jeudi 24 août 2017

Mon père, ma mère et Sheila de Eric Romand


Voici un bref premier roman qui, de prime abord, n'a rien d'original. Le récit  à la première personne d'une enfance dans les années 60/70 et dans un milieu populaire sent le déjà lu des centaines fois. Seul le titre mettant en avant cette chanteuse populaire titille la curiosité. Mais que vient donc faire la créatrice de "L'école est finie" dans cette famille de Villeurbanne ? Rassurez-vous ( si vous la détestez ) ou désolez-vous ( si vous êtes fan), Sheila n'apparaît qu'en contrepoint de cette histoire, comme un marqueur temporel, l'élément musical et nostalgique d'une vie aux apparences simples mais trompeuses.
En quelques phrases courtes, sans aucune fioriture, Eric Romand évoque ses souvenirs d'enfance en retrouvant la même naïveté teintée de zones grises qu'il avait lorsqu'il écrivait sa lettre au Père-Noël, l'âge, les silences des adultes quant à leur vie le laissant dans une évidente ignorance. Au fil des pages, c'est tout un monde qui est recréé, celui d'une famille lambda à la fin des trente glorieuses. Mais l'enfant grandit, comprend mieux ce qui se joue autour de lui et en lui. Le récit devient plus dur, plus âpre, sans jamais tomber dans le pathos. La chanteuse maintenant sans couettes sourit toujours inlassablement sur le petit écran, faisant oublier un instant les bouleversements intérieurs. Toujours en quelques phrases, quelques annotations légères, on assiste aussi à la construction d'un être dont la sexualité va déranger dans un milieu plein de préjugés. C'est l'heure du doute, du rejet, des séparations...
Je l'avoue, je ne m'attendais à rien de bien particulier avec ce court roman. Deuxième aveu, j'ai énormément aimé cette évocation, tant par le style employé qui ne joue jamais des coudes mais vise à toucher au plus juste avec subtilité que par l'époque qu'il arrive à faire revivre si intensément ! Tous ceux qui ont vécu les années 60/70 retrouveront son parfum avec le distributeur de cacahuètes et sa coupelle qui trônaient sur les bars ou sa télévision surmontée d'un napperon en crochet et dans laquelle Guy Lux et Sophie Darel annonçaient extasiés des chanteurs à minet(te)s et que l'on regardait moulés dans des sous-pull en acrylique.
Et même si je regrette un emballement temporel sur la fin du livre, cassant un peu l'atmosphère créée en amont, "Mon père, ma mère et Sheila" s'avère une très jolie surprise, ce genre de petite gâterie qui se lit d'une traite, qui nous fait formidablement voyager dans le temps comme au cœur d'une personne dont le parcours sensible parlera à beaucoup de monde.
Je ne résiste pas à mettre une vidéo de Sheila, avec le seul titre cité dans le roman : "Tempérament de feu".(1975)


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