mardi 1 avril 2014

La petite foule de Christine Angot


Christine Angot est sortie de chez elle, s'est perdue dans la foule et a rencontré quelques uns de ses contemporains. Ne ruminant plus son inceste, laissant de côté ses amants célèbres ou procéduriers, elle a levé le nez pour observer ce qui se passe autour d'elle. Le résultat est cette "Petite foule", recueil de petites nouvelles, petites pastilles parfois, moments volés dans le quotidien de personnes croisées.
Le savoir-faire de Christine Angot saute aux yeux dès les premières pages. Elle sait écrire, et en très bonne écrivaine, plante un décor ou une atmosphère en deux ou trois lignes. Jouant subtilement avec l'universalité des situations proposées, son regard ne manque pas d'acuité, saisit les doutes et les failles des personnages décrits. J'ai tout d'abord été séduit par cette approche à la fois minimaliste mais aussi hyperréaliste, qui est, pour l'auteure, sa marque de fabrique. Les cent premières pages ont été dévorées avec gourmandise, comme on avale sans réfléchir tous les chocolats d'une boîte, les uns après les autres. Mais au bout d'un moment , j'ai été rassasié. Le livre a été un peu abandonné pour n'y revenir que pour grappiller, au gré de mon temps ou de mes envies, quelques uns de ces instantanés.
Malgré la virtuosité stylistique et de la précision du trait, l'intérêt a faibli sensiblement. Le propos a commencé à me sembler un peu vain, la faute essentiellement à l'absence de chute à ces petites scénettes qui, du coup glissent (bien) mais sans laisser de traces.
Quel est, au final, le projet de Christine Angot ? Donner une autre image d'elle même, plus sensible, moins froide, moins coupante ? Ou bien présenter le monde tel qu'il est, par petites touches pointillistes, esquissant ainsi un portrait de notre société un peu subjectif et donc incomplet ? Je pencherai personnellement pour une poursuite de son travail d'écrivaine entamé avec l'autofiction qui a fait sa notoriété, mais qu'elle élargit ici à l'humanité qu'elle croise. Et comme on a toujours du mal à fuir son milieu, même s'il y a des incursions dans le quotidien des gens simples, elle propose bon nombre de situations issues de groupes favorisés intellectuellement et culturellement. Le vécu de Christine Angot resurgit au détour d'un cocktail ou d'un dîner en ville (les vrais, ceux qui regroupent psys en vogue, acteurs, metteurs en scènes, écrivains, ...)
Au final, après avoir été emballé par les premières pages, le procédé de cette enfilade de petites nouvelles a fini par perdre de la saveur au fil de la lecture. C'est écrit avec précision comme toujours, mais l'intérêt faiblit par cette volonté manifeste de ne pas vouloir terminer de façon virtuose chaque portrait. "La petite foule" ne forme qu'un tableau bien esquissé mais manquant sérieusement de panache pour arriver à enthousiasmer le lecteur.

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