jeudi 26 septembre 2019

Bacurau de Kleber Mendoça Filho et Juliano Dornelles


"Bacurau" est la grosse claque cinématographique de la rentrée qu'il ne faut pas rater. Cependant, certains éléments de ce film pourraient faire fuir certains spectateurs, éléments distillés dans une critique en général très positive. En voici 3 qu'il ne faudra pas considérer.

1) C'est encore un film d'art et d'essai, qui plus est sur la politique brésilienne...

"Politique" et "art et essai" sont deux gros mots à faire fuir le grand public qui ne rêve que de se distraire. Je pourrai passer des heures à essayer de convaincre qu'un bon film doit déranger son spectateur, le sortir un tant soit peu de sa zone de confort et lui apporter autre chose qu'un plaisir immédiat et vite oublié. Un bon film imprime durablement la rétine et/ou le cerveau, vous fait réfléchir tout en vous scotchant sur votre siège. Peu y arrivent, c'est certain, mais assurément "Bacurau" en fait partie !
Evacuons le côté politique de l'oeuvre, qui n'est pas essentiel au plaisir que l'on prend. Il vient juste si l'on réfléchit un peu au spectacle auquel on vient d'assister, comme une évidence symbolique. Dans "Bacurau", même si écrit avant l'élection de Bolsonaro, elle apparaît évidente...pour qui s'intéresse un peu au monde tel qu'il va.
Rejetons aussi d'une pichenette le terme " art et essai" ( " Encore un film intello qui va me faire mourir d'ennui..." dit le spectateur des Tuche ou de Luc Besson), " Bacurau" est un vrai film de genre façon Peckinpah voire Tarantino, une sorte de western un peu gore mais au scénario infernal et à la mise en scène ultra léchée.


 2) Interdit aux moins de 12 ans et donc ultra violent. 

C'est vrai les âmes sensibles peuvent ( hélas) éviter le film car, c'est certain, y'a du flingue, du sang et des corps projetés par des balles qui en profitent pour en faire exploser certaines parties. Mais un peu comme chez Tarantino, ces scènes possèdent assez de dérision et d'humour pour prendre un côté baroque, un poil fantaisiste mais sans jamais perdre de vue une certaine intensité dramatique  grâce à une mise en scène au millimètre qui ressemble à un  réel travail de funambule.
Si le film charrie une certaine violence, on trouve en arrière-plan, une façon de filmer et de mettre en scène les personnages totalement bluffante qui, elle, présente une vie aux apparemment douce, libre, très libre, trop libre pour une frange conservatrice des spectateurs qui y verra évidemment une autre sorte de violence.

3) "Mais c'est quoi cette représentation de l'humanité !?" hurlent les âmes soi-disant bien pensantes ( ceux qui manifestent contre tous les progrès sociétaux comme la PMA ou le mariage pour tous). 

L'histoire, délestée de sa dose d'adrénaline et de complot, se déroulant dans une sorte de trou du cul du Brésil, nous présente une population exceptionnellement ouverte et tolérante. Des gros, des minces, des vieux, des jeunes, des avec chevelures aux couleurs étranges, d'autres plus banales, des gays, des prostitué(e)s, ... se côtoient avec harmonie et bienveillance. Ce village semble être un vrai éden où l'on peut faire l'amour fenêtre ouverte sans que ça ne dérange personne, parler en chantant et s'accompagnant à la guitare, vivre nu si l'on en a envie ( il fait 37 degrés !), respecter les humeurs d'une alcoolo ou le passé d'un tueur. Mais ce qui impressionne aussi, c'est le scénario et la caméra qui ne genrent quasiment pas les personnages, chacun, homme ou femme, sera aussi violent que gentil et traité de la même façon. C'est troublant parce que rare, mais bienheureux. Et quand on montre à l'écran, la liberté sexuelle, qu'on élimine le genre ( et la religion puisqu'ici l'église sert uniquement d'entrepôt) cela froisse bien sûr les culs bénis

Vous l'aurez compris, "Bacurau" sous ses airs de série B assumée, reste un grand film moderne, emballant et diablement efficace! Un vrai bijou à voir absolument !





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