mercredi 20 janvier 2016

Chorus de François Delisle



C'est certainement le film le plus plombant du mois mais c'est aussi celui qui m'a cloué le siège car "Chorus" est d'une rare efficacité.  Parler du couple dont l'enfant a été retrouvé dix ans après sa disparition, enfoui par un assassin pédophile, sans jamais être ni voyeur, ni glauque, ni éviter ce qui dérange, ni éluder l'horreur de la situation relève de la performance ou de l'exploit. François Delisle le fait de la plus belle manière avec un cinéma d'une élégance rare.
Il adopte d'abord le noir et blanc, non pas pour souligner son propos tragique, ni pour faire son poseur  et s'entendre dire que l'image est magnifique, mais pour gommer tout ce qui pourrait parasiter le récit et poser son regard sur l'essentiel : l'émotion.
Les comédiens filmés le plus souvent en plan rapproché, l'exacte distance pour capter les frémissements, les regards des deux extraordinaires comédiens (Fanny Mallette et Sébastien Ricard) sont d'une telle justesse que l'on vibre avec eux, ressentant intimement leurs émois, leur tristesse. L'expérience à laquelle nous sommes conviés demeure peu aimable dans un tel contexte. La confrontation du couple face aux ossements de leur fils ou des aveux filmés de l'assassin, moments on ne peut plus casse-gueule, agissent comme des électrochocs émotionnels grâce à une mise en scène plus qu'inspirée et précise. On est sur le fil du rasoir mais jamais on ne tombe dans le malsain car le regard du cinéaste est aussi précis qu'empathique.
Le scénario quant à lui, ne s'encombre pas de dialogues. Chaque mot résonne doublement, fait sens comme rarement, donnant une intense épaisseur au récit en suggérant de multitudes pistes notamment sur le passé des personnages principaux.
Si l'on ne prend que la thématique du deuil, le traitement global qu'en fait le réalisateur en arrière plan de son terrible récit, pointant les différences de le vivre selon les sexes, ne gommant jamais ses empreintes sur les corps et sur les sens, tout cela avec une finesse et une subtilité rare, donne au film une dimension encore plus universelle et cohérente. On pourrait trouver quelque coquetteries dans les scènes de chorale ( magnifiques motets du Moyen-Age) ou de plage au Mexique alors qu'elles sont l'illustration parfaite de la prééminence du corps comme outil de possible reconstruction.
Oui "Chorus" est mon premier coup de coeur 2016, je devrai dire claque, car le film est plus que sombre même si l'on perçoit par endroit quelques possibles lumières. Mais comment ne pas être sensible à cette histoire magnifiquement traitée avec une rare justesse de ton et de regard ? Le cinéma n'est pas que divertissement mais un miroir sur le monde. François Delisle a choisi de nous en montrer une facette des plus noires mais de la plus belle des manières. Que c'est beau le talent même s'il fait pleurer !



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