mercredi 5 mars 2014

Rédemption de Matt Lennox


Une ville banale en Amérique du Nord sert de décor au retour de Lee, après dix-sept années de réclusion pour un délit que l'on devine assez sordide. Aidé par un beau-frère pasteur à la religion chevillée au corps et à l'esprit, il va essayer de retrouver un semblant de vie sociale. Sa réinsertion se fait lentement, péniblement, les années de prison étant inscrites dans sa chair mais aussi dans le regard de toute une communauté qui n'oublie jamais. Sa route croisera parfois Stan, flic à la retraite qui voit comme une étrange coïncidence ce retour de Lee et le suicide d'une jeune femme sur un parking. Et puis, il y a Steve, son neveu naît durant sa captivité, adolescent tourmenté par le silence familial sur ses origines.   
Tous les codes du polar sont ici réunis, le décor de cette ville assez triste avec ses bars glauques en périphéries et ses zones industrielles lugubres, une mort étrange, quelques malfrats qui rôdent, la violence toujours omniprésente dans les rapports entre les personnages masculins et pourtant ce n'est pas tout à fait un polar. Le rythme, malgré quelques moments de très haute tension, épouse une certaine lenteur pour porter "Rédemption"  vers le roman psychologique. L'auteur s'attarde sur les personnages, portant un regard lucide et bienveillant sur ses êtres qui doutent. On les suit dans leur quotidien d'où émergent peu à peu les failles, les tiraillements d'hommes pour qui la vie est une longue suite d'épreuves. A coup de phrases courtes et simples, les portraits prennent de l'épaisseur, le lecteur est en empathie et l'auteur a réussi son coup. Nous faisons partie de cette communauté et nous n'en sortirons qu'après un final d'une densité extrême.  
Roman magistralement maîtrisé, englobant intrigue complexe et regards croisés sur l'enfoncement d'une famille dans le silence et réfugiée dans une bigoterie aliénante et du supplice quotidien d'un homme, funambule de la vie, que chaque rencontre peut amener au faux pas et  le faire dévier du droit chemin. 
Irrigué par la religiosité, le titre de ce roman "Rédemption" peut surprendre car ici le rachat des fautes est loin d'être acquis.Le titre original, sûrement moins vendeur (Le charpentier), était tout aussi chrétien mais peut être plus proche de la réalité de ce roman. Un vrai et bon artisan de la littérature se risque au roman noir et, au lieu d'utiliser comme beaucoup, sans grâce et sans génie, les codes du genre, produisant à l'arrivée un livre mille fois lu, arrive à détourner à son profit tous les écueils pour au final offrir un roman d'une grande intensité. Pas du tout une armoire Ikéa, "Rédemption" a la beauté d'un meuble d'ébéniste ou plutôt la charpente d'un édifice somptueux. Chapeau pour un premier roman !

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