Qui a eu l'idée chez Gallimard du bandeau rouge qui accompagne ce livre? "Romance", écrit en gros caractères. semble attirer l'oeil d'une lectrice romantique. Le roman de Nina Léger n'est en rien un livre qui fait du bien dans un genre littérature de bons sentiments. Il s'adresserait plus à certains fans des nuances grises, ceux qui lorgneraient vers la vraie littérature. J'ai l'impression que ce bandeau fait fonction de cache-sexe, histoire d'adoucir l'aura sulfureux du livre et, je l'espère, l'empêcher qu'il ne soit trop rapidement rangé dans un genre trop marqué.
Soyons honnêtes, à première vue, le livre possède une accroche assez sexe. Jeanne, femme au physique et à l'âge offerts à l'imaginaire du lecteur est une collectionneuse de sexes masculins, rangés dans sa mémoire qu'elle nomme palais. De chaque homme qu'elle rencontre, elle en oublie le corps, le visage pour n'en garder que l'image du pénis qu'elle a touché, observé ou plus. Placés ensuite dans une case de sa mémoire avec deux ou trois éléments du décor de la chambre d'hôtel où cette découverte a eu lieu. elle consulte sa collection au gré de ses envies.
Tout de suite, on voit quand même que nous n'avons pas affaire à une banale histoire de cul. Effectivement, l'enjeu de ce livre est vraiment ailleurs car, désolé pour les amateurs du genre, il y a, au final, peu de scènes explicites de sexe. Quand cela se produit, l'auteure emploi un style esthétiquement réussi et très personnel, nous offrant des paragraphes d'une réelle beauté littéraire. Derrière cette collectionneuse, se cache en fait un formidable descriptif de l'image que peut renvoyer une femme qui assume une sexualité un peu plus débridée que la moyenne. Jeanne aime le sexe des hommes et se débrouille pour en rencontrer le plus possible. Dans son entreprise, elle est toujours maîtresse du jeu. Ce sont eux qui la suivent dans l'hôtel qu'elle leur propose, c'est elle qui refuse tout instant biographique, tout affect avant ou après les ébats, c'est elle qui coupe court à toute nouvelle rencontre. Elle assume. Les hommes se plient. La seule fois où le rapport est inversé, où elle suit l'homme, elle est salit et presque avilit.
Le roman, va au-delà de ces rapports rapides et s'emploie aussi à décrire le malaise qu'une femme qui s'intéresse ouvertement aux hommes et au sexe déclenche dans notre société. Les passages de la braguette ou du godemiché, tous les deux dans le métro sont des petits bijoux d'écriture, aussi drôles que sociologiquement exacts. Mais je pourrai aussi m'attarder sur l'aveu de Jeanne de ses goûts à des amis estomaqués ou de ses déambulations dans un sex-shop et des mouvements qu'elle provoque chez les clients présents mais aussi sur les apostrophes que la romancière lance vers le lecteur qu'elle imagine un peu décontenancé par cette liberté.
"Mise en pièces" ne fait que 154 pages mais arrive à être tout à la fois, brillant, original, brassant plusieurs registres de styles et de lectures et surtout magnifiquement écrit. Ne vous laissez rebuter par cette idée de roman érotique, vous passeriez à côté d'une lecture très contemporaine, et surtout bien plus féministe qu'érotique.
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