaste des grands ( mais aussi des petits) espaces et des grandes discussions et, rien que pour cela, " Le Poirier Sauvage" mérite le détour.
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