mercredi 24 septembre 2014

Plein la vue de Marc Molk


Regardons d'abord la couverture de ce livre. Une naïade, nue, au bord de l'eau, fragment d'un tableau de William-Adolphe Bouguereau nous regarde,le sourire engageant. Au second plan les vagues de l'océan jaillissent et moussent comme excitées par cette beauté. Dans son dos, le nom de l'auteur semble issu de ces eaux frémissantes, baigneur sorti  précipitamment, tentant une approche timide qui lui en mettra vraiment "Plein la vue".
Ce qui retient surtout mon attention, c'est cette peau laiteuse, peu habituée au soleil (elle ne fréquente pas les centres naturistes ou alors nous sommes en début de saison!) et surtout ce bras en premier plan, colonne admirable de finesse et de précision qui donne une tenue à l'ensemble. Sa représentation quasi photographique arrive à occulter ce sein, rond, presque adolescent, dont le téton pointé est comme une invite à la caresse. Ce bras donc, qui retient la jeune fille dans une posture pas encore alanguie, si l'on en vient à le toucher tendrement, cédera sans doute et offrira à ce corps une position dont la verticalité ne pourra qu'induire de doux moments. Et ce n'est pas "Préface de Léonard de Vinci", bien que située au niveau des reins qui l'empêchera de s'allonger, la douceur de l'instant l'emportera sans doute sur l'intelligence du propos, la chair plus forte  que l'esprit. Le "W" des "Editions Wildproject" servira sans doute de coussin à la belle et tels les amants de "Tant qu'il y aura des hommes", nous nous roulerons sur la grève, pour un baiser passionné et plus car affinités. Les longs cheveux aux reflets d'automne, achèveront de rendre ce moment encore plus doux....
Mais qu'arrive-t-il à votre blogueur, lui d'habitude si sage et si réservé ?  Rien ! Enfin, si , juste un moment de félicité littéraire et de bonheur; Il vient d'avoir un coup de coeur pour ce livre singulier et cela le rend léger et joyeux.
Marc Molk, peintre et écrivain, nous propose de visiter son musée personnel, composé de tableaux qui l'ont tous retourné d'une manière ou d'une autre. Ce qui pourrait être une visite banale, laborieuse ou lourdement pédagogique  est ici un pur moment de plaisir. De toiles en toiles, il nous fait partager ses émotions; Pour lui, aucune limite pour apprécier. Des bases solides évidemment, mais jamais de façon didactique. Que de la légèreté, de l'innocence parfois, de la liberté toujours. Il connait bien tous les codes, les références classiques ou techniques, mais se permet d'en ajouter d'autres, plus personnelles. Ainsi le Galak ( le meilleur chocolat blanc du monde ), You Porn, Philippe Muray ou l'Alien de Ridley Scott peuvent être invités à l'interprétation d'une oeuvre récente ou du 18ème. Du coup cela remet ces toiles dans la vie d'aujourd'hui et c'est aussi une invitation, à nous visiteurs de musée ou d'expos, un peu timorés ou coincés par le verbiage des cartels, à nous lâcher devant les oeuvres, à y projeter nos vécus sans honte et sans gêne. Et qu'importe peut être l'interprétation, si l'oeil est accroché, c'est qu'il y a écho en nous. Le plaisir viendra de notre capacité à extraire ce ressenti.
C'est ce que fait Marc Molk tout le long de cet essai, il se livre à ce lâcher prise sur 30 tableaux des plus divers. C'est drôle, intelligent, percutant, étonnant, remarquablement écrit (avec quelques mots à la précision frisant le pédantisme) et totalement stimulant pour le lecteur. C'est également, en creux, le portrait d'un homme que l'on imagine érudit, très bon vivant et surtout débordant de sympathie. Je parle de sympathie au sens étymologique du mot ( ensemble/passion), celle du partage d'une passion.
C'est ce partage qui est au coeur de cet essai, qui va devenir pour moi, cet automne, le livre incontournable que je partagerai avec mes amis lorsqu'ils m'inviteront  à goûter un vin débusqué chez un petit producteur durant leurs vacances ou un plat longuement préparé. Je ne leur en mettrai pas plein la vue, je leur offrirai seulement le plaisir de la bonne compagnie d'un ouvrage aussi stimulant que malicieux, aussi chaleureux que pertinent, un merveilleux exemple que la culture c'est loin d'être chiant !
Et pour conclure quelques mots : François-Hubert Drouais, François-Hubert Drouais, François-Hubert Drouais , .... ???!!!????  C'est un peintre français du 18 ème, méconnu mais que ce livre permettra peut être de sortir de l'oubli...  Jugez par vous même ci-après....

Portrait de jeune garçon au polichinelle, 1771. Les impressions sur ce tableau ovale sont à retrouver dans "Plein la vue " édité chez Wildproject

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