vendredi 22 janvier 2016

En attendant Bojangles d'Olivier Bourdeaut


Ce premier roman a émergé tout du suite du lot des parutions de cette rentrée littéraire de janvier. Un consensus critique, couronné par un passage à "la grande librairie" (forcément dithyrambique, mais y croit-on encore ? ) l'a hissé dans les incontournables "à lire absolument". J'ai l'impression que depuis quelques années, au creux de l'hiver ou au sortir du printemps, à une période de moindre euphorie littéraire, se créé une sorte de bouche à oreille autour d'un livre, en général doux et qui fait du bien. L'an dernier les regards se sont portés vers "Le liseur du 6h27" comme Grégoire Delacourt quelques années plus tôt. Cette année, il semble bien  parti qu' "En attendant Bojangles" ait décroché le pompon du roman qui plaira à tout le monde en lui réchauffant l'âme et le coeur.
La couverture très dansante mais aussi pas mal Roy Lichtenstein, assez réussie, donne une impression de modernité et de sensualité mélangées. Le titre un peu énigmatique, à prononcer à l'américaine, évoque une chanson de Nina Simone sur laquelle les deux personnages principaux dansent beaucoup et écoutent ad libitum. Il s'appelle Georges, elle s'appelle Renée ou Joséphine ou Clara ou Jennifer, c'est selon l'humeur du jour. Ils s'aiment c'est certain, d'un amour plus fou que fou. Leur vie n'est qu'une suite de plaisirs, de désirs jamais refoulés, sans aucune contrainte ni contrariété. On n'ouvre jamais le courrier, l'argent n'est pas un problème ( quoique), les fêtes sont légion, la vie se réinvente chaque jour. Mlle Superfétatoire n'est pas leur bonne, mais leur animal de compagnie, une demoiselle de Numidie ( en fait une espèce de grue). Ils ont même un enfant. C'est lui qui raconte l'histoire, témoin émerveillé de la folie douce de ses parents, toutefois entrecoupé d'extraits d'un carnet de souvenirs du père. Nous nageons donc dans une fantaisie débridée, mais rôde dans cet univers très décalé, l'ombre palpable d'un drame à venir.
Roman d'une  passion vraiment folle, la première partie emporte sans peine l'intérêt tellement on est impressionné par la formidable inventivité de l'auteur et la saveur des réparties et des situations créées par des personnages totalement frappadingues. L'univers reste doux et charmeur, fantaisiste en diable, attachant mais avec une touche de gris qui passe de temps en temps au travers des mots, créant une subtile accroche mélodramatique. J'ai lu un peu partout que l'on avait pensé à Boris Vian. Pour ma part, je pense que c'est un peu exagéré ou alors en version très soft. Puis, lorsque le brouillard tombe sur cette vie folle, le roman peine à garder le rythme du début, patine un peu, tourne en rond pour s'achever crânement dans un demi-sourire teinté de larmes, prévisible mais pas tout à fait convaincant pour ma part, sans doute à cause d'un certain délayage géographico/touristique un peu inutile.
Moins emballé que le choeur des critiques, "En attendant Bojangles" possède toutefois les qualités d'un livre agréable et plaisant, bien écrit et sensible. Récit sur la folie douce d'un couple qui s'aime dans la déraison, son univers totalement ahurissant le sort toutefois du lot de ces romans sur la vraie vie mais avec de beaux et vrais sentiments, que la critique et les libraires mettent souvent en avant car pouvant être fourgué à un grand nombre de lecteurs. Ce premier roman n'est pas un coup de maître mais une entrée sympathique dans le monde des romanciers dont je reste curieux de lire la suite.


Et bien sûr, la chanson "Mr Bojangles " de Nina Simone, chanson qui tourne en boucle dans le livre et qui représente bien son atmosphère.



4 commentaires: