La bande dessinée échappait encore un peu à ce qui ankylose le roman français : le récit de soi, son mal être, son méchant papa, son étouffante maman ou son suicide. On a bien quelques récits autobiographiques à caractère introspectif ici ou là ( Guillaume Bouzard, Fabrice Neaud, Lewis Trondheim, ...) mais leur relative rareté ( et leur réussite) n'ont lassé personne.
Manu Larcenet, auteur célébré et passionnant, nous propose aujourd'hui de mettre en scène, sa dépression doublée d'une crise de créativité. Rude coup pour le lectorat de "Le combat ordinaire " ou "le retour à la terre" ? Plongée dans un récit nombriliste et geignard ? L'avantage avec la bande dessinée, c'est que ses auteurs se prennent un peu moins au sérieux que les écrivains, possèdent un vrai sens de l'humour et le dessin apporte à leurs récits, même les plus noirs ou les plus intimes, un évident pouvoir de séduction et de création.
Ce premier tome de "Thérapie de groupe" en apporte l'incontestable preuve. En plus de jouer avec son double dessiné ( Jean-Eudes de Gageot-Goujon, un gag en soi), de se moquer de son passé de star du neuvième art, Manu Larcenet, sous le prétexte d'éprouver le syndrome de la case blanche, réussit ce qui apparaît comme son album le plus libre qu'il ait composé, comme si l'abandon du dessin au crayon pour la palette graphique lui avait donné un nouvel élan créatif. La cinquantaine de planches proposées dans un format légèrement plus grand que d'habitude, met en scène le désespoir de l'auteur dans un foisonnement dessiné qui se permet en plus de l'intelligence et de l'humour, de faire une rétrospective de la création dessinée depuis le paléolithique jusqu'à nos jours. On y croisera donc les premiers hommes dessinateurs dans leur grotte, en passant par Dieu qui guide les peintres de la renaissance, mais aussi Nietzche, Paul Cézanne, Naruto ou Snoopy, mis en scène ici de façon franchement comiques. Manu Larcenet est peut être dépressif, mais au moins son Xanax lui permet de se lâcher complètement et donc, encore une fois de nous épater. ( Les planches façon Métal Hurlant des années 70 sont absolument géniales).
Avec cette "Thérapie de groupe", Manu Larcenet nous offre une autre facette de son talent, ou comment mixer la noirceur de "Blast" et l'humour du "Retour à la terre" pour une création un peu hors norme mais diablement stimulante.
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