mercredi 27 novembre 2019

Gloria Mundi de Robert Guédiguian


Le film a beau démarrer sur de belles images de la naissance d'un bébé ( la Gloria du titre), la suite prouvera que l'endroit et l'époque où l'on naît, s'il ne présage heureusement pas de l'avenir, risque d'être sérieusement déterminant. 
Le milieu chez Guédiguian, c'est toujours ce monde ouvrier, qui, depuis plus d'un quart de siècle qu'il l'ausculte, se trouve réellement changé à l'heure du macronisme. Les anciens, toujours actifs, renoncent peu à peu au combat ( à l'image du personnage de plus en plus désespéré de Sylvia, joué par Ariane Ascaride), les jeunes, eux, ont intégré le libéralisme le plus dur, soit en exploitant sans vergogne plus pauvre qu'eux, soit en sachant pertinent que le système ne les admet que dans une  marge bien entendu taillable et corvéable à merci (travaille pour des clopinettes, de façon précaire ou ubérisée et tais-toi !). Le constant est plus qu'amer, cinglant. Dès lors, le film se joue sur le mode de la tragédie et prend le spectateur aux tripes. 
Ce qui est fort dans le cinéma de Robert Guédiguian, encore une fois situé à Marseille mais dans des quartiers en proie à la modernisation ( de l'Estaque, lieu emblématique de beaucoup de ses films, on ne verra que le bandeau de direction d'un bus), c'est sans doute cette façon de distiller de l'émotion avec trois fois rien, des dialogues de tous les jours, des situations simplissimes mais tellement parlantes. Et si l'ancienne génération, digne, sobre, génère des larmes empreintes de nostalgie, l'actuelle sombre dans une violence aussi physique que structurelle, se cognant pour certains à un monde pour longtemps sans pitié. Le constat à l'écran fait aussi froid dans le dos que celui dressé il y a quelques semaines par Ken Loach ( "Sorry, we missed you"). Mais contrairement au réalisateur anglais, Robert Guédiguian choisit une narration plus romanesque, dont la musique ( notamment la magnifique " Pavane pour une infante défunte"  de Maurice Ravel) souligne et transporte cette histoire vers une tragédie qui ne permet plus que de porter l'espoir sur Gloria, le bébé du début, espoir qui apparaît bien fragile...
"Gloria Mundi " ( qui signifie : ainsi passe la gloire du monde...), film au réalisme militant nécessaire, porté par des acteurs exemplaires ( mention à Anaïs Demoustier, impressionnante et à Grégoire Leprince-Ringuet que l'on n'avait pas vu aussi convaincant depuis longtemps) ne pourra que vous secouer un peu plus ...et c'est tant mieux !
PS : Deux remarques toutefois, deux broutilles, qui dénotent un tout petit peu dans ce film pourtant sans reproche ( tant par le fond que par sa production coopérative si singulière dans le monde du cinéma). Elles concernent le personnage joué par Ariane Ascaride. On la voit avec un beau pantalon en laine, avec un pli parfait... Pourquoi pas ? On peut être technicienne de surface dans un hôpital et soigner sa mise. Seulement, on la voit passer sa nuit à travailler avec ce même pantalon et revenir au petit matin épuisée... mais avec son pantalon impeccable, pli parfait ... un détail me direz-vous... Mais accentué un peu plus tard par deux lignes de dialogues, ou la même Sylvia, se plaint de ne plus avoir du temps pour elle et de ne pouvoir aller chez la coiffeuse se faire faire les racines... alors qu'à l'écran Ariane Ascaride arbore une coupe parfaite,aussi impeccable que sa couleur... Là soudain, on sent que, quand même, nous sommes au cinéma... 

 

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