mercredi 2 mai 2012

La belle année de Cypora Petitjean-Cerf


C'est avec un peu de réticence que j'ai ouvert ce roman. Encore un enfant qui raconte la vie. Encore un auteur qui se croit malin en donnant des mots plein de candeur ou d'ironie à une petite fille de onze ans.
Sortant du "Au pays des kangourous" dont je vous ai parlé ICI, j'étais un sceptique quant à l'intérêt de cette chronique de banlieue sordide. En fin de compte, j'ai tourné les pages et je suis arrivé à la fin de cette "belle année" plutôt satisfait de ma lecture.
Tracey Charles nous parle de son année de sixième dans un collège assez pourri d'une ville à mauvaise réputation : Saint Denis. Malgré sa basilique et son lycée de jeunes filles de la Légion d'Honneur, c'est, selon les chiffres, la ville la plus violente de France. Pourtant de la violence physique il y en a peu dans cette "belle année". La jeune collégienne vit avec sa mère qui la déteste et le nouveau compagnon japonais de celle-ci qu'elle trouve aussi moche qu'insupportable. Son père, phobique social, n'habite pas loin et partage sa vie entre une mère possessive et une maîtresse africaine. Tracey est amie avec Cosimo, garçon sensible, se revendique homosexuelle et pratique une religion qu'elle a inventé : l'adoration du 8.
Au milieu de personnages hauts en couleurs, Tracey va vivre une année un peu particulière qui la verra passer de l'enfance à la pré-adolescence, de garçon manqué en jeune fille s'ouvrant au monde, comme une chenille se transformant en papillon. Son quotidien au collège, ses rapports avec sa famille, ses interrogations sur la religion, son imagination, ses préjugés sont racontés au fil des saisons que l'on arrive à percevoir entre deux barres d'HLM.
Tout cela est raconté par la bouche de Tracey, bonne élève fûtée mais un peu caractérielle. Le talent de Cypora Petitjean-Cerf est de restituer le langage de son héroïne sans maniérisme, sans la rendre plus intelligente qu'elle ne l'est ni sans remarques hautement impertinentes et ironiques sur les adultes qui l'entourent, lot commun de ces chroniques aux saveurs enfantines. Là, où d'autres auteurs se laissent aller à une débauche de faux mots d'enfants, l'auteur trouve la bonne tonalité pour rendre Tracey vraie et juste. Le monde de la banlieue est décrit sans les clichés habituels. Tout est là pourtant, l'ennui des jeunes, les classes difficilement gérables par des profs dépassés, la misère qui affleure, la débrouille, le manque d'amour. 
Même s'il m'est arrivé de penser que tout cela était peut être un rien trop rose et malgré sa forme rebattue, attaché au personnage principal, j'ai tourné les pages et je me suis laissé embarquer dans cette année banlieusarde. 
Ce roman observe avec délicatesse une fillette face à ce délicat passage de la fin de l'enfance, donnant à ses lecteurs une lecture tout en sensibilité et intelligence. A lire sans crainte.



1 commentaire:

  1. Je dois dire que j'ai entre ce roman-ci et "Un garçon sans séduction", et, au vu de cet article, j'aurais mieux fait de le choisir !

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