Les promenades photographiques de Vendôme jouent sur le même terrain que sa hautaine et talentueuse cousine d'Arles et ses rencontres de la photographie, mais visiblement pas avec les mêmes moyens mais avec un bel enthousiasme. Une balade dans cette ville vous fera découvrir son riche patrimoine et les nombreuses expositions toutes GRATUITES.
Pour cette douzième édition, une question est posée : Qui est photographe ? C'est à nous, visiteur plus ou moins éclairé d'en donner une réponse. Pour les organisateurs, la réponse est claire : tout le monde est photographe, surtout de nos jours... On peut le constater en regardant les nombreux clichés des différents ateliers menés dans la ville tout au long de l'année et dont l'exposition est sans doute sympathique mais pas forcément renversante.
Le festival par contre propose d'autres expos et d'autres regards sans doute plus pertinents. Ainsi Weegee, photographe new yorkais, nous donne une vision très sombre de la grande pomme dans les années 30 à 50. Putes, meurtriers, déclassés, gens de peu évoquent plus la survie qu'un capitalisme triomphant que l'univers de polar noir sans doute trop magnifié par la littérature ou le cinéma . Son regard impitoyable fera écho avec beaucoup d'autres collègues actuels dont on peut admirer le travail à Vendôme. De Jonas Wresh et son reportage dans les campagnes colombiennes d'après les FARC à Philippe Rochot dont les magnifiques et terribles photos étalées sur quarante années de voyages, nous font défiler des décennies de conflits, de haine, implacable livre d'histoire qui fait froid dans le dos, en passant par le remarquable travail autour de vieux tirages de Louis Lafond durant la grande guerre, tout nous rappelle que le monde allait mal et que ça continue de plus belle.
C'est vrai que l'époque n'est pas gaie et les artistes présents à Vendôme l'évoquent tous d'une façon ou d'une autre. Patric Marin avec l'incongruité de ses animaux sauvages perdus dans les villes nous rappelle la destruction par l'homme de leur habitat naturel. Eric Bouvet s'intéresse au sort des migrants, coincés à la frontière gréco-macédonienne dans une forêt de barbelés et gardés par des véhicules blindés de l'armée pour que surtout ils ne viennent pas envahir la riche Europe. Même Manon Rénier, prix de la ville de Vendôme, peut nous glacer le sang avec ses somptueux nus, fragiles et tellement humains dans une imposante forêt de mousse.
Alors la promenade est donc sinistre à Vendôme ? Un peu sans doute car les créateurs font état du monde et comme le monde va mal... Mais rassurez-vous, on trouve aussi de l'esthétique ( chez Matthieu Ricard et ses beautés bouddhistes), de l'humour ( joli travail clin d'oeil de Jehan de Dubajoux, élève d'une école internationale de photographies dont les clichés se démarquent nettement de ses collègues, tous portés sur un mal être narcissique), des songes questionneurs ( Yann Datessen et sa série "Le Léthé", histoire d'un couple ou tout ce que l'on a envie de mettre dans ces clichés qui se parlent l'un à l'autre), du joli ( "Le monde par tous les moyens" du Figaro Magazine qui lui n'est pas là pour faire réfléchir), du poétique à la Lewis Carroll ( intrigant travail de Madelaine Gamondés) et plein d'autres choses.
On pourra reprocher à ces promenades un manque flagrant de moyens. A part une ou deux expos, bien mises en scène ( coup de bol pour Manon Rénier ! ) , combien de tirages à même le mur ( presque collés à la Patafix...non j'exagère!) , pas encadrés, bizarrement exposés très bas ou aux cartels frisant le foutage de gueule ( Weegee). Mais qu'importe, la beauté et la pertinence de pas mal d'artistes nous font oublier ces petits inconvénients et se dégage surtout une véritable envie de partage et d'échange, symbolisée par la gratuité, comme une vraie ouverture à tous, pour prouver que la photographie est un art qui peut toucher, nourrir, émerveiller, faire réfléchir. Et pour cela, le pari est gagné !
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