jeudi 8 mai 2014

Carnaval de Manuel Blanc



Manuel Blanc est comédien ( chez Téchiné, Laurent Bouhnik, ...). Il publie son premier roman "Carnaval" et,  franchement, c'est sans conviction que j'ai ouvert son livre. Des consoeurs ou confrères s'y sont essayés avant lui ( Anaïs Jeanneret, Sylvie Testud, ...) avec plus ou moins de bonheur. On doute parfois de la totale nécessité de ces publications... Mais là, je l'avoue j'ai été bluffé. Il y a dans ce roman une atmosphère très particulière qui m'a accroché et enveloppé jusqu'au bout.
Difficile de résumer l'histoire, qui est un moment suspendu durant le carnaval de Cologne. Il y a le narrateur, acteur qui essaie de retrouver son dernier amour parti quelques semaines plus tôt. Il y a ce moment unique où tout le monde déambule déguisé dans les rues de cette ville plus connue pour son eau que pour ses festivités. Il y a un film qui se tourne, une boîte à sommeil borgne, une "phéronome party" et des déguisements de gorille puis de Batman endossés par cet homme perdu. Surtout, il y a des regards, le regard, les yeux, la vue, ce que l'on voit, ce que l'autre voit, éléments essentiels de ce livre, très visuel. Le cinéma, la photographie, l'image de soi, l'image intérieure, les émotions que livrent les images volées forment un kaléidoscope sensoriel assez vertigineux. C'est un peu "arty" dans la démarche mais, visiblement, Manuel Blanc a des choses à dire et les fait ressentir très fort. J'ai été très vite dans la peau du narrateur. J'ai été Batman perdu dans la contemplation des vitraux de la cathédrale de Cologne. J'ai déambulé dans les rues en fête en faisant claquer ma cape au vent, le coeur lourd des étrangers égarés dans une ville, à la recherche d'un amour désormais impossible.
Sous le masque du super-héros, on avance anonyme pourtant. On est vu sans être reconnu. On voit sans révéler ses émotions. Et quand des peaux viennent s'associer aux regards, peaux de femmes, peaux d'hommes, on s'abandonne à ces contacts pour essayer d 'oublier la tristesse, le temps assassin.
Ce roman, écrit simplement, sans fioriture apparente, est un voyage sensoriel assez intense. Je ne dis pas que tout le monde est prêt à faire ce voyage, ce livre relève de l'intime. J'ai eu peut être la chance de le lire au bon moment, un moment où j'étais en état de le recevoir.
Reste toutefois que "Carnaval" est une jolie réussite. Les mots se font images et les images que le lecteur se crée deviennent émotions. Et au-delà de sa pose qui peut paraître branchouille, on sent sous la plume de Manuel Blanc, la sensibilité d'un homme de talent.





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