jeudi 22 mai 2014

Deux jours et une nuit de Luc et Jean Pierre Dardenne


Il y a du soleil dorénavant dans le cinéma des frères Dardenne, mais il ne brille que dans le ciel et est loin de rendre la misère plus belle. Sandra, l'héroïne du film n'est pas misérable loin de là. Ouvrière dans une petite entreprise de panneaux solaires et avec son mari cuisinier dans une cafétéria, ils vivent dans un petite maison qu'ils viennent d'acheter. Mais quand suite à une négociation, elle devient l'objet d'une transaction ignoble (soit elle est virée et ses collègues restants empochent une prime de 1000 euros ou elle reste, mais personne ne touche rien), la précarité, la misère sont sur le point de la rattraper. Au moment où le film démarre, le choix est fait, ses collègues ont choisi la prime. Elle va tenter durant un week end de les convaincre un à un de renoncer à leur argent pour qu'elle puisse ne pas perdre son travail.
A part le point de départ que je trouve moyennement crédible, le film est une petite merveille de mise en scène. Alors que tout peut paraître répétitif, Sandra sonne inlassablement aux portes, débite le même discours, l'intensité augmente de scène en scène. Chaque coup de sonnette fait apparaître un personnage, un ouvrier. En quelques secondes, quelques mots aux apparences anodines et des plans d'une efficacité redoutable, une situation nous saute à la figure, épinglant subtilement un aspect de ce que tout le monde appelle désormais la fracture sociale. Et se succède ainsi, des hommes, des femmes, englués dans un quotidien morne, où un euro est un euro, aux prises avec un société qui les utilisent encore mais les a déjà relégués à la marge. La casse lente du monde ouvrier nous est présentée avec une telle subtilité qu'insidieusement l'émotion monte d'un cran à chaque nouvelle rencontre. Si le scénario impeccable et la mise en scène jouant parfaitement avec nos nerfs comme dans tout bon thriller sont d'une efficacité indéniable, Marion Cotillard, est, elle aussi, pour beaucoup dans la réussite de ce film. C'est bien simple, alors que je ne suis pas très fan de l'actrice, force m'est de reconnaître qu'elle est absolument sensationnelle. Débarrassée de ses oripeaux de star griffés Dior, elle est Sandra sans aucune équivoque. Tour à tour vibrante, angoissée, pugnace, désespérée, elle incarne parfaitement l'ouvrière licenciée et fait totalement oublier la star internationale. Un prix d'interprétation féminine peut lui être remis sans l'ombre d'une contestation.
Passionnant portrait d'une femme aux prises avec un  libéralisme outrancier, "Deux jours et une nuit "  est également celui d'une ouvrière qui voit disparaître toute une classe sociale, victime d'un système qui a tous les moyens pour casser la solidarité qui devrait unir les êtres. Malgré le soleil qui brille en permanence durant ces deux jours, il n'y en a de moins en moins dans les coeurs et les têtes. Quelques uns résistent encore parce qu'ils ont pu sauvegarder un peu d'humanité dans un coin de leur tête. Sandra est de ceux là mais pour combien de temps encore ?
Ce nouvel opus des frères Dardenne est à voir absolument car plus qu'un témoignage, il est également la parfaite illustration de ce que le cinéma peut donner de meilleur en ce moment. Inspiré, remarquablement écrit et interprété, il véhicule une humanité sans ambiguïté, une profondeur d'âme sans égale et un respect absolu tant pour ses personnages que pour les spectateurs. Du grand cinéma qui vous prend aux tripes. Il serait idiot de s'en priver et de faire l'impasse.




3 commentaires:

  1. Absolument d'accord! Marion Cotillard est étonnante. Merci les frères Dardenne

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  2. Les films des frères Dardenne ont tendance à me lasser. Le cinéma social ok mais à outrance, je ne sais pas, ça ne passe pas.
    Rajoute à ça que je n'aime pas Cotillard...
    Mais suis je maso ou non, j'ai tout de même envie de découvrir celui ci car il parait qu'elle y est merveilleuse dans son rôle (alors si ça peut me faire changer d'avis sur son cas...).

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  3. Un an plus tard sur le petit écran je le découvre enfin. Bouleversant... Le genre de film qui me touche en plein cœur, qui chavire, et dont on se souvient longtemps. Il s'en dégage une profonde humanité, où la solidarité prend le pas sur l'individualisme.
    En prime, une Marion au naturel! a-m

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