lundi 3 février 2014

Max Winson de Jérémie Moreau

Max Winson est un méga super champion de tennis. Un presque surhomme, puisqu'il n'a perdu aucun match depuis sept ans, n'accordant que rarement un jeu à ses rivaux. Richissime à 23 ans, son business marche fort bien pour lui, merci. Mais l'allure de cet enfant qui a grandi trop vite, cet air sans émotion d'où émane une étrange douceur, sont le résultat d'un entrainement implacable prodigué par son tyrannique de père, vieillard anguleux frisant la crise cardiaque à chaque match. Et soudain, après une énième victoire et un infarctus, son père doit laisser sa place d'entraîneur. Pour lui succéder, un casting est organisé et le choix de Max se porte sur un étrange personnage à la face de clown qui lui promet un travail inédit sur les impondérables...
Vous n"aimez pas le tennis (ou même le sport en général )? Cet album est fait pour vous. Vous êtes un lecteur quotidien de l'Equipe ? Il est également fait pour vous car c'est une pure merveille !
En fait, ça se déroule dans le milieu sportif pour mieux développer un formidable récit qui nous tient en haleine et où se mêlent tout une palette de réflexions sur la domination, la culpabilité, sur l'humanité tout court ! Car le propos ici, en plus d'être passionnant, est aussi et surtout de faire réfléchir le lecteur. De l'environnement toxique de l'athlète (père mais aussi attachée de presse énervée), à l'étude psychologique de Max, aussi sensible dans la vie qu'il est implacable avec sa raquette, en passant par une description économico/politique du monde actuel, tout fait sens et nourrit de façon remarquable une intrigue haletante, qui se dévore avec passion.
L'auteur précise dans ses remerciements qu'il a eu accès au logiciel scénaristique interne d'un dénommé Wilfrid et surtout à sa fonction "détection et correction de nuisibles à la fluidité de l'histoire".... C'est donc ça son secret ! Belle découverte! Quand on lit le produit fini, on se dit qu'il pourrait le proposer à pas de ses collègues scénaristes ou écrivains... Et quand il rajoute que cet album est un hommage à Albert Jacquard " dont la pensée sert de pilier au propos sous-jacent de cette BD", on est pas loin de penser que l'on tient là un des premiers sommets de l'année en matière de roman graphique. L'an dernier, Le singe de Hartlepool du même Jérémie Moreau pour le dessin (mais du dénommé Wilfrid Lupano au scénar, celui de la machine je suppose...) était déjà une belle réussite qu'il faudrait faire lire et relire, surtout en ce moment où certains gobent les pires sornettes...  Max Winson, dont c'est le premier tome, ne fait que confirmer que l'on tient là un nouvel grand auteur. Certains pourraient être rebutés au premier abord par le dessin, bien différent de sa précédente production. Qu'ils passent outre ! Dès les premières pages, on oublie et l'on est emporté par le récit dont le découpage incisif, avec ses cases éclatées et anguleuses, sert admirablement le propos.
J'ai refermé "Max Winson 1. La tyrannie", totalement bluffé. C'est un manga, c'est vrai, mais dont le projet est à la fois de passionner sans fléchir tout en faisant réfléchir son lecteur. C'est vraiment gagné et j'ai bien peur que Jérémie Moreau devienne le Max Winson de la BD. C'est la meilleure chose qui puisse nous arriver !






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