mercredi 6 novembre 2013

La violence des riches de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot


Oui ce livre est violent ! Même si tout ce qui y est raconté à l'intérieur est dans nos esprits, le fait de le voir écrit aussi simplement et aussi crûment, nous déstabilise sacrément.
Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sont des sociologues peu ordinaires, au lieu de se consacrer à des recherches sur les pêcheurs bretons ou les harkis, ils ont opté pour les riches. Attention, les vrais riches, les grandes familles aux fortunes qui se multiplient au gré de leurs investissements boursiers ou aux grands patrons du CAC 40, ceux qui gagnent en une journée ce que vous gagnez en dix ans ! 
Une fois le livre terminé et refermé, j'ai été un peu sonné. J'avais beau savoir que les riches, les dominants, étaient sans vergogne, uniquement occupés à faire prospérer leurs acquis, considérant le bas peuple comme des bouts de chair sans cervelle et à leur merci, l'accumulations des observations des deux sociologues est absolument sans concession et m'a laissé sans illusion quant à un futur plus fraternel. 
En ces temps de crise financière, les riches n'ont jamais eu autant d'argent et les populations laborieuses, étrillées, vidées, dépossédées de leur travail, n'ont jamais été aussi stigmatisées sans que personne n'y trouve à redire... ou presque. Le livre après avoir fait un état des lieux du patronat en France ( les nombreuses aides de l'Etat qu'il truste, les impôts qu'il évite, la justice qui ferme à demi les yeux sur ses fraudes), de ses accointances avec le pouvoir qu'il soit de droite ou de gauche, s'intéresse à la violence insidieuse que cette domination exerce sur les masses les plus pauvres du pays et de leurs conséquences. Totalement bercées par un discours pro libéral par des médias inféodés à ce système depuis le tournant voulu en 1983 par François Mitterrand, toujours discréditées dès que pointe la moindre révolte, les classes populaires subissent de plein fouet cette violence insidieuse avançant, souriante mais masquée. En plus d'habiter dans des ghettos car la mixité sociale à l'intérieur des villes existe de moins en moins, les travailleurs (pour reprendre un vieux terme communiste) se voient également marqués dans leurs corps, saturés de bouffe bon marché, grasse et sucrée. L'histoire de leurs combats pour une société moins injuste, est laminée sous les effets conjugués de la disparition des lieux de souvenir (la Mutualité à Paris, transformée en Palais de la Mutualité grâce à sa rénovation fastueuse par un groupe international spécialisé dans l'événementiel ) et de la confiscation du langage par l'élite dominante. C'est ainsi qu'un parler édulcoré fait florès, paralysant d'autant mieux la pensée qu'il brouille les pistes, empêche la réflexion : un" plan de licenciement" devient ainsi un "plan de sauvegarde de l'emploi", bien plus vendeur et beaucoup moins dangereux (et les exemples abondent). 
Le constat fait frémir. On sait bien, que depuis toujours, les riches imposent leurs lois mais maintenant, ils ont réussi à éliminer le seule richesse qu'il restait aux masses laborieuses : la solidarité ! Grâce aux discours martelés depuis plus de 30 ans, l'individualisme, le chacun pour soi, est devenu la règle. 
Les sociologues devant tous ces faits, ces histoires, ces éléments déroulés les uns après les autres, ont du mal à garder leur objectivité... On sent bien que la colère les démange devant autant de morgue et d'injustice... Mais qui pourrait y être insensible ? " La violence des riches" est donc à la fois un essai sociologique, bien écrit, facile à lire mais également un tremplin pour réfléchir à un autre monde que libéral , qu'il est grand temps d'éradiquer si l'on ne veut pas que tout explose, car malgré tous les moyens déployés, tous les commentateurs et spécialistes qui glosent à longueur de journées, le système se fissure petit à petit... C'est la conclusion de cet essai, seule lumière d'espoir au milieu de propos désespérants. Et ceux qui comme moi, pensaient que les riches pouvaient peut être, quand même, avoir un léger remord, le soir, avant de s'endormir, devant toutes ses masses jetées à la rue et dans le désespoir et autres turpitudes pour satisfaire le pouvoir financier, les sociologues ont cette phrase définitive en parlant du riche : " ... l'entre-soi des beaux quartiers lui renverra toujours une image de respectabilité."

2 commentaires:

  1. J'avais lu un article sur cet essai, en effet il a l'air passionnant.. Mais franchement, je préfère éviter, je suis déjà (à mon jeune âge) si cynique et désabusée sur le monde dans lequel nous vivons, les valeurs qu'il véhicule, la frayeur que j'ai des résultats des prochaines présidentielles avec tous ces partis qui surfent sur la haine inter communautés, qu'elles soient sociales, ethniques, professionnelles ou liées aux revenus (riches, pauvres...) que je vais m'épargner d'en rajouter une couche ! :-) Cependant, pour ceux qui veulent garder les yeux ouverts, il me semble que c'est un livre à ne pas manquer !

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  2. J'aime les écouter discuter de leur sujet favori : les riches
    Je pense que je lirai ce livre, histoire d'y rencontrer certains biziauds

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