samedi 4 janvier 2020

Elmet de Fiona Mozley


Fiona Mozley a eu la chance de figurer en 2017 sur la dernière liste du Man Booker Prize ( en gros le Goncourt anglais mais doté d'un chèque bien plus important), assurant ainsi à son auteure une extraordinaire visibilité dans les pays anglophones à son premier roman.
Force est de reconnaître qu'après la lecture d'"Elmet" ( nom du village où se déroule le récit) on ne peut qu'être impressionné par le talent romanesque de cette jeune femme .... tellement éloigné de celui de nos primo-romanciers-ères hexagonaux qui, pour la plupart, nous livrent des récits nombrilistes puisés dans leur petite vie.
La couverture cite une phrase du Sunday Times ( rare ce genre d'accroche, souvent posée sur un bandeau mais pas imprimée sur la couverture comme ici) : " Quand Hansel et Gretel rencontrent la mafia". Comme souvent, cela est énormément réducteur et pas vraiment pertinent. Si les deux jeunes héros de ce roman sont bien un garçon et une fille, s'ils habitent pas loin de bois qu'ils connaissent comme le fond de leur poche, même s'ils vivent chichement auprès d'un père, colosse d'une grande douceur,  celui-ci ne les abandonnera pas. Quant à la mafia, chassez de votre esprit les désormais incontournables Corleone, et troquez plutôt l'accent italien et le costume trois-pièces pour des hobereaux anglais en tweed et à la morale totalement acquise à un libéralisme à faire baver de plaisir Margaret Thatcher.
Le roman oscille constamment entre le conte, la chronique politico/sociale ( qui n'est pas sans rappeler Steinbeck) et un charme romanesque évident où la nature reste constamment présente. Cette jeune auteure possède un talent bluffant pour mélanger ces univers et les rendre terriblement vivants. Sans jamais lâcher la trame de son récit qui, engrenage merveilleusement huilé, se clôturera par un final à la Tarantino, elle instille au fil des chapitres autant d'angoisse que notations tendres. Apparaît ainsi, en filigrane, un discours sur le bonheur d'une vie simple en harmonie avec la nature ainsi qu'une analyse tout en finesse sur la violence humaine. Cerise sur le gâteau, l'écriture parvient également à semer constamment le trouble quant au narrateur, Daniel, un garçon donc, mais dont l'impression à la lecture nous le renvoie comme féminin.
On comprend donc qu'ici, nous avons affaire à un roman extrêmement bien construit, bien écrit, avec un vrai univers comme on en rencontre rarement dans nos romans français de salons bourgeois. Fiona Mozley est jeune, incontestablement talentueuse et s'affirme dès cette première livraison comme une auteure à suivre de très très près. "Elmet", de toute évidence, se pose comme l'une des très bonnes surprises de cette rentrée d'hiver 2020.

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